La réforme du droit des contrats, du régime et de la preuve des obligations a été adoptée (Ord. 10 février 2016)



Les manuels vont changer ! Les codes rouge et bleu vont changer... en leur cœur. L'ordonnance dispose que l'essentiel de ses dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016.

A n'en pas douter elle sera ratifiée par le Parlement avant ce terme.

Le code civil sera donc notablement réformé au mois d'octobre prochain.

Rapport sur l'ordonnance expliquant les changements réalisés

Dispositions modifiant le Code civil

JORF n°0035 du 11 février 2016 - LEGIFRANCE (Source)

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

Monsieur le Président de la République,

La présente ordonnance est prise en application de l’article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. A ce titre, afin de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme, le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l’habilitation, à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour :

1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d’offre et d’acceptation de contrat, notamment s’agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d’information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ;

3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

5° Clarifier les dispositions relatives à l’interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d’adhésion ;

6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l’égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d’adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

8° Regrouper les règles applicables à l’inexécution du contrat et introduire la possibilité d’une résolution unilatérale par notification ;

9° Moderniser les règles applicables à la gestion d’affaires et au paiement de l’indu et consacrer la notion d’enrichissement sans cause ;

10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l’obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d’extinction de l’obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

11° Regrouper l’ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d’obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d’anéantissement du contrat ;

12° Clarifier et simplifier l’ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d’abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l’admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12°.

Genèse de la réforme

Alors que de nombreuses parties du code civil des Français issu de la loi du 30 ventôse an XII, devenu par la suite code Napoléon puis code civil, ont, au cours des dernières années, fait l’objet d’adaptation et de modernisation, le droit commun des obligations, à l’exception de quelques textes issus de la transposition de directives communautaires, n’a pas été modifié depuis plus de deux siècles. Ces règles ont certes été depuis complétées par une jurisprudence abondante, mais cette dernière est par essence fluctuante, voire incertaine, et peut être ressentie par les acteurs économiques comme difficilement accessible et complexe dans son appréhension. La seule lecture du code civil ne permet plus dans ces conditions de donner une vision claire et précise de l’état du droit positif qui, devenu en grande partie prétorien, a changé depuis 1804, la jurisprudence ayant tenu compte de l’évolution des mœurs, des technologies et des pratiques.

Par ailleurs, dans une économie mondialisée où les droits eux-mêmes sont mis en concurrence, l’absence d’évolution du droit des contrats et des obligations pénalisait la France sur la scène internationale.

Tout d’abord, des pays qui s’étaient autrefois grandement inspirés du code Napoléon ont réformé leur propre code civil, en s’affranchissant du modèle français, trop ancien pour demeurer source d’inspiration, comme le Portugal, les Pays-Bas, le Québec, l’Allemagne ou l’Espagne, et il est apparu à cette occasion que le rayonnement du code civil français passait par sa rénovation.

Mais en dehors même de cette dimension politique, l’enjeu au niveau international d’une telle réforme du droit français est économique : les rapports « Doing business » publiés par la Banque mondiale, mettant régulièrement en valeur les systèmes juridiques de Common law, ont notamment contribué à développer l’image d’un droit français complexe, imprévisible, et peu attractif. Dans ce contexte, se doter d’un droit écrit des contrats plus lisible et prévisible, en s’attachant à adopter une rédaction dans un style simple ainsi qu’une présentation plus claire et didactique, constitue un facteur susceptible d’attirer les investisseurs étrangers et les opérateurs souhaitant rattacher leur contrat au droit français.

Dans le même temps, au cours de ces vingt dernières années, les projets européens et internationaux d’harmonisation du droit des contrats se sont multipliés : les principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international publiés en 1994 et complétés en 2004, les principes du droit européen des contrats (PDEC) élaborés par la commission dite Lando, publiés entre 1995 et 2003, le projet de code européen des contrats ou code Gandolfi, publié en 2000, le projet de cadre commun de référence (DCFR), qui couvre tout le droit privé et a été remis officiellement au Parlement européen le 21 janvier 2008, et enfin les travaux menés par la société de législation comparée et l’association Henri Capitant des amis de la pensée juridique française qui ont abouti à la rédaction de principes contractuels communs (PCC) publiés en février 2008.

Il est donc apparu nécessaire, conformément au vœu émis non seulement par la doctrine, mais également par de nombreux praticiens du droit, non pas de refondre totalement le droit des contrats et des obligations, mais de le moderniser, pour faciliter son accessibilité et sa lisibilité, tout en conservant l’esprit du code civil, à la fois favorable à un consensualisme propice aux échanges économiques et protecteur des plus faibles.

Plusieurs projets académiques ont ainsi été élaborés ces dernières années : celui du groupe de travail réuni autour de Pierre Catala puis celui du groupe de travail de l’académie des sciences morales et politiques sous l’égide de François Terré. Par la publicité donnée à ces projets, les acteurs de la vie économique et juridique ont été mis en mesure d’émettre des observations. La Chancellerie a également préparé des avant-projets qui ont été largement diffusés et commentés. Enfin, à la suite de l’habilitation accordée au Gouvernement pour procéder à cette réforme par voie d’ordonnance, un nouveau texte, nourri de l’ensemble de ces travaux, a été soumis à consultation publique. Celle-ci a permis de recueillir les observations des professionnels du droit et des acteurs du monde économique qui, complétées par les nombreux articles de doctrine publiés sur le sujet, ont permis au Gouvernement d’aboutir à un texte répondant aux objectifs fixés de modernisation, de simplification, d’accessibilité et d’efficacité du droit commun des contrats et du régime des obligations, et susceptible de répondre aux attentes des praticiens.

Objectifs de la réforme

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