Pour celui qui défend les investisseurs depuis de nombreuses années, face à des autorités qui apparaissent souvent comme les "conseils" de la "classe financière", la décision de la Commission des sanctions de l'AMF interroge. La loi sécurité financière fait de l'AMF une personne de plein exercice disposant de toutes les prérogatives d'une personne juridique. Plus avant, divers droits exorbitants du droit commun lui sont reconnus. Certains sont connus, comme le droit de sanctionner divers manquements. D'autres sont plus discrets, comme ce que nous appelions le "référé financier" à propos d'une procédure rapide de feu le Conseil des marchés financier, technique reprise en 2003 au profit de l'AMF (Le cas de l’action en justice du président du Conseil des marchés financiers, JCP éd. E., 1553, 2002).
L'affaire EADS pose la question du droit de recours de l'AMF contre les décisions de la Commissions de sanctions (de l'AMF).
Personne juridique de pleine capacité, il serait curieux que lui échappe le simple fait de pouvoir faire appel ; en vérité, il convient de parler de l'exercice du "recours". C'est le terme utile s'agissant d'une décision du Commission des sanctions. En l'espèce, la décision de cette Commission met en échec la poursuite de l'AMF, c'est-à-dire une action quasi-judiciaire.
Mais, de divers entretiens accordés à la presse ces derniers jours, M. J.-P. JOUYET, Président de l'AMF, ancien ministre, laisse entendre que l'AMF n'a aucun recours. Cela a été répété par une centaine de médias qui ont purement et simplement recopié l'article de l'AFP qui indique, sans référence, sans source et sans réflexion : l'AMF n'a pas de recours. Ainsi, l'AMF ne pourrait pas exercer le recours prévu au texte ci-dessous reproduit (L. 621-30 ; lisez le !). M. JOUYET, comme pour éviter toute discussion, suggère carrément une réforme législative pour que l'AMF puisse exercer un recours dans un tel cas.
L'AMF est administrative et elle agit par culture au moyen de tel texte précis. Or il est probablement temps de montrer une AMF de combat, un peu plus audacieuse. Le Président JOUYET dispose de deux mois pour changer d'avis et tenter un recours, déposer une déclaration au greffe de la Cour d'appel de Paris. L'AMF a, à notre sens, une vision trop étroite de qui elle est, à savoir une personne de plein exercice juridique ayant une mission pourtant très générale. Cela est très décevant car c'est nier la "régulation" dans tout l'intérêt qu'elle a ! Si l'AMF est aussi peu réactive qu'un service de ministère, autant la supprimer...
On ne purge pas ici le débat, on le lance : la loi n'a pas besoin selon nous de reconnaître formellement à l'AMF, dans un alinéa spécial, le droit d'exercer le recours devant la Cour d'appel de Paris. L'AMF a "naturellement" tous les droits utiles ordinaires (saisir un juge, déposer des demandes, produire des pièces, faire appel, faire un recours) pour accomplir sa mission d'intérêt général.
L'AMF peut donc exercer un recours contre la décision de la CS-AMF. En tout cas, elle ne risque rien à le faire ! Sur le plan extra-juridique les choses sont en effet encore plus nettes pour inviter à un tel recours que les textes réglementaires appliquant l'article L. 621-30 (voyez ci-dessous).
L'AMF doit exercer un recours.
En effet et de toute façon, en opportunité, quel que soit le sens du Droit, le Président JOUYET ne peut pas ne pas saisir la Cour de Paris (compétente en matière de sanctions individuelles). Au pire le recours sera déclaré irrecevable, ce qui ne coutera strictement rien... . Cela permettra au pire de lire un arrêt en ce sens serait intéressant : un arrêt qui dirait "l'AMF ne peut pas agir en justice... qui jugerait qu'elle n'a ni intérêt ni qualité à agir...", tout amateur attend de lire cette contribution judiciaire à la défense de l'épargne publique !
Cela permettrait au moins de présenter au Gouvernement "son" Droit, dans lequel l'AMF a des droits limités. Cela ferait réfléchir quelques "responsables" au droit complexe, touffu et inefficace qu'ils concoctent à l'année longue... En l'espèce, il s'agirait de mesurer l'efficacité de la "sécurité financière" conçue en 2003... Cela permettrait également d'entendre la Parquet de Paris, publiquement, nous livrer sa conception de l'information privilégiée : cela permettrait au public de mesurer sa capacité au droit économique et sa capacité de faire abstraction du fait que de hautes personnalités et de grandes sociétés soient en cause. Voilà des avantages qui n'ont pas de prix ! Il y en a d'autres, nonobstant l'originalité de la situation...
La presse s'étonne de la perspective de ce recours : "L'Autorité réitère même son souhait de pouvoir faire appel des décisions de sa propre commission des sanctions, une idée déjà défendue par Jean-Pierre Jouyet dans le Monde. Un schéma proche de la schizophrénie, et pour le moins baroque aux yeux du non-initié, sans mauvais jeu de mots. Une chose est sûre, en tout cas: on aurait tort de considérer cette décision comme l'épilogue de l'affaire EADS. Le deuxième round, de loin le plus important, va se jouer sur le ring judiciaire, quand le nouveau juge en charge de l'enquête, Serge Tournaire ...". On peut jouer des mots comme le fait M. Vincent Lamigeon, journaliste à Challenges, mais le jeu ne tient pas puisque l'AMF ne peut pas être atteinte d'un mal psychiatrique. L'incompréhension de la presse et du public est une nouvelle raison de tenter le recours : on parlera de la situation et de la réalité de l'AMF qui est juridiquement double et non psychiatriquement double !
Ainsi, le recours est une figure imposée. L'article de loi ci-dessous cité laisse la porte ouverte à ce droit de l'AMF en ne le réservant pas explicitement aux seuls poursuivis (lisez : "L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que ... est de la compétence du juge judiciaire." ). Après avoir exercé ce recours, le Président JOUYET aura "tout" fait pour sauver l'enquête et la poursuite de l'AMF. Le recours doit donc être formé, il en va de la crédibilité de l'AMF au plan national et international, et du crédit personnel de J.-P. JOUYET qui, grand, pourrait sinon être dilapidé d'un coup d'un seul. Pire, on pourrait suspecter l'ancien ministre d'être aux ordres du président de la république ou du Premier ministre...
Dans l'affaire B. TAPIE, nous étions peu à dire que la sentence était juridiquement solide, bien que son contexte soit fort original (nous renvoyons à notre blog consacré spécialement à cette affaire). Le fait d'avoir plaidé devant toute sorte de juridictions, d'avoir exercé toutes sortes de recours, nous permet en effet d'opiner, outre quelques publications de procédure civile. La suite l'a démontré et ceux que les médias mirent au pinacle - nous expliquant alors que tout était nul et que des recours allaient casser cette procédure - ont disparu de la circulation. Dans cette question juridique du droit de l'AMF d'exercer un recours, peut-être serai-je aussi dans la minorité.
Cependant, bien qu'il y ait des incompréhensions à purger sur l'existence, la forme et la portée (notez les trois degrés de l'analyse) de ce recours, il est hautement probable pour que, en pur droit, la Cour d'appel puisse être saisie de cette poursuite. Il est probable que le recours de l'AMF soit recevable, autre est la question de savoir quel sera son bien-fondé. En tout cas, comment imaginer qu'une partie (la personne poursuivie) puisse avoir un recours et pas l'autre ? Ce serait absurde !Est-ce cela que le législateur a voulu à travers la loi sécurité financière ? Est-ce donc en ce sens que l'on doit interpréter la loi ? La réponse est doublement négative !Alors que l'AMF agisse dans le sens de la volonté de la loi et que les juges fassent de même !
Comme l'indique la Commission des sanctions dans la décision EADS elle-même (que nous commenterons d'ici quelques jours), elle est une autorité distincte du Collège ordinaire de l'AMF. Elle entend manifestement la poursuite, une partie, et la défense, l'autre partie. C'est chicaner que ne pas vouloir le voir ou le dire. Ainsi, le collège ordinaire de l'AMF est l'organe social de direction de la personne juridique et non un organe juridictionnel. Les choses sont donc claires, même si d'aucuns n'ont pas cerné les conséquences de l'institution du Comité des sanctions, organe rattaché à l'AMF mais qui en est une composante indépendante !
L'AMF était donc partie à une instance dans laquelle elle a été déboutée et dont le recours est porté, selon la loi, devant la cour d'appel de Paris ! Comment, dans ce contexte (et voyez le texte, Code ci-dessous), le droit d'exercer un recours pourrait-il ne pas être consacré ? Le président JOUYET, en déposant un recours, défendra en outre les services de l'AMF et avancera qu'il n'a pas honte de l'enquête réalisée. Il lui appartiendra de critiquer la décision de la CS-AMF dans les observations que la loi lui autorise à déposer devant la Cour d'appel. Voilà une dizaine d'arguments en faveur du dépôt d'un recours. In fine, on ajoutera que cela permettra de "mettre dans le bain" l'autorité judiciaire qui aura également à dire le degré de protection de l'épargne publique qu'elle entend déployer. La jurisprudence devrait, pour l'honneur de la République, reconnaître le droit de l'AMF de "faire appel" !
On laissera pour l'heure la question de savoir l'étendue des pouvoirs de la juridiction saisie après ce recours... Il nous semble qu'elle en aura un majeur qui est sans doute le onzième argument en faveur de ce recours. Peut-être que l'AFP nous posera la question de savoir de quoi il s'agit...?
Textes empruntés à la base Légifrance
Code monétaire et financier - Recours
"Article L621-30
L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 est de la compétence du juge judiciaire. Ces recours n'ont pas d'effet suspensif sauf si la juridiction en décide autrement. Dans ce cas, la juridiction saisie peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article."
Remarques de H. CAUSSE : le texte de loi fixe la compétence du juge judiciaire pour les décisions individuelles de l'AMF que l'on doit comprendre comme les décisions de la Commission des sanctions en cas de poursuites individuelles, organe de sanction indépendant : comme le sont les tribunaux qui sont sans personnalité juridique alors que l'etat, personne juridique, met à leur disposition tous le smoyens humains et matériel via le ministère de la justice. Une relaxe comme dans l'affaire EADS impose de reconnaître un droit au recours à l'AMF, si le juge ne veut pas le reconnaître (le courage du juge judiciaire...), la loi le fera...
CMF, partie réglementaire.
Section 6 : Voies de recours.
Article R621-44 En savoir plus sur cet article...
Modifié par Décret n°2009-1409 du 17 novembre 2009 - art. 1
Le délai de recours contre les décisions individuelles prises par l'Autorité des marchés financiers est de dix jours, sauf en matière de sanctions, où il est de deux mois. Le délai court, pour les personnes qui font l'objet de la décision, à compter de sa notification et, pour les autres personnes intéressées, à compter de sa publication.
La mise en ligne de ces décisions sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers fait courir le délai de recours à l'égard des tiers. La date de mise en ligne est expressément mentionnée sur le site internet.
L'Autorité des marchés financiers garantit l'accès effectif du public à ce site ainsi que la continuité de la mise en ligne pendant toute la durée du délai de recours. Elle assure la conservation et l'archivage des décisions mises en ligne.
Article R621-45 En savoir plus sur cet article...
Modifié par Décret n°2008-484 du 22 mai 2008 - art. 22 (V)
I.-Les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers relatives aux agréments ou aux sanctions concernant les personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 sont portés devant le Conseil d'Etat, selon les modalités prévues par le code de justice administrative.
En matière de sanction, les recours sont des recours de pleine juridiction.
Les parties et l'Autorité des marchés financiers ont la faculté de se faire assister par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
II.-Les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers, autres que celles mentionnées au I, sont portés devant la cour d'appel de Paris. Par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 du présent code.
Article R621-46 En savoir plus sur cet article...
Modifié par Décret n°2008-484 du 22 mai 2008 - art. 22 (V)
I.-Le recours devant la cour d'appel de Paris est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, elle comporte les mentions prescrites par l'article 648 du code de procédure civile et précise l'objet du recours. Lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, sous la même sanction, déposer cet exposé au greffe dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la déclaration. La déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits. Ces pièces et documents sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration. Le demandeur au recours joint à la déclaration une copie de la décision attaquée.
II.-Les demandes de sursis à exécution doivent être présentées dans le même délai que celui prévu pour le recours. Elles sont formulées auprès du premier président de la cour d'appel de Paris par simple requête déposée au greffe. A peine d'irrecevabilité, elle contient l'exposé des moyens invoqués et précise la date à laquelle a été formé le recours contre la décision dont le sursis à exécution est demandé. Le premier président ou son délégué fixe par ordonnance la date de l'audience à laquelle la demande de sursis sera examinée.
III.-Dès l'enregistrement du recours, le greffe de la cour d'appel transmet par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une copie de la déclaration à l'Autorité des marchés financiers. Si le recours émane d'une personne autre que celle qui a fait l'objet de la décision, la déclaration de recours est dénoncée par le greffe à cette dernière personne dans les mêmes formes. Une copie de la déclaration est remise par le greffe au parquet général.
IV.-La cour d'appel statue après que l'Autorité des marchés financiers et, s'il y a lieu, les personnes auxquelles le recours a été dénoncé ont été mises à même de présenter leurs observations.
Le premier président de la cour d'appel ou son délégué fixe les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites et en déposer copie au greffe de la cour, ainsi que les délais dans lesquels l'Autorité des marchés financiers peut produire des observations écrites. Il fixe également la date des débats. Le greffe notifie ces délais et cette date aux parties et à l'Autorité des marchés financiers et les convoque à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Les observations produites par l'Autorité des marchés financiers sont portées par le greffe à la connaissance des parties. L'Autorité des marchés financiers peut présenter à l'audience des observations orales.
V.-Le ministère public reçoit du greffe communication des recours afin de déterminer celles des affaires dans lesquelles il estime devoir intervenir.
La représentation et l'assistance des parties et de l'Autorité des marchés financiers s'exercent dans les conditions fixées par l'article 931 du code de procédure civile.
Les décisions de la cour d'appel de Paris ou de son premier président sont notifiées par le greffe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'affaire EADS pose la question du droit de recours de l'AMF contre les décisions de la Commissions de sanctions (de l'AMF).
Personne juridique de pleine capacité, il serait curieux que lui échappe le simple fait de pouvoir faire appel ; en vérité, il convient de parler de l'exercice du "recours". C'est le terme utile s'agissant d'une décision du Commission des sanctions. En l'espèce, la décision de cette Commission met en échec la poursuite de l'AMF, c'est-à-dire une action quasi-judiciaire.
Mais, de divers entretiens accordés à la presse ces derniers jours, M. J.-P. JOUYET, Président de l'AMF, ancien ministre, laisse entendre que l'AMF n'a aucun recours. Cela a été répété par une centaine de médias qui ont purement et simplement recopié l'article de l'AFP qui indique, sans référence, sans source et sans réflexion : l'AMF n'a pas de recours. Ainsi, l'AMF ne pourrait pas exercer le recours prévu au texte ci-dessous reproduit (L. 621-30 ; lisez le !). M. JOUYET, comme pour éviter toute discussion, suggère carrément une réforme législative pour que l'AMF puisse exercer un recours dans un tel cas.
L'AMF est administrative et elle agit par culture au moyen de tel texte précis. Or il est probablement temps de montrer une AMF de combat, un peu plus audacieuse. Le Président JOUYET dispose de deux mois pour changer d'avis et tenter un recours, déposer une déclaration au greffe de la Cour d'appel de Paris. L'AMF a, à notre sens, une vision trop étroite de qui elle est, à savoir une personne de plein exercice juridique ayant une mission pourtant très générale. Cela est très décevant car c'est nier la "régulation" dans tout l'intérêt qu'elle a ! Si l'AMF est aussi peu réactive qu'un service de ministère, autant la supprimer...
On ne purge pas ici le débat, on le lance : la loi n'a pas besoin selon nous de reconnaître formellement à l'AMF, dans un alinéa spécial, le droit d'exercer le recours devant la Cour d'appel de Paris. L'AMF a "naturellement" tous les droits utiles ordinaires (saisir un juge, déposer des demandes, produire des pièces, faire appel, faire un recours) pour accomplir sa mission d'intérêt général.
L'AMF peut donc exercer un recours contre la décision de la CS-AMF. En tout cas, elle ne risque rien à le faire ! Sur le plan extra-juridique les choses sont en effet encore plus nettes pour inviter à un tel recours que les textes réglementaires appliquant l'article L. 621-30 (voyez ci-dessous).
L'AMF doit exercer un recours.
En effet et de toute façon, en opportunité, quel que soit le sens du Droit, le Président JOUYET ne peut pas ne pas saisir la Cour de Paris (compétente en matière de sanctions individuelles). Au pire le recours sera déclaré irrecevable, ce qui ne coutera strictement rien... . Cela permettra au pire de lire un arrêt en ce sens serait intéressant : un arrêt qui dirait "l'AMF ne peut pas agir en justice... qui jugerait qu'elle n'a ni intérêt ni qualité à agir...", tout amateur attend de lire cette contribution judiciaire à la défense de l'épargne publique !
Cela permettrait au moins de présenter au Gouvernement "son" Droit, dans lequel l'AMF a des droits limités. Cela ferait réfléchir quelques "responsables" au droit complexe, touffu et inefficace qu'ils concoctent à l'année longue... En l'espèce, il s'agirait de mesurer l'efficacité de la "sécurité financière" conçue en 2003... Cela permettrait également d'entendre la Parquet de Paris, publiquement, nous livrer sa conception de l'information privilégiée : cela permettrait au public de mesurer sa capacité au droit économique et sa capacité de faire abstraction du fait que de hautes personnalités et de grandes sociétés soient en cause. Voilà des avantages qui n'ont pas de prix ! Il y en a d'autres, nonobstant l'originalité de la situation...
La presse s'étonne de la perspective de ce recours : "L'Autorité réitère même son souhait de pouvoir faire appel des décisions de sa propre commission des sanctions, une idée déjà défendue par Jean-Pierre Jouyet dans le Monde. Un schéma proche de la schizophrénie, et pour le moins baroque aux yeux du non-initié, sans mauvais jeu de mots. Une chose est sûre, en tout cas: on aurait tort de considérer cette décision comme l'épilogue de l'affaire EADS. Le deuxième round, de loin le plus important, va se jouer sur le ring judiciaire, quand le nouveau juge en charge de l'enquête, Serge Tournaire ...". On peut jouer des mots comme le fait M. Vincent Lamigeon, journaliste à Challenges, mais le jeu ne tient pas puisque l'AMF ne peut pas être atteinte d'un mal psychiatrique. L'incompréhension de la presse et du public est une nouvelle raison de tenter le recours : on parlera de la situation et de la réalité de l'AMF qui est juridiquement double et non psychiatriquement double !
Ainsi, le recours est une figure imposée. L'article de loi ci-dessous cité laisse la porte ouverte à ce droit de l'AMF en ne le réservant pas explicitement aux seuls poursuivis (lisez : "L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que ... est de la compétence du juge judiciaire." ). Après avoir exercé ce recours, le Président JOUYET aura "tout" fait pour sauver l'enquête et la poursuite de l'AMF. Le recours doit donc être formé, il en va de la crédibilité de l'AMF au plan national et international, et du crédit personnel de J.-P. JOUYET qui, grand, pourrait sinon être dilapidé d'un coup d'un seul. Pire, on pourrait suspecter l'ancien ministre d'être aux ordres du président de la république ou du Premier ministre...
Dans l'affaire B. TAPIE, nous étions peu à dire que la sentence était juridiquement solide, bien que son contexte soit fort original (nous renvoyons à notre blog consacré spécialement à cette affaire). Le fait d'avoir plaidé devant toute sorte de juridictions, d'avoir exercé toutes sortes de recours, nous permet en effet d'opiner, outre quelques publications de procédure civile. La suite l'a démontré et ceux que les médias mirent au pinacle - nous expliquant alors que tout était nul et que des recours allaient casser cette procédure - ont disparu de la circulation. Dans cette question juridique du droit de l'AMF d'exercer un recours, peut-être serai-je aussi dans la minorité.
Cependant, bien qu'il y ait des incompréhensions à purger sur l'existence, la forme et la portée (notez les trois degrés de l'analyse) de ce recours, il est hautement probable pour que, en pur droit, la Cour d'appel puisse être saisie de cette poursuite. Il est probable que le recours de l'AMF soit recevable, autre est la question de savoir quel sera son bien-fondé. En tout cas, comment imaginer qu'une partie (la personne poursuivie) puisse avoir un recours et pas l'autre ? Ce serait absurde !Est-ce cela que le législateur a voulu à travers la loi sécurité financière ? Est-ce donc en ce sens que l'on doit interpréter la loi ? La réponse est doublement négative !Alors que l'AMF agisse dans le sens de la volonté de la loi et que les juges fassent de même !
Comme l'indique la Commission des sanctions dans la décision EADS elle-même (que nous commenterons d'ici quelques jours), elle est une autorité distincte du Collège ordinaire de l'AMF. Elle entend manifestement la poursuite, une partie, et la défense, l'autre partie. C'est chicaner que ne pas vouloir le voir ou le dire. Ainsi, le collège ordinaire de l'AMF est l'organe social de direction de la personne juridique et non un organe juridictionnel. Les choses sont donc claires, même si d'aucuns n'ont pas cerné les conséquences de l'institution du Comité des sanctions, organe rattaché à l'AMF mais qui en est une composante indépendante !
L'AMF était donc partie à une instance dans laquelle elle a été déboutée et dont le recours est porté, selon la loi, devant la cour d'appel de Paris ! Comment, dans ce contexte (et voyez le texte, Code ci-dessous), le droit d'exercer un recours pourrait-il ne pas être consacré ? Le président JOUYET, en déposant un recours, défendra en outre les services de l'AMF et avancera qu'il n'a pas honte de l'enquête réalisée. Il lui appartiendra de critiquer la décision de la CS-AMF dans les observations que la loi lui autorise à déposer devant la Cour d'appel. Voilà une dizaine d'arguments en faveur du dépôt d'un recours. In fine, on ajoutera que cela permettra de "mettre dans le bain" l'autorité judiciaire qui aura également à dire le degré de protection de l'épargne publique qu'elle entend déployer. La jurisprudence devrait, pour l'honneur de la République, reconnaître le droit de l'AMF de "faire appel" !
On laissera pour l'heure la question de savoir l'étendue des pouvoirs de la juridiction saisie après ce recours... Il nous semble qu'elle en aura un majeur qui est sans doute le onzième argument en faveur de ce recours. Peut-être que l'AFP nous posera la question de savoir de quoi il s'agit...?
Textes empruntés à la base Légifrance
Code monétaire et financier - Recours
"Article L621-30
L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 est de la compétence du juge judiciaire. Ces recours n'ont pas d'effet suspensif sauf si la juridiction en décide autrement. Dans ce cas, la juridiction saisie peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article."
Remarques de H. CAUSSE : le texte de loi fixe la compétence du juge judiciaire pour les décisions individuelles de l'AMF que l'on doit comprendre comme les décisions de la Commission des sanctions en cas de poursuites individuelles, organe de sanction indépendant : comme le sont les tribunaux qui sont sans personnalité juridique alors que l'etat, personne juridique, met à leur disposition tous le smoyens humains et matériel via le ministère de la justice. Une relaxe comme dans l'affaire EADS impose de reconnaître un droit au recours à l'AMF, si le juge ne veut pas le reconnaître (le courage du juge judiciaire...), la loi le fera...
CMF, partie réglementaire.
Section 6 : Voies de recours.
Article R621-44 En savoir plus sur cet article...
Modifié par Décret n°2009-1409 du 17 novembre 2009 - art. 1
Le délai de recours contre les décisions individuelles prises par l'Autorité des marchés financiers est de dix jours, sauf en matière de sanctions, où il est de deux mois. Le délai court, pour les personnes qui font l'objet de la décision, à compter de sa notification et, pour les autres personnes intéressées, à compter de sa publication.
La mise en ligne de ces décisions sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers fait courir le délai de recours à l'égard des tiers. La date de mise en ligne est expressément mentionnée sur le site internet.
L'Autorité des marchés financiers garantit l'accès effectif du public à ce site ainsi que la continuité de la mise en ligne pendant toute la durée du délai de recours. Elle assure la conservation et l'archivage des décisions mises en ligne.
Article R621-45 En savoir plus sur cet article...
Modifié par Décret n°2008-484 du 22 mai 2008 - art. 22 (V)
I.-Les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers relatives aux agréments ou aux sanctions concernant les personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 sont portés devant le Conseil d'Etat, selon les modalités prévues par le code de justice administrative.
En matière de sanction, les recours sont des recours de pleine juridiction.
Les parties et l'Autorité des marchés financiers ont la faculté de se faire assister par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
II.-Les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers, autres que celles mentionnées au I, sont portés devant la cour d'appel de Paris. Par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 du présent code.
Article R621-46 En savoir plus sur cet article...
Modifié par Décret n°2008-484 du 22 mai 2008 - art. 22 (V)
I.-Le recours devant la cour d'appel de Paris est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, elle comporte les mentions prescrites par l'article 648 du code de procédure civile et précise l'objet du recours. Lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, sous la même sanction, déposer cet exposé au greffe dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la déclaration. La déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits. Ces pièces et documents sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration. Le demandeur au recours joint à la déclaration une copie de la décision attaquée.
II.-Les demandes de sursis à exécution doivent être présentées dans le même délai que celui prévu pour le recours. Elles sont formulées auprès du premier président de la cour d'appel de Paris par simple requête déposée au greffe. A peine d'irrecevabilité, elle contient l'exposé des moyens invoqués et précise la date à laquelle a été formé le recours contre la décision dont le sursis à exécution est demandé. Le premier président ou son délégué fixe par ordonnance la date de l'audience à laquelle la demande de sursis sera examinée.
III.-Dès l'enregistrement du recours, le greffe de la cour d'appel transmet par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une copie de la déclaration à l'Autorité des marchés financiers. Si le recours émane d'une personne autre que celle qui a fait l'objet de la décision, la déclaration de recours est dénoncée par le greffe à cette dernière personne dans les mêmes formes. Une copie de la déclaration est remise par le greffe au parquet général.
IV.-La cour d'appel statue après que l'Autorité des marchés financiers et, s'il y a lieu, les personnes auxquelles le recours a été dénoncé ont été mises à même de présenter leurs observations.
Le premier président de la cour d'appel ou son délégué fixe les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites et en déposer copie au greffe de la cour, ainsi que les délais dans lesquels l'Autorité des marchés financiers peut produire des observations écrites. Il fixe également la date des débats. Le greffe notifie ces délais et cette date aux parties et à l'Autorité des marchés financiers et les convoque à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Les observations produites par l'Autorité des marchés financiers sont portées par le greffe à la connaissance des parties. L'Autorité des marchés financiers peut présenter à l'audience des observations orales.
V.-Le ministère public reçoit du greffe communication des recours afin de déterminer celles des affaires dans lesquelles il estime devoir intervenir.
La représentation et l'assistance des parties et de l'Autorité des marchés financiers s'exercent dans les conditions fixées par l'article 931 du code de procédure civile.
Les décisions de la cour d'appel de Paris ou de son premier président sont notifiées par le greffe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.