Le président de la FIFA (M. BLATTER) et le président de l'UEFA (M. PLATINI) ont été sanctionnés par la Commission d'éthique de la FIFA. Cette Commission (une formation de jugement interne), est actuellement présidée par un magistrat, pénaliste allemand de très longue expérience. Cette procédure est une mascarade selon Michel PLATINI, cette position ayant pour inconvénient de porter atteinte à l'honneur du magistrat appelé à statuer ; son avocat a cependant et pourtant plaidé pendant plusieurs heures devant le juge de la FIFA (H.-J. ECKERT). D'un côté il y a une mascarade, mais d'un autre on espère avoir une relaxe : la stratégie de défense et médiatique n'est pas cohérente.
La page de la FIFA relative à la Commission éthique, avec ses 2 "chambres" d'instruction et de jugement
On s'attendait dans le monde médiatique à cette sanction. Un membre de la chambre d'investigation de cette Commission, qui ne juge pas mais qui instruit le "procès", avait évoqué devant la presse une possible sanction de 7 ans de suspension de toute activité dans le football. Les pronostics ne relèvent pas de l'oeuvre de justice, mais du journalisme. La sanction qui a été prononcée est de 8 ans, cette communication hasardeuse d'un membre de la Commission a pu avoir pour effet d'éviter la sanction de 7 ans ! 1, 2..., 6 ou 8 mais pas 7...!
Pour regrettable qu'il soit, ce point semble un épiphénomène de l'affaire. Si cette communication avait eu un réel effet, les deux présidents convoqués auraient plaidé la récusation du président de la Commission d'éthique. A nouveau, la stratégie de défense n'est pas cohérente qui semble vouloir "faire bien" dans les médias. Si la procédure est une mascarade, il faut s'attaquer à cette procédure ou à celui appelé à prendre d'éventuelles sanctions. Mais rien n'a été dit contre le magistrat, et Le Monde a consacré un long article à cette haute personnalité de la Justice allemande :
Qui est le président de la Commission d'éthique de la FIFA ? Article du journal Le Monde sur H.-J. ECKERT
Au fond, l'affaire tient à peu de faits, du moins pour Michel PLATINI, car plusieurs choses ont été reprochées à M. BLATTER. Pour le champion français, il lui est reproché d'avoir perçu une somme d'argent (1, 8 M€) pour une prestation (une mission de "conseiller football", que je n'ai pas bien comprise, et je suis neutre en disant cela) ; la mission aurait été convenue par un accord oral (en 1999), sans contrat signé par les parties, ni échange de lettres pour confirmer les termes de la mission ou de la rémunération.
Les faits ne sont plus discutés, ces derniers jours, dans la presse, alors que le droit ne s'applique qu'à des faits !
Le moindre gérant de SARL ou de SCI sait qu'il ne peut faire un chèque sans une cause juridique précise : une dette constatée par un contrat, une commande, un abonnement... acte complété d'une facture qui détaille les prestations et leurs dates (sachant qu'une facture de 50 euros ne ressemble pas à celle d'1 millions d'euros). Michel PLATINI a bien émis une facture, ce qui semble être la seule pièce de ce dossier.
La version de Michel PLATINI dans un entretien avec La Monde
La Commission d'éthique n'a même pas cru à l'existence d'un accord oral, considérant qu'aucune pièce ou fait n'en démontrait l'existence. Mais il y a autre chose. Le paiement n'est intervenu que dix ans plus tard, a priori sans relance particulière de Michel PLATINI (lettres recommandées adresssées à la FIFA ou autre démarche). Le président de la FIFA a ainsi ordonné un paiement sur un vide administratif et juridique presque parfait : la presse n'a pas relaté une décision actée par un organe de la FIFA, alors que la dette était peut-être même prescrite.
La sanction est sévère quand on pense qu'elle aurait déjà été substantielle avec, par exemple, une suspension de 4 ans ; elle est mesurée quand on pense que les présidents des organisations sportives doivent, les premiers, savoir ce qu'est l'éthique : respecter plus que le droit et largement les règles internes.
Dans ce contexte d'éthique, on peut considérer que les négligences administratives caractérisées, susceptibles de qualifications pénales (une enquêtes suisse est ouverte), constituent une faute grave puisque les deux présidents en question ont, au titre de leur fonction, la charge du bon fonctionnement administratif de l'organisation qu'il préside.
Le public peut s'étonner que M. PLATINI soit sanctionné comme M. BLATTER qui est celui qui, dans cette affaire, maltraite la FIFA avec un ordre de paiement formellement sans cause. Oui, mais il ne l'aurait pas fait sans un bénéficiaire, lequel est aussi un membre de la FIFA et le président d'une éminente organisation sportive (l'UEFA).
Le président ECKERT a donc pu penser qu'ils avaient donc la même responsabilité, laquelle impliquait la même sanction. La stratégie de Michel PLATINI le met ainsi au niveau de M. BLATTER qui, très critiqué, semble promis (présomption d'innocence) à de sérieuses poursuites judiciaires.
Mais la Commission d'éthique, comme tout tribunal, ne juge pas des hommes et des âmes, elle juge des faits et actes. Une bonne image et même un fond généreux ne sont pas une cause d'éxonération de culpabilité, à peine est-ce parfois un moyen de minorer la sanction.
La raison n'aurait-elle pas été d'assumer la situation et d'adopter une stratégie plus en harmonie avec l'image de l'ancien capitaine français ?
Cela aurait été possible en reconnaissant par exemple, à l'américaine, une "énorme négligence" en n'ayant pas exigé un contrat écrit. C'était se reconnaître formellement coupable, mais non au plan moral, quoique des excuses au monde du football et au monde des spectateurs soient utiles.
Cela était jouable puisque Michel PLATINI, quoique proche de S. BLATTER pendant plusieurs années, a gardé l'estime d'une large part de l'opinion publique. Mais les stars n'ont pas la tête sur les épaules en s'entourent de conseils qui les flattent à l'image de leur public, ancien ou du moment.
Une autre stratégie était sans doute possible et souhaitable.
En somme éviter le carton rouge et espérer le carton jaune pour revenir bien vite dans la partie.
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NB : Cette procédure est en cours et un autre juge du sport ou une juridiction civile peut statuer autrement sur le principe de la culpabilité, de la sanction, ou sur la hauteur de la sanction. Il est également probable que la justice pénale suisse statue à la fin de l'énquête actuellement diligentée.