Les jours heureux de la mise en garde du client par la banque (Cass. com. 10 juillet 2012, n°11-11891)



Consacrée dès juillet 2005 par la première chambre civile de la Cour de cassation, puis en 2006 par la chambre commerciale, une chambre mixte de 2007 confirmait, sans grand suspens, l'évolution de la jurisprudence en matière de concours financier par l'avènement d'une obligation de mise en garde.

Depuis, d'ajustements en ajustements, d'aucuns ne cessent de commenter les arrêts sur la mise en garde. La plupart ne disent rien qui ne vaille le détour, mais la maladie de la "commentite" fait commenter... En vérité, depuis cinq ans, les fondements ont été maintenus et appliqués, inévitablement, selon quelques nuances et précisions. La mise en garde coule ainsi des jours heureux.

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Parfois, une pierre jetée dans ce lac tranquille vient rider l'eau jurisprudentielle, et la Cour de cassation casse, demandant généralement aux juges du fond de jeter leurs filets comme il leur a été dit par sa jurisprudence : vérifier que l'emprunteur n'était pas averti, qu'il y avait un risque d'endettement et constater l'absence de mise en garde du banquier, constater que le préjudice est une perte de chance, l'évaluer selon les dogmes souples de cette invention flexible. Point de quoi exciter l'esprit.

L'arrêt du 10 juillet, signalé en intitulé, évoque ces jours heureux avec, cette fois, une cour d'appel qui, non content de calculer la perte de chance, évalue et condamne pour des "pertes directes", sans doute sur le "génie" de l'avocat qui plaida au fond, devant la cour d'appel de Colmar, et qui pensa qu'en ajoutant une ligne de préjudicie la facture du banquier serait plus lourde.

En suivant cette demande, le juge du fond a perdu une chance de ne pas se faire casser son arrêt.

Ajouter une ligne de préjudice est d'autant plus maladroit que la ligne bleue de l'horizon de la perte de chance est fort lointaine. On peut "rentrer" bien des réalités dans la perte de chance ; en vérité, peuvent y figurer un peu tous les préjudicies de l'emprunteur qui s'est empêtré dans un crédit qui était loin d'être raisonnable. Il est donc inutile d'empiler les lignes de préjudices : il faut juste influencer le juge par des explications claires et circonstanciées qui feront monter le taux de la perte de chance par rapport au préjudice total. C'est-à-dire pousser le juge à augmenter les dommages et intérêts du client qui seront à compenser avec la créance du banquier.

Les plaideurs doivent donc être vigilants et veiller à ce que leur assignation ou conclusions portent les arrêts récents qui confirment l'existence et la méthodologie de l'obligation de mise en garde ; sinon la demande perdra le juge et, comme l'espèce rapportée le montre, on peut perdre en gagnant... Là-dessus, de nombreux arrêts jugent qu'il n'y avait pas de mise en garde à formuler, et les banquiers se réfugient derrière ce flot de décisions pour parfois faire admettre, le cas échéant en violation du droit actuel, que le client n'a aucun droit. Résigné si le juge suit le banquier qui est toujours crédité de sérieux (...), le client sort l'antienne selon laquelle c'était le pot de terre contre le pot de fer, il était voué à perdre lui le petit justiciable : mais les justiciables ne lisent-ils pas les nombreuses condamnations des banques obtenues par "monsieur tout-le-monde" ? La question n'est pas celle des pots mais celle de savoir si un cas, le vôtre peut-être, entre dans les conditions de la jurisprudence ! Cela prend généralement une analyse claire et simple.

Il reste que certains arrêts provoquent le doute chez le lecteur : on se demande si la Cour de cassation, parfois en s'abritant techniquement derrière la demande formulée ou l'angle du pourvoi, donne effectivement à l'obligation de mise en garde toute la dimension que sa logique propre (...) emporte.

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