Règle d'or budgétaire : "constitutionnaliser" une règle déjà supra-constitutionnelle ? Une idée symbole de la crise du système juridique malmené de bout en bout par citoyens, administrateurs et politiciens..



Règle d'or budgétaire : "constitutionnaliser" une règle déjà supra-constitutionnelle ? Une idée symbole de la crise du système juridique malmené de bout en bout par citoyens, administrateurs et politiciens..
Personne ne veut respecter les règles, mais tout le monde en appelle aux règles. Cette attitude "anti-sociale" (aurait dit l'autre) tue l'idée même de règle, donc de droit et donc de système juridique. Personne ne respecte les règles et on les adopte en sachant qu'elles ne seront pas respectées. C'est un phénomène quotidien et aussi de crise.

Au quotidien, on estime que la règle n'est pas bonne et on ne la respecte donc pas ; il en est ainsi du stationnement irrégulier comme des règles budgétaires nationales ou européennes ; les Etats d'Europe soumis aux objectifs de l'Union monétaire l'ont montré en ne respectant pas cette règle budgétaire. Tous avaient de bonnes raisons pour agir ainsi. L'Union a laissé faire (mais la commission n'est-elle pas constituée de "déficitaires professionnels" pour certains) et la BCE s'est cachée dans un trou de souris. L'argument final est que l'on arrive à la conclusion que les temps sont difficiles.

En période de crise, la violation des règles par les autorités est plus violentes, plus soudaines et objet d'un large consensus politique et social. Il faut faire quelque chose... pense-t-on. Or, que faire de plus fort que de transgresser ces règles imbéciles qui empêchent l'action politique ?! Les dirigeants le pensent, la population aussi. Ainsi soit-il... on financera les entreprises privées que sont les banques par diverses sortes d'aides financières interdites par le Traité, la Commission expliquera technocratiquement la violation, les peuples verront les politiques "bouger".

La BCE se mettra là-dedans pour quelques recettes et faire partie du magma médiatique... et hop, voilà la crise gérée ! Sûr ?

Bref il y a deux raisons de ne pas respecter le droit :

- parce que l'on n'est pas en crise et que la règle ne sert à rien et que l'on peut la "dépasser" ;

- parce que l'on est en véritable crise et que si l'on ne fait rien "tout le système éclate".

Une règle budgétaire de plus ne changerait donc rien, sauf à ajouter à la pagaille en décalant le problème sur le Conseil constitutionnel qui devraient juger inconstitutionnelle la loi de finances ?! Il en serait bien capable ! Quite à donner un délai autorisant le gouvernement à payer ses dettes jusqu'à la présentation d'un budget conforme à la Constitution... Quelle panique il y aurait. L'Etat se cherche un maître à défaut d'être maître de lui. Tâche qui serait accomplie par le conseil constitutionnel parce que l'ensemble des autres autorités - nationales et européennes - refusent d'appliquer un principe budgétaire que toutes ces mêmes autorités, après l'avoir voté, ne sont pas parvenues à respecter ?

La crise du droit - phénomène social de synthèse - traduit (toujours) la crises de sociétés occidentales qui ne maintiennent pas la force de la loi dans les valeurs actuelles - évidemment tout en affirmant le contraire. La règle de droit devient de plus en plus une littérature journalistique dans laquelle on peut tout lire, une chose et son contraire. En effet, il est toujours plus difficile, que l'on soit dans le premier cas ou le second, de ne pas respecter une règle.

On va alors plus loin, avec des administrateurs qui écrivent des lois au kilomètres. La règle de droit reflète alors une société qui veut en permanence ne pas respecter les règles et qui demande donc la production d'un "mauvais droit", soit une règle qui ne dit rien pour pouvoir tout dire. Ce point n'est pas avoué et jamais dénoncé : les administrateurs font plaisir aux politiciens, lesquels font plaisir aux électeurs.

Ces lois au kilomètres de codes qui s'enfilent sur le fil du temps aboutissent à un droit que même ceux qui veulent le respecter (quelques bons juges et citoyens) ne le peuvent plus tellement il est complexe. L'idée même d'un droit positif (le droit actuel et applicable) s'évanouit. Personne ne s'y retrouve malgré les techniques électroniques. Même le site internet Légifrance (quelle réussite extraordinaire !) vous propose la loi par anticipation. Le code tel qu'il s'appliquera en 2O12, 2O13...

La classe politique n'a pas encore compris et continue de se doper au "mauvais droit". Si cela fait sans doute un quart de siècle qu'un député ou sénateur n'a plus aucun pouvoir (de droit) - si le droit n'a presque aucune valeur, celui qui le fait n'a aucun pouvoir. Les parlementaires s'en accommodent par la montée en puissance d'autres.pouvoirs (leurs mandats locaux et a décentralisation) : ils le répètent à longueur de journée... si je ne suis que sénateur ou député je n'ai aucun pouvoir et donc je cumule les mandats...

Le problème est cependant, maintenant, que c'est l'Etat qui est sans son pouvoir. Or, qu'est-ce qu'un Etat sans droit ? Sans "son" droit ?! - Lisez mon approche dans l'ouvrage "La refondation du système monétaire et financier", 2011, éd. Pédone, ci-dessous relaté.

Alors, face à un Etat sans loi - ni foi, le bas peuple victime de tous les coups les plus durs retrouve la voie des jacqueries de Moyen Age, la voie de l'émeute. En Grèce, en Espagne, en Angleterre... Comme aux temps de la monarchie (absolue).- la monarchie relative est, elle, très acceptable et digne d'émission TV et de revues ! Mais quand c'est la panique partout, quand la veulerie, le mensonge et les prébendes sont les pratiques les mieux reçues, pourquoi la révolte populaire ne se mettrait-elle pas en marche ?

Tout le monde se moque de la bonne loi.

Tout le monde se moque ainsi du droit.

Et tout le monde s'en mordra les doigts.

Le paradoxe : quand le système est aussi abîmé, il n'est finalement pas difficile de donner des gages sérieux de sa réforme en trouvant des comportements plus vertueux (et une loi sur la déontologie n'y suffira pas), de "vraies personnalités défendant l'intérêt général" et de "vraies mesures d'intérêt général".

Un rayon de soleil dans la grisaille ?

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