Il manque aux utilisateurs, juristes, un traité des actes juridiques qui commencerait par les lettres et déclarations. J'avais pu m'en rendre compte en proposant et finalement en créant un parcours "Master Rédaction des actes juridiques et des contrats" à l'Université de Reims. Il manque un grand ouvrage qui, dépassant et de loin le "droit des obligations" dans lequel s'enferment tant de brillants esprits, viendrait taquiner la lettre recommandée, les contrats industriels, les contrats multilatéraux, les barèmes ou tarifs etc.
Les règles sur le régime juridique des actes existent mais ne sont pas à la disposition du juriste pressé et ne sont pas accessibles, sauf à être à un très haut niveau de qualification, je veux dire être un esthète de la chose juridique…
L'arrêt ci-dessous repris le démontre. Il est classé inédit parce qu'il n'apporte rien en droit qui mérite de la publier : il applique les règles qui existent ! Mais qu'il fallait identifier, mesurer et justement appliquer… eh oui le Droit prend du temps et, aujourd'hui, il est moderne de ne plus jamais avoir le temps pour rien ni pour personne ! Alors, nous, prenons le temps de regarder cette affaire. Un Ordre d'avocats, celui du Barreau de Montpellier, cité d'une fameuse Ecole de Médecine mais aussi d'une belle Ecole du Droit, où les gens sont bien formés, illustre le fait. Dans le feu de l'action, pourtant juridique, les professionnels en perdent leur droit.
L'Ordre perd à hauteur de cassation (la cour d'appel ayant donné raison à l'Ordre local…) pour une question de lettres recommandées qui ne prouvaient rien ou mal. Disons au passage que le système de la lettre recommandée mériterait probablement quelques améliorations pratiques du côté de la Poste, voire aussi juridiques du côté du législateur.
L'avocat, un rebelle, était poursuivi pour avoir laissé sans réponse des lettres du bâtonnier et refusé de se soumettre à un contrôle de sa comptabilité ; c'est une obligation réglementaire visant à ce que les avocats ne soient pas laissés dans la possibilité de ne tenir aucune comptabilité. Cela serait la porte ouverte à des dérives et on se retrouverait, mécaniquement, avec des avocats en correctionnelle pour quelques délits fiscaux.
Cette utilité peut être détournée dans certains barreaux (je ne dis pas que c'est le cas ici !) pour enquiquiner le confrère remuant, atypique, anticonformiste… Et certains résistent. On ne sait rien ici du contexte. Mais généralement, le Ordres s'occupent des avocats qui, sans cesse, jouent avec les lignes de l'interdit ce qui transparaît, car finalement tout se sait, sans équivoque. Les mauvais retours des clients, des confrères, des contacts, les multiples réclamations... permettent en pratique au Ordres de "calmer" les avocats qui exagèrent et ne sont plus dans l'esprit de la déontologie. Outre ces quelques explications générales, revenons à notre affaire.
L'Odre, dans un premier temps, avait écrit à l'avocat. Cet avocat a dénié, autant devant son Ordre que devant la Cour, la signature figurant sur l'accusé de réception (l'avis de réception en vérité !) de la lettre recommandée le convoquant devant la juridiction disciplinaire (on voulait probablement le suspendre) du premier degré et sollicité une vérification d'écriture. Nous avons déjà parlé ici de la tâche du juge de vérifier la signature en proposant un acte dont, manifestement, les professionnels du droit n'ont pas mesuré l'importance : L'ACTE CERTIFIE. Proposition de réforme du Code civil en vue de la reconnaissance d'un « acte certifié » par un professionnel du Droit (la proposition ne vient pas d'une instance professionnelle…).
L'instance disciplinaire avait dû statuer et, en appel, la cour n'avait pas été arrêté par le dénie de justice. Bref, l'avocat a été pris à la légère, sa défense avec ; pourtant, le "bon ton", le sens des plus forts n'est pas, dans le système juridique, la meilleure arme car il existe une Cour non régionale qui juge en pur droit…
La Cour de cassation relève que : "pour juger qu'il convenait de retenir que la signature contestée était celle de l'avocat poursuivi ou d'une personne habilitée à recevoir la convocation, après avoir constaté que les accusés de réception des diverses lettres recommandées versées aux débats comportaient cinq signatures différentes, l'arrêt attaqué relève que l'intéressé n'avait produit aucune pièce supplémentaire de comparaison".
En bref, la cour d'appel constate des seules pièces de la procédure des anomalies et elle dit à l'avocat poursuivi, en substance, vous n'avez rien produit qui me convainque de ce que vous n'avez pas signé les lettres.
Elle laisse alors à la Cour de cassation la possibilité de jouer sur du velours : "en se déterminant ainsi, alors qu'il appartient au juge de procéder à la vérification de l'écriture ou de la signature désavouée au vu des éléments dont il dispose et après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents de comparaison, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés".
La cour d'appel a trois fois tort : - elle n'a pas vérifié les signature ; - elle ne s'est manifestement pas servie des documents à sa disposition ; - elle a omis d'enjoindre au défendeur poursuivi tout document utile (par exemple un pièce d'identité signée de sa main).
Sur ce dernier point, la décision rappelle que le juge, sans être celui d'une procédure inquisitoire, n'est pas une potiche. Je me permets de renvoyer à mon commentaire approfondi d'un épisode jurisprudentiel fâcheux pour les avocats, dans la guerre du droit, face à des comptables où, déjà, un Ordre et une association professionnelles n'avaient pas utilement solliciter le juge de la problématique de l'administration de la preuve : De l’art juridique dans « La Guerre du Droit". "Après les arrêts de la Cour de cassation du 1er mars 2005".
Les nombreuses irrégularités sur ces signatures laissent anticiper (mais c'est de la spéculation) que la poursuite disciplinaire ne puisse aboutir : celui qui est mal convoqué n'a pas à être jugé. En tout cas, qu'une Cour et un Ordre ne respectent pas les règles de procédure ne laisse pas sans interrogations, ici amusées car l'affaire n'est pas très grave, encore que, une suspension du Barreau… En tout cas, tôt ou tard, il sera intéressant de savoir ce que disent les préposés de La Poste et La Poste elle-même qui, avec de telles affaires et cas, ne peut que voir sa responsabilité engagée.
Arrêt tiré de la Base publique et officielle LEGIFRANCE.
Cour de Cassation ; Chambre civile 1, 14 juin 2007
N° de pourvoi : 05-12974
Inédit
Président : M. ANCEL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1324 du code civil et les articles 287 et 288 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que poursuivi pour avoir laissé sans réponse des lettres du bâtonnier et refusé de se soumettre à un contrôle de sa comptabilité, M. X..., avocat, a dénié la signature figurant sur l'accusé de réception de la lettre recommandée le convoquant devant la juridiction disciplinaire du premier degré et sollicité une vérification d'écriture ;
Attendu que pour juger qu'il convenait de retenir que la signature contestée était celle de l'avocat poursuivi ou d'une personne habilitée à recevoir la convocation, après avoir constaté que les accusés de réception des diverses lettres recommandées versées aux débats comportaient cinq signatures différentes, l'arrêt attaqué relève que l'intéressé n'avait produit aucune pièce supplémentaire de comparaison ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il appartient au juge de procéder à la vérification de l'écriture ou de la signature désavouée au vu des éléments dont il dispose et après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents de comparaison, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille sept.
Les règles sur le régime juridique des actes existent mais ne sont pas à la disposition du juriste pressé et ne sont pas accessibles, sauf à être à un très haut niveau de qualification, je veux dire être un esthète de la chose juridique…
L'arrêt ci-dessous repris le démontre. Il est classé inédit parce qu'il n'apporte rien en droit qui mérite de la publier : il applique les règles qui existent ! Mais qu'il fallait identifier, mesurer et justement appliquer… eh oui le Droit prend du temps et, aujourd'hui, il est moderne de ne plus jamais avoir le temps pour rien ni pour personne ! Alors, nous, prenons le temps de regarder cette affaire. Un Ordre d'avocats, celui du Barreau de Montpellier, cité d'une fameuse Ecole de Médecine mais aussi d'une belle Ecole du Droit, où les gens sont bien formés, illustre le fait. Dans le feu de l'action, pourtant juridique, les professionnels en perdent leur droit.
L'Ordre perd à hauteur de cassation (la cour d'appel ayant donné raison à l'Ordre local…) pour une question de lettres recommandées qui ne prouvaient rien ou mal. Disons au passage que le système de la lettre recommandée mériterait probablement quelques améliorations pratiques du côté de la Poste, voire aussi juridiques du côté du législateur.
L'avocat, un rebelle, était poursuivi pour avoir laissé sans réponse des lettres du bâtonnier et refusé de se soumettre à un contrôle de sa comptabilité ; c'est une obligation réglementaire visant à ce que les avocats ne soient pas laissés dans la possibilité de ne tenir aucune comptabilité. Cela serait la porte ouverte à des dérives et on se retrouverait, mécaniquement, avec des avocats en correctionnelle pour quelques délits fiscaux.
Cette utilité peut être détournée dans certains barreaux (je ne dis pas que c'est le cas ici !) pour enquiquiner le confrère remuant, atypique, anticonformiste… Et certains résistent. On ne sait rien ici du contexte. Mais généralement, le Ordres s'occupent des avocats qui, sans cesse, jouent avec les lignes de l'interdit ce qui transparaît, car finalement tout se sait, sans équivoque. Les mauvais retours des clients, des confrères, des contacts, les multiples réclamations... permettent en pratique au Ordres de "calmer" les avocats qui exagèrent et ne sont plus dans l'esprit de la déontologie. Outre ces quelques explications générales, revenons à notre affaire.
L'Odre, dans un premier temps, avait écrit à l'avocat. Cet avocat a dénié, autant devant son Ordre que devant la Cour, la signature figurant sur l'accusé de réception (l'avis de réception en vérité !) de la lettre recommandée le convoquant devant la juridiction disciplinaire (on voulait probablement le suspendre) du premier degré et sollicité une vérification d'écriture. Nous avons déjà parlé ici de la tâche du juge de vérifier la signature en proposant un acte dont, manifestement, les professionnels du droit n'ont pas mesuré l'importance : L'ACTE CERTIFIE. Proposition de réforme du Code civil en vue de la reconnaissance d'un « acte certifié » par un professionnel du Droit (la proposition ne vient pas d'une instance professionnelle…).
L'instance disciplinaire avait dû statuer et, en appel, la cour n'avait pas été arrêté par le dénie de justice. Bref, l'avocat a été pris à la légère, sa défense avec ; pourtant, le "bon ton", le sens des plus forts n'est pas, dans le système juridique, la meilleure arme car il existe une Cour non régionale qui juge en pur droit…
La Cour de cassation relève que : "pour juger qu'il convenait de retenir que la signature contestée était celle de l'avocat poursuivi ou d'une personne habilitée à recevoir la convocation, après avoir constaté que les accusés de réception des diverses lettres recommandées versées aux débats comportaient cinq signatures différentes, l'arrêt attaqué relève que l'intéressé n'avait produit aucune pièce supplémentaire de comparaison".
En bref, la cour d'appel constate des seules pièces de la procédure des anomalies et elle dit à l'avocat poursuivi, en substance, vous n'avez rien produit qui me convainque de ce que vous n'avez pas signé les lettres.
Elle laisse alors à la Cour de cassation la possibilité de jouer sur du velours : "en se déterminant ainsi, alors qu'il appartient au juge de procéder à la vérification de l'écriture ou de la signature désavouée au vu des éléments dont il dispose et après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents de comparaison, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés".
La cour d'appel a trois fois tort : - elle n'a pas vérifié les signature ; - elle ne s'est manifestement pas servie des documents à sa disposition ; - elle a omis d'enjoindre au défendeur poursuivi tout document utile (par exemple un pièce d'identité signée de sa main).
Sur ce dernier point, la décision rappelle que le juge, sans être celui d'une procédure inquisitoire, n'est pas une potiche. Je me permets de renvoyer à mon commentaire approfondi d'un épisode jurisprudentiel fâcheux pour les avocats, dans la guerre du droit, face à des comptables où, déjà, un Ordre et une association professionnelles n'avaient pas utilement solliciter le juge de la problématique de l'administration de la preuve : De l’art juridique dans « La Guerre du Droit". "Après les arrêts de la Cour de cassation du 1er mars 2005".
Les nombreuses irrégularités sur ces signatures laissent anticiper (mais c'est de la spéculation) que la poursuite disciplinaire ne puisse aboutir : celui qui est mal convoqué n'a pas à être jugé. En tout cas, qu'une Cour et un Ordre ne respectent pas les règles de procédure ne laisse pas sans interrogations, ici amusées car l'affaire n'est pas très grave, encore que, une suspension du Barreau… En tout cas, tôt ou tard, il sera intéressant de savoir ce que disent les préposés de La Poste et La Poste elle-même qui, avec de telles affaires et cas, ne peut que voir sa responsabilité engagée.
Arrêt tiré de la Base publique et officielle LEGIFRANCE.
Cour de Cassation ; Chambre civile 1, 14 juin 2007
N° de pourvoi : 05-12974
Inédit
Président : M. ANCEL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1324 du code civil et les articles 287 et 288 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que poursuivi pour avoir laissé sans réponse des lettres du bâtonnier et refusé de se soumettre à un contrôle de sa comptabilité, M. X..., avocat, a dénié la signature figurant sur l'accusé de réception de la lettre recommandée le convoquant devant la juridiction disciplinaire du premier degré et sollicité une vérification d'écriture ;
Attendu que pour juger qu'il convenait de retenir que la signature contestée était celle de l'avocat poursuivi ou d'une personne habilitée à recevoir la convocation, après avoir constaté que les accusés de réception des diverses lettres recommandées versées aux débats comportaient cinq signatures différentes, l'arrêt attaqué relève que l'intéressé n'avait produit aucune pièce supplémentaire de comparaison ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il appartient au juge de procéder à la vérification de l'écriture ou de la signature désavouée au vu des éléments dont il dispose et après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents de comparaison, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille sept.