Tous les 3 ou 5 ans, un contentieux rappelle les risques du métier de conseil en gestion de patrimoine et des professionnels dits "CGP" (Cass. com., 21 juin 2023, 21-24.210 - et aussi 212, 213 et 214, Inédits). Ce métier peut s'exercer dans diverses structures juridiques, de façon quasiment industrielle ou artisanale, avec une spécialité ou pas...
La thématique orbite dans le droit des services d'investissement que l'on ramène parfois, encore, à une activité bancaire. L'exercice de ces services, et de ce conseil par des banques, n'est pas un angle de vue pertinent. Il convient de s'abstraire du statut pour regarder les règles applicables et non appliquer les vieilles lunes du "droit bancaire", ce qui est encore régulièrement fait. Mais passons.
Il n'en reste pas moins qu'il y a une relative unité du métier.
La responsabilité a en conséquence, elle aussi, ses côtés unitaires.
Suivons la Cour de cassation.
Sans répondre aux conclusions de M. [F], qui soutenait,
en premier lieu, que la société Hedios l'avait insuffisamment informé des risques que présentait l'investissement dès lors, notamment, que le dossier de présentation de l'opération mentionnait que l'objectif de la société DTD était le risque zéro pour les investisseurs, et,
en second lieu, que la société Hedios avait manqué à son obligation de vigilance dans la sélection des produits commercialisés dès lors que ses représentants avaient constaté, lors de déplacements sur les lieux d'implantation des centrales électriques, que les panneaux photovoltaïques n'étaient pas installés, cependant qu'ils auraient dû l'être,
la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et la cassation suit.
La cour d'appel de renvoi devra donc rejuger, parlons simplement,
en premier lieu, si un "risque zéro" a été respecté quand on a osé proposé un investissement avec cette vertu ; on en sourirait si ce n'était une affaire à hauteur de cassation qui implique des justiciables qui pour un investissement sont obligés à des années de procédure ;
en second lieu, si proposer des investissements dans des installations qui ne sont pas conformes aux installations annoncées est fautif, ce que la cour reprend sous l'appellation pompeuse et nébuleuse de "obligation de vigilance" (mais ici, à mieux observer les choses, elle synthétise la demande au fond qui justifie le pourvoi et l'on sait que les avocats adorent le vague de la vigilance qui dispense de montrer une faute précise et référencée ; et, aussi, elle ne fait que dire que l'on doit répondre à des conclusions qui répondent à un moyen qui se présente ainsi...).
L'affaire est à replaider, un vent défavorable souffle sur les professionnels, mais il faudra voir précisément et concrètement, sur ces deux points, ce que les investisseurs savaient après toutes les informations reçues et quelle a été l'attitude de l'intermédiaire après avoir vu les difficultés industrielles.
Le droit s'applique à des faits parfaitement précisés et prouvés. Si ceux fondant la motivation insuffisante des juges d'appel méritaient la cassation, il faut voir si le professionnel intermédiaire et conseil peut les compléter pour changer l'impression qu'ils dégagent. Le dossier de défense semble à refaire.
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Utilisez les tags du blog pour retrouver ce thème dans d'autres analyses Obligation de conseil ou Investissements, Obligation de conseil, CGP CGPI, Gestion de patrimoine
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Sur les pertes de l'investisseur, vous pouvez lire ma synthèse (le strict droit bancaire y est donc dépassé) dans :
La thématique orbite dans le droit des services d'investissement que l'on ramène parfois, encore, à une activité bancaire. L'exercice de ces services, et de ce conseil par des banques, n'est pas un angle de vue pertinent. Il convient de s'abstraire du statut pour regarder les règles applicables et non appliquer les vieilles lunes du "droit bancaire", ce qui est encore régulièrement fait. Mais passons.
Il n'en reste pas moins qu'il y a une relative unité du métier.
La responsabilité a en conséquence, elle aussi, ses côtés unitaires.
Suivons la Cour de cassation.
Sans répondre aux conclusions de M. [F], qui soutenait,
en premier lieu, que la société Hedios l'avait insuffisamment informé des risques que présentait l'investissement dès lors, notamment, que le dossier de présentation de l'opération mentionnait que l'objectif de la société DTD était le risque zéro pour les investisseurs, et,
en second lieu, que la société Hedios avait manqué à son obligation de vigilance dans la sélection des produits commercialisés dès lors que ses représentants avaient constaté, lors de déplacements sur les lieux d'implantation des centrales électriques, que les panneaux photovoltaïques n'étaient pas installés, cependant qu'ils auraient dû l'être,
la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et la cassation suit.
La cour d'appel de renvoi devra donc rejuger, parlons simplement,
en premier lieu, si un "risque zéro" a été respecté quand on a osé proposé un investissement avec cette vertu ; on en sourirait si ce n'était une affaire à hauteur de cassation qui implique des justiciables qui pour un investissement sont obligés à des années de procédure ;
en second lieu, si proposer des investissements dans des installations qui ne sont pas conformes aux installations annoncées est fautif, ce que la cour reprend sous l'appellation pompeuse et nébuleuse de "obligation de vigilance" (mais ici, à mieux observer les choses, elle synthétise la demande au fond qui justifie le pourvoi et l'on sait que les avocats adorent le vague de la vigilance qui dispense de montrer une faute précise et référencée ; et, aussi, elle ne fait que dire que l'on doit répondre à des conclusions qui répondent à un moyen qui se présente ainsi...).
L'affaire est à replaider, un vent défavorable souffle sur les professionnels, mais il faudra voir précisément et concrètement, sur ces deux points, ce que les investisseurs savaient après toutes les informations reçues et quelle a été l'attitude de l'intermédiaire après avoir vu les difficultés industrielles.
Le droit s'applique à des faits parfaitement précisés et prouvés. Si ceux fondant la motivation insuffisante des juges d'appel méritaient la cassation, il faut voir si le professionnel intermédiaire et conseil peut les compléter pour changer l'impression qu'ils dégagent. Le dossier de défense semble à refaire.
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Sur les pertes de l'investisseur, vous pouvez lire ma synthèse (le strict droit bancaire y est donc dépassé) dans :
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Extrait de LEGIFRANCE
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 463 F-D
Pourvoi n° Z 21-24.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
M. [E] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-24.210 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Hedios, société anonyme, anciennement dénommée Hedios patrimoine, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
3°/ à la société civile MMA IARD assurances mutuelles,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Hedios, et l'avis oral de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2021), en 2008 et 2009, M. [F] a apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation conçu par la société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) qui lui avait été présenté par la société Hedios patrimoine, devenue Hedios, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation, puis a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.
2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, M. [F], estimant que la société Hedios avait manqué à ses obligations d'information, de conseil et de diligence dans la sélection des produits commercialisés, l'a assignée, ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de ses préjudices financier et moral.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société Hedios, alors :
« 1°/ que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à l'égard de son potentiel client d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du produit qu'il lui propose ; que le conseil en gestion de patrimoine doit présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés, ainsi que des risques afférents ; que, pour dire que la société Hedios justifiait s'être acquittée de son obligation d'information à l'égard des investisseurs, la cour d'appel a retenu que le mandat de recherche indiquait que le candidat précisait connaître les caractéristiques de cet investissement particulier et les divers risques attachés au dispositif, et qu'il mentionnait disposer des revenus et patrimoine "suffisants et propices à l'étude et la compréhension de cette opération purement fiscale", et qu'à ce mandat était attaché le dossier de présentation de la société Dom-Tom défiscalisation contenant les informations relatives à l'opération, notamment les conditions d'obtention de la réduction d'impôt ; que la cour d'appel a considéré que la documentation remise "n'occultait pas les risques inhérents à ce type d'investissement", dans la mesure où même si ces documents insistaient davantage sur les aspects positifs du montage,"le risque était atténué par la garantie offerte par l'Etat et par la société Lynx", et "l'investisseur était informé dès le départ du risque fiscal et de ce que son investissement était à fonds perdus" ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que les informations fournies aux investisseurs faisaient clairement et loyalement état des risques de l'opération de défiscalisation, l'exposant soulignant en particulier que le dossier de présentation du produit DTD indiquait que "l'objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la loi Paul-Girardin industrielle", ce qui avait conduit l'autorité des marchés financiers à avertir la société Hedios patrimoine sur le caractère trompeur de cette présentation dans un courrier du 24 juin 2010, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147, désormais 1103 et 1231-1, du code civil ;
3°/ que le conseil en gestion de patrimoine est tenu à une obligation de diligence et de prudence ; que s'il n'est pas personnellement responsable de l'échec d'une opération de défiscalisation qu'il n'a pas lui-même conçue ou mise en place, il est néanmoins tenu de s'assurer du sérieux du produit qu'il commercialise et du respect des conditions de son éligibilité au dispositif de défiscalisation en cause ; que pour écarter toute responsabilité de la société Hedios à cet égard, la cour d'appel a relevé que cette dernière s'était préalablement renseignée sur la solvabilité des sociétés du groupe DTD et sur le produit monté par la société DTD avant de le proposer et que sur le plan juridique, elle s'était fait remettre des consultations par des avocats spécialisés dont un avocat fiscaliste expérimenté dans les dispositifs de défiscalisation mis en place par les pouvoirs publics, qui avalisaient le montage de l'opération créée par DTD et confirmaient la solidité financière des exploitants, de sorte que "l'opération présentait toutes les garanties requises sur le plan juridique et fiscal", et qu'en outre, les déplacements de la société Hedios et les auditions de son représentant pendant l'enquête pénale contre le représentant de la société Dom-Tom défiscalisation "ne constituent pas des preuves dès lors que la société Hedios n'était tenue qu'à une obligation de moyen" et qu' "elle n'avait d'une part aucune obligation de se déplacer sur les lieux, d'autre part, elle ne disposait d'aucun moyen de contrôle" ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le représentant de la société Hedios patrimoine, qui avait effectué quatre voyages sur place en 2008 et 2009 n'aurait pas dû à cette occasion être alerté sur le sérieux de l'opération et son éligibilité au dispositif Girardin industriel dans la mesure où il était établi qu'à ces dates, il avait constaté que les panneaux photovoltaïques qui auraient dû être installés au regard des collectes de fonds effectuées n'avaient pas été posés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
6. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par M. [F] à l'encontre de la société Hedios, l'arrêt retient que le dossier de présentation remis à l'investisseur contenait les informations relatives à l'opération et que la documentation « DTD » indiquait les conditions d'obtention d'une réduction d'impôt, laquelle était subordonnée à la réalisation des conditions énoncées à l'article 199 undecies B et D du code général des impôts. Il ajoute qu'à l'examen de ces documents, les risques inhérents à ce type d'investissements n'étaient pas occultés dès lors que, si ces documents insistaient sur les aspects positifs du montage, l'investisseur était informé dès le départ du risque fiscal et de ce que son investissement était réalisé à fonds perdus. Il retient, enfin, s'agissant des déplacements sur place de la société Hedios, que les auditions de son représentant légal au cours de l'instruction pénale sont pas probantes, dès lors que cette société n'était tenue qu'à une obligation de moyens et qu'elle ne disposait d'aucun moyen de contrôle.
7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [F], qui soutenait, en premier lieu, que la société Hedios l'avait insuffisamment informé des risques que présentait l'investissement dès lors, notamment, que le dossier de présentation de l'opération mentionnait que l'objectif de la société DTD était le risque zéro pour les investisseurs, et, en second lieu, que la société Hedios avait manqué à son obligation de vigilance dans la sélection des produits commercialisés dès lors que ses représentants avaient constaté, lors de déplacements sur les lieux d'implantation des centrales électriques, que les panneaux photovoltaïques n'étaient pas installés, cependant qu'ils auraient dû l'être, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
8. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, alors « que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour débouter M. [F] de ses demandes de mise en oeuvre de la garantie souscrite par la société Hedios patrimoine auprès des sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risk, assureur de responsabilité de la société Hedios patrimoine, la cour d'appel a retenu que la garantie des MMA ne s'appliquait pas dès lors que les conditions de mise en jeu de la responsabilité civile de la société Hedios patrimoine n'étaient pas réunies ; qu'il en résulte que la cassation à intervenir sur l'un quelconque des quatre premiers moyens de cassation, qui reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de l'exposant tendant à la condamnation de la société Hedios patrimoine à l'indemniser des préjudices résultant des manquements de cette dernière à ses obligations professionnelles, entraînera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes en garantie de M. [F] contre les assureurs de la société Hedios patrimoine, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
10. Pour rejeter les demandes formées par M. [F] contre les sociétés MMA, l'arrêt retient que la solution du litige conduit à rejeter les demandes de garantie des sociétés MMA, dès lors que les conditions de la responsabilité de la société Hedios ne sont pas réunies.
11. La cassation prononcée sur le troisième moyen du chef de dispositif rejetant les demandes d'indemnisation formées par M. [F] contre la société Hedios entraîne donc la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif rejetant les demandes de condamnation des sociétés MMA, in solidum avec la société Hedios, à indemniser M. [F] de ses préjudices financier et moral, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, ...
Extrait de LEGIFRANCE
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 463 F-D
Pourvoi n° Z 21-24.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
M. [E] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-24.210 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Hedios, société anonyme, anciennement dénommée Hedios patrimoine, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
3°/ à la société civile MMA IARD assurances mutuelles,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Hedios, et l'avis oral de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2021), en 2008 et 2009, M. [F] a apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation conçu par la société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) qui lui avait été présenté par la société Hedios patrimoine, devenue Hedios, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation, puis a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.
2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, M. [F], estimant que la société Hedios avait manqué à ses obligations d'information, de conseil et de diligence dans la sélection des produits commercialisés, l'a assignée, ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de ses préjudices financier et moral.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société Hedios, alors :
« 1°/ que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à l'égard de son potentiel client d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du produit qu'il lui propose ; que le conseil en gestion de patrimoine doit présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés, ainsi que des risques afférents ; que, pour dire que la société Hedios justifiait s'être acquittée de son obligation d'information à l'égard des investisseurs, la cour d'appel a retenu que le mandat de recherche indiquait que le candidat précisait connaître les caractéristiques de cet investissement particulier et les divers risques attachés au dispositif, et qu'il mentionnait disposer des revenus et patrimoine "suffisants et propices à l'étude et la compréhension de cette opération purement fiscale", et qu'à ce mandat était attaché le dossier de présentation de la société Dom-Tom défiscalisation contenant les informations relatives à l'opération, notamment les conditions d'obtention de la réduction d'impôt ; que la cour d'appel a considéré que la documentation remise "n'occultait pas les risques inhérents à ce type d'investissement", dans la mesure où même si ces documents insistaient davantage sur les aspects positifs du montage,"le risque était atténué par la garantie offerte par l'Etat et par la société Lynx", et "l'investisseur était informé dès le départ du risque fiscal et de ce que son investissement était à fonds perdus" ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que les informations fournies aux investisseurs faisaient clairement et loyalement état des risques de l'opération de défiscalisation, l'exposant soulignant en particulier que le dossier de présentation du produit DTD indiquait que "l'objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la loi Paul-Girardin industrielle", ce qui avait conduit l'autorité des marchés financiers à avertir la société Hedios patrimoine sur le caractère trompeur de cette présentation dans un courrier du 24 juin 2010, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147, désormais 1103 et 1231-1, du code civil ;
3°/ que le conseil en gestion de patrimoine est tenu à une obligation de diligence et de prudence ; que s'il n'est pas personnellement responsable de l'échec d'une opération de défiscalisation qu'il n'a pas lui-même conçue ou mise en place, il est néanmoins tenu de s'assurer du sérieux du produit qu'il commercialise et du respect des conditions de son éligibilité au dispositif de défiscalisation en cause ; que pour écarter toute responsabilité de la société Hedios à cet égard, la cour d'appel a relevé que cette dernière s'était préalablement renseignée sur la solvabilité des sociétés du groupe DTD et sur le produit monté par la société DTD avant de le proposer et que sur le plan juridique, elle s'était fait remettre des consultations par des avocats spécialisés dont un avocat fiscaliste expérimenté dans les dispositifs de défiscalisation mis en place par les pouvoirs publics, qui avalisaient le montage de l'opération créée par DTD et confirmaient la solidité financière des exploitants, de sorte que "l'opération présentait toutes les garanties requises sur le plan juridique et fiscal", et qu'en outre, les déplacements de la société Hedios et les auditions de son représentant pendant l'enquête pénale contre le représentant de la société Dom-Tom défiscalisation "ne constituent pas des preuves dès lors que la société Hedios n'était tenue qu'à une obligation de moyen" et qu' "elle n'avait d'une part aucune obligation de se déplacer sur les lieux, d'autre part, elle ne disposait d'aucun moyen de contrôle" ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le représentant de la société Hedios patrimoine, qui avait effectué quatre voyages sur place en 2008 et 2009 n'aurait pas dû à cette occasion être alerté sur le sérieux de l'opération et son éligibilité au dispositif Girardin industriel dans la mesure où il était établi qu'à ces dates, il avait constaté que les panneaux photovoltaïques qui auraient dû être installés au regard des collectes de fonds effectuées n'avaient pas été posés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
6. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par M. [F] à l'encontre de la société Hedios, l'arrêt retient que le dossier de présentation remis à l'investisseur contenait les informations relatives à l'opération et que la documentation « DTD » indiquait les conditions d'obtention d'une réduction d'impôt, laquelle était subordonnée à la réalisation des conditions énoncées à l'article 199 undecies B et D du code général des impôts. Il ajoute qu'à l'examen de ces documents, les risques inhérents à ce type d'investissements n'étaient pas occultés dès lors que, si ces documents insistaient sur les aspects positifs du montage, l'investisseur était informé dès le départ du risque fiscal et de ce que son investissement était réalisé à fonds perdus. Il retient, enfin, s'agissant des déplacements sur place de la société Hedios, que les auditions de son représentant légal au cours de l'instruction pénale sont pas probantes, dès lors que cette société n'était tenue qu'à une obligation de moyens et qu'elle ne disposait d'aucun moyen de contrôle.
7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [F], qui soutenait, en premier lieu, que la société Hedios l'avait insuffisamment informé des risques que présentait l'investissement dès lors, notamment, que le dossier de présentation de l'opération mentionnait que l'objectif de la société DTD était le risque zéro pour les investisseurs, et, en second lieu, que la société Hedios avait manqué à son obligation de vigilance dans la sélection des produits commercialisés dès lors que ses représentants avaient constaté, lors de déplacements sur les lieux d'implantation des centrales électriques, que les panneaux photovoltaïques n'étaient pas installés, cependant qu'ils auraient dû l'être, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
8. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, alors « que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour débouter M. [F] de ses demandes de mise en oeuvre de la garantie souscrite par la société Hedios patrimoine auprès des sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risk, assureur de responsabilité de la société Hedios patrimoine, la cour d'appel a retenu que la garantie des MMA ne s'appliquait pas dès lors que les conditions de mise en jeu de la responsabilité civile de la société Hedios patrimoine n'étaient pas réunies ; qu'il en résulte que la cassation à intervenir sur l'un quelconque des quatre premiers moyens de cassation, qui reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de l'exposant tendant à la condamnation de la société Hedios patrimoine à l'indemniser des préjudices résultant des manquements de cette dernière à ses obligations professionnelles, entraînera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes en garantie de M. [F] contre les assureurs de la société Hedios patrimoine, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
10. Pour rejeter les demandes formées par M. [F] contre les sociétés MMA, l'arrêt retient que la solution du litige conduit à rejeter les demandes de garantie des sociétés MMA, dès lors que les conditions de la responsabilité de la société Hedios ne sont pas réunies.
11. La cassation prononcée sur le troisième moyen du chef de dispositif rejetant les demandes d'indemnisation formées par M. [F] contre la société Hedios entraîne donc la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif rejetant les demandes de condamnation des sociétés MMA, in solidum avec la société Hedios, à indemniser M. [F] de ses préjudices financier et moral, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, ...