Monsieur n'est pas Madame : la banque (PSI) responsable seulement à l'égard de Madame qui refusait toute perte (Cass. commerciale, 21 juin 2017)



En distinguant Monsieur et Madame, investisseur et... investisseuse (...), l'arrêt rapportée apporte une précision qui a pu échapper à certains professionnels. Les mayonnaises sur l'obligation de conseil, de vigilance, etc. conduisent des plumes molles à mélanger des conventions différentes aux régimes juridiques pourtant légalement vertébrés. ces mélanges peuvent perdre les esprits.

Chaque régime juridique de chaque acte mérite d'être considéré en tant que tel. Ici, on constate que le couple n'est pas considéré comme, dit-on encore parfois, "en droit bancaire". Les finances du couple existe quand il (le couple) emprunte. L'investissement du couple, lui, et en revanche, demande à exister.

La présente décision ose distinguer l'investissement de l'épouse de l'investissement de l'époux. Le couple-investisseur attendra. Chaque investisseur doit faire l'objet d'un questionnaire et ce dernier n'est pas une formalité façon de... mais un acte professionnel fondateur avant toute décision et opération d'investissement. Les réponses et les actes d'investissement doivent être cohérents et compatibles. Voilà le problème, le fond : la cohérence. Voilà le défaut, confondre le métier avec l'accomplissement de formalités administratives. Voilà le comportement professionnel problématique : faire les choses formellement et non fondamentalement. Cela n'intéresse pas seulement les banquiers...

Les formations professionnelles le disent-elles ?

Détail de l'affaire, l'expression est provocatrice, l'investissement s'est opéré par divers contrats d'assurance-vie. Mais le droit vigoureux, ultra-hyper moderne des services d'investissement, qui couve dans le Code monétaire et financier depuis bien des années, couvre de son autorité le contrat d'assurance, le Code des assurances... le droit des assurances ! Diantre ?!

Quand on parlait de mélanges...



Cour de cassation, commerciale, 21 juin 2017, N° de pourvoi: 15-25478

Les faits

M. et Mme X... ont souscrit auprès de la banque Neuflize OBC des contrats d'assurance vie de la société Neuflize Vie comportant,
- outre un compartiment en euros,
- d'une part, un compartiment dit « classique » pour lequel M. et Mme X... ont donné un mandat de gestion à la société Neuflize Vie qui a subdélégué ce mandat à la société Neuflize Private Assets (aux droits de laquelle vient Neuflize OBC investissements) et,
- d'autre part, un compartiment personnalisé, pour lequel un mandat de gestion a été donné à la société Neuflize Vie ; que reprochant à la société Neuflize OBC, à la société Neuflize OBC investissements et à la société Neuflize Vie,

... avec qui ils avaient auparavant entrepris des pourparlers en vue de la signature d'un protocole transactionnel qui n'avaient pas abouti, d'avoir commis des fautes à l'origine de pertes en capital,

M. et Mme X... les ont assignées en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches :


Le fondement juridique.

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 533-11 du code monétaire et financier, et 314-44 du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 132-5 du code des assurances, dans leur rédaction applicable ;

La motivation.

Attendu que pour rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt retient qu'il n'y a pas d'incohérence entre les questionnaires qu'elle a renseignés et les profils d'orientation choisis ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que Mme X... qui, dans le questionnaire de « connaissance client », avait mentionné qu'elle n'envisageait aucune perte, même minimale, avait choisi une répartition de son épargne ne répondant pas en totalité à l'optique sécuritaire exprimée dans ce questionnaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Le dispositif.


PAR CES MOTIFS : Casse...


Arrêt repris depuis la base publique LEGIFRANCE

Cour de cassation, chambre commerciale

Audience publique du mercredi 21 juin 2017
N° de pourvoi: 15-25478
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Mouillard (président), président
Me Rémy-Corlay, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont souscrit auprès de la banque Neuflize OBC des contrats d'assurance vie de la société Neuflize Vie comportant, outre un compartiment en euros, d'une part, un compartiment dit « classique » pour lequel M. et Mme X... ont donné un mandat de gestion à la société Neuflize Vie qui a subdélégué ce mandat à la société Neuflize Private Assets, aux droits de laquelle vient la société Neuflize OBC investissements et, d'autre part, un compartiment personnalisé, pour lequel un mandat de gestion a été donné à la société Neuflize Vie ; que reprochant à la société Neuflize OBC, à la société Neuflize OBC investissements et à la société Neuflize Vie, avec qui ils avaient auparavant entrepris des pourparlers en vue de la signature d'un protocole transactionnel qui n'avaient pas abouti, d'avoir commis des fautes à l'origine de pertes en capital, M. et Mme X... les ont assignées en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le prestataire de services d'investissement doit fournir à ses clients une information claire, complète et loyale sur les produits qu'il entend leur faire souscrire en les renseignant avec précision sur leurs caractéristiques les moins favorables et leurs risques ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que les « fonds Performance Absolue », souscrits sur les conseils de la banque Neuflize par les époux X... dont la qualité d'investisseurs non avisés était acquise, leur avaient été présentés comme visant « la recherche d'un rendement positif quel que soit l'état du marché (…) afin de participer à la hausse des marchés actions et de préserver le capital dans les périodes de baisse » de sorte qu'ils devaient être considérés comme étant à l'abri d'une baisse du capital investi ; qu'en considérant cependant que la banque Neuflize n'avait pas manqué à ses obligations d'information à l'égard de ces clients non avisés au motif que « l'objectif de gestion (consistant à) participer à la hausse des marchés actions et (à) préserver le capital dans les périodes de baisse (…) n'exclut pas une performance négative en cas de baisse du marché », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, les articles L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, des articles 314-10 et suivants du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 132-5 du code des assurances ;

2°/ que le prestataire de services d'investissement doit fournir à ses clients une information claire, complète et loyale sur les produits qu'il entend leur faire souscrire en les renseignant avec précision sur leurs caractéristiques les moins favorables et leurs risques ; que la seule remise d'une notice d'information, même détaillée, est insuffisante dès lors qu'elle est contredite par des informations contraires également données aux clients ; qu'il était particulièrement fait valoir par les demandeurs que l'ensemble des présentations faites des produits tant le 28 février 2008 que les 16 avril et 6 mai 2008 étaient tournées vers une performance sans risque ; qu'en disant l'obligation d'information remplie en l'état de la remise d'une notice lors de l'adhésion, même complète, sans rechercher comme il le lui était demandé si les autres informations données ne contredisaient pas cette notice, privant les époux X... d'une information effective, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 1147 du code civil, L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, 314-10 et suivants du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 132-5 du code des assurances ;

3°/ que le manquement à l'obligation d'information et de conseil par le prestataire de service cause au client préjudice constituant en la perte de chance d'éviter les pertes subies ; que cette perte de chance doit être réparée quand bien même le client a pris l'initiative de sortir du mandat de gestion par le rachat de son contrat pour éviter des pertes plus grandes, sans qu'on puisse considérer que c'est ce rachat qui, par la matérialisation des pertes latentes, soit la cause du préjudice ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, les articles L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, des articles 314-10 et suivants du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 132-5 du code des assurances ;

4°/ que la banque Neuflize avait pris soin d'assortir sa proposition de protocole d'accord transactionnel du 10 octobre 2008 de deux conditions : la première ne dépendant que des époux X... et par eux acceptée, à savoir le maintien de l'allocation d'actifs à 50 % en mandat performance absolue confié à la société Neuflize Private Assets, et la seconde restant au pouvoir de la banque, à savoir la signature d'un protocole transactionnel confidentiel dont les termes restaient à définir ; que la banque n'a jamais adressé le moindre projet de protocole aux époux X... malgré leurs demandes réitérées ainsi qu'ils l'avaient fait valoir dans leurs conclusions récapitulatives d'appel ; qu'en imputant dès lors aux époux X... la responsabilité du défaut de signature du protocole d'accord transactionnel sans rechercher, ainsi qu'il le lui était pourtant demandé, si la banque avait, à un quelconque moment, déféré à la mise en demeure de leur envoyer un projet au fins de signature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1101 et 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que M. et Mme X... ont reçu une information complète, exacte et objective sur les orientations et types de gestion des placements proposés résultant de la description, dans la documentation accompagnée d'annexes qui leur a été remise à l'occasion de leur présentation, de toutes les caractéristiques des produits et supports correspondants ; qu'il relève que M. et Mme X... ont ainsi été informés de ce que seul le compartiment Hoche Retraite bénéficiait d'un capital garanti et d'un rendement minimum tandis que les autres compartiments étaient exposés aux risques du marché qui fluctue à la hausse et à la baisse de manière inversement proportionnelle aux gains escomptés sans garantie de capital et de rendement ; qu'il relève encore que les termes « Performance absolue » correspondaient à un objectif de gestion, sans obligation de résultat, qui n'excluait pas une performance négative en cas de baisse des marchés ; qu'il constate, enfin, que la notice remise à M. et Mme X... indique clairement et expressément que les montants investis libellés en unités de compte ne sont pas garantis et sont sujets aux fluctuations du marché à la hausse ou à la baisse et définit chacun des compartiments du contrat avec leur risque en caractères gras pour chacun de ceux libellés en unités de compte ; que par ces constatations et appréciations, qui rendaient inopérante la recherche invoquée par la deuxième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que les contre-propositions de M. X... formulées en réponse à la proposition de la société Neuflize Vie n'avaient pas été acceptées par celle-ci qui, faute d'accord, avait dénoncé sa proposition initiale, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche, inopérante, invoquée par la dernière branche ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa cinquième branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il est invoqué par M. X... :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le prestataire de services d'investissement a l'obligation de s'enquérir des objectifs d'investissement de ses clients, de manière à leur recommander des produits adaptés à leurs besoins, et de relever toute contradiction entre les profils de gestion souscrits et les questionnaires de connaissance de ses clients ; que dans son questionnaire relatif au compartiment classique, M. X... a indiqué qu'« Une perte financière m'affecterait énormément », ce qui correspondait à un profil très conservateur et était incompatible « avec une gestion équilibrée ou diversifiée » laquelle était, comme le constate la cour d'appel, exclusive d'une gestion sécuritaire » ; qu'en considérant cependant qu'« il n'y a (vait) pas d'incohérence entre les questionnaires signés par M. X... le 27 mai 2008 et les profils d'orientation choisis (…) répondant à un objectif qui demeure conservateur » la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du code civil, des articles L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, des articles 314-10 et suivants du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 132-5 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'au regard des réponses apportées par M. X... au questionnaire client, son profil n'était pas très conservateur mais celui d'un client qui, tout en indiquant qu'il serait très affecté par une perte financière, acceptait un risque, la cour d'appel a pu en déduire que le prestataire de services d'investissement n'était pas tenu de relever une contradiction entre ce questionnaire et les profils de gestion souscrits par M. X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche en ce qu'il est invoqué par Mme X..., et en sa quatrième branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 533-11 du code monétaire et financier, et 314-44 du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 132-5 du code des assurances, dans leur rédaction applicable ;

Attendu que pour rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt retient qu'il n'y a pas d'incohérence entre les questionnaires qu'elle a renseignés et les profils d'orientation choisis ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que Mme X... qui, dans le questionnaire de « connaissance client », avait mentionné qu'elle n'envisageait aucune perte, même minimale, avait choisi une répartition de son épargne ne répondant pas en totalité à l'optique sécuritaire exprimée dans ce questionnaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme X... à l'encontre des sociétés banque Neuflize OBC, Neuflize Vie et Neuflize Private Assets devenue Neuflize OBC investissements et statue en ce qui la concerne sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 25 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

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