Dans le bazar de la République on trouve parfois un carton tout neuf dont le contenu, fort varié, réserve des surprises. Ouvrez le carton de la loi n°2011-331, le juriste et, spécialement, les professionnels du droit, y trouveront de nombreuses dispositions. Nous en relatons ici juste quelques-unes quand elles sont très nombreuses et plus variées encore que cette brève note le donne à penser. Voilà une loi d'ajustement censée, notamment, ajuster la droit au fait (on en est là : la politique législative est du suivisme), ajuster le droit (la loi) à la pratique du droit. Les comptables font du droit : on en prend acte. Les avocats trépignent sur le banc de touche, on les fait entrer sur le terrain du droit du sport. Les notaires veulent que l'on célèbre l'acte authentique... c'est fait. Toutes ces aspirations destinées à satisfaire le citoyen, "client" potentiel, penseront certains, tendent à être satisfaites.
L'acte authentique a-t-il besoin d'être encensé pour satisfaire quelques professionnels ? Voilà que c'est fait et bravo aux notaires. La publicité foncière en assure la promotion et le loge, cet acte, et s'y loge, elle, publicité, dans le Code civil, au nouvel article 710-1 ; le tut sur le prétexte de citer les actes susceptibles d'être publiés. Au passage, on rappelle qu'un acte authentique n'est pas un acte notarié mais toute acte authentifié par une personne habilitée à le faire par la loi (par exemple un préfet, même certains juges professionnels avaient pu l'oublier...).
Voilà ce nouveau texte :
« Chapitre unique - De la forme authentique des actes
« Art. 710-1. - Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant d'une autorité administrative.
« Le dépôt au rang des minutes d'un notaire d'un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d'écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière. Toutefois, même lorsqu'ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l'apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ainsi que les procès-verbaux d'abornement peuvent être publiés au bureau des hypothèques à la condition d'être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d'un notaire.
« Le premier alinéa n'est pas applicable aux formalités de publicité foncière des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s'y rattachent et des jugements d'adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d'arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d'événements naturels. »
La loi a beau être la loi, la question pourrait être posée de savoir quel est l'intérêt public majeur qui restreint la concurrence entre professionnels du droit en interdisant à la majorité d'entre eux, notamment les avocats, de publier à la conservation des hypothèques (comme l'on dit) les actes qu'ils signent, ou contresignent (acte d'avocat par contreseing). On s'étonne que la Cour de Justice des Communautés... de l'Union... n'ait pas déjà donné sa religion sur cette affaire. Mais c'est peut-être le cas et cela nous a échappé car il n'est pas possible qu'un avocat spécialisé en droit immobilier, ou en faillite, ou en droit de la famille... ne se soit pas posé la question pour la poser à la Cour.
Voilà ce dispositif placé juste avant un chapitre comportant réforme de dispositions relatives à la profession de notaire (...) , parmi lesquelles on note le virement qui devient parfois la seule technique de paiement autorisée. Surtout après l'article 1317 du code civil, il est ajouté un article 1317-1 ainsi rédigé :
« Art. 1317-1. - L'acte reçu en la forme authentique par un notaire est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. ». Voilà qui ferme quelque débats ou hésitations.
Les avocats souffrent, la profession ressemble parfois à un bateau ivre, le journal La Tribune annonçant hier la constitution de méga-cabinets de droit des affaires (bel article de Virginie MANGIN, depuis Pékin, La Tribune, 30 mars 2011, p. 27). Les difficultés sont patentes. Eh bien qu'à cela ne tienne. L'acte d'avocat est consacré, à travers le simple "contreseing d'avocat" qui ne trouve pas grâce aux yeux du Code civil puisqu'il ne figure "que" dans la loi de 1971 sur les professions judiciaires :
« Le contreseing de l'avocat
« Art. 66-3-1. - En contresignant un acte sous seing privé, l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
« Art. 66-3-2. - L'acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait pleine foi de l'écriture et de la signature de celles-ci tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable.
« Art. 66-3-3. - L'acte sous seing privé contresigné par avocat est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »
Certains de mes lecteurs se souviendront de quelques séminaires de technique contractuelle pour se rappeler que la loi est la loi, encore que sa lisibilité par le grand public, intéressé par cet acte, soit quasiment nulle : personne ne connaît la loi de 1971 ! Mais c'est plutôt une nouvelle forme d'acte juridique qui émerge.
En revanche, l'avocat progresse nettement sur le terrain du sport (et honneur aux collègues qui ont promu cette "matière") ; dans la même loi de 1971 est placée une série de dispositions dont on citera seulement le premier alinéa :
"Art. 6 ter. - Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport.
..."
Mais l'avocat devra bien se tenir en ce domaine où, par exemple, la violation des règles de rémunération de ses interventions seront carrément constitutives d'une infraction pénale punie de 7 500 euros d'amende ! Voilà qui peut surprendre mais si l'avocat doit à l'occasion remplacer des agents sportifs aux pratiques contestées, il ne peut démarrer ses activités avec les mêmes travers.
Les dispositions sur les comptables semblent montrer leur puissance, leur influence et leur organisation - toute chose par ailleurs ayant peut à voir avec l'expression de la Souveraineté nationale, mais cela n'est que "mots" or, ici, il n'est question que de "chiffres", même que de "sous". Les comptables ont gagné la guerre du droit estimeront d'aucuns :
L'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa de l'article 2 est ainsi rédigé :
« Les membres de l'ordre et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches. ».
La "démarche" est ainsi promue au rang de grande notion juridique permettant la rédaction de.. de quels actes juridiques en vérité ? Eh bien des actes liés aux démarches ! La souplesse du commercialiste qui s'exprime ici pourrait ne pas se retrouver sous la plume plus rigoureuse de civilistes qui se demanderont quel est ce nouveau charabia. Pourtant le Parlement a délibéré et adopté et les choses sont claires : démarches fiscales, démarches sociales et démarches administratives ! Assister... en matière de démarches... voilà une disposition clairement confuse. Il s'agit d'entériner une pratique qui consiste à rédiger des actes (conventions, déclarations administratives, lettres...) en se cachant derrière le client qui, au final, signe la déclaration. Le lecteur jugera. Il se pourrait que cette disposition se retourne contre les comptables tant elle montre, quand il ne s'agit pas d'une personne physique, que l'exclusivité des professions juridiques pour la consultation et la rédaction rémunérée pour autrui est vivace. La guerre du droit est-elle perdue ou relancée par la loi elle-même ?
Mais les comptables gagnent aussi sur tous les autres terrains ! Ils s'affranchissent aussi, après avoir contourné le "monopole du droit", de la servitude de la mono-activité que crée ordinairement une exclusivité professionnelle. Ils vont pouvoir prendre des participations de façon assez (totalement ?) libres ?! Voyez dans le même article ce que l'on trouve :
3° Après l'article 7 ter, il est inséré un article 7 quater ainsi rédigé :
« Art. 7 quater. - Les experts-comptables et les sociétés inscrites à l'ordre peuvent détenir des participations financières dans des entreprises de toute nature, sous le contrôle du conseil régional de l'ordre, dans les conditions fixées par le règlement intérieur de l'ordre des experts-comptables.
Il n'y a pas à dire. Jamais la loi n'a exprimé aussi bien la volonté générale, ce que les parlementaires ont bien compris en ne déférant pas la moindre disposition de ce texte au Conseil constitutionnel. Mais à quoi bon lorsque la République est à son paroxysme ?
L'acte authentique a-t-il besoin d'être encensé pour satisfaire quelques professionnels ? Voilà que c'est fait et bravo aux notaires. La publicité foncière en assure la promotion et le loge, cet acte, et s'y loge, elle, publicité, dans le Code civil, au nouvel article 710-1 ; le tut sur le prétexte de citer les actes susceptibles d'être publiés. Au passage, on rappelle qu'un acte authentique n'est pas un acte notarié mais toute acte authentifié par une personne habilitée à le faire par la loi (par exemple un préfet, même certains juges professionnels avaient pu l'oublier...).
Voilà ce nouveau texte :
« Chapitre unique - De la forme authentique des actes
« Art. 710-1. - Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant d'une autorité administrative.
« Le dépôt au rang des minutes d'un notaire d'un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d'écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière. Toutefois, même lorsqu'ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l'apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ainsi que les procès-verbaux d'abornement peuvent être publiés au bureau des hypothèques à la condition d'être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d'un notaire.
« Le premier alinéa n'est pas applicable aux formalités de publicité foncière des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s'y rattachent et des jugements d'adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d'arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d'événements naturels. »
La loi a beau être la loi, la question pourrait être posée de savoir quel est l'intérêt public majeur qui restreint la concurrence entre professionnels du droit en interdisant à la majorité d'entre eux, notamment les avocats, de publier à la conservation des hypothèques (comme l'on dit) les actes qu'ils signent, ou contresignent (acte d'avocat par contreseing). On s'étonne que la Cour de Justice des Communautés... de l'Union... n'ait pas déjà donné sa religion sur cette affaire. Mais c'est peut-être le cas et cela nous a échappé car il n'est pas possible qu'un avocat spécialisé en droit immobilier, ou en faillite, ou en droit de la famille... ne se soit pas posé la question pour la poser à la Cour.
Voilà ce dispositif placé juste avant un chapitre comportant réforme de dispositions relatives à la profession de notaire (...) , parmi lesquelles on note le virement qui devient parfois la seule technique de paiement autorisée. Surtout après l'article 1317 du code civil, il est ajouté un article 1317-1 ainsi rédigé :
« Art. 1317-1. - L'acte reçu en la forme authentique par un notaire est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. ». Voilà qui ferme quelque débats ou hésitations.
Les avocats souffrent, la profession ressemble parfois à un bateau ivre, le journal La Tribune annonçant hier la constitution de méga-cabinets de droit des affaires (bel article de Virginie MANGIN, depuis Pékin, La Tribune, 30 mars 2011, p. 27). Les difficultés sont patentes. Eh bien qu'à cela ne tienne. L'acte d'avocat est consacré, à travers le simple "contreseing d'avocat" qui ne trouve pas grâce aux yeux du Code civil puisqu'il ne figure "que" dans la loi de 1971 sur les professions judiciaires :
« Le contreseing de l'avocat
« Art. 66-3-1. - En contresignant un acte sous seing privé, l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
« Art. 66-3-2. - L'acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait pleine foi de l'écriture et de la signature de celles-ci tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable.
« Art. 66-3-3. - L'acte sous seing privé contresigné par avocat est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »
Certains de mes lecteurs se souviendront de quelques séminaires de technique contractuelle pour se rappeler que la loi est la loi, encore que sa lisibilité par le grand public, intéressé par cet acte, soit quasiment nulle : personne ne connaît la loi de 1971 ! Mais c'est plutôt une nouvelle forme d'acte juridique qui émerge.
En revanche, l'avocat progresse nettement sur le terrain du sport (et honneur aux collègues qui ont promu cette "matière") ; dans la même loi de 1971 est placée une série de dispositions dont on citera seulement le premier alinéa :
"Art. 6 ter. - Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport.
..."
Mais l'avocat devra bien se tenir en ce domaine où, par exemple, la violation des règles de rémunération de ses interventions seront carrément constitutives d'une infraction pénale punie de 7 500 euros d'amende ! Voilà qui peut surprendre mais si l'avocat doit à l'occasion remplacer des agents sportifs aux pratiques contestées, il ne peut démarrer ses activités avec les mêmes travers.
Les dispositions sur les comptables semblent montrer leur puissance, leur influence et leur organisation - toute chose par ailleurs ayant peut à voir avec l'expression de la Souveraineté nationale, mais cela n'est que "mots" or, ici, il n'est question que de "chiffres", même que de "sous". Les comptables ont gagné la guerre du droit estimeront d'aucuns :
L'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa de l'article 2 est ainsi rédigé :
« Les membres de l'ordre et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches. ».
La "démarche" est ainsi promue au rang de grande notion juridique permettant la rédaction de.. de quels actes juridiques en vérité ? Eh bien des actes liés aux démarches ! La souplesse du commercialiste qui s'exprime ici pourrait ne pas se retrouver sous la plume plus rigoureuse de civilistes qui se demanderont quel est ce nouveau charabia. Pourtant le Parlement a délibéré et adopté et les choses sont claires : démarches fiscales, démarches sociales et démarches administratives ! Assister... en matière de démarches... voilà une disposition clairement confuse. Il s'agit d'entériner une pratique qui consiste à rédiger des actes (conventions, déclarations administratives, lettres...) en se cachant derrière le client qui, au final, signe la déclaration. Le lecteur jugera. Il se pourrait que cette disposition se retourne contre les comptables tant elle montre, quand il ne s'agit pas d'une personne physique, que l'exclusivité des professions juridiques pour la consultation et la rédaction rémunérée pour autrui est vivace. La guerre du droit est-elle perdue ou relancée par la loi elle-même ?
Mais les comptables gagnent aussi sur tous les autres terrains ! Ils s'affranchissent aussi, après avoir contourné le "monopole du droit", de la servitude de la mono-activité que crée ordinairement une exclusivité professionnelle. Ils vont pouvoir prendre des participations de façon assez (totalement ?) libres ?! Voyez dans le même article ce que l'on trouve :
3° Après l'article 7 ter, il est inséré un article 7 quater ainsi rédigé :
« Art. 7 quater. - Les experts-comptables et les sociétés inscrites à l'ordre peuvent détenir des participations financières dans des entreprises de toute nature, sous le contrôle du conseil régional de l'ordre, dans les conditions fixées par le règlement intérieur de l'ordre des experts-comptables.
Il n'y a pas à dire. Jamais la loi n'a exprimé aussi bien la volonté générale, ce que les parlementaires ont bien compris en ne déférant pas la moindre disposition de ce texte au Conseil constitutionnel. Mais à quoi bon lorsque la République est à son paroxysme ?