Déclaration de l'état d'urgence ! Un décret sera adopté ce soir en Conseil des ministres. Le Journal officiel du jour a été complété ! Bon sujet pour les étudiants constitutionnalistes... Ce n'est pas tous les jours que la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 est appliquée. Un décret (n°436) déclare l'état d'urgence (ci-dessus) et un autre (n° 437) commence de l'exécuter en précisant son exécution par les ministres (voyez ci-dessous).
La crise est là, nette, incisive, dangereuse et pas totalement soudaine quand on entend divers experts narrer les événements de ces dernières années.
Il fallait anticiper qu'en Nouvelle-Calédonie les indépendantistes (pour parler facilement) n'accepteraient pas de perdre les référendums, surtout le dernier et troisième. La justice administrative a été saisie.
Il fallait, ici ou là... facile à dire et à écrire...
Le Conseil d'Etat a raté un arrêt historique qui aurait évité la crise actuelle en Nouvelle-Calédonie mais il a jugé la sincérité du scrutin du 3e référendum ne posait pas problème (CE 3 juin 2022, n° 459711). Le juge administratif avait déjà refusé d'accueillir le recours contre le décret de convocation des électeurs (CE 10 nov. 2021, n° 456139, Lebon). Ces décisions sont implacables au plan juridique, sauf la note, pourtant juridique, qui fait s'interroger : ces décisions sont-elles conformes à l'esprit de l'accord de Nouméa ?
Poser cette question est déjà faire preuve d'une grande audace juridique.
A noter, au passage, en pure technique juridique, cette belle et exceptionnelle source de droit : l'accord de Nouméa ! Acte parfaitement et clairement cité par le juge administratif car l'accord a été le fondement de la réforme constitutionnelle, la source de tous les textes adoptés.
Si le juge administratif avait osé une décision s'inspirant des négociations historiques, qui ont donné ce processus constitutionnel et légal, il aurait réalisé une grande œuvre. Elle aurait pu ne pas être reconnue par les juristes en doctrine, mais bon... Rétrospectivement, et après coup c'est facile de l'écrire, on sait que cette décision aurait évité l'embrasement actuel. Au moins l'effet aurait-il été reculé et amoindri.
La crise aurait pu naître autrement, certes. En tout cas, les indépendantistes auraient eu un 3e référendum indiscutable. Quoique nous le savons par l'air du temps, qui voit la terre plate, tout est discutable. Disons néanmoins que, faire une consultation électorale pour rapprocher deux populations, alors que l'une d'elle refuse de voter, ça ne sert à rien.
Cela peut être régulier en droit, sans que l'on dise assez que, la règle de droit qui mène à la guerre civile pose un sérieux problème, de politique, donc de politique juridique et finalement de droit !
Et cela s'est produit
Le 3e référendum a répandu de la poudre partout dans l'archipel, l'étincelle est le vote d'une loi qui dégèle le corps électoral.
Ce 3e référendum pouvait être organisé jusqu'au 8 octobre 2022 (18 mois après le 8 avril 2021, voyez l'arrêt précité de 2021) et il a été organisé le 12 décembre 2021. Se pourrait-il que les populations d'origines (je dis comme je le peux) aient été braquées pour quelques mois ?!
Le refus de cette date du scrutin, donc le refus du scrutin, de la part d'une partie importante de l'électorat, anticipait la contestation du résultat du 3e référendum, et donc du 3e échec du "oui à l'indépendance". L'Etat ne devait pas prendre le risque de susciter cet argument de contestation, l'argument du "le 3e référendum n'était pas honnête".
La culture métropolitaine et technicienne, et non pas coloniale car le pouvoir central agit comme cela souvent même en métropole, s'opposait, là, à une culture plus locale, flexible et pratique. Le risque de contestation et de dérive existait, et même le moindre risque devait être évité.
Le risque était même probablement grand (et je ne dis pas que ministre de l'outre-mer ou de l'intérieur je l'aurai compris), l'analyste peut toutefois le noter. Le risque s'est réalisé.
On y est !
Il faut avoir fait beaucoup de droit dans des circonstances de fait concrètes et diverses pour comprendre que le droit, ce tout si bien organisé, n'est pas tout.
La crise est là, nette, incisive, dangereuse et pas totalement soudaine quand on entend divers experts narrer les événements de ces dernières années.
Il fallait anticiper qu'en Nouvelle-Calédonie les indépendantistes (pour parler facilement) n'accepteraient pas de perdre les référendums, surtout le dernier et troisième. La justice administrative a été saisie.
Il fallait, ici ou là... facile à dire et à écrire...
Le Conseil d'Etat a raté un arrêt historique qui aurait évité la crise actuelle en Nouvelle-Calédonie mais il a jugé la sincérité du scrutin du 3e référendum ne posait pas problème (CE 3 juin 2022, n° 459711). Le juge administratif avait déjà refusé d'accueillir le recours contre le décret de convocation des électeurs (CE 10 nov. 2021, n° 456139, Lebon). Ces décisions sont implacables au plan juridique, sauf la note, pourtant juridique, qui fait s'interroger : ces décisions sont-elles conformes à l'esprit de l'accord de Nouméa ?
Poser cette question est déjà faire preuve d'une grande audace juridique.
A noter, au passage, en pure technique juridique, cette belle et exceptionnelle source de droit : l'accord de Nouméa ! Acte parfaitement et clairement cité par le juge administratif car l'accord a été le fondement de la réforme constitutionnelle, la source de tous les textes adoptés.
Si le juge administratif avait osé une décision s'inspirant des négociations historiques, qui ont donné ce processus constitutionnel et légal, il aurait réalisé une grande œuvre. Elle aurait pu ne pas être reconnue par les juristes en doctrine, mais bon... Rétrospectivement, et après coup c'est facile de l'écrire, on sait que cette décision aurait évité l'embrasement actuel. Au moins l'effet aurait-il été reculé et amoindri.
La crise aurait pu naître autrement, certes. En tout cas, les indépendantistes auraient eu un 3e référendum indiscutable. Quoique nous le savons par l'air du temps, qui voit la terre plate, tout est discutable. Disons néanmoins que, faire une consultation électorale pour rapprocher deux populations, alors que l'une d'elle refuse de voter, ça ne sert à rien.
Cela peut être régulier en droit, sans que l'on dise assez que, la règle de droit qui mène à la guerre civile pose un sérieux problème, de politique, donc de politique juridique et finalement de droit !
Et cela s'est produit
Le 3e référendum a répandu de la poudre partout dans l'archipel, l'étincelle est le vote d'une loi qui dégèle le corps électoral.
Ce 3e référendum pouvait être organisé jusqu'au 8 octobre 2022 (18 mois après le 8 avril 2021, voyez l'arrêt précité de 2021) et il a été organisé le 12 décembre 2021. Se pourrait-il que les populations d'origines (je dis comme je le peux) aient été braquées pour quelques mois ?!
Le refus de cette date du scrutin, donc le refus du scrutin, de la part d'une partie importante de l'électorat, anticipait la contestation du résultat du 3e référendum, et donc du 3e échec du "oui à l'indépendance". L'Etat ne devait pas prendre le risque de susciter cet argument de contestation, l'argument du "le 3e référendum n'était pas honnête".
La culture métropolitaine et technicienne, et non pas coloniale car le pouvoir central agit comme cela souvent même en métropole, s'opposait, là, à une culture plus locale, flexible et pratique. Le risque de contestation et de dérive existait, et même le moindre risque devait être évité.
Le risque était même probablement grand (et je ne dis pas que ministre de l'outre-mer ou de l'intérieur je l'aurai compris), l'analyste peut toutefois le noter. Le risque s'est réalisé.
On y est !
Il faut avoir fait beaucoup de droit dans des circonstances de fait concrètes et diverses pour comprendre que le droit, ce tout si bien organisé, n'est pas tout.