Les moyens oubliés ne peuvent être invoqués dans un procès ultérieur. Un procès ne se recommence pas... Gare à la responsabilité de l'avocat qui oublie des moyens juridiques (Civ. 1ere, 28 mai 2008).



Les moyens oubliés ne peuvent pas être invoqués dans un procès ultérieur entre les mêmes personnes. Un procès ne se recommence pas... Gare à la responsabilité de l'avocat qui ne présente pas tous les moyens (arguments) juridiques utiles à la cause qu'il défend. Les procès en effet ne se recommencent pas. Une affaire jugée ne peut pas être jugée à nouveau !

Ce principe élémentaire est souvent mal vécu ou compris par les justiciables. Dans le droit fil de ce principe général de l'autorité de la chose jugée, l'idée selon laquelle un procès ne se recommence pas trouve encore à s'exprimer. Ainsi, le demandeur a l'obligation de présenter l'ensemble de ses moyens dès l'instance relative à la première demande a été confirmée par la Cour de cassation.

Dans un arrêt du 28 mai 2008 de la première chambre civile, dont l'importance est soulignée par la publication d'un communiqué le concernant, sur le site internet de la Haute Juridiction, il est rappelé que le demandeur ne peut invoquer dans une instance postérieure des moyens qu'il se serait initialement abstenu de faire valoir dans un premier procès.

En l'espèce, la validité d'un contrat de franchise contenant une clause dite de "non-réaffiliation" était contestée. Le litige avait dans un premier temps été porté devant le président du tribunal de commerce de Caen lequel, dans son ordonnance, avait désigné un arbitre, conformément au contrat. Or, celui-ci n'avait pas tranché, dans sa sentence, la question de l'octroi ou non des dommages et intérêts au demandeur pour violation de cette clause de non-réaffiliation.

La cour d'appel est saisie sur ce point d'une fin de non-recevoir. En effet, le défendeur à l'action se prévaut de l'autorité de chose jugée attachée à la sentence de l'arbitre pour que la Cour déclare irrecevable l'action tendant à l'octroi des dommages-intérêts. Les juges du fond écartent cet argument au motif qu'il n'a pas été statué sur ce point. Leur décision fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

Le pourvoi invoque deux moyens. Tout d'abord, il soutient que les deux demandes (de réparation par équivalent et de réparation en nature) avaient la même cause. La décision arbitrale ayant rejeté la demande de réparation en nature, le franchiseur ne pouvait pas introduire une nouvelle instance basée sur la réparation par équivalent. Il ajoute qu'il incombe au demandeur de présenter dès la première instance l'ensemble des demandes fondées sur la violation d'une même obligation contractuelle.

La Cour de cassation casse car "il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause" et qu'"il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile".

Deux décisions précédemment rendues souligne l'évolution de la jurisprudence concernant l'autorité de chose jugée qui tourne ici sur la notion d'unité de cause. Ainsi, l'arrêt d'Assemblée plénière du 7 juillet 2006 (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672, Bull. civ. ass. plén., n° 8) juge qu'il incombe au demandeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, ce qui valait revirement (voyez aussi : cass. ass. plén., 21 décembre 2007, n° 06-11343, Bull. civ. ass. plén., n°10). En l'espèce, la Cour de cassation a en effet précisé, s'agissant de deux fondements distincts (garantie des vices cachés et obligation de délivrance) que "si, parmi les principes directeurs du procès, l'article 12 du Nouveau code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes". Cette décision a fait l'objet d'un communiqué de la part de la Cour de cassation dans lequel les juges l'inscrivent dans le sillage de l'évolution amorcée par l'arrêt précité de 2006.

Les justiciables mécontents pourront reprocher à leur avocat de ne pas avoir invoqué une argument de droit d'un autre texte ou arrêt. Le professionnel pourra alors engager sa responsabilité civile professionnelle. En effet, l'argument de droit pertinent se marie avec des faits (prouvés) pour constituer un moyen (au sens technique). L'oubli d'un argument peut empêcher de trouver un moyen. Dans les procès un peu délicat, l'avocat prendra garde de soulever divers moyens et de spécifier à son client les moyens qu'il estime peu sérieux.


Réf : Cass. 1re civ., 28 mai 2008, n° 07-13.266, P B I

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