Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

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OSI ! « Opérateur de services en investissement », nouvelle mais pâle figure (Cass. com., 8 nov. 2023, 21-24.706, inédit)

Le PSI est très connu, il est la figure usuelle du professionnel réglementé, et lourdement, par le droit européen : il est le prestataire. Figure européenne. Figure supranationale. Figure nationale qui se superpose à celle du professionnel et à celle du commerçant. Quelle complexité !

Il y a plus d'une dizaines de prestataires dans le Code monétaire et financier qui, en un quart de siècle, a mué trois fois. Mue qui a chaque fois vu apparaître un nouveau prestataire. Le local, exécutif, législatif ou judiciaire national doit suivre la directive qui impose ce concept de prestataire et les concepts attenants et règles attenantes relatives au prestataire et, aussi, à ses services...

Comprenez. N'est pas prestataire de services d'investissement (PSI) qui veut, il lui faut un agrément désormais presque aussi célèbre que l'agrément bancaire (sur la responsabilité civile du PSI en cas de pertes de l'investisseur, voyez pour un panorama : N. Mathey,H. Causse et J.-F. Riffard, i[TD de droit bancaire, LexisNexis, 2022], ici-contre).

Dans la décision citée (Cass. com., 8 nov. 2023, 21-24.706, inédit), la Haute Juridiction appelle opérateur de services en investissement, le prestataire de services d'investissement qui n'a pas pu être désigné ainsi ― PSI ― car il n'est pas, au sens strict, au sens légal, PSI. Il n'a pas d'agrément en qualité de PSI. Il est néanmoins autorisé à opérer à raison, en général, de son propre statut. Alors il est dit « opérateur de services en investissement » (OSI). Notons ce "en" investissement, ce qui n'est pas "d'investissement" ; la Cour a peut-être voulu marquer la différence avec le PSI.

La Cour a déjà employé l'expression ("Mais attendu que le préjudice né du manquement d'un opérateur en services d'investissement à l'obligation d'information dont il est débiteur..."), mais la 2e chambre parlait de cet opérateur (Hedios) et avec la chambre commerciale (Cass. 2e civ., 24 septembre 2020, 18-12.593 18-13.726, Publié, publication pas pour ce point de droit).

L'un dans l'autre, l'expression est donc nouvelle.

L'absence d'explication sur cette expression donnera l'occasion à la Cour de faire un billet (au Rapport, dans une Lettre ou dans un Colloque...) pour commenter sa décision. Le plus simple serait un exercice judiciaire clair et mieux motivé ; le paragraphe de motivation mériterait d'expliquer cette appellation (ou citer la norme qui l'utilise).

Sans mention spéciale et explication du juge, l'OSI a toute chance sans d'être confondu par divers professionnels du droit avec un PSI.

Bon, il faudrait faire un point plus complet. Les informations usuelles à la disposition des juristes ne sont pas précises. Il est quand difficile de savoir qui fait quoi et en quelle qualité. Dès qu'on quitte le bon vieux droit bancaire et ses vieux schémas mentaux les informations ou explications sont légères...

Il y a un double intérêt : vérifier que le professionnel ne viole pas son statut ou un autre statut..., voir quelle jurisprudences précises peuvent illustrer le contentieux, les cas de responsabilité ne sont pas parfaitement homogène selon les quinze professionnels qui peuvent intervenir en matière de prestations d'investissement...




Le renouveau des modes de paiement. Matinée de colloque. 18 octobre 2024.

Merci au CMH et à l'Ecole de droit pour leur participation à l'organisation de cette matinée, merci aux collègues de leur participation.

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Le sujet du colloque est très large.

L'expression mode de paiement n'est peut-être pas aussi fréquente que ce que l'on croit. Elle est donc peut-être à rénover. Pour être plus largement utilisée.

En tout cas, en droit positif, elle ne se confond pas avec la notion de moyens de paiement. Cette dernière évoque les instruments de paiement. Il suffit de lire un alinéa du Code monétaire et financier pour en être certain :

« Sont considérés comme moyens de paiement tous les instruments qui permettent à toute personne de transférer des fonds, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé. » (art. L. 311-3, al. 1er, CMF).

Les fonds, la monnaie, est transportée par un moyen de paiement, par un instrument.

Donc l'euro ne peut pas être un moyen de paiement comme le prétend la proposition de règlement. Certes le droit français n'est pas le seul en cause et qui compte dans l'Union européenne, mais le juriste de droit français peut encore invoquer son droit. Surtout, il le peut si un emploi d'expression montre et démontre une confusion majeure.



Sur mon sujet et mon intervention, sur la proposition de règlement UE 369, visant à établi l'euro numérique, voilà quelques lignes théoriques, alors que l'exposé sera une analyse positive et plus simple de cette proposition.

L’euro numérique : un nouvel instrument monétaire ?

La réponse à la question, qui est mon sujet, sera bien sûr oui. Selon nous il y a un nouvel instrument monétaire. Le règlement ignore cette notion, un règlement ignorant, qui pour cela enfonce des portes doctrinales, scientifiques, grandement ouvertes. Mais la réforme de l’euro en cause, la proposition de règlement sur l’Union européenne, ici véritable re-formation de l’instrument monétaire, est telle qu’elle peut avoir des implications majeures. Le fait survient à l’occasion d’un règlement long et bavard, quand les lois courtes vont si bien à la monnaie … depuis des siècles (même l’institution de l’euro obéit à cette règle légistique de la brièveté : deux courts règlements, l’un de 1997, l’autre de 1998). En effet, diverses conceptions de notions monétaires transparaissent qui viennent directement de l’analyse de la science économique (pour moi superficielle) ; ces conceptions, que je pourrais dire flexibles, voire creuses, à force de percer et de s’installer, pourraient détruire le concept de monnaie peaufiné depuis des siècles : deux ou trente siècles selon ce dont on parle.

Le concept est fort, net et dur : il fait parler de « la monnaie ». De « notre monnaie ». De « la monnaie du pays ». De « la monnaie locale ». De « la monnaie du lieu de paiement ». Un peu de culture juridique (oui cela existe) peut aider à noter l’essentiel – l’essence. Le singulier. Le clair. L’unité. L’unicité même. Le tout postule l’incomparable ; la monnaie est incomparable à quoi que ce soit d’autre, même pour celui qui estime devoir consacrer une partie de livre entière aux instruments (vous savez ce qui circule…) ; la monnaie est incomparable en droit bancaire et financier, en droit fiscal, en droit civil (un bien unique), incomparable en droit tout court, à quoique ce soit d’autre. Et l’on ne parle donc pas, pour toute monnaie légale, des monnaies ; mais bien de « la monnaie ». Du reste faut-il dire « numérique » pour l’euro numérique ? Dit-on l’euro métal, l’euro papier, l’euro scriptural, l’euro puce… ? N’est-il pas « euro » tout court ?!

Quand l’euro est trituré, quand la monnaie est triturée, alors se dissipe la distinction cardinale entre l’instrument monétaire qui est seul « la monnaie », quelle que soit sa forme, et les instruments qui la transportent, les instruments de paiement (IP) aussi dits, dans la loi (en droit !), « moyens de paiement », ce que la monnaie ne devrait pas être. Pourtant le règlement voit dans l’euro numérique un moyen de paiement. Nous voilà en route pour la grande confusion, une sorte de wokisme juridique institutionnel involontairement orchestré par le Système européen de banques centrales (SEBC dont la BCE) ou l’eurosystème. Dans la faiblesse de la plume, qui ne cerne plus le concept dur, naît la condition de l’effondrement intellectuel, institutionnel, et ici monétaire. Ouvrons la porte oubliée du mode de paiement, oui la monnaie est cela, un mode de paiement, qualification de seconde zone qui, néanmoins, peut faire accepter le rapprochement de la monnaie avec les IP (et sans utiliser la notion de moyens de paiement). Ce constat, grave, se fait en notant au passage quelques éclaircissements ou consignations d’une connaissance acquise dans un alinéa du règlement. A force de bavarder le rédacteur du règlement finit par poser des éléments de tréfonds attendus. Pas de quoi sortir la balance coûts-avantages, on sait à terme le côté que l’aiguille indiquera.


L'euro numérique présenté comme un "moyen de paiement" dans le futur dispositif du règlement européen.

Hervé CAUSSE
22/10/2024