Le renouveau des modes de paiement. Matinée de colloque. 18 octobre 2024.

Merci au CMH et à l'Ecole de droit pour leur participation à l'organisation de cette matinée, merci aux collègues de leur participation.

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Le sujet du colloque est très large.

L'expression mode de paiement n'est peut-être pas aussi fréquente que ce que l'on croit. Elle est donc peut-être à rénover. Pour être plus largement utilisée.

En tout cas, en droit positif, elle ne se confond pas avec la notion de moyens de paiement. Cette dernière évoque les instruments de paiement. Il suffit de lire un alinéa du Code monétaire et financier pour en être certain :

« Sont considérés comme moyens de paiement tous les instruments qui permettent à toute personne de transférer des fonds, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé. » (art. L. 311-3, al. 1er, CMF).

Les fonds, la monnaie, est transportée par un moyen de paiement, par un instrument.

Donc l'euro ne peut pas être un moyen de paiement comme le prétend la proposition de règlement. Certes le droit français n'est pas le seul en cause et qui compte dans l'Union européenne, mais le juriste de droit français peut encore invoquer son droit. Surtout, il le peut si un emploi d'expression montre et démontre une confusion majeure.



Sur mon sujet et mon intervention, sur la proposition de règlement UE 369, visant à établi l'euro numérique, voilà quelques lignes théoriques, alors que l'exposé sera une analyse positive et plus simple de cette proposition.

L’euro numérique : un nouvel instrument monétaire ?

La réponse à la question, qui est mon sujet, sera bien sûr oui. Selon nous il y a un nouvel instrument monétaire. Le règlement ignore cette notion, un règlement ignorant, qui pour cela enfonce des portes doctrinales, scientifiques, grandement ouvertes. Mais la réforme de l’euro en cause, la proposition de règlement sur l’Union européenne, ici véritable re-formation de l’instrument monétaire, est telle qu’elle peut avoir des implications majeures. Le fait survient à l’occasion d’un règlement long et bavard, quand les lois courtes vont si bien à la monnaie … depuis des siècles (même l’institution de l’euro obéit à cette règle légistique de la brièveté : deux courts règlements, l’un de 1997, l’autre de 1998). En effet, diverses conceptions de notions monétaires transparaissent qui viennent directement de l’analyse de la science économique (pour moi superficielle) ; ces conceptions, que je pourrais dire flexibles, voire creuses, à force de percer et de s’installer, pourraient détruire le concept de monnaie peaufiné depuis des siècles : deux ou trente siècles selon ce dont on parle.

Le concept est fort, net et dur : il fait parler de « la monnaie ». De « notre monnaie ». De « la monnaie du pays ». De « la monnaie locale ». De « la monnaie du lieu de paiement ». Un peu de culture juridique (oui cela existe) peut aider à noter l’essentiel – l’essence. Le singulier. Le clair. L’unité. L’unicité même. Le tout postule l’incomparable ; la monnaie est incomparable à quoi que ce soit d’autre, même pour celui qui estime devoir consacrer une partie de livre entière aux instruments (vous savez ce qui circule…) ; la monnaie est incomparable en droit bancaire et financier, en droit fiscal, en droit civil (un bien unique), incomparable en droit tout court, à quoique ce soit d’autre. Et l’on ne parle donc pas, pour toute monnaie légale, des monnaies ; mais bien de « la monnaie ». Du reste faut-il dire « numérique » pour l’euro numérique ? Dit-on l’euro métal, l’euro papier, l’euro scriptural, l’euro puce… ? N’est-il pas « euro » tout court ?!

Quand l’euro est trituré, quand la monnaie est triturée, alors se dissipe la distinction cardinale entre l’instrument monétaire qui est seul « la monnaie », quelle que soit sa forme, et les instruments qui la transportent, les instruments de paiement (IP) aussi dits, dans la loi (en droit !), « moyens de paiement », ce que la monnaie ne devrait pas être. Pourtant le règlement voit dans l’euro numérique un moyen de paiement. Nous voilà en route pour la grande confusion, une sorte de wokisme juridique institutionnel involontairement orchestré par le Système européen de banques centrales (SEBC dont la BCE) ou l’eurosystème. Dans la faiblesse de la plume, qui ne cerne plus le concept dur, naît la condition de l’effondrement intellectuel, institutionnel, et ici monétaire. Ouvrons la porte oubliée du mode de paiement, oui la monnaie est cela, un mode de paiement, qualification de seconde zone qui, néanmoins, peut faire accepter le rapprochement de la monnaie avec les IP (et sans utiliser la notion de moyens de paiement). Ce constat, grave, se fait en notant au passage quelques éclaircissements ou consignations d’une connaissance acquise dans un alinéa du règlement. A force de bavarder le rédacteur du règlement finit par poser des éléments de tréfonds attendus. Pas de quoi sortir la balance coûts-avantages, on sait à terme le côté que l’aiguille indiquera.


L'euro numérique présenté comme un "moyen de paiement" dans le futur dispositif du règlement européen.

Hervé CAUSSE
11/10/2024

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OSI ! « Opérateur de services en investissement », nouvelle mais pâle figure (Cass. com., 8 nov. 2023, 21-24.706, inédit)

Le PSI est très connu, il est la figure usuelle du professionnel réglementé, et lourdement, par le droit européen : il est le prestataire. Figure européenne. Figure supranationale. Figure nationale qui se superpose à celle du professionnel et à celle du commerçant. Quelle complexité !

Il y a plus d'une dizaines de prestataires dans le Code monétaire et financier qui, en un quart de siècle, a mué trois fois. Mue qui a chaque fois vu apparaître un nouveau prestataire. Le local, exécutif, législatif ou judiciaire national doit suivre la directive qui impose ce concept de prestataire et les concepts attenants et règles attenantes relatives au prestataire et, aussi, à ses services...

Comprenez. N'est pas prestataire de services d'investissement (PSI) qui veut, il lui faut un agrément désormais presque aussi célèbre que l'agrément bancaire (sur la responsabilité civile du PSI en cas de pertes de l'investisseur, voyez pour un panorama : N. Mathey,H. Causse et J.-F. Riffard, i[TD de droit bancaire, LexisNexis, 2022], ici-contre).

Dans la décision citée (Cass. com., 8 nov. 2023, 21-24.706, inédit), la Haute Juridiction appelle opérateur de services en investissement, le prestataire de services d'investissement qui n'a pas pu être désigné ainsi ― PSI ― car il n'est pas, au sens strict, au sens légal, PSI. Il n'a pas d'agrément en qualité de PSI. Il est néanmoins autorisé à opérer à raison, en général, de son propre statut. Alors il est dit « opérateur de services en investissement » (OSI). Notons ce "en" investissement, ce qui n'est pas "d'investissement" ; la Cour a peut-être voulu marquer la différence avec le PSI.

La Cour a déjà employé l'expression ("Mais attendu que le préjudice né du manquement d'un opérateur en services d'investissement à l'obligation d'information dont il est débiteur..."), mais la 2e chambre parlait de cet opérateur (Hedios) et avec la chambre commerciale (Cass. 2e civ., 24 septembre 2020, 18-12.593 18-13.726, Publié, publication pas pour ce point de droit).

L'un dans l'autre, l'expression est donc nouvelle.

L'absence d'explication sur cette expression donnera l'occasion à la Cour de faire un billet (au Rapport, dans une Lettre ou dans un Colloque...) pour commenter sa décision. Le plus simple serait un exercice judiciaire clair et mieux motivé ; le paragraphe de motivation mériterait d'expliquer cette appellation (ou citer la norme qui l'utilise).

Sans mention spéciale et explication du juge, l'OSI a toute chance sans d'être confondu par divers professionnels du droit avec un PSI.

Bon, il faudrait faire un point plus complet. Les informations usuelles à la disposition des juristes ne sont pas précises. Il est quand difficile de savoir qui fait quoi et en quelle qualité. Dès qu'on quitte le bon vieux droit bancaire et ses vieux schémas mentaux les informations ou explications sont légères...

Il y a un double intérêt : vérifier que le professionnel ne viole pas son statut ou un autre statut..., voir quelle jurisprudences précises peuvent illustrer le contentieux, les cas de responsabilité ne sont pas parfaitement homogène selon les quinze professionnels qui peuvent intervenir en matière de prestations d'investissement...




La codification, sujet d'hier et de demain (Circulaire n° 6443-SG du 29 avril 2024 relative à la codification)

La majorité étant privée d'une majorité absolue au Parlement, la codification peut être favorisée. Elle n'exige, dans un premier temps, qu'une majorité technique à l'Assemblée nationale : une majorité acceptant la remise en ordre et au verbe du jour de la loi déjà votée. La codification à droit constant est simple (enfin...). A réforme technique, majorité technique. On réécrira cent lois anciennes pour en faire un code nouveau.

C'est néanmoins sur cet argument et cette présentation que les multiples projets de codes (de codifications) ont progressé depuis un peu plus de trente ans, et c'est ainsi que le droit positif a pris un nouveau visage. Le visage d'un droit plus codifié que jamais ! En effet, en présentant les codifications comme une œuvre de technique juridique, on lui évite les polémiques politiques et les blocages politiques au Parlement.

Le code de commerce de l'an 2000 devrait déjà être recodifié (voir in fine). Le bougre n'aura pas tenu un quart de siècle. La recodification à droit constant d'un code codifié à droit constant cela s'est déjà vu : l'exemple du code de la consommation de 1993 recodifié en 2016,cliquez ici

Pour cette dernière matière de la protection du consommateur, d'origine européenne à 85 %, la recodification peut se comprendre. Le premier code de la consommation aura ainsi tenu, lui, juste un quart de siècle.

La recodification pourrait finir par mettre à mal la codification...

Faisons un rapide tour d'horizon de la question d'hier et d'aujourd'hui.

I. La codification a toujours été une question importante (une vue du Droit), et aussi un sujet agréable à enseigner, le cours peut alors prendre des dimensions de grandeurs internationales qu'il n'a pas toujours. Les codes du XIXe siècle ont fait le tour du monde ! Mais le sujet de la présente note n'est pas l'hymne que tel ou tel peut exécuter à propos de la tradition juridique, de ces codes, dont l'hymne au Code civil...

Le sujet du présent billet est la codification moderne, dite "à droit constant" ce qui délimite tout de suite la portée (large mais circonscrite) du procédé. La codification est une politique publique, politique juridique (expression peu pratiquée), qui tend à améliorer l'accès au droit, la lisibilité des lois : l'intelligibilité du droit. La doctrine de codification de la Commission comporte encore la méthode de la codification à droit constant comme un principe.

https://www.vie-publique.fr/rapport/290167-commission-superieure-de-codification-rapport-annuel-2022
ou cliquez ici [voir ci-dessous l'extrait de plan du rapport 2022 de la Commission]

La codification à droit constant s'enseigne encore après un exposé sur la dimension des premiers codes qui, naguère, ont souligné l'organisation napoléonienne de la France (Code civil, code de procédure, code pénal, code de commerce...). A l'époque, de véritables nouvelles lois avaient été votées après quelques siècles de coutumes régionales. Mais enseigner la codification à droit constant est désormais ponctué de différentes précisions très techniques.

II. La question de la codification permet notamment de présenter le jeu concret et la pratique des ordonnances adoptées par le président de la République sur proposition du Premier ministre et, naturellement, en vertu d'une loi d'habilitation (Cons. 1958, art. 38). L'utilisation des ordonnances est désormais assez variée (pour les situations d'urgence, pour les nécessités de transposition des directives européennes très techniques), mais l'utilisation pour réaliser une codification est une utilisation remarquable.

Cette loi d'habilitation autorise le gouvernement à adopter dans tel délai, qu'elle fixe, une ordonnance dont les dispositions relèvent, selon la Constitution, de la loi (art. 34). L'ordonnance est, elle, réglementaire lorsqu'elle est adopté et publiée, tout en ayant vocation à voir ses dispositions (son contenu) devenir des articles de loi (les article L), de rang légal. Quand ? Réponse : lorsque le Parlement aura ratifié ladite ordonnance.

Cet enseignement est très formateur pour les étudiants, à tel point que les nuances de la codification sont souvent méconnues jusqu'en 5e année d'études juridiques... Étudier un article de loi d'un code codifié à droit constant sans connaître cette codification : un grand classique de l'étudiant. On pourrait parfois le rencontrer chez le professionnel. Les sources ne sont plus maîtrisées...

Les sorties pédagogiques et activités para-universitaires font un grand mal aux étudiants tout en occupant beaucoup en apparence les uns et les autres.

III. Pour adopter un nouveau code les étapes sont nombreuses ; elles ne doivent pas masquer l'essentiel : le lourd, complexe et difficile de remise en forme des articles qui deviendront un article L ou un article R ou D ! Cette tâche est celle de la Commission supérieure de codification. Elle écrit les nouveaux codes. Les "invente" (ou crée), certes à partir des lois et règlements en vigueur. Ces denier textes seront abrogés par l'ordonnance qui en reprendra la substance dans un article L ou R ou D.

La codification, c'est la rédaction d'un code ! Pour que l'ordonnance puisse publier le nouveau code, il faut avoir rédigé ce fameux objet juridique : le code.

Cette rédaction est faite à droit constant sans changer le contenu de la loi, mais seulement sa forme. Ce point a pu faire hurler car la forme définit le fond ou, si vous préférez, le fond dépend de la forme. Les juristes sont d'accord avec cela. Sauf que ces mêmes juristes tiennent pour valable la distinction entre la forme et le fond dans les ouvrages censés être les plus savants..., ce qui est contradictoire.

On a proposé de réduire cette fracture en indiquant que l'on devait considérer qu'il existait implicitement un principe d'interprétation à droit constant. On s'est contenté d'un billet ici pour signaler cette proposition doctrinale. Cela signifie que le juge ou toute autre personne ou autorité doit savoir lire et comprendre et respecter la loi initiale abrogée pour comprendre l'article codifiée...

Ce point perd au fil des ans de son intérêt pour tout code : les articles codifiés seront eux-mêmes modifiés par de nouvelles lois ; le droit constant étant réformé (...), cette idée de constance n'a plus d'intérêt.


La rédaction obéit à d'autres prescriptions techniques et d'écriture.

Le point essentiel et le plus général est cependant la question du domaine des textes à codifier. Telle loi, tel décret, telle vieille ordonnance figure-t-elle bien dans la matière "bancaire et financière", par exemple, ou bien est-elle du "commerce" ? Actuellement, voir l'annexe de la circulaire ci-dessous, la question se pose pour le code des douanes : qu'est-ce que fondamentalement la douane et, donc, les textes sur les douanes... Il y a des matières qui inspirent plus ou moins...

Chaque codification à droit constant est censée être un progrès du droit puisqu'elle permet de délimiter une "matière", ce qui a un intérêt académique (un cours correspond à une matière ou partie de matière). La question a, dans le processus de codification, un grand intérêt pratique : le Parlement doit ratifier et la Commission supérieure de codification n'a pas dû dépasser sa mission ou son mandat... Cela pourrait mettre en difficulté le gouvernement quand il présentera au vote des parlementaires, pour terminer la codification, le projet de loi de ratification de l'ordonnance (laquelle comporte en annexe le code).

Sinon, cette question de matière est l'occasion, pour tous, d'une belle réflexion juridique sur l'ensemble du droit positif... sachant que, en droit français, ce ne sont pas les codes qui s'appliquent mais les dispositions légales (tel alinéa de tel article...). Les codes n'établissent pas de frontières dures...

IV. Ce travail de rédaction a une origine formelle, on l'a dit, un projet de loi visant à habiliter le gouvernement, outre le besoin de fond, social, de disposer commodément de tous les textes d'une matière dans un même livre : un code avec un plan et des dispositions (articles) numérotées.

L'initiative formelle réside dans une initiative gouvernementale. Le gouvernement dépose un projet de loi qui expose les raisons de la codification et la matière en cause. Ici, la pratique juridique rejoint la théorie académique. Le Parlement doit essayer de déterminer ce qu'est une matière... comme à la Faculté on, l'a dit. Cette question pourra "rebondir" lors de la ratification pour tel texte que les députés ou sénateurs trouveraient curieux d'avoir logé dans le nouveau code.

Le code nouveau existe avec la promulgation et la publication de l'ordonnance. Elle a été présenté par le gouvernement et elle est précédée par un rapport du Premier ministre qui explique en synthèse, en 4 ou 5 pages, le nouveau code. On peut penser que cet exercice est formel, tout est devenu formel dans la société française... (illustration au JO, voyez ci-dessous avec le code de l'énergie).

La ratification par le Parlement doit avoir pour objet des textes de nature légale qui relèvent du Parlement. Pour les textes réglementaires, décrets ou autres, le gouvernement peut les créer seul : il dispose du pouvoir réglementaire. La ratification consiste à convertir les dispositions de l'ordonnance, réglementaires, en dispositions légales. Tous les articles L auront effectivement, après ratification, une nature légale (qu'ils semblent perdre avec le processus d'abrogation-codification).

Ainsi les codifications modernes sont un moyen d'étudier la grande actualité juridique tout en révisant la valeur et la hiérarchie des normes juridiques.

V. Les prochains code sont signalés par la circulaire. Souvent ils impliquent de nombreuses questions techniques, juridiques, et, ainsi, des voies ou opportunités professionnelles : les professionnels du droit et les étudiants en droit doivent donc s'y intéresser.

Disons un mot des projets, mais la circulaire les précise. A long terme pourraient être envisagés un code de la communication audiovisuelle et numérique et un code de la copropriété (cette dernière matière juridique, vivace, en jurisprudence et en doctrine, se porte bien depuis toujours...).

Est en cours un code des impositions sur les biens et services, qui semble montrer une codification législative à étapes, en plusieurs fois.

Les projets à moyen terme mais fermes, décidés, deux ayant déjà l'habilitation législative, impliqueraient un :

- code des douanes (travaux en cours)
- code de procédure pénale (travaux en cours)
- code des postes et des communications électroniques
- code électoral
- code général des impôts
- et un code de commerce ; ce dernier semblerait devoir faire l'objet ou les frais de la simplification à la hussarde puisqu'il est envisagé de lui imposer un régime drastique.

C'est presque un autre sujet.



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Pages internet du gouvernement sur la Commission supérieure de codification, cliquez ici

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