Paris en feu et à sac, l'Outre-Mer en insurrection, les Provinces bloquées : repenser l'action publique et la politique, donc le Droit !



L'auteur de cette peinture a-t-il été inspiré par le trop complexe système juridique, administratif et politique ?
L'auteur de cette peinture a-t-il été inspiré par le trop complexe système juridique, administratif et politique ?
La maladie technocratique de l'Etat est probablement la cause des émeutes qui secouent la France. La charge contre la voiture, symbole de notre modèle de société depuis 50 ans (au moins), a été trop forte puisqu'on attend des "alternatives" de transport. Fondamentalement, spécialement depuis 30 ans, le Pouvoir marche dans la même direction : toujours plus de lois, de contraintes, de droits accordés à tous sur le papier (de façon démagogique), toujours plus de formalités, toujours plus d'impôts, de déclarations, de contrôles...

La classe politique a été envahie par la maladie du "toujours plus de règles", de textes, d'instructions et même d'institutions ! Combien d'autorités de régulation ? De commissions et de comités ? Il y a peu je dénonçais cette frénésie de Droit qui fait que les lois changent quand on n'a pas encore eu l'occasion de les appliquer : on est souvent entre 3 Droit applicable, le vieux, abrogé, le nouveau mais qui va être abrogé par un autre (les "codes" à venir sur Legifrance montrent cela) (1) .

Le "dégagisme" politique a récemment sanctionné l'ensemble de la classe politique et la haute administration qui l'assiste. Mais rien n'a changé, le gouvernement est reparti dans une frénésie de lois et de réformes. Les gouvernants ont été absorbés par la politique juridique de l'énarchie.

Au plan européen, c'est malheureusement pareil.

Exemple. On a vu apparaître en 2011, par exemple, un Système européen de sécurité financière (SESF) qui duplique en plus pâle le rôle des autorités monétaires, bancaires et financières qui existent déjà au plan national ; et il pleut désormais des centaines de normes molles venant de ces institutions qui coûtent extrêmement cher (les salaires des fonctionnaires internationaux...). Or il pleut depuis 20 ans des directives et des règlements par centaines, ce qui donne une sorte de double droit (européen et national, transposition oblige) ; mais, en France, par exemple, les P. Moscovici, M. Barnier et compagnie disent d'un air sérieux que l'Europe progresse ! Le Président Hollande en veut plus : l'Union bancaire européenne, et maintenant financière... soit 50 textes ? 5000 pages de droit...?

La pensée unique juridique règne.

Tout le système juridique, judiciaire et administratif est obèse pour des résultats médiocres. Ce système coûte cher et fait oublier à chacun de se concentrer sur son métier car la part administrative pèse dans les emplois du temps. L'arrivée de l'internet et de la dématérialisation généralisée, qui pouvaient, voire devaient, simplifier les choses les ont rendues plus lourdes encore. Tout le monde est devenu secrétaire et secrétaire de direction, et puisque les papiers dématérialisés ne coutent rien, les destinataires utiles arrosent tout le monde.

Le coût de cet Etat administratif est (probablement) impressionnant qui empêche l'action publique et, de surcroît,il entrave l'action du privé. J'entendais un expert qui disait sur Europe 1 il y a dix jours que les plus hauts fonctionnaires car à 40 ans ils sont à 6 ou 8 000 euros nets... il est difficile de les mobiliser (tous ne peuvent pas être président) ; l'Etat aurait décider de s'attaquer à ces fonctionnaire peu utilisés... Une honte quand des gens sont dans la rue...

A côté des trois pouvoirs nous subissons aujourd'hui le coût du véritable 4e pouvoir, le "pouvoir de régulation" (mon expression) (CNIL, Autorité de la concurrence, AMF, ACPR, etc.) autorité diverses mais pas si variées que ça : des hauts salaires, de nouvelles administrations et sites immobiliers à entretenir... C'est cela la régulation, le droit de la régulation se fonde sur une sorte de corps d'Etat de 50 autorités dont 30 majeures, elles suppléent la carence des trois pouvoirs traditionnels (Justice, Exécutif et Législatif). Et ce corps produit... des règles !!!

A côté des 3 pouvoirs traditionnels est advenu le pouvoir de régulation, sans la validation constitutionnelle qui au plan politique aurait dû intervenir (au plan juridique ça coince sur divers plans mais ça passe, voir mon Droit bancaire et financier, éd. Mare et Martin).

Toutes ces règles sont par ailleurs mal appliquées (voire pas du tout pour ceux qui décident qu'ils sont atteints de phobie administrative). Elles ne servent à presque rien de leur objectif théorique (si le rédacteur de la norme a eu un objectif !).

Mais il y a un autre phénomène, qui est en partie la cause de ce besoin de règles.

Quand de bonnes règles existent, l'Etat est faible ou pas assez fort. Ainsi, des entreprises peuvent porter atteinte à notre santé avec des industries du médicament qui abusent de la confiance des malades, une industrie chimique qui fabrique des produits nocifs ou des restaurants dangereux qui abusent les clients mais à qui on concède trois avertissements avant d'imposer une fermeture de 3 mois pour le grand nettoyage utile - tous les mois un reportage télé filme comment la cuisine de tel restaurant est faite à côté des poubelles.

On a l'impression que ce qui devrait être contrôlé est hors contrôle et que ce qui est contrôlé est hors du domaine du contrôle utile et de sanctions véritables. L'Etat est sans courage et les établissements et autres organes publics suivent... Il n'y a en général besoin d'aucun texte pour protéger les citoyens, ils existent : il suffit d'agir !

STOP aux lois et décrets ! Appliquons déjà ce qui existe, quand c'est applicable - on verra pour les améliorations bien plus tard.

Il faut aussi que l'Europe se mette en veilleuse, car elle est l'une des sources principales des contraintes et des textes incompréhensibles. L'Europe se dynamite elle-même, comme l'Etat français. On doutera que cela soit l'axe de campagne des partis dits sérieux et démocratiques. C'est bien dommage.

Ce mouvement politique pour un nouveau Droit doit être accompagné d'une nouvelle justice plus simple (elle le sera avec un droit plus simple) : nombre de contentieux sont dilatés et s'éternisent alors que leur intérêt est très mince. Trancher, juger, prend un temps infini... La moindre vérification peut prendre 5 ans de procédure, cela n'a aucun sens, surtout quand ce caractère procédurier entrave la globalité du système judiciaire (d'où les recours ubuesque contre les Etats dont la Justice est trop longue : le Justice jugée ??!). La Justice étant étouffée, on pense alors à passer le contentieux à la trappe - le filtrage envisagé par la Cour de cassation. Au lieu de prévenir, de purger et d'éviter les recours abusifs, on les ferait passer à la poubelle - à voir !

Voilà l'analyse que l'on peut faire quand on a étudié pendant trente ans les codes et lois du domaine du droit commercial, et notamment du secteur monétaire, bancaire et financier. Le Droit n'est pas loin d'être ubuesque, même les professionnels ont du mal à le comprendre (sauf ceux qui sont à 500 € de l'heure HT... et... et encore...).

Il est possible que la rue impose ce changement de cap.

Un cap Direct Droit pour un Nouveau Droit.

Un droit que les auteurs de la loi comprendraient en sorte qu'ils pourraient rédiger les textes ! Eberlué (2).

Mais que l'on ne s'y trompe pas, c'est d'un changement culturel dont il est question. Il convient que chaque autorité avec précision, sérieux, objectivité et implication applique les textes. La verticalité du pouvoir est une idée poreuse d'énarques simpliste, idée qui ne veut rien dire dans un système juridique complexe. Par nature, trois niveaux en dessous, la verticalité est une vague brisée et l'on n'entend ni l'ordre, ni sa logique et les agents n'en font qu'à leur tête "même pas peur"... Il faut des décisions de proximité : de l'horizontalité décentralisée.

Et que l'on n'essaye pas de faire "super-bien" avec du bla-bla par exemple sur l'éthique. La loi et le décret appliqués, dans leurs dispositions essentielles... ce sera déjà bien. Il ne faut pas en faire trop et confondre l'action publique et les modes intellectuelles.

Il est notable de voir comment, ces derniers jours (début décembre 2018), les textes sur le contrôle technique des véhicules ont été remballés (face aux "gilets-jaunes") : il est probable que la haute administration réalise que son système administratif est devenu aussi coûteux qu'inutile.

Pourvu que l'on ne nomme pas dix commissions, que l'on ne commande pas dix rapports et que l'on n'envisage pas vingt lois pour agir !

C'est un peu comme cela qu'a tourné la simplification du droit... c'est elle qui a été simplifiée : on n'en parle plus.

Déjà, arrêter la course aux textes serait très bien.

Sauf à travailler sur une nouvelle constitution, je le faisais depuis 4 mois pour publier en juin 2019 sur le sujet... mais c'est un autre sujet !

On espère que ce 8 décembre sera celui de manifestations et non de violences, encore qu'il puisse être déterminant pour la République et, plus profond, pour la France et l'Europe.





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1. Du déclin de l'empire européen

2. La loi rédigé par un cabinet d'avocats ?!

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