Noter les avocats... voilà qui nous semble bien difficile. La notation couvre certes le louable processus d'évaluation. Mais tout ceci a un sens lorsque le cadre est fixe, clair et net. On peut tout de même s'étonner des notations quand ce sont les incompétents qui notent les compétents... en fait d'évaluation, il n'y a alors qu'un système para-démocratique de vote.
La compétence n'est alors qu'une vague donnée parmi d'autres.
Mais la mode est à la révolution, une révolution du consensus diffus, mais quasi planétaire, donc bien difficile à arrêter. La liberté d'expression est devenue une activité sans cadre aucun à la portée illimitée, mondiale. Vive les réseaux sociaux !
Les libertés fondamentales interdisent d'empêcher les uns et les autres de s'exprimer.
Des faiseurs de sites et de systèmes peuvent donc créer des systèmes visant à évaluer les uns et les autres, selon leur propre procédure dont l'objectif préliminaire est le buzz pour faire du chiffre d'affaires. L'objectif affiché est celui de l'information faisant jouer la concurrence (l'avocat geek saura bien mieux gérer les évaluations).
Dans l'arrêt qui vient d'être rendu, le Conseil national des Barreaux s'est opposé à une société sur cette activité d'évaluation des avocats et de proposition de devis. C'est un peu un match nul que siffle l'arrêt de la Haute juridiction appliquant la loi (et le décret...) :
1°) Les sites de la société Jurisystem qui pouvaient créer une confusion dans le public sont interdits. En portant le mot "avocat" ils peuvent tromper le public d'autant que le site proposait des factures ou devis, le public pouvait croire être en relation avec des avocats.
2°) Le projet économique de comparer les avocats demeure licite, et naturellement au moyen de sites web. La déontologie des avocats, stricte, ne s'applique pas à une entreprise qui prétend informer sur les qualités des avocats. La déontologie interdit à un professionnel de se comparer à une autre...
Les avocats, et avec eux le CNB, pourront recommencer des procès en ajustant leurs demandes et fondements, mais cet arrêt a évidemment un belle autorité. Les laudateurs de l'éthique qui fleurissent sur le web apporteront-ils, ici, quelque chose au débat ?
En effet, si une société évite la déontologie d'une profession ou ses prolongements attendus, quoiqu'elle n'y soit pas soumise, de quelle éthique se revendique-t-elle ?
L'éthique n'est-elle pas en effet, par définition, supérieure et plus noble que la modeste déontologie ? En effet, on sait à peu près ce qu'est la déontologie : des règles existent. Ah moins que l'éthique ne soit qu'un mirage.
Mais quel monde troublé !
La compétence n'est alors qu'une vague donnée parmi d'autres.
Mais la mode est à la révolution, une révolution du consensus diffus, mais quasi planétaire, donc bien difficile à arrêter. La liberté d'expression est devenue une activité sans cadre aucun à la portée illimitée, mondiale. Vive les réseaux sociaux !
Les libertés fondamentales interdisent d'empêcher les uns et les autres de s'exprimer.
Des faiseurs de sites et de systèmes peuvent donc créer des systèmes visant à évaluer les uns et les autres, selon leur propre procédure dont l'objectif préliminaire est le buzz pour faire du chiffre d'affaires. L'objectif affiché est celui de l'information faisant jouer la concurrence (l'avocat geek saura bien mieux gérer les évaluations).
Dans l'arrêt qui vient d'être rendu, le Conseil national des Barreaux s'est opposé à une société sur cette activité d'évaluation des avocats et de proposition de devis. C'est un peu un match nul que siffle l'arrêt de la Haute juridiction appliquant la loi (et le décret...) :
1°) Les sites de la société Jurisystem qui pouvaient créer une confusion dans le public sont interdits. En portant le mot "avocat" ils peuvent tromper le public d'autant que le site proposait des factures ou devis, le public pouvait croire être en relation avec des avocats.
2°) Le projet économique de comparer les avocats demeure licite, et naturellement au moyen de sites web. La déontologie des avocats, stricte, ne s'applique pas à une entreprise qui prétend informer sur les qualités des avocats. La déontologie interdit à un professionnel de se comparer à une autre...
Les avocats, et avec eux le CNB, pourront recommencer des procès en ajustant leurs demandes et fondements, mais cet arrêt a évidemment un belle autorité. Les laudateurs de l'éthique qui fleurissent sur le web apporteront-ils, ici, quelque chose au débat ?
En effet, si une société évite la déontologie d'une profession ou ses prolongements attendus, quoiqu'elle n'y soit pas soumise, de quelle éthique se revendique-t-elle ?
L'éthique n'est-elle pas en effet, par définition, supérieure et plus noble que la modeste déontologie ? En effet, on sait à peu près ce qu'est la déontologie : des règles existent. Ah moins que l'éthique ne soit qu'un mirage.
Mais quel monde troublé !
Arrêt publié sur le site de la Cour de cassation
Source : Cour de cassation :
Vers la Cour de cassation
Avertissement : les moyens sont soulignés et certains motifs mis en gras par nos soins.
Arrêt n° 561 du 11 mai 2017 (16-13.669) - Cour de cassation - Première chambre civile -
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES
RÉTROCESSION DES NOMS DE DOMAINE
Cassation partielle
Protection des consommateurs - Pratiques commerciales
trompeuses - Rétrocession des noms de domaine
Demandeur : Société Jurisystem, société
Défendeur : Conseil national des barreaux
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Jurisystem, spécialisée dans l’édition de supports juridiques, a créé, en 2012, le site avocat.net, devenu alexia.fr, afin de mettre en rapport des particuliers avec des avocats inscrits sur le site qui se présentait comme le « comparateur d’avocats n° 1 en France » ; que, soutenant que la société Jurisystem, en exploitant son site, faisait un usage prohibé du titre d’avocat pour proposer des services juridiques, accomplissait des actes de démarchage interdits, se livrait à des pratiques trompeuses et contrevenait aux règles de la profession prohibant toute mention publicitaire comparative ainsi que la rémunération de l’apport d’affaires et le partage d’honoraires, le Conseil national des barreaux (CNB) l’a assignée en interdiction de telles pratiques portant atteinte à l’intérêt collectif de la profession et en indemnisation ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Jurisystem fait grief à l’arrêt d’ordonner la rétrocession des noms de domaine www.avocat.net et www.iavocat.fr au profit du CNB ou, à tout le moins, de procéder à leur radiation, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il résulte de ses conclusions que la société Jurisystem soutenait que « l’utilisateur peut sélectionner les profils des avocats qui lui conviennent et leur demander un devis en cliquant sur le bouton « demander un devis » ; les avocats qui reçoivent les demandes de devis peuvent alors choisir d’y répondre si la question les intéresse. Ce sont bel et bien les avocats qui envoient ensuite leur devis d’intervention aux utilisateurs du site internet » ; que, dès lors, en retenant qu’« il ressort du procès-verbal de constat du 6 novembre 2013 et des explications de la société Jurisystem que celle-ci, qui est une société commerciale, propose aux internautes, futurs justiciables, des devis relatifs aux prestations d’avocat. Cette société utilise la dénomination avocat.net comme adresse électronique pour prospecter les internautes en vue de leur proposer de les mettre en relations avec des cabinets d’avocats partenaires, créant, par l’usage de cette dénomination, et alors qu’elle leur transmet des devis de prestations d’avocats, une confusion dans l’esprit de l’internaute non averti, qui pense être en relation avec une société d’avocats », les juges d’appel ont dénaturé les conclusions de la société Jurisystem et violé, en conséquence, les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu’à supposer même que la société Jurisystem ait contribué, en dénommant son site internet avocat.net, à créer, dans l’esprit du public, une confusion avec le titre et la profession d’avocat, cette circonstance est impropre à justifier la rétrocession de ce nom de domaine au CNB qui, au reste, n’a pas plus la qualité d’avocat ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 74 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l’article L. 121-1 du code de la consommation ;
Mais attendu que l’arrêt relève que, notamment selon le procès-verbal de constat du 6 novembre 2013, la société Jurisystem, de nature commerciale, propose aux internautes, sur son site avocat.net, d’obtenir des devis de prestations d’avocats ; qu’il retient que l’usage de ce nom de domaine, associé à l’offre concomitante d’accès à des fiches juridiques, est de nature à créer, dans l’esprit du public non averti, qui peut croire être en relation avec des avocats, une confusion sur la qualité de ses interlocuteurs ; que, par ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui a estimé que l’utilisation des noms de domaine www.avocat.net et www.iavocat.fr prêtait à confusion, a pu, sans commettre la dénaturation alléguée, ordonner, en réparation, la suppression de ces noms de domaine ou leur transfert au CNB, chargé de représenter la profession d’avocat, seules mesures susceptibles de satisfaire au but poursuivi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen et le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, du même pourvoi, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le cinquième moyen, pris en ses première et deuxième branches, du même pourvoi, réunis :
Attendu que la société Jurisystem fait grief à l’arrêt de lui interdire de faire usage du slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France » et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son site alexia.fr, alors, selon le moyen :
1°/ que, constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d’appel, la demande qui n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande soumise au premier juge ; qu’une demande formée pour la première fois en appel n’est le complément de la demande originaire que si elle vise à la réactualiser, au regard de circonstances intervenues entre la première instance et l’appel ; qu’au cas d’espèce, la demande originaire visant l’interdiction de l’usage du slogan utilisé à l’époque, si, eu égard à la modification du slogan, une demande visant à fait interdire l’usage du nouveau slogan pouvait être déclarée recevable, en tant que complément, en aucun cas le CNB ne pouvait aller au delà et solliciter, de manière générale l’interdiction de « l’usage de la mention « Comparateur d’avocats », « comparez les avocats ! » ou « Comparez les avocats (en telle spécialité) » ou toute formulation équivalente » ; qu’en décidant qu’une telle demande était recevable, la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
2°/ que, si même il fallait admettre qu’une demande nouvelle peut être qualifiée de complément d’une demande originaire dès lors qu’elle tend aux mêmes fins ou a le même objet, il était exclu qu’une demande visant à interdire « l’usage de la mention « Comparateur d’avocats », « comparez les avocats ! » ou « Comparez les avocats (en telle spécialité) » ou toute formulation équivalente », à quelque titre que ce soit, puisse être considérée comme le complément d’une demande visant à l’interdiction de l’usage de termes précis, à titre de slogan ; qu’en décidant qu’une telle demande était recevable, la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
3°/ que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d’appel, la demande qui n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande soumise au premier juge ; qu’à supposer que les conclusions du CNB puissent avoir été interprétées comme formulant une demande d’interdiction de l’activité de comparateur d’avocats, cette demande ne pouvait être considérée comme le complément de la demande originaire visant à interdit à la société Jurisystem de faire usage du slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France » ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
4°/ que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d’appel, la demande qui n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande soumise au premier juge ; qu’en décidant, au cas d’espèce, que la demande, formulée en cause d’appel et visant à interdire toute notation d’avocats sur les sites internet exploités par la société Jurisystem pouvait être considérée comme le complément de la demande originaire visant à interdire à la société Jurisystem de faire usage du slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France », la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
5°/ qu’en affirmant la recevabilité de la demande nouvelle, sans expliquer en quoi elle aurait été le complément de la demande originaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 566 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la société Jurisystem avait adopté, en cours d’instance, un nouveau slogan « comparez les avocats », la cour d’appel a exactement retenu que la demande visant à interdire l’usage de la mention « comparateur d’avocats », « comparez les avocats » ou toute formulation équivalente, qui avait le même fondement que la demande initiale tendant à l’interdiction de l’expression « le comparateur d’avocats n° 1 en France » et poursuivait la même fin, en était le complément ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, et le quatrième moyen, pris en sa sixième branche, du même pourvoi, réunis :
Attendu que la société Jurisystem fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en se fondant, pour faire droit à la demande du CNB, sur la circonstance que la comparaison ne portait que sur les avocats inscrits sur le site internet et que l’ancien slogan était par suite trompeur, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs inopérants et a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation ;
2°/ que l’avocat doit seul répondre vis-à-vis de son ordre des infractions éventuelles à sa déontologie ; qu’en décidant, au contraire, faire droit à la demande du CNB, que la violation d’une obligation déontologique par un tiers peut être constitutive d’une faute délictuelle à l’égard de ceux qui sont tenus au respect de cette obligation et que l’article 10.2 du règlement intérieur de la profession d’avocats (RIN) prohibe toute mention comparative, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation, ensemble l’article 10.2 du RIN et l’article 1 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat ;
3°/ qu’à supposer par impossible que la qualité de tiers n’exclue pas, en elle-même, l’applicabilité de règles déontologiques, l’article 10.2 du RIN, en tant qu’il dispose que « l’avocat doit, dans toute communication, veiller au respect des principes essentiels de la profession. La publicité personnelle, dont la sollicitation personnalisée, et l’information professionnelle de l’avocat doivent faire état de sa qualité et permettre, quel qu’en soit le support, de l’identifier, de le localiser, de le joindre, de connaître le barreau auquel il est inscrit, la structure d’exercice à laquelle il appartient et, le cas échéant, le réseau dont il est membre. Sont prohibées : (…) - toute mention comparative ou dénigrante », ne saurait en aucun cas régir le comportement d’une personne n’étant pas avocat ; qu’en décidant, dès lors, faire droit à la demande du CNB, que la violation d’une obligation déontologique par un tiers peut être constitutive d’une faute délictuelle à l’égard de ceux qui sont tenus au respect de cette obligation et que l’article 10.2 du RIN prohibe toute mention comparative, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation, ensemble l’article 10.2 du RIN et l’article 1 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat ;
4°/ qu’en se fondant, pour interdire l’activité de comparateur d’avocats, sur la circonstance que la comparaison ne portait que sur les avocats inscrits sur le site internet et que l’ancien slogan était par suite trompeur, la cour d’appel s’est fondée sur des circonstances impropres à établir que l’activité de comparateur d’avocat constituait en elle-même une pratique trompeuse et a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation ;
Mais attendu que l’arrêt retient que l’usage de la dénomination « avocat.net », sans adjonction d’autres termes, est de nature à laisser penser à l’internaute que le site est exploité par des avocats ou que tous les services proposés émanent d’avocats, tandis que certaines prestations sont assurées par des personnes qui ne sont pas membres d’un barreau ; qu’il énonce que les critères de référencement et de classement ne sont pas clairement exposés et que la relation particulière entre le client et son avocat exclut toute comparaison à des fins commerciales ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui ne s’est pas fondée seulement sur la circonstance que la comparaison ne portait que sur les avocats référencés sur le site, a caractérisé l’existence d’une pratique commerciale trompeuse, donc déloyale, de nature à altérer de manière substantielle le comportement de l’internaute moyen par rapport aux prestations offertes ; que le moyen, qui, en ses deuxième et troisième branches, critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que le CNB fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la société Jurisystem à la rétrocession des noms de domaine www.avocat.net et www.iavocat.fr à son profit ou à leur radiation sous peine d’astreinte, alors selon le moyen:
1°/ que, dans le dispositif de ses conclusions, le CNB a demandé à la cour d’appel d’interdire à la société Jurisystem l’usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit des termes « avocat.net », « avocat », seuls ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec la profession d’avocat, et, notamment, pour désigner des services de conseils juridiques ; qu’en énonçant qu’il ne peut être fait droit à la demande du CNB tendant à interdire l’usage de la dénomination « avocat.net » à laquelle serait jointe toute dénomination prêtant également à confusion dès lors qu’elle ne peut statuer sur des faits futurs qui ne sont pas dans le présent débat, la cour d’appel, qui a dénaturé les conclusions du CNB, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu’en énonçant qu’il ne peut être fait droit à la demande du CNB tendant à interdire l’usage de la dénomination « avocat.net » à laquelle serait jointe toute dénomination prêtant également à confusion dès lors que la cour ne peut statuer sur des faits futurs qui ne sont pas dans le présent débat, cependant que l’usurpation, par la société Jurisystem, du titre d’avocat, impliquant l’utilisation du vocable « avocat », dans le nom de son site internet, était dans le débat, la cour d’appel a violé l’article 7 du code de procédure civile ;
3°/ que, suivant l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ; que, dans le dispositif de ses conclusions, le CNB a demandé à la cour d’appel d’interdire à la société Jurisystem l’usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit des termes « avocat.net », « avocat », seuls ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec la profession d’avocat, et, notamment, pour désigner des services de conseils juridiques, exprimant ainsi un intérêt, né et actuel à agir ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’en interdisant à la société Jurisystem de faire usage de la dénomination « avocat.net » pour désigner son site internet, tout en rejetant l’interdiction de l’usage de cette dénomination à laquelle serait adjointe toute mention prêtant également à confusion, au motif qu’il s’agissait de faits futurs qui n’étaient pas dans le débat, la cour d’appel, qui a ordonné la cessation de l’activité illicite, a pu, hors toute dénaturation, rejeter la demande complémentaire dont le caractère général ne permettait pas de retenir l’existence avérée d’une situation dommageable illicite, justifiant qu’il en soit ordonné la cessation avant même la réalisation du préjudice ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que le CNB fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à interdire à la société Jurisystem de se faire rémunérer par devis proposé aux avocats référencés sur ses sites internet www.avocat.net et www.alexia.fr, alors, selon le moyen :
1°/ que, suivant l’article 10, alinéa 4, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, la rémunération d’apport d’affaires est interdite ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt que la société Jurisystem propose aux avocats de « par l’intermédiaire de son site de les mettre en relation avec des particuliers à la recherche d’avocats dans différents domaines » et reçoit une rémunération en contrepartie de cette entremise ; que, pour rejeter la demande du CNB, la cour d’appel a énoncé que, si la société Jurisystem, qui, dans ses courriers, démarche explicitement les avocats, comme cela ressort des termes de celui adressé à M. X... pour leur proposer des affaires, il n’est pas établi qu’elle perçoit à ce titre une rémunération ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient, a violé la disposition susvisée ;
2°/ que la cour d’appel a constaté que la société Jurisystem propose aux avocats de « par l’intermédiaire de son site de les mettre en relation avec des particuliers à la recherche d’avocats dans différents domaines » et reçoit une rémunération en contrepartie de cette entremise ; qu’en énonçant, pour rejeter la demande du CNB, que si la société Jurisystem qui dans ses courriers démarche explicitement les avocats, comme cela ressort des termes de celui adressé à M. X..., pour leur proposer des affaires, il n’est pas établi qu’elle perçoit à ce titre une rémunération, la cour d’appel, qui s’est contredite, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, suivant l’article 10, alinéa 4, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, la rémunération d’apports d’affaires est interdite ; que, dans ses écritures d’appel, le CNB a invoqué le mode de rémunération indirect élaboré par la société Jurisystem prenant la forme de crédits pour contourner les dispositions impératives ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans se prononcer sur cet élément, propre à établir une rémunération d’apport d’affaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ; Mais attendu que les dispositions de l’article 10, alinéa 4, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, selon lesquelles la rémunération d’apport d’affaires est interdite, ne régissent que les avocats et ne peuvent être opposées à des tiers étrangers à cette profession ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision de rejeter la demande du CNB tendant à l’interdiction des conditions de rémunération des prestations de la société Jurisystem, dès lors qu’elles sont étrangères aux honoraires directement perçus par l’avocat, se trouve légalement justifiée ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que le CNB fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à interdire à la société Jurisystem de percevoir, par un partage indirect des honoraires des avocats, une rémunération autre que sous la forme d’un abonnement avec un prix forfaitaire relatif aux frais fixes du site internet, alors, selon le moyen :
1°/ que, suivant l’article 21.3.6.1 du RIN, il est interdit à l’avocat de partager ses honoraires avec une personne qui n’est pas avocat ; que, pour rejeter les demandes du CNB, la cour d’appel a énoncé que la rémunération forfaitaire réglée par l’avocat en fonction des demandes de devis achetés sur la plate-forme correspond aux frais d’intervention des services d’entremise ; qu’en statuant ainsi, sans faire ressortir en quoi la rémunération réglée par l’avocat était exclusive de tout bénéfice réalisé par la société Jurisystem, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2°/ que, pour rejeter les demandes du CNB, la cour d’appel a énoncé que la rémunération forfaitaire réglée par l’avocat en fonction des demandes de devis achetés sur la plate-forme correspond aux frais d’intervention des services d’entremise ; qu’en statuant ainsi, par la voie d’une simple affirmation et sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, suivant l’article 6.6.4.2 du RIN, l’avocat référencé par un site internet de prestations juridiques peut être amené à participer de façon forfaitaire aux frais de fonctionnement de ce site, à l’exclusion de toute rémunération établie en fonction des honoraires perçus par l’avocat des clients avec lesquels le site l’a mis en relation ; que, dans ses écritures d’appel, le CNB a fait valoir que l’analyse du tribunal selon laquelle l’achat d’un devis par un avocat ne constitue pas un partage d’honoraires prohibé est contraire à l’esprit du texte, lequel autorise le paiement d’un prix forfaitaire et fixe sous la forme d’un abonnement au site, et non pas proportionnellement au nombre de devis achetés ce qui revient à partager des honoraires avec la plate-forme ; qu’il précisait que la société Jurisystem se fait rémunérer les demandes de devis proposés, en fonction du nombre de demandes de l’avocat et que le fait que les frais soient payés par l’avocat à la plate-forme, n’empêche pas l’existence d’un partage d’honoraires, lequel est en réalité différé dans le temps et opéré entre l’avocat et la société commerciale, sa rémunération ne correspondant pas aux frais fixes, mais aux nombres d’offres communiquées ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans se prononcer sur ce chef de conclusion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu que la décision du CNB à caractère normatif n° 2005-003 portant adoption du Règlement intérieur national de la profession d’avocat ne régit que les avocats et que ses dispositions ne peuvent être opposées à des tiers étrangers à cette profession ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision de rejeter la demande du CNB tendant à l’interdiction des conditions de rémunération des prestations de la société Jurisystem, dès lors qu’elles sont étrangères aux honoraires directement perçus par l’avocat, se trouve légalement justifiée ;
Mais sur les septième et huitième branches du quatrième moyen et les troisième et quatrième branches du cinquième moyen du pourvoi principal, réunis :
Vu l’article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, ensemble l’article L. 121-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Attendu que, si l’article 15, alinéa 1er, du décret susvisé interdit à tout avocat d’intégrer, à l’occasion d’opérations de publicité ou de sollicitation personnalisée, tout élément comparatif ou dénigrant, cette restriction a pour objectif d’assurer le respect des règles professionnelles visant à l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession d’avocat ; que les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de cette profession, et qu’il leur appartient seulement, dans leurs activités propres, de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente ;
Attendu que, pour interdire à la société Jurisystem de procéder et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son site www.alexia.fr, l’arrêt retient que cette société propose un comparateur des avocats qu’elle référence, en dépit des règles déontologiques prohibant, s’agissant de la publicité personnelle de l’avocat, toute mention comparative et qu’elle a mis en place sur son site une notation des avocats contraire à leur déontologie ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il interdit à la société Jurisystem de procéder et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son site www.alexia.fr sous peine d’astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de trois mois de la signification de la décision, l’arrêt rendu le 18 décembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties, dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Wallon
Avocat général : M. Sudre
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger - Me Le Prado
Source : Cour de cassation :
Vers la Cour de cassation
Avertissement : les moyens sont soulignés et certains motifs mis en gras par nos soins.
Arrêt n° 561 du 11 mai 2017 (16-13.669) - Cour de cassation - Première chambre civile -
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES
RÉTROCESSION DES NOMS DE DOMAINE
Cassation partielle
Protection des consommateurs - Pratiques commerciales
trompeuses - Rétrocession des noms de domaine
Demandeur : Société Jurisystem, société
Défendeur : Conseil national des barreaux
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Jurisystem, spécialisée dans l’édition de supports juridiques, a créé, en 2012, le site avocat.net, devenu alexia.fr, afin de mettre en rapport des particuliers avec des avocats inscrits sur le site qui se présentait comme le « comparateur d’avocats n° 1 en France » ; que, soutenant que la société Jurisystem, en exploitant son site, faisait un usage prohibé du titre d’avocat pour proposer des services juridiques, accomplissait des actes de démarchage interdits, se livrait à des pratiques trompeuses et contrevenait aux règles de la profession prohibant toute mention publicitaire comparative ainsi que la rémunération de l’apport d’affaires et le partage d’honoraires, le Conseil national des barreaux (CNB) l’a assignée en interdiction de telles pratiques portant atteinte à l’intérêt collectif de la profession et en indemnisation ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Jurisystem fait grief à l’arrêt d’ordonner la rétrocession des noms de domaine www.avocat.net et www.iavocat.fr au profit du CNB ou, à tout le moins, de procéder à leur radiation, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il résulte de ses conclusions que la société Jurisystem soutenait que « l’utilisateur peut sélectionner les profils des avocats qui lui conviennent et leur demander un devis en cliquant sur le bouton « demander un devis » ; les avocats qui reçoivent les demandes de devis peuvent alors choisir d’y répondre si la question les intéresse. Ce sont bel et bien les avocats qui envoient ensuite leur devis d’intervention aux utilisateurs du site internet » ; que, dès lors, en retenant qu’« il ressort du procès-verbal de constat du 6 novembre 2013 et des explications de la société Jurisystem que celle-ci, qui est une société commerciale, propose aux internautes, futurs justiciables, des devis relatifs aux prestations d’avocat. Cette société utilise la dénomination avocat.net comme adresse électronique pour prospecter les internautes en vue de leur proposer de les mettre en relations avec des cabinets d’avocats partenaires, créant, par l’usage de cette dénomination, et alors qu’elle leur transmet des devis de prestations d’avocats, une confusion dans l’esprit de l’internaute non averti, qui pense être en relation avec une société d’avocats », les juges d’appel ont dénaturé les conclusions de la société Jurisystem et violé, en conséquence, les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu’à supposer même que la société Jurisystem ait contribué, en dénommant son site internet avocat.net, à créer, dans l’esprit du public, une confusion avec le titre et la profession d’avocat, cette circonstance est impropre à justifier la rétrocession de ce nom de domaine au CNB qui, au reste, n’a pas plus la qualité d’avocat ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 74 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l’article L. 121-1 du code de la consommation ;
Mais attendu que l’arrêt relève que, notamment selon le procès-verbal de constat du 6 novembre 2013, la société Jurisystem, de nature commerciale, propose aux internautes, sur son site avocat.net, d’obtenir des devis de prestations d’avocats ; qu’il retient que l’usage de ce nom de domaine, associé à l’offre concomitante d’accès à des fiches juridiques, est de nature à créer, dans l’esprit du public non averti, qui peut croire être en relation avec des avocats, une confusion sur la qualité de ses interlocuteurs ; que, par ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui a estimé que l’utilisation des noms de domaine www.avocat.net et www.iavocat.fr prêtait à confusion, a pu, sans commettre la dénaturation alléguée, ordonner, en réparation, la suppression de ces noms de domaine ou leur transfert au CNB, chargé de représenter la profession d’avocat, seules mesures susceptibles de satisfaire au but poursuivi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen et le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, du même pourvoi, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le cinquième moyen, pris en ses première et deuxième branches, du même pourvoi, réunis :
Attendu que la société Jurisystem fait grief à l’arrêt de lui interdire de faire usage du slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France » et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son site alexia.fr, alors, selon le moyen :
1°/ que, constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d’appel, la demande qui n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande soumise au premier juge ; qu’une demande formée pour la première fois en appel n’est le complément de la demande originaire que si elle vise à la réactualiser, au regard de circonstances intervenues entre la première instance et l’appel ; qu’au cas d’espèce, la demande originaire visant l’interdiction de l’usage du slogan utilisé à l’époque, si, eu égard à la modification du slogan, une demande visant à fait interdire l’usage du nouveau slogan pouvait être déclarée recevable, en tant que complément, en aucun cas le CNB ne pouvait aller au delà et solliciter, de manière générale l’interdiction de « l’usage de la mention « Comparateur d’avocats », « comparez les avocats ! » ou « Comparez les avocats (en telle spécialité) » ou toute formulation équivalente » ; qu’en décidant qu’une telle demande était recevable, la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
2°/ que, si même il fallait admettre qu’une demande nouvelle peut être qualifiée de complément d’une demande originaire dès lors qu’elle tend aux mêmes fins ou a le même objet, il était exclu qu’une demande visant à interdire « l’usage de la mention « Comparateur d’avocats », « comparez les avocats ! » ou « Comparez les avocats (en telle spécialité) » ou toute formulation équivalente », à quelque titre que ce soit, puisse être considérée comme le complément d’une demande visant à l’interdiction de l’usage de termes précis, à titre de slogan ; qu’en décidant qu’une telle demande était recevable, la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
3°/ que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d’appel, la demande qui n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande soumise au premier juge ; qu’à supposer que les conclusions du CNB puissent avoir été interprétées comme formulant une demande d’interdiction de l’activité de comparateur d’avocats, cette demande ne pouvait être considérée comme le complément de la demande originaire visant à interdit à la société Jurisystem de faire usage du slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France » ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
4°/ que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d’appel, la demande qui n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande soumise au premier juge ; qu’en décidant, au cas d’espèce, que la demande, formulée en cause d’appel et visant à interdire toute notation d’avocats sur les sites internet exploités par la société Jurisystem pouvait être considérée comme le complément de la demande originaire visant à interdire à la société Jurisystem de faire usage du slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France », la cour d’appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
5°/ qu’en affirmant la recevabilité de la demande nouvelle, sans expliquer en quoi elle aurait été le complément de la demande originaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 566 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la société Jurisystem avait adopté, en cours d’instance, un nouveau slogan « comparez les avocats », la cour d’appel a exactement retenu que la demande visant à interdire l’usage de la mention « comparateur d’avocats », « comparez les avocats » ou toute formulation équivalente, qui avait le même fondement que la demande initiale tendant à l’interdiction de l’expression « le comparateur d’avocats n° 1 en France » et poursuivait la même fin, en était le complément ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, et le quatrième moyen, pris en sa sixième branche, du même pourvoi, réunis :
Attendu que la société Jurisystem fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en se fondant, pour faire droit à la demande du CNB, sur la circonstance que la comparaison ne portait que sur les avocats inscrits sur le site internet et que l’ancien slogan était par suite trompeur, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs inopérants et a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation ;
2°/ que l’avocat doit seul répondre vis-à-vis de son ordre des infractions éventuelles à sa déontologie ; qu’en décidant, au contraire, faire droit à la demande du CNB, que la violation d’une obligation déontologique par un tiers peut être constitutive d’une faute délictuelle à l’égard de ceux qui sont tenus au respect de cette obligation et que l’article 10.2 du règlement intérieur de la profession d’avocats (RIN) prohibe toute mention comparative, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation, ensemble l’article 10.2 du RIN et l’article 1 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat ;
3°/ qu’à supposer par impossible que la qualité de tiers n’exclue pas, en elle-même, l’applicabilité de règles déontologiques, l’article 10.2 du RIN, en tant qu’il dispose que « l’avocat doit, dans toute communication, veiller au respect des principes essentiels de la profession. La publicité personnelle, dont la sollicitation personnalisée, et l’information professionnelle de l’avocat doivent faire état de sa qualité et permettre, quel qu’en soit le support, de l’identifier, de le localiser, de le joindre, de connaître le barreau auquel il est inscrit, la structure d’exercice à laquelle il appartient et, le cas échéant, le réseau dont il est membre. Sont prohibées : (…) - toute mention comparative ou dénigrante », ne saurait en aucun cas régir le comportement d’une personne n’étant pas avocat ; qu’en décidant, dès lors, faire droit à la demande du CNB, que la violation d’une obligation déontologique par un tiers peut être constitutive d’une faute délictuelle à l’égard de ceux qui sont tenus au respect de cette obligation et que l’article 10.2 du RIN prohibe toute mention comparative, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation, ensemble l’article 10.2 du RIN et l’article 1 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat ;
4°/ qu’en se fondant, pour interdire l’activité de comparateur d’avocats, sur la circonstance que la comparaison ne portait que sur les avocats inscrits sur le site internet et que l’ancien slogan était par suite trompeur, la cour d’appel s’est fondée sur des circonstances impropres à établir que l’activité de comparateur d’avocat constituait en elle-même une pratique trompeuse et a violé l’article L. 121-1 du code de la consommation ;
Mais attendu que l’arrêt retient que l’usage de la dénomination « avocat.net », sans adjonction d’autres termes, est de nature à laisser penser à l’internaute que le site est exploité par des avocats ou que tous les services proposés émanent d’avocats, tandis que certaines prestations sont assurées par des personnes qui ne sont pas membres d’un barreau ; qu’il énonce que les critères de référencement et de classement ne sont pas clairement exposés et que la relation particulière entre le client et son avocat exclut toute comparaison à des fins commerciales ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui ne s’est pas fondée seulement sur la circonstance que la comparaison ne portait que sur les avocats référencés sur le site, a caractérisé l’existence d’une pratique commerciale trompeuse, donc déloyale, de nature à altérer de manière substantielle le comportement de l’internaute moyen par rapport aux prestations offertes ; que le moyen, qui, en ses deuxième et troisième branches, critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que le CNB fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la société Jurisystem à la rétrocession des noms de domaine www.avocat.net et www.iavocat.fr à son profit ou à leur radiation sous peine d’astreinte, alors selon le moyen:
1°/ que, dans le dispositif de ses conclusions, le CNB a demandé à la cour d’appel d’interdire à la société Jurisystem l’usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit des termes « avocat.net », « avocat », seuls ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec la profession d’avocat, et, notamment, pour désigner des services de conseils juridiques ; qu’en énonçant qu’il ne peut être fait droit à la demande du CNB tendant à interdire l’usage de la dénomination « avocat.net » à laquelle serait jointe toute dénomination prêtant également à confusion dès lors qu’elle ne peut statuer sur des faits futurs qui ne sont pas dans le présent débat, la cour d’appel, qui a dénaturé les conclusions du CNB, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu’en énonçant qu’il ne peut être fait droit à la demande du CNB tendant à interdire l’usage de la dénomination « avocat.net » à laquelle serait jointe toute dénomination prêtant également à confusion dès lors que la cour ne peut statuer sur des faits futurs qui ne sont pas dans le présent débat, cependant que l’usurpation, par la société Jurisystem, du titre d’avocat, impliquant l’utilisation du vocable « avocat », dans le nom de son site internet, était dans le débat, la cour d’appel a violé l’article 7 du code de procédure civile ;
3°/ que, suivant l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ; que, dans le dispositif de ses conclusions, le CNB a demandé à la cour d’appel d’interdire à la société Jurisystem l’usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit des termes « avocat.net », « avocat », seuls ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec la profession d’avocat, et, notamment, pour désigner des services de conseils juridiques, exprimant ainsi un intérêt, né et actuel à agir ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’en interdisant à la société Jurisystem de faire usage de la dénomination « avocat.net » pour désigner son site internet, tout en rejetant l’interdiction de l’usage de cette dénomination à laquelle serait adjointe toute mention prêtant également à confusion, au motif qu’il s’agissait de faits futurs qui n’étaient pas dans le débat, la cour d’appel, qui a ordonné la cessation de l’activité illicite, a pu, hors toute dénaturation, rejeter la demande complémentaire dont le caractère général ne permettait pas de retenir l’existence avérée d’une situation dommageable illicite, justifiant qu’il en soit ordonné la cessation avant même la réalisation du préjudice ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que le CNB fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à interdire à la société Jurisystem de se faire rémunérer par devis proposé aux avocats référencés sur ses sites internet www.avocat.net et www.alexia.fr, alors, selon le moyen :
1°/ que, suivant l’article 10, alinéa 4, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, la rémunération d’apport d’affaires est interdite ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt que la société Jurisystem propose aux avocats de « par l’intermédiaire de son site de les mettre en relation avec des particuliers à la recherche d’avocats dans différents domaines » et reçoit une rémunération en contrepartie de cette entremise ; que, pour rejeter la demande du CNB, la cour d’appel a énoncé que, si la société Jurisystem, qui, dans ses courriers, démarche explicitement les avocats, comme cela ressort des termes de celui adressé à M. X... pour leur proposer des affaires, il n’est pas établi qu’elle perçoit à ce titre une rémunération ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient, a violé la disposition susvisée ;
2°/ que la cour d’appel a constaté que la société Jurisystem propose aux avocats de « par l’intermédiaire de son site de les mettre en relation avec des particuliers à la recherche d’avocats dans différents domaines » et reçoit une rémunération en contrepartie de cette entremise ; qu’en énonçant, pour rejeter la demande du CNB, que si la société Jurisystem qui dans ses courriers démarche explicitement les avocats, comme cela ressort des termes de celui adressé à M. X..., pour leur proposer des affaires, il n’est pas établi qu’elle perçoit à ce titre une rémunération, la cour d’appel, qui s’est contredite, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, suivant l’article 10, alinéa 4, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, la rémunération d’apports d’affaires est interdite ; que, dans ses écritures d’appel, le CNB a invoqué le mode de rémunération indirect élaboré par la société Jurisystem prenant la forme de crédits pour contourner les dispositions impératives ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans se prononcer sur cet élément, propre à établir une rémunération d’apport d’affaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ; Mais attendu que les dispositions de l’article 10, alinéa 4, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, selon lesquelles la rémunération d’apport d’affaires est interdite, ne régissent que les avocats et ne peuvent être opposées à des tiers étrangers à cette profession ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision de rejeter la demande du CNB tendant à l’interdiction des conditions de rémunération des prestations de la société Jurisystem, dès lors qu’elles sont étrangères aux honoraires directement perçus par l’avocat, se trouve légalement justifiée ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que le CNB fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à interdire à la société Jurisystem de percevoir, par un partage indirect des honoraires des avocats, une rémunération autre que sous la forme d’un abonnement avec un prix forfaitaire relatif aux frais fixes du site internet, alors, selon le moyen :
1°/ que, suivant l’article 21.3.6.1 du RIN, il est interdit à l’avocat de partager ses honoraires avec une personne qui n’est pas avocat ; que, pour rejeter les demandes du CNB, la cour d’appel a énoncé que la rémunération forfaitaire réglée par l’avocat en fonction des demandes de devis achetés sur la plate-forme correspond aux frais d’intervention des services d’entremise ; qu’en statuant ainsi, sans faire ressortir en quoi la rémunération réglée par l’avocat était exclusive de tout bénéfice réalisé par la société Jurisystem, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2°/ que, pour rejeter les demandes du CNB, la cour d’appel a énoncé que la rémunération forfaitaire réglée par l’avocat en fonction des demandes de devis achetés sur la plate-forme correspond aux frais d’intervention des services d’entremise ; qu’en statuant ainsi, par la voie d’une simple affirmation et sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, suivant l’article 6.6.4.2 du RIN, l’avocat référencé par un site internet de prestations juridiques peut être amené à participer de façon forfaitaire aux frais de fonctionnement de ce site, à l’exclusion de toute rémunération établie en fonction des honoraires perçus par l’avocat des clients avec lesquels le site l’a mis en relation ; que, dans ses écritures d’appel, le CNB a fait valoir que l’analyse du tribunal selon laquelle l’achat d’un devis par un avocat ne constitue pas un partage d’honoraires prohibé est contraire à l’esprit du texte, lequel autorise le paiement d’un prix forfaitaire et fixe sous la forme d’un abonnement au site, et non pas proportionnellement au nombre de devis achetés ce qui revient à partager des honoraires avec la plate-forme ; qu’il précisait que la société Jurisystem se fait rémunérer les demandes de devis proposés, en fonction du nombre de demandes de l’avocat et que le fait que les frais soient payés par l’avocat à la plate-forme, n’empêche pas l’existence d’un partage d’honoraires, lequel est en réalité différé dans le temps et opéré entre l’avocat et la société commerciale, sa rémunération ne correspondant pas aux frais fixes, mais aux nombres d’offres communiquées ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans se prononcer sur ce chef de conclusion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu que la décision du CNB à caractère normatif n° 2005-003 portant adoption du Règlement intérieur national de la profession d’avocat ne régit que les avocats et que ses dispositions ne peuvent être opposées à des tiers étrangers à cette profession ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision de rejeter la demande du CNB tendant à l’interdiction des conditions de rémunération des prestations de la société Jurisystem, dès lors qu’elles sont étrangères aux honoraires directement perçus par l’avocat, se trouve légalement justifiée ;
Mais sur les septième et huitième branches du quatrième moyen et les troisième et quatrième branches du cinquième moyen du pourvoi principal, réunis :
Vu l’article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, ensemble l’article L. 121-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Attendu que, si l’article 15, alinéa 1er, du décret susvisé interdit à tout avocat d’intégrer, à l’occasion d’opérations de publicité ou de sollicitation personnalisée, tout élément comparatif ou dénigrant, cette restriction a pour objectif d’assurer le respect des règles professionnelles visant à l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession d’avocat ; que les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de cette profession, et qu’il leur appartient seulement, dans leurs activités propres, de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente ;
Attendu que, pour interdire à la société Jurisystem de procéder et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son site www.alexia.fr, l’arrêt retient que cette société propose un comparateur des avocats qu’elle référence, en dépit des règles déontologiques prohibant, s’agissant de la publicité personnelle de l’avocat, toute mention comparative et qu’elle a mis en place sur son site une notation des avocats contraire à leur déontologie ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il interdit à la société Jurisystem de procéder et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son site www.alexia.fr sous peine d’astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de trois mois de la signification de la décision, l’arrêt rendu le 18 décembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties, dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Wallon
Avocat général : M. Sudre
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger - Me Le Prado