La prochaine chronique de droit bancaire du JCP éditions Entreprise comportera cet arrêt. On le signale toutefois ici après que la Cour de cassation l'a relaté sur son site internet. Depuis quelques années nous avertissons les banquiers. Leurs méthodes commerciales font taire le Droit. Aujourd'hui, la Justice fait taire le marketing. Les banquiers doivent rapidement réagir pour éviter d'engager leur responsabilité contractuelle.
Le groupe Caisse d'Epargne enregistre ainsi son second échec en deux mois. Un autre récent arrêt lui reproche de ne pas avoir conseillé son client lors de la souscription de parts de FCP, le client avait alors perdu beaucoup d'argent. Cet dernier arrêt, paradoxalement, m'apparaît de nature à davantage inquiéter encore les banquiers que celui de cette semaine, ci-dessous rapporté. C'est ainsi la 3e décision significative qui fait évoluer la responsabilité des intermédiaires, banquiers ou autres, lorsqu'ils rendent des services d'investissement. Vendre des parts de fonds commun ou des actions de SICAV en fait partie.
La présente décision a été évoquée dans la presse. Son contenu est clair. La publicité commerciale pour faire souscrire des parts (de fonds commun) ne peut pas cacher le contenu (souvent plus technique et sobre) de la note officielle (déposée à la COB ou désormais à l'AMF). Dans la plupart des banques, il y a longtemps que l'on a écarté les juristes au profits de commerciaux techniciens du marketing, en donnant, de fait, autorité des seconds surles premiers. C'est accepter de faire du mauvais chiffre d'affaires, ce chiffre qui peut parfois coûter plus que ce qu'il rapporte.
La notice officielle ne doit donc pas être contredite par un document publicitaire... Pas plus que la note ne suffit - parfois ! ... - à informer le client.
Les questions posées sont nombreuses, à commencer par l'habitude de la Cour de ne viser que l'article 1147 du Code civil. Le "droit de la régulation" ne sert donc à rien... de quoi faire trembler quelques cénacles qui en font leur seul objet d'étude, sinon même un mouvement de philosophie juridique. Tel n'est as le cas ici, une disposition précise d'un règlement COB est cité ; mais la régulation c'est... alors... du règlement !? Du règlement d'AAI. L'article 33, alinéa 2, il est vrai, ne pouvait pas ne pas être cité. Il vise exactement le cas d'espèce : " la publicité concernant des OPCVM (...) doit être cohérente avec l'investissement proposé, et mentionner, le cas échéant, les caractéristiques moins favorables et les risques (...)". La position de la Cour étant en parfaire harmonie avec ce texte, il était utile de le citer, ce qui est une façon de souligner, outre une faute civile, un comportement professionnel peu convenable.
La solution est donc très particulière pour spécialement intéresser les opérations d'OPCVM (voir sur le sujet l'ouvrage de références des Pr M. STORCK et I. RIASSETO : OPCVM, éd. Joly, 2002), distribution d'instruments financier pour laquelle le banquier sait les tenants et aboutissants. Néanmoins, la solution a une certaine généralité : les "pubs" ne doivent pas pervertir les notices !
Plus précisément, la question de la responsabilté boursière devient compliquée pour l'avocat moyen qui a à traiter un dossier. Les arrêts se suivent, ne se ressemblent pas tous et s'entremêlent. Certains parlent d'information, d'autres de mise en garde et un autre encore récemment de devoir de conseil. Il y a de quoi y perdre son latin jurisprudentiel... et engager sa responsabilité en tant que professionnel du droit : il faut soulever tout moyen utile dès l'assignation (un important arrêt de procédure civile vient de le préciser : Cass. 1e civ., 28 mai 2008, n° 07-13.266).
Ainsi, répéter l'attendu du présent arrêt n'a aucun intérêt s'il n'est pas mis en perspective avec les 15 autres qui établissent un régime général de responsabilité. Seule cette mise en scène permet de répondre aux divers cas dont peuvent souffrir les clients, ou, parfois, les banquiers : ils peuvent être harcelés par des investisserus qui ne veulent pas assumer leurs choix. Or, malgré la mention de cet arrêt sur le site de la Cour de cassation, les solutions resteront souvent nuancées. Les banquiers ne doivent pas se résigner, les clients s'enthousiasmer.
Les litiges boursiers restent techniques et complexes, la présente solution, simple et claire, n'a pas vocation à donner une règle générale. Elle signifie bien cependant que, la cour de cassation, à la différence des juges du fond qui paraissent conservateurs, entend tirer un signal d'alarme et sanctionner si besoin est.
Un audit des documents publicitaires, quel que soient leur forme, s'impose. Allons, un peu de sérieux, mesdames et messieurs les banquiers !
Texte emprunté à la base Legifrance :
Arrêt n° 740 du 24 juin 2008
Pourvoi n° 06-21.798
Cour de cassation - Chambre commerciale
Cassation partielle________________________________________
Demandeur(s) à la cassation : Mme Andrée X...
Défendeur(s) à la cassation : caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France
________________________________________
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1147 du code civil, et 33, alinéa 2, du règlement n° 89-02 de la Commission des opérations de bourse modifié par le règlement n° 98-04, alors applicable ;
Attendu que la publicité délivrée par la personne qui propose à son client de souscrire des parts de fonds commun de placement doit être cohérente avec l'investissement proposé et mentionner le cas échéant les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés ; que l'obligation d'information qui pèse sur ce professionnel ne peut être considérée comme remplie par la remise de la notice visée par la Commission des opérations de bourse lorsque la publicité ne répond pas à ces exigences ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a souscrit auprès de la caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France Paris (la banque), des parts d'un fonds commun de placement dénommé FCP Ecureuil Europe 2004 ; que la valeur de ces parts s'étant, à l'échéance, trouvée inférieure à la valeur de souscription, Mme X..., reprochant à la banque d'avoir manqué à son obligation d'information, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt, après avoir constaté que la plaquette commerciale reçue par Mme X... indique "vous n'avez pas à vous inquiéter des évolutions des marchés financiers", puis que le diagramme qui y figure n'envisage à aucun moment de perte et que même en cas de baisse de l'indice DJ euro Stoxx 50 à 35 % il est encore envisagé un gain de 2,25 %, retient que, si ce document n'a pu à aucun moment informer la cliente, celle-ci a cependant été informée par l'examen de la notice visée par la Commission des opérations de bourse ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a reçu la caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France Paris en son appel et Mme X... en son appel incident, l'arrêt rendu le 12 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
________________________________________
Président : Mme Favre
Rapporteur : Mme Guillou, conseiller référendaire
Avocat général : M. Raysseguier, premier avocat général
Avocat(s) : Me Blanc, Me Copper-Royer
Le groupe Caisse d'Epargne enregistre ainsi son second échec en deux mois. Un autre récent arrêt lui reproche de ne pas avoir conseillé son client lors de la souscription de parts de FCP, le client avait alors perdu beaucoup d'argent. Cet dernier arrêt, paradoxalement, m'apparaît de nature à davantage inquiéter encore les banquiers que celui de cette semaine, ci-dessous rapporté. C'est ainsi la 3e décision significative qui fait évoluer la responsabilité des intermédiaires, banquiers ou autres, lorsqu'ils rendent des services d'investissement. Vendre des parts de fonds commun ou des actions de SICAV en fait partie.
La présente décision a été évoquée dans la presse. Son contenu est clair. La publicité commerciale pour faire souscrire des parts (de fonds commun) ne peut pas cacher le contenu (souvent plus technique et sobre) de la note officielle (déposée à la COB ou désormais à l'AMF). Dans la plupart des banques, il y a longtemps que l'on a écarté les juristes au profits de commerciaux techniciens du marketing, en donnant, de fait, autorité des seconds surles premiers. C'est accepter de faire du mauvais chiffre d'affaires, ce chiffre qui peut parfois coûter plus que ce qu'il rapporte.
La notice officielle ne doit donc pas être contredite par un document publicitaire... Pas plus que la note ne suffit - parfois ! ... - à informer le client.
Les questions posées sont nombreuses, à commencer par l'habitude de la Cour de ne viser que l'article 1147 du Code civil. Le "droit de la régulation" ne sert donc à rien... de quoi faire trembler quelques cénacles qui en font leur seul objet d'étude, sinon même un mouvement de philosophie juridique. Tel n'est as le cas ici, une disposition précise d'un règlement COB est cité ; mais la régulation c'est... alors... du règlement !? Du règlement d'AAI. L'article 33, alinéa 2, il est vrai, ne pouvait pas ne pas être cité. Il vise exactement le cas d'espèce : " la publicité concernant des OPCVM (...) doit être cohérente avec l'investissement proposé, et mentionner, le cas échéant, les caractéristiques moins favorables et les risques (...)". La position de la Cour étant en parfaire harmonie avec ce texte, il était utile de le citer, ce qui est une façon de souligner, outre une faute civile, un comportement professionnel peu convenable.
La solution est donc très particulière pour spécialement intéresser les opérations d'OPCVM (voir sur le sujet l'ouvrage de références des Pr M. STORCK et I. RIASSETO : OPCVM, éd. Joly, 2002), distribution d'instruments financier pour laquelle le banquier sait les tenants et aboutissants. Néanmoins, la solution a une certaine généralité : les "pubs" ne doivent pas pervertir les notices !
Plus précisément, la question de la responsabilté boursière devient compliquée pour l'avocat moyen qui a à traiter un dossier. Les arrêts se suivent, ne se ressemblent pas tous et s'entremêlent. Certains parlent d'information, d'autres de mise en garde et un autre encore récemment de devoir de conseil. Il y a de quoi y perdre son latin jurisprudentiel... et engager sa responsabilité en tant que professionnel du droit : il faut soulever tout moyen utile dès l'assignation (un important arrêt de procédure civile vient de le préciser : Cass. 1e civ., 28 mai 2008, n° 07-13.266).
Ainsi, répéter l'attendu du présent arrêt n'a aucun intérêt s'il n'est pas mis en perspective avec les 15 autres qui établissent un régime général de responsabilité. Seule cette mise en scène permet de répondre aux divers cas dont peuvent souffrir les clients, ou, parfois, les banquiers : ils peuvent être harcelés par des investisserus qui ne veulent pas assumer leurs choix. Or, malgré la mention de cet arrêt sur le site de la Cour de cassation, les solutions resteront souvent nuancées. Les banquiers ne doivent pas se résigner, les clients s'enthousiasmer.
Les litiges boursiers restent techniques et complexes, la présente solution, simple et claire, n'a pas vocation à donner une règle générale. Elle signifie bien cependant que, la cour de cassation, à la différence des juges du fond qui paraissent conservateurs, entend tirer un signal d'alarme et sanctionner si besoin est.
Un audit des documents publicitaires, quel que soient leur forme, s'impose. Allons, un peu de sérieux, mesdames et messieurs les banquiers !
Texte emprunté à la base Legifrance :
Arrêt n° 740 du 24 juin 2008
Pourvoi n° 06-21.798
Cour de cassation - Chambre commerciale
Cassation partielle________________________________________
Demandeur(s) à la cassation : Mme Andrée X...
Défendeur(s) à la cassation : caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France
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Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1147 du code civil, et 33, alinéa 2, du règlement n° 89-02 de la Commission des opérations de bourse modifié par le règlement n° 98-04, alors applicable ;
Attendu que la publicité délivrée par la personne qui propose à son client de souscrire des parts de fonds commun de placement doit être cohérente avec l'investissement proposé et mentionner le cas échéant les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés ; que l'obligation d'information qui pèse sur ce professionnel ne peut être considérée comme remplie par la remise de la notice visée par la Commission des opérations de bourse lorsque la publicité ne répond pas à ces exigences ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a souscrit auprès de la caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France Paris (la banque), des parts d'un fonds commun de placement dénommé FCP Ecureuil Europe 2004 ; que la valeur de ces parts s'étant, à l'échéance, trouvée inférieure à la valeur de souscription, Mme X..., reprochant à la banque d'avoir manqué à son obligation d'information, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt, après avoir constaté que la plaquette commerciale reçue par Mme X... indique "vous n'avez pas à vous inquiéter des évolutions des marchés financiers", puis que le diagramme qui y figure n'envisage à aucun moment de perte et que même en cas de baisse de l'indice DJ euro Stoxx 50 à 35 % il est encore envisagé un gain de 2,25 %, retient que, si ce document n'a pu à aucun moment informer la cliente, celle-ci a cependant été informée par l'examen de la notice visée par la Commission des opérations de bourse ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a reçu la caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France Paris en son appel et Mme X... en son appel incident, l'arrêt rendu le 12 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
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Président : Mme Favre
Rapporteur : Mme Guillou, conseiller référendaire
Avocat général : M. Raysseguier, premier avocat général
Avocat(s) : Me Blanc, Me Copper-Royer