L'Afrique sans complexe face aux économicraties européennes : la démocratie s'y effondre, Lettre à un ami africain.



L'Afrique sans complexe face aux économicraties européennes : la démocratie s'y effondre, Lettre à un ami africain, par Hervé CAUSSE, professeur des Facultés de Droit

L'Afrique peut-être sans complexe face aux économicraties européennes : la démocratie s'y effondre. Un bon ton s'est installé en Europe et les principes actifs de la démocratie ne le sont plus. L'arrivée en Autriche d'un régime très très très à droite vient de loin. L'Europe technocratique est l'une des responsables de la situation. Avec milles lois incompréhensibles, appliquées de façon très nuancées, les idées d'égalité et de Justice n'ont plus cours. Personne n'y croit, ni sur votre trottoir ni au sommet de l'Etat. On croit seulement à un modèle économique (du reste assez efficace) que certains imaginent comme allant de l'esclavagisme (le petit salarié à mi-temps, l'intérimaire...) aux maîtres des grands domaines (les "capitaines d'industries dont le slogan semble être : 100 millions d'euros sinon rien !).

Pauvre Europe, pauvre France... qui entend encore donner des leçons.

La Justice est dépassée qui prend 5 ans pour rendre une décision (définitive), le Parlement est submergé par ses propres lois qu'il change souvent pour peu sinon pour rien, et ce au bout de 12 ou 18 mois, l'exécutif prend ses décisions au gré de l'actualité inondant ses administrations et administrateurs, chaque année, de milliers de décrets et d'arrêtés. Même l'administration ne connaît pas son droit !

La démocratie française est ubuesque. On vote une loi (voire 2 ou 3 je ne sais plus) sur l'autonomie de l'Université, que personne ne conteste, mais le gouvernement impose une informatique et des critères de sélection aux universités parce que son programme informatique inventé une année a été gravement défaillant.

Personne ne le dit : la vitalité démocratique est à niveau zéro. La politique des migrants : personne n'y comprend rien mais tout le monde a peur.

La politique étrangère : on aide tel ou tel pays étranger mais la moitié de nos aéronefs ne sont pas en état de voler... puisque la ministre le dit... On fait des grandes régions pour décentraliser, mais Paris prend toutes les décisions. On paye deux assemblées parlementaires, mais 60 % des lois sont écrites à Bruxelles (on a du reste deux Parlements : un à Strasbourg et un à Bruxelles).

On veut lutter contre la finance, mais toutes les normes adoptées donnent un cadre souple et valident tous les actes de spéculation possibles et inimaginables. On fait une Union bancaire européenne, mais les italiens paieront le renflouement de la plus vieille banque italienne (dont l'un des responsables s'est suicidé en se jetant d'une fenêtre sur le dos... voyez la très sérieuse enquête diffusée sur Arte). On donne le bac à qui ne le mérite pas et en un semestre l'Université va devoir rattraper les ratages de 12 ans d'études de l'école primaire au lycée...

Tout est à l'avenant. On fait des routes chères et très plates pour rouler vite, mais on y appose des dos d'âne et des ralentisseurs en tout genre. On fabrique des autos qui roulent à 300 km / h mais on met la vitesse à 50 voire 30 km / h en ville... 80 sur nationale ? On loue la recherche et les chercheurs, mais on les paye 4000 euros par mois et on paye les footballeurs de base 15000 euros et les autres... vous savez. Un président de la Commission européenne qui détient tous les secrets de la terre peut passer après ses 18 mois de discrétion dans la plus grande et contestée banque au monde (et on amuse la galerie en parlant d'éthique... on fait même des colloques sur le sujet !).

Ubuesque. Le bilan ne peut pas être fait car il ne serait pas crédible. Peut-être que Coluche aurait pu faire passer le message.

La situation est inquiétante et l'incohérence générale atteint le système démocratique. La moitié de la population ne veut pas aller voter. Elle ne vote jamais, pour celle qui vote, pour quelqu'un, mais toujours contre 2 ou 3 autres. Les partis politiques n'ont pas de véritable statut, on en a officiellement 300, on en connaît 7, on les finance, et c'est le plus malin des militants qui deviendra ministre... non pas le plus compétent. On a une Haute Cour, mais elle n'a jamais condamné un personnage politique. On a des dizaines d'autorités de régulation qui font leur droit et leurs sanctions parce que les gouvernements et les parlements successifs se sont déchargés de leurs tâches.

Là-dessus, la seule inquiétude réside dans l'euro, seconde monnaie au monde - tout de même. Certes la BCE en use et en abuse, mais lui reste fort. On s'en inquiète alors que les dangers sur la monnaie résident dans le fait que l'on est en présence d'une société incohérente - ici, en Italie ou en Espagne ou ailleurs... Voilà, nos démocraties ne sont devenues que des économicraties - du reste seul les économistes ont la parole : on se demande pourquoi il y a tant de chômage et de déficits. Institutions et Constitutions sont des façades sans rien derrière - bon, là c'est exagéré.

Si l'Afrique a conscience de cela, tout en ayant conscience de ses propres déficiences, elle a une carte à jouer. La question est celle de savoir si elle veut emprunter un modèle de régime démocratique essoufflé, usé jusqu'à la corde. Inventez votre modèle, ne copiez pas le nôtre !




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