Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

La montée des "Systèmes" en Droit, Objets Juridiques Non Identifiés. Les "dark pools", marchés financiers confidentiels, à la une du journal Le Monde (16/12) et dans Les Echos (19/12) : de nouveaux risques pour les marchés financiers.



La montée des "Systèmes" en Droit, Objets Juridiques Non Identifiés. Les "dark pools", marchés financiers confidentiels, à la une du journal Le Monde (16/12) et dans Les Echos (19/12) : de nouveaux risques pour les marchés financiers.
La montée des systèmes en Droit a, ces derniers mois, retenu mon attention. Il en résulte une étude dans un ouvrage chez LexisNexis qui sera en librairie en mai (photo). L'ouvrage s'intitulera "Les concepts émergents du Droit des affaires". Sans partir d'un modèle précis, mais au contraire d'une réflexion diffuse, il nous semble que les systèmes sont promis à un bel avenir. On parle de système électronique et informatique. On s'est donc attaché à écrire une petite musique sur ce sujet totalement inédit.

Les systèmes, plateformes électroniques de négociations de titres et d'argent, sont devenus des réalités juridiques, des objets juridiques vivants ! Ces systèmes peuvent aujourd'hui être créés facilement, à la fois pour des raisons légales et, aussi, informatiques (baisse des coûts, raccordement aisés). "La bourse" (concept contre lequel nous militons depuis plus de dix ans car il ne veut plus rien dire), concept relayé par celui de marché réglementé, est désormais attaqué par des concurrents, les systèmes de négociation.

La presse s'en inquiète (Le Monde, 16 déc. 2009, p. 1, par Claire GATINOIS ; Les Echos, 19 déc. 2009, p. 4 et p. 31), l'AMF aussi, et les banques jouent semble-t-il sur les deux tableaux, faisant et critiquant à la fois.

Le domaine bancaire et financier est en pointe en matière de systèmes, mais il n'a pas le monopole de la conception, de la création et de l'exploitation des systèmes. Ils sont un objet juridique très complexe à analyser et singulièrement sur le plan juridique. Nous nous y sommes essayés dans le texte ci-dessus annoncé, sans du reste partir de l'exemple bancaire. La conclusion à laquelle je parviens est assez spectaculaire tant sur la plan macro-juridique (où placer les systèmes dans l'ordre juridique) que micro-juridique (que recèle le fonctionnement des systèmes). Ma préoccupation est partie d'un souci de ce que j'appelle le "droit industriel" que m'avait soumis un industriel de l'informatique : comment élaborer la chaîne juridique de contrats et de contraintes juridiques pour créer et exploiter un système ?

Pour le droit boursier, l'apparition de plateformes électroniques plus légères que celles des marchés réglementées aurait pu se produire plus tôt en droit puisque la directive sur les services d'investissement supprimait les monopoles. Imparfaite et mal assumée, les monopoles de droit se sont transformés en monopole de fait (Euronext...) et, pendant plus de dix ans, aucune concurrence n'aura pu exister. Le monopole de fait est tellement flagrant que Claire GATINOIS (le Monde précité) en conclut à tort que c'est la MIF qui a mis fin à ce monopole. En réalité, tout groupe de banques (par exemple) aurait pu créer un marché réglementé à condition de vouloir concurrencer Euronext... c'est-à-dire d'y mettre les moyens et de procéder aux investissements utiles. A l'inverse, les opérateurs ont procédé à des concentrations extraordinaires. L'Union européenne a failli a sa tâche de créer un peu de concurrence, on en sort néanmoins sans désastre.

La MIF permet en revanche avec des systèmes assez légers, dans un cadre juridique également allégé, de réaliser cette concurrence (on parle des systèmes multilatéraux de négociations, ces dernières désignant les contrats conclus grâce à la machine, au système !). On ne commentera pas ici les deux ou trois aspects juridiques du Code monétaire et financier qui permettent cela, tel n'est pas notre propos. En bref, des prestataires sont autorisés en mettre en rapport ou conclure des opérations par des système légers. Ce phénomène - du Système - est eb vérité général et déjà aujourd'hui, dans tous les domaines, des systèmes apparaissent un peu partout avec des fonctions juridiques, financières et industrielles particulières. L'internet est naturellement une coquille dans laquelle on peut faire des systèmes (en créant tel ou tel sous-système de la toile).

Pour les systèmes bancaires, la seule analyse de la compensation opérée dans les systèmes de règlement-livraison des titres et de monnaie ne suffit pas à saisir ce phénomène du Système. Cette analyse micro, à l'inverse nous semble-t-il, aura empêché d'avoir la réflexion globale que nous avons tentée avec le texte précité. L'AMF, en pleine période de trouble (on va revenir sur l'affaire EADS), se trouve confrontée à un problème qui, par sa généralité, pourrait bien lui échapper... ainsi qu'à quelque amateur et chantre de la régulation qui croient que l'institution d'un régulateur, avec quelque pouvoir singulier, suffisent à pouvoir réguler. Non ! Il faut d'abord pouvoir comprendre de quoi il ressort. Cela échappe aux généralistes qui commandent le monde et suppose de la recherche, notamment en droit.

Les articles de presse sus-visés semblent montrer des systèmes plus ou moins confidentiels. L'AMF ne peut pas avoir deux discours, dire que c'est préoccupant et, d'un autre côté, engager une réflexion qui aboutira à un rapport dans de longs mois. Le président de l'AMF doit essayer, s'il juge qu'il y a danger, sur la moindre irrégularité, d'agir contre les faiseurs de systèmes confidentiel. Même si le risque judiciaire est grand, l'AMF ne peut plus aujourd'hui se contenter de regarder les dérives former des bulles en tout genre. L'AMF doit devenir une combattante.

Je reviens au général. La question des systèmes, aiguisée par le domaine bancaire, et encore davantage par les activités financières, est en réalité un problème de théorie générale du Droit. Elle implique de multiples règles et domaines, échappant ainsi au droit privé ou au droit bancaire pour intéresser toutes les branches du droit.

Voilà pourquoi cette note s'insère, ici, dans la rubrique générale de ce blog... et non dans la rubrique relatives aux investisseurs et investissements. Et ce d'autant plus que le système, par nature, dépasse l'Homme, et qu'il convient de placer son étude sous l'aspect des préoccupations de l'avenir de l'humanité qui est bien assez déraisonnable et obtue pour se laisser envahir par les machines...




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