Le juge judiciaire devrait-il, à l'occasion, définir les partis politiques ? (à propos d'un arrêt, Cass. 1re civ., 25 janvier 2017, Front National c X))



Toute décision mettant en cause le Front National retient l'attention.

Toute décision concernant un parti politique de premier plan aussi.

On ne peut donc pas rater une décision qui concerne le Front National en tant que parti politique comme celle qui statue sur les conditions de convocation d'une assemblée générale.

A cette occasion, un collègue note que la Cour de cassation a raté une occasion de définir ce qu'est un parti politique.

Nous doutons fortement que ce soit le cas, autant pour des raisons de droit privé que de droit public.

Nous réfléchirons dans un commentaire à venir.

Nous y réfléchirons car la question, qui interroge le fondement du droit des groupements de droit privé, à travers une association, le Front National, interroge également plusieurs libertés publiques, générales mais aux applications précises, concrètes et quotidiennes, qui concourent à établir la pratique politique et donc la démocratie.

Commentaire à suivre.




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Cass. 1re civ., 25-01-2017, n° 15-25.561, FS+P+B+I







ABSTRACT Une assemblée générale extraordinaire d'un parti politique organisée par voie de consultation postale en méconnaissance des statuts de ce parti encourt la suspension.





Arrêt n° 102 du 25 janvier 2017 (15-25.561) - Cour de cassation - CIV. 1

FS+P+B+I


Extrait de la base publique Legifrance

Cour de cassation
chambre civile 1

Audience publique du mercredi 25 janvier 2017
N° de pourvoi: 15-25561
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Delaporte et Briard, avocat(s)


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juillet 2015), que l'association Front national (le Front national) a soumis au vote par correspondance de ses adhérents la suppression de l'article 11 bis de ses statuts, instituant une présidence d'honneur ; que M. X..., précédemment nommé à cette fonction, a saisi le juge des référés, sur le fondement de l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile, pour voir ordonner la suspension de l'assemblée générale extraordinaire ainsi organisée ; que le Front national a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le Front national fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige, alors, selon le moyen, que, suivant l'article 4 de la Constitution, les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage ; qu'ils se forment et exercent leur activité librement et doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu'ainsi, investis d'une mission de service public, les litiges intéressant la mise en oeuvre de leur règlement intérieur ressortissent à la compétence de la juridiction administrative ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 ;

Mais attendu que, si les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage et jouent un rôle essentiel au bon fonctionnement de la démocratie, le principe de liberté de formation et d'exercice qui leur est constitutionnellement garanti s'oppose à ce que les objectifs qu'ils poursuivent soient définis par l'administration et à ce que le respect de ces objectifs soit soumis à son contrôle, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme investis d'une mission de service public ; que l'arrêt relève que le Front national est une association de droit privé, régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 ; qu'il en résulte que le litige qui l'oppose à l'un de ses membres ne peut relever que de la compétence de la juridiction judiciaire ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu que le Front national fait grief à l'arrêt d'ordonner la suspension de l'assemblée générale extraordinaire organisée par voie de consultation postale, jusqu'à l'organisation d'une assemblée générale extraordinaire conforme aux statuts actuellement applicables ;

Attendu que l'arrêt relève, d'abord, que l'article 24 des statuts de l'association dispose que "les assemblées peuvent être tenues ordinairement et extraordinairement" et que "pour toutes les assemblées, la convocation peut être faite individuellement ou par voie de presse au moins quinze jours à l'avance" ; qu'il constate, ensuite, que l'article 26, relatif aux travaux de l'assemblée générale ordinaire, stipule que "toutes les délibérations de l'assemblée générale sont prises à la majorité des membres présents ou votant par correspondance (assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2007)", tandis que l'article 27 énonce que "l'assemblée générale extraordinaire statue sur toutes les questions urgentes qui lui sont soumises" et qu'"elle seule peut apporter toutes les modifications aux statuts" ; que c'est, dès lors, sans interpréter ces stipulations claires et précises ni se prononcer sur la régularité du règlement intérieur, que la cour d'appel a retenu qu'il apparaissait, à l'évidence, que les statuts du Front national ne prévoyaient le vote par correspondance que pour l'assemblée générale ordinaire, et non pour l'assemblée générale extraordinaire ; qu'elle a pu en déduire que l'organisation d'un vote par correspondance portant sur l'approbation de nouveaux statuts, en méconnaissance des dispositions précitées, constituait un trouble manifestement illicite et, sans excéder ses pouvoirs, a souverainement apprécié le choix de la mesure provisoire propre à le faire cesser ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Front national aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

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