Conseil en gestion de patrimoine : encore un problème pour la profession (Cass. 23 octobre 2012, Société C & C c/ Allianz)



Conseil en gestion de patrimoine : encore un problème pour la profession (Cass. 23 octobre 2012, Société C & C c/ Allianz)
Rien n’y fera, le conseil en gestion de patrimoine est un métier qui est au plus mal, ce que diverses condamnations en justice attestent. On l’a dit il y a plusieurs années dans un texte dont l’intitulé disait tout le problème :

« Le conseil en investissement financier (CIF), ou le droit commun d’une profession ».

L’atonie coupable des pouvoirs publics laisse la profession s’enfoncer dans ce qui est parfois une illégalité de plus en plus épaisse et ce au détriment de la sécurité des clients. C’est un métier qui, sauf exception, ne se conçoit pas sans rendre fréquemment divers services d’investissement. La plupart des "CGP" devrait donc être CIF. A défaut, des problèmes importants se posent qui, en vérité, posent la question de la définition du métier.

Sans statut légal, le CGP en éprouve le besoin, ce pour quoi la profession a fait déposer une proposition de loi, mais elle peut effrayer tous les métiers réglementés. Pour la GP exercée dans les banques, la difficulté ne se pose qu’indirectement car, même si le conseil pose des questions, ces établissements sont généralement ont le statut de PSI et, en outre, la surface financière utile pour amortir les pertes (CMF, art. L. 311-2, 4°, c'est une opération de banque connexe ; voyez notre ouvrage à paraître Droit bancaire et financier, 2013).

Ces problèmes de légalité sont rappelés par les assureurs de gestionnaires de patrimoine qui ne manquent pas de le leur rappeler certaines règles, ce dont témoigne l’arrêt de cassation ci-dessous.

Il est rendu au visa de l’article 1134 du code civil et de l’article 50 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, devenu l’article L. 341-1 du CMF ; la société Valeurs & conseils a mal conseillé un client, cela peut arriver, et sa responsabilité est ainsi engagée, ce qui explique le visa de l’article 1134 qui vise le contrat à l’origine de la responsabilité. L’arrêt d’appel avait relevé que, comme le contrat d’assurance couvre les activités de démarchage bancaire, l’assureur, Allianz, doit couvrir le CGP pour son conseil. L’erreur est là qui justifie la cassation.

Le démarchage n’est en effet qu’une méthode de travail. L’acte de démarchage en matière bancaire et financière a pour objet d’obtenir d’une personne physique ou morale un accord sur la réalisation d’opérations de banque ou d’opérations connexes telles que définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 du CMF. Le démarchage se concevant seul, il peut être couvert seul. Le conseil doit lui-même être assuré, ce qui alors pose la question de la définition du métier.

On doit donc le redire : comment assurer de tels conseils, qui exigent généralement de toucher à l’un ou plusieurs services d’investissement, alors que les CGP (dits indépendants) ne sont pas agréés en qualité de PSI ? On croit comprendre que les assureurs s’y refusent, le contrat d’assurance ne pouvant valablement avoir pour objet un exercice professionnel irrégulier.

Les CGP sont dans une situation juridique bien difficile !


Extrait de la base publique Legifrance

Cour de cassation, chambre commerciale

Audience publique du 23 octobre 2012
N° de pourvoi: 11-23577
Non publié au bulletin
Cassation

M. Espel (président), président
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Defrenois et Levis, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Allianz IARD que sur le pourvoi incident relevé par la société Valeurs & conseils ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Valeurs & conseils, conseil en gestion de patrimoine et en défiscalisation, s’est vu confier par la société Nikko invest, en 2004 et en 2005, des opérations de défiscalisation, consistant à acquérir des véhicules pour les donner en location à des loueurs sur l’île de Saint-Martin pendant une durée de 48 mois, à l’issue de laquelle les véhicules étaient cédés aux locataires pour un prix symbolique ; que n’ayant pu obtenir le paiement des loyers pour l’un des deux véhicules acquis en 2005, qui avait été loué à la société Small Services, la société Nikko invest a refusé de régler les honoraires de la société Valeurs & conseils, laquelle en a retenu le montant sur les loyers encaissés pour le compte de cette dernière ; que contestant cette retenue et invoquant des manquements contractuels de la société Valeurs & conseils, la société Nikko invest l’a assignée en remboursement et en paiement de dommages-intérêts ; qu’en cause d’appel, la société Valeurs & conseils a appelé en garantie son assureur, la société Allianz IARD (la société Allianz) ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 1134 du code civil, ensemble l’article 50 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, devenu l’article L. 341-1 du code monétaire et financier ;

Attendu que pour dire la société Allianz tenue de garantir la société Valeurs & conseils, l’arrêt relève que le contrat d’assurance couvre les activités de démarchage bancaire telles que définies par l’article 50 de la loi du 1er août 2003 ; qu’il rappelle que, selon ce texte, l’acte de démarchage en matière bancaire et financière a pour objet d’obtenir d’une personne physique ou morale un accord sur la réalisation d’opérations de banque ou d’opérations connexes telles que définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 du code monétaire et financier et que ce dernier texte considère comme une opération de banque connexe le conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine ; qu’après avoir constaté que la responsabilité de la société Valeurs & conseils procédait d’un défaut de prudence dans la sélection d’une société de location auprès de laquelle elle avait obtenu que son client contracte pour la réalisation d’une opération d’investissements défiscalisés, d’un manque de diligence dans le recouvrement des sommes dues par cette société ainsi, enfin, que d’un manquement à l’exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles, l’arrêt retient que la responsabilité de la société Valeurs & conseils est engagée à l’occasion d’une opération de conseil et d’assistance en matière de gestion de patrimoine, garantie par le contrat d’assurance ;

Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Allianz ne garantissait que les activités de démarchage, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu que, pour retenir un manquement contractuel à la charge de la société Valeurs & conseils, l’arrêt relève qu’il résulte des factures établies par cette dernière, sur lesquelles figure le rappel de sa mission, comme de sa lettre de mission du 20 mai 2005, qu’au-delà de l’obligation de mise en oeuvre d’une opération de défiscalisation qui constituait l’essentiel de sa mission, cette société s’était également engagée à assurer le recouvrement des loyers dus par les sociétés locataires ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les factures, comme la lettre de mission, stipulaient seulement que la société Valeurs & conseils s’engageait à assurer l’encaissement des loyers, sans mentionner leur recouvrement, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le texte susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1289, 1290 et 1293 du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Valeurs & conseils à restituer à la société Nikko invest les sommes prélevées à titre d’honoraires, l’arrêt retient qu’elle ne peut invoquer les règles de la compensation dès lors que c’est la société Small services qui était débitrice des loyers envers cette dernière ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la société Valeurs & conseils détenait les loyers qu’elle devait restituer à la société Nikko invest, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 juin 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Douai
; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD.


IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Allianz Iard solidairement avec la société Valeurs & Conseils à payer à la société Nikko Invest la somme de 10.000 euros, outre les intérêts au taux légal, en réparation du préjudice né de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles, et d’avoir condamné la société Allianz Iard à garantir la société Valeurs & Conseils du paiement des sommes mises à sa charge au titre de l’inexécution contractuelle, des frais irrépétibles et des dépens ;

AUX MOTIFS QUE, à supposer même que les dispositions de l’article L. 311-17 du code des assurances en vertu desquelles l’assureur qui prend la direction d’un procès intenté à l’assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès ne soient pas applicables en l’espèce au motif que cet article ne vise pas, au titre des exceptions, la définition de la nature du risque, force est de constater que les conditions particulières du contrat souscrit par la société Valeurs & Conseils prévoient au titre des activités le démarchage bancaire et le démarchage financier ; que la réalité d’une opération de démarchage n’est pas en l’espèce contestée par l’assureur ; que, en application de l’article 1.3.1. des conditions particulières du contrat d’assurance, sont couvertes les activités de démarchage bancaire telles que définies par l’article 50 de la loi du premier août 2003 ; que cet article 50 précise que l’acte de démarchage en matière bancaire et financière a pour objet d’obtenir d’une personne physique ou morale un accord sur la réalisation d’opérations de banque ou d’opérations connexes telles que définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 du code monétaire et financier ; que l’article 311-2 de ce code précise qu’est considérée comme une opération de banque connexe le conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine ; qu’en l’espèce, la responsabilité de la société Valeurs & Conseils a précisément pour cadre le défaut de prudence dans la sélection d’une société de location auprès de laquelle la société Valeurs & Conseils avait obtenu que son client contracte pour la réalisation d’une opération d’investissements défiscalisés ainsi qu’un manque de diligence dans le recouvrement des sommes dues par cette société ainsi enfin qu’un manquement à l’exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles ; qu’ainsi, la société Valeurs & Conseils établit qu’il s’agit là d’une opération de conseil et d’assistance en matière de gestion de patrimoine qui relève des garanties du contrat d’assurance ; que par lettre du six août 2008, la compagnie écrivait à son assurée la société Valeurs &

Conseils que, après que son inspecteur spécialisé lui eut communiqué des pièces complémentaires, elle acceptait d’octroyer sa garantie concernant la procédure qui l’opposait à la société Nikko Invest ; que, contrairement à ce que soutient l’assureur, il n’a été porté ultérieurement à sa connaissance aucun élément de nature à remettre en cause son appréciation, la lettre visée par l’assureur dans ses conclusions, en date du 7 octobre 2009, procédant à une nouvelle analyse juridique des faits de l’espèce au regard des circonstances de fait dont il n’établit pas qu’elles n’étaient pas déjà connues de lui ; qu’il en résulte que, en application des dispositions de l’article L. 113-17 du code des assurances, celui-ci est censé avoir renoncé à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès ; que, à ce titre, l’assureur ne peut utilement contester avoir assuré la direction du procès alors que, par lettre du six août 2008, il écrivait à la société Valeurs & Conseils que, compte tenu de l’état d’avancement de la procédure, il acceptait, à titre exceptionnel, que l’avocat initialement choisi par son assuré continue à se charger de la défense des intérêts de celle-ci et qu’il rembourserait ses frais et honoraires sur présentation du justificatif du paiement ; que l’assureur demandait enfin que les projets de conclusions lui soient soumis avant leur signification, pour accord ; qu’il en résulte que l’assureur n’est pas recevable à opposer à la société Valeurs & Conseils les clauses d’exclusion de garantie relatives aux conséquences de toute obligation de résultat ou de performance ou réclamation provenant de l’insuffisance ou de la non obtention de performances promises en matière de rendement ou d’équilibre financier ou économique ou encore à la garantie des dommages causés par l’absence ou le retard d’exécution de la prestation de l’assuré ; qu’en toute hypothèse, la responsabilité retenue en l’espèce à l’égard de la société Valeurs & Conseils ne relève pas d’un manquement à une obligation de performance ou de résultat mais d’un manquement à l’obligation de prudence dans le choix d’une société de location proposée à son client investisseur, de diligence quant au recouvrement des loyers dus et d’exécution de bonne foi du contrat, qu’enfin, il n’est pas établi que la société Valeurs & Conseils ait eu une connaissance préalable de la mauvaise santé financière de la société Small Service et les manquements à son obligation d’exécution de bonne foi de ses obligations ne relèvent pas d’une faute intentionnelle ; qu’aucune faute dolosive , dont la garantie est exclue par l’article L. 113-1 du code des assurances ne saurait donc être retenue en l’espèce ; qu’il ne saurait non plus être soutenu que le comportement reproché à la société Valeurs & Conseils démontrerait que celle-ci était conscience de la nécessité de la réalisation du dommage et que le risque garanti avait perdu son caractère aléatoire au sens de l’article 1164 du Code civil ;

1°) ALORS QUE les exceptions auxquelles l’assureur est réputé renoncer lorsqu’il prend la direction du procès intenté à son assuré ne concernent pas la nature des risques garantis ; qu’en l’espèce, la société Allianz Iard faisait valoir que sa garantie ne s’étendait pas aux dommages provenant de la mise en oeuvre d’une opération de défiscalisation ; qu’en jugeant néanmoins qu’en prenant la direction du procès intenté à la société Valeurs & Conseils, la société Allianz Iard était censée avoir renoncé à toutes les exceptions dont elle avait connaissance lorsqu’elle a pris la direction du procès, la cour d’appel a violé l’article L.113-17 du code des assurances ;

2°) ALORS QUE les dispositions particulières du contrat d’assurance stipulaient que la société Allianz Iard garantissait la « responsabilité civile professionnelle des métiers du conseil en gestion de patrimoine (selon annexe jointe) », à savoir « courtage d’assurance de personnes, démarchage bancaire, démarchage financier, agent immobilier (transaction sur immeubles) » ; qu’en revanche, le contrat ne garantissait pas les opérations de défiscalisation, telles que la location de véhicules automobiles sur l’île de Saint-Martin ; qu’en affirmant néanmoins le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

3°) ALORS QUE le préjudice allégué par la société Nikko Invest n’est pas né d’un démarchage, qui consiste en une prise de contact en vue d’obtenir un accord sur la réalisation d’une opération, mais de l’exécution défectueuse du montage financier aboutissant à l’opération de défiscalisation, ce qui n’était pas garanti par la société Allianz Iard ; qu’en décidant néanmoins le contraire, la cour d’appel a violé les articles L 341-1 du code monétaire et financier et 1134 du code civil.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société Valeurs et conseils.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR réforme le jugement du 4 novembre 2008 du tribunal de commerce de Lille et d’AVOIR prononcé la résolution aux torts de la société Valeurs et conseils des contrats conclus entre cette société et la société Nikko invest pour la réalisation d’investissement défiscalisés par le biais des sociétés Small services et Morena, d’AVOIR en conséquence condamné la société Valeurs et conseils à payer à la société Nikko invest la somme de 2 528,39 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2007 au titre de la restitution du prix de ses prestations et condamné la société Valeurs et conseils solidairement avec la société Allianz iard à payer à la société Nikko invest la somme de 10 000 € outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt en réparation du préjudice né de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles ;

AUX MOTIFS QUE les obligations contractuelles la société Valeurs et conseils résultent des énonciations apparaissant sur l’ensemble des factures émises pour le paiement des honoraires relatifs aux opérations d’investissement mises en places pour le compte de la société Loisirs et mobilité ; qu’il y est indiqué : « pendant les quatre années, ma mission consiste à assumer le suivi total de la gestion et de la fiscalité découlant de cet investissement ... de l’encaissement des loyers ainsi que le contrôle de la bonne santé financière du locataire et du contrôle du matériel sur place... et enfin l’application pure et stricte du contrat de location. » ; que ses obligations ont également été rappelées dans un document intitulé contrat de mission en date du 20 mai 2005 indiquant qu’il était convenu que le prestataire Valeurs et conseils assumait pendant les quatre années de l’opération une mission consistant notamment en l’encaissement mensuel des loyers et leur remise aux bailleurs, à s’assurer du contrôle et de la bonne santé financière du locataire et à contrôler l’application la plus respectueuse du contrat de location ; qu’il est patent, au regard de ces documents que la société Valeurs et conseils, au-delà de l’obligation de mise en oeuvre d’une opération de défiscalisation qui constituait l’essentiel de sa mission, s’était également engagée à assurer le recouvrement des loyers dus par les sociétés locataires, cette obligation constituant une obligation de moyens et ne devant pas être confondue avec une obligation de garantie dont les éléments font défaut en l’espèce ; que cette obligation résulte non seulement de la lettre des documents contractuels ci dessus évoqués mais également du comportement adopté par la société Valeurs et conseils qui, en l’espèce, a demandé à un avocat choisi et rémunéré par elle ou par son assureur de procéder à des mises en demeure et d’obtenir la condamnation de la société de location défaillante au paiement des loyers après résolution du contrat ; qu’au surplus, dans une lettre du 9 juillet 2007 adressée à Nikko invest comme à d’autres investisseurs, le dirigeant de Valeurs et conseils, après avoir déploré le fait que la régularité des loyers “laissait à désirer” et imputé cette situation à la baisse de la fréquentation touristique et à la parité euro-dollar, indiquait qu’il “s’efforcerait avec tous mes moyens à ce que vous récupériez vos 48 loyers prévus au contrat”; que la cour n’interprète pas cet engagement comme le signe d’un comportement bienveillant de Valeurs et conseils mais comme la démonstration qu’elle avait une lecture de ses obligations contractuelles emportant une mission de recouvrement à titre d’obligation de moyen ; qu’ainsi, si la société Valeurs et conseils n’avait, comme elle le soutient justement, aucune obligation de garantie de paiement des loyers dus par les sociétés de location, elle avait par contre clairement contracté l’obligation de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que ces loyers soient effectivement perçus par son client ; qu’il importe peu a cet égard que l’avocat choisi par elle ait été directement mandaté par la société Nikko invest, le choix de celui-ci et le paiement de ses honoraires ayant été le fait de la société Valeurs et conseils ; que, par ailleurs, au titre du “contrôle de la bonne santé financière du locataire” et de son obligation relative à la mise en place d’une opération de défiscalisation efficace en termes fiscaux niais aussi financiers, il entrait dans les obligations de la société Valeurs et conseils de s’assurer au préalable de la bonne viabilité ou, à tout le moins, de l’absence de risque des sociétés locataires qu’elle proposait elle- même à ses clients ; (…) que la société Valeurs et conseils avait contracté au profit de la société Nikko invest une obligation de moyens relative au recouvrement des loyers dus par les sociétés de location, en particulier, par la société Small Service qui s’est montré défaillante ; que cette obligation s’entend non seulement comme la mise en oeuvre amiable ou contentieuse du recouvrement mais également, en cas de recouvrement contentieux, de l’exécution de la décision judiciaire obtenue ; que, s’il n’est pas établi que la société Valeurs et conseils ait été insuffisamment diligente dans les mises en demeure qu’elle-même ou l’avocat choisi par elle a envoyé à cette société ou dans la mise en oeuvre de la procédure ayant abouti à une ordonnance de référé du 15 mars 2007 portant condamnation à paiement des loyers impayés, force est de constater que la société Valeurs et conseils n’établit en rien avoir effectué des diligences quelconques quant à la mise à exécution de cette ordonnance ; qu’en effet, un courrier de l’avocat de la société Valeurs et conseils à la société Nikko invest indiquait qu’il n’était pas missionné à ce titre par la société valeurs et conseils ; qu’il invitait en conséquence la société Nikko invest à contacter directement l’huissier de justice compétent pour la mise exécution ; que la société Valeurs et conseils n’établit pas, ni même n’allègue, avoir mis en oeuvre des diligences particulières pour l’exécution de l’ordonnance du 15 mars 2007 ; qu’elle a ainsi manqué à ses obligations contractuelles ;

1/ ALORS QUE le contrat de mission su 20 mai 2005 stipulait que la société Valeurs et conseils s’engageait à assurer l’encaissement des loyers ; qu’en jugeant néanmoins que cette société s’était engagée à assurer le recouvrement des loyers dus par les sociétés locataires pour en déduire qu’elle avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE s’agissant du contrôle de la viabilité financière de la société Small Service qui s’est trouvée défaillante dans le paiement des loyers dus à la société Nikko invest dès le premier terme de location, la société valeurs et Conseils fait valoir qu’elle avait procédé à un certain nombre de recherches relatives notamment à l’inscription au registre du commerce et des sociétés, au casier judiciaire de son dirigeant, au paiement de la taxe sur la location de véhicules, à l’évolution de son chiffre d’affaires ; que toutefois, force est de constater que les comptes de la société Small Service n’étaient pas publiés alors qu’il s’agit-là d’une obligation légale ; que cette obligation n’avait jamais été respectée depuis la création de la société au cours de l’année 2000 ; que la société Valeurs et conseils a produit un document présenté comme retraçant l’évolution des chiffres d’affaires de la société de 2001 à 200 ; que, toutefois, les conditions d’établissement de ce document ne sont pas connues et ces chiffres ne sont certifiés par aucun expert-comptable, présentant ainsi des garanties de fiabilité très limitées voire nulles ; que la société Valeurs et conseils produit également un ordre de services établi par le président de la commission communale des transports scolaires de la commune de Saint-Martin désignant la sociétés Small Service comme concessionnaire de transport scolaire pour une durée de six mois à compter du 16 septembre 2002 ; que, toutefois, les allégations de la société Valeurs et conseils expliquant que cette concession avait été régulièrement renouvelée chaque année au bénéfice de la société ne son étayées par aucun élément de preuve ; que les recherches menées quant à la viabilité financière de la société Small Service apparaissent ainsi insuffisantes ; que la société Valeurs et conseils ne saurait se prévaloir, de façon générale, des difficultés relatives à l’évolution de la différence de change entre l’euro et le dollar dès lors que l’écart entre l’euro et le dollar s’est creusé de façon importante dans le courant l’armée 2007 alors .que les difficultés de paiement de Small Service sont apparues auparavant ; que la société Valeurs et conseils n’est pas plus fondée à se prévaloir d’une façon générale et abstraite de la mauvaise conjoncture économique ayant affecté l’île de Saint-Martin dès lors que, sur la même période, l’opération d’investissement menée auprès de la société Morena n’a présenté aucune difficulté et que la situation économique délicate alléguée renforçait l’obligation de la société Valeurs et conseils quant à une sélection prudente des sociétés de location ; qu’elle a ainsi manqué à ses obligations contractuelles ;

2/ ALORS QUE la société Valeurs et conseils faisait expressément valoir dans ses conclusions qu’elle avait directement vérifié sur place la bonne santé financière de la société Small services qui au moment de la signature du contrat en décembre 2005 existait depuis plus de 5 ans et était et est toujours restée in bonis ; qu’en jugeant que la société Valeurs et conseils avait manqué à son obligation quant à une sélection prudente des sociétés de location sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE la société Valeurs et conseils reconnaît elle-même avoir prélevé sur le montant des loyers revenant à Nikko invest le montant de ses propres honoraires que Nikko invest refusait de lui payer compte tenu de la faible qualité de ses prestations ; que la société Valeurs et conseils ne peut utilement se prévaloir d’une compensation entre la créance d’honoraires qu’elle détenait sur Nikko invest et la créance que Nikko invest détenait non pas sur la société Valeurs et conseils mais sur la société Small service au titre des loyers ; qu’en réalité, la société Valeurs et conseils aurait du, si elle l’estimait légitime, se faire autoriser à pratiquer une saisie conservatoire des loyers versés par la société Small Service entre ses propres mains et correspondant au montant de ses honoraires impayés et obtenir ensuite un titre exécutoire ; qu’en procédant elle-même au prélèvement de ses honoraires sur le paiement des loyers alors qu’aucune clause contractuelle ne l’y autorisait, elle a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat ;

3/ ALORS QUE la compensation s’opère de plein droit entre les créances réciproques des parties ; qu’en jugeant que la société Valeurs et conseils n’était pas débitrice de la société Nikko invest pour en déduire qu’aucune compensation ne pouvait jouer en l’espèce et un manquement de la société Valeurs et conseils à son obligation d’exécution de bonne foi, tout en constant que cette dernière détenait entre ses mains les loyers versés par la société Small service qu’elle devait restituer à la société Nikko invest, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et violé les articles 1289, 1290 et 1147 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai , du 23 juin 2011

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