Le conseiller en gestion de patrimoine non responsable du redressement fiscal du client, souvent dit investisseur (Cass. com., 11 mars 2020 et Cass. com., 2 juin 2021).



Le gestionnaire de patrimoine avait été condamné pour défaut d'exécution de son "obligation d'information et de conseil", cette grande structure mentale des juristes qui occupe tous les esprits et permet de faire toutes sortes de procès, un peu pour tout et un peu pour rien.

La solution préconisée avait été l'occasion, dans l'espèce de 2020, un peu détaillée, comme dans celle de 2021, d'un redressement fiscal du client.

Le client et contribuable avaient assigné le conseiller en gestion de patrimoine (expression aussi officieuse que courante, et dite CGP ou CGPI selon le cas) ; au fond, il était jugé responsable de ce redressement dont le préjudice devait justement être le montant dudit redressement.

Or tout préjudice n'est pas réparable. C'est ce que la Cour de cassation juge une nouvelle fois (Cass. com., 11 mars 2020, 18-19.124, Inédit).

"Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ce texte que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

9. Pour condamner la société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA à payer à M. et Mme J... des sommes correspondant au montant des suppléments d'impôt sur le revenu et des intérêts et majorations de retard mis à leur charge, après avoir retenu que la société Ethimo patrimoine avait manqué à son obligation d'information et de conseil, l'arrêt retient que ce manquement est à l'origine directe et certaine de la rectification fiscale qui en est résultée pour M. et Mme J... .

10. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions, M. et Mme J... se bornaient à soutenir que, dûment conseillés, ils auraient renoncé à l'opération, sans alléguer qu'ils auraient disposé d'une solution alternative leur permettant d'échapper au paiement de l'impôt supplémentaire mis à leur charge à la suite de la rectification fiscale, la cour d'appel a violé le texte susvisé."

L'arrêt d'appel est donc cassé.

Manifestement, les juges d'appel ne connaissent pas cette jurisprudence, ni les clients car ils ne feraient pas ces demandes illusoires (quelques arrêts antérieurs cités infra).

Le conseiller en gestion de patrimoine est non responsable du montant du redressement fiscal au sens que le dommage n'est pas indemnisable.

En somme, il faudrait plaider, pour espérer une indemnité, le défaut d'information du risque de redressement fiscal, sa survenance ayant pu causer un préjudice au client par la surprise qu'il constitue et les tracas qu'il implique.

Voilà qui suggère un préjudice moral pour de la manipulation de richesses... juste opérée pour augmenter ladite richesse ? De ce qu'on lit du préjudice moral et des affaires d'argent, on a le sentiment que la demande sera délicate à faire triompher. Il faut donc prendre garde à quelque avocat qui la dicterait en 3 minutes avec quelque certitude..

Autre arrêt du même jour et dans le même sens : 11 mars 2020, 18-20.026



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Autre arrêt en ce sens, plus ancien, sur le 1er moyen, Com. 17 février 2015

Autre arrêt en ce sens, plus ancien, et "publié", Cass. civ. 3e, octobre 2015 : Bulletin 2016, n° 838, 3e Civ., n° 353


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La seconde espèce précitée, de 2021, dit l'actualité incessante du thème. On notera autre chose. L'investisseur se voit bien avec la problématique fiscale, on constate que l'investissement est une opération faite de plusieurs séquences juridiques souvent caractérisée par l'évitement, au début ou à la fin, d'une imposition. Le CGP ou CGPI, ou tout autre conseil patrimonial, s'il y en a un, est généralement impliqué dans cette problématique. Le client subissant un redressement fiscal le poursuit. Il est souvent sauvé par le juge qui entend que l'investisseur, opérateur, reste le responsable de son opération qu'il voulait à la fois rentable et (donc) risquée. Voilà des investisseurs qui après avoir été mal conseillés au plan patrimonial l'ont peut-être ma été au plan juridique (la cassation est pour défaut de base légale, le juge de renvoi dispose d'une certaine latitude).

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Arrêt tiré de la base publique Légifrance.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 juin 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 489 F-D
Pourvois n° B 19-19.213
J 19-21.957 JONCTION

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUIN 2021

I - 1°/ La société Mutuelles du Mans IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes,

2°/ la société Mutuelles du Mans IARD, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], venant aux droits de la société Covea Risks,

ont formé le pourvoi n° B 19-19.213 contre un arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société LW & associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [O] [G], épouse [M], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à M. [X] [Q], domicilié [Adresse 4],
4°/ à M. [W] [Z], domicilié [Adresse 5],
5°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 6],
6°/ à Mme [N] [N], domiciliée [Adresse 7],
7°/ à M. [E] [C],
8°/ à Mme [J] [C],

domiciliés tous deux [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

II - La société LW & associés, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° J 19-21.957 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [G], épouse [M],
2°/ à M. [X] [Q],
3°/ à M. [W] [Z],
4°/ à M. [Y] [A],
5°/ à Mme [N] [N],
6°/ à Mme [J] [C],
7°/ à M. [E] [C],
8°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
9°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 9], venant aux droits de la société Covea Risks,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses au pourvoi n° B 19-19.213 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° J 19-21.957 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SCP Ortscheidt, avocat de la société LW & associés, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de MM. [Q], [Z] et [A], Mmes [G] et [N] et M. et Mme [C], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 19-19.213 et J 19-21.957 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2019), en 2008 et 2009, MM. [Q], [Z] et [A], Mmes [G] et [N] et M. et Mme [C] (les investisseurs) ont apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation conçu par la société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) qui leur avait été présenté par la société LW & associés, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation, puis ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

3. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, les investisseurs, estimant que la société LW & associés avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, l'ont assignée, ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de préjudices correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard et majorations mis à leur charge.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi n° B 19-19.213 formé par les sociétés MMA et le premier moyen du pourvoi n° J 19-21.957 formé par la société LW & associés, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° B 19-19.213 et le deuxième moyen du pourvoi n° J 19-21.957 formé par la société LW & associés

Enoncé des moyens

5. Par leur premier moyen, les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner solidairement avec la société LW & associés à payer diverses sommes aux investisseurs, sous réserve pour ce qui les concerne de la franchise de 15 000 euros par investisseur, alors « qu'un conseiller en gestion de patrimoine ne peut être tenu d'indemniser son client de la perte d'un avantage fiscal auquel il n'avait pas légalement droit que s'il est établi que, sans la faute qui lui est imputée, un avantage équivalent aurait pu être obtenu ; qu'en affirmant, pour condamner la société LW & associés à payer aux investisseurs le montant des réductions d'impôt reprises par l'administration fiscale et qui étaient attachées à l'opération de défiscalisation qui leur avait été proposée, que les manquements de la société de conseil en gestion de patrimoine n'avaient pas permis aux investisseurs de pouvoir prétendre aux réductions d'impôt escomptées, sans rechercher si, informés que les conditions d'éligibilité à cette opération de défiscalisation n'étaient pas remplies, les investisseurs, qui avaient eux-mêmes affirmé qu'ils ne se seraient pas engagés dans l'investissement litigieux, auraient pu réaliser, dans les délais légaux applicables, un autre investissement qui leur aurait procuré un avantage fiscal au moins équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil. »

6. Par son deuxième moyen, la société LW & associés fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec les sociétés MMA à payer diverses sommes aux investisseurs, sous réserve pour ce qui concerne les sociétés MMA de la franchise de 15 000 euros par investisseur, alors « que le manquement d'un conseiller en investissements financiers à ses obligations d'information et de conseil prive seulement son client d'une chance de mieux investir ses capitaux ; qu'en considérant néanmoins que les investisseurs étaient fondés à réclamer l'intégralité des sommes réglées à l'administration fiscale à titre de redressement, cependant que les manquements reprochés à la société LW & associés à ses obligations d'information et de conseil ne pouvaient donner lieu qu'à la réparation d'une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du premier moyen du pourvoi n° B 19-19.213

7. Les investisseurs contestent la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

8. Cependant, les sociétés MMA soutenaient dans leurs conclusions d'appel que le paiement par un contribuable de ses impôts ne constitue pas un préjudice et que les investisseurs ne peuvent prétendre au montant de la réduction d'impôt remise en cause alors que, selon eux, mieux informés, ils n'auraient pas souscrit l'opération et n'auraient donc pas bénéficié de cette réduction d'impôt.

9. Le moyen, qui n'est dès lors pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé des moyens

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

10. Il résulte de ce texte que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf s'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

11. Pour condamner la société LW & associés et les sociétés MMA à payer aux investisseurs des sommes correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts et majorations de retard mis à leur charge, après avoir retenu que la société LW & associés avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, l'arrêt retient que ces manquements n'ont pas permis aux investisseurs de pouvoir prétendre aux réductions d'impôt escomptées, de sorte que le lien de causalité est établi entre ces manquements et leur préjudice, lequel correspond au montant des redressements et des majorations et pénalités de retard mis à leur charge.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les investisseurs disposaient d'une solution alternative leur permettant d'échapper au paiement de l'impôt supplémentaire mis à leur charge à la suite de la rectification fiscale et pour laquelle, dûment informés ou dûment conseillés, ils auraient nécessairement opté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la société LW & associés et la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ces dernières sous réserve de la franchise de 15 000 euros par investisseur, à payer à Mme [G] la somme de 42 002 euros, M. [Q] la somme de 82 267 euros, M. [Z] la somme de 19 067 euros, M. [A] la somme de 99 593 euros, Mme [N] la somme de 93 440 euros et M. et Mme [C] la somme de 71 483 euros

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