L'un des exercices majeurs de la vie professionnelle n'est pas très souvent (me semble-t-il) enseigné à la Faculté. Une place y est toutefois parfois réservée en TD, mais il est parfois difficile de demander à de jeunes enseignants, qui n'ont aucune pratique, de montrer un art pratique.
Rédiger un acte juridique est essentiel, que ce soit une convention ou acte autre (déclaration, lettre, voire courtes conclusions pour un juriste d'entreprise qui va représenter son entreprise devant une juridiction). Le savoir pratique est détaché du savoir théorique comme pour laisser tranquille les praticiens qui rédigeraient en oubliant le droit ou les théoriciens qui enseigneraient sans mettre en oeuvre leur savoir. Voilà la raison pour laquelle j'avais pris l'initiative, avec d'autres, de créer naguère un master 2 Rédaction de contrats. La plupart des cours étaient libellées sous la forme "Pratique des contrats ..." en sorte que l'enseignement avait vocation à être de la pratique !
La question est à ce point importante que la question agite les milieux professionnels. Ainsi, dans la foulée du "rapport Darrois" et à vrai dire sur son initiative, il serait question de créer des écoles professionnelles où, naturellement, l'un des points forts serait.... la rédaction des actes et contrats. Quoique l'on puisse penser de l'idée d'écoles professionnelles, elle souligne à tout le moins une exigence commune à tous les juristes, voire une urgence : savoir rédiger les actes qui mettent en oeuvre la règle juridique. Cette proposition (pour la petite histoire) menace la plupart des 5e année (M2) non seulement par la proposition d'école ou de centres professionnels qui est faite, mais aussi par son contenu : apprendre à rédiger les actes juridiques, tous les actes juridiques. En effet, y compris dans les parcours dits professionnels, on fait parfois du droit sans documents pratiques.
Ma religion n'a pas changé et, dès que j'ai pu, j'ai créé un cours de technique contractuelle qui, loin d'être un énième cours de droit des obligations, est l'occasion de montrer ce dernier en action, dans un contrat, dans une clause. L'objet de l'étude est inévitablement plus large car, à savoir rédiger un contrat, on sait rédiger une déclaration, une lettre (par exemple de mise en demeure ou de résiliation), et donc toute sorte d'actes juridiques. La même religion me conduit souvent, à partir d'un exemple concret de contrat, et y compris dans un cours magistral, à montrer ce que la loi, la jurisprudence et la doctrine (à la marge) peuvent donner quand il s'agit de décider d'un modèle d'acte qui doit assoir l'exploitation d'une entreprise. L'occasion est alors donnée d'approuver partie de la clause et de s'interroger sur quelques uns de ses alinéas. On peut élargir et passer en préalable aux étudiants un acte juridique s'il n'est pas trop long. Dans ces moments là, les étudiants peuvent s'arrêter de noter pensant ; ils notent tout ce qui est écrit dans tous les livres (le cours !) et ne notent pas ce qui n'est écrit nulle part puisque c'est un enseignement ici pratique et ad hoc - cela en dit long sur la méthode du bachotage et du "par coeur", alors même que rien n'interdit de poser en question d'examen terminal un commentaire de clause ou de contrat...
L'art de la rédaction est pourtant, plus aujourd'hui qu'hier, déterminant pour la vie professionnelle du juriste. La méthode est en effet d'autant plus importante en pratique depuis que les conseils juridiques ont fusionné (pourquoi ? pour quoi ? ...) avec les avocats. L'art de la rédaction s'est noyé dans cette profession immense et les officines de conseils juridiques, réputées dans l'art de la rédaction, ont parfois disparu. Les comptables les y ont bien aidé... et la Cour de cassation aussi qui a très concrètement permis aux comptables de publier divers actes sans lien d'accessoire avec un acte comptable : voyez ce commentaire lu plus de 4 000 fois
A partir du moment où les comptables saisissaient le droit des sociétés et le droit social, et la rédaction des actes qui y est attachée, les cabinets d'avocats perdaient des parts de marché dans la rédaction ce qui, globalement, tirait vers le bas l'art de la rédaction (et naturellement nous ne parlons pas des belles firmes parisiennes où on rédige autant que l'on plaide...).
L'art de la rédaction (en pratique) - l'exercice de la rédaction (en examen) - est ainsi et peut-être une bonne voie pour trouver un emploi ou évoluer dans son emploi. Les étudiants doivent s'en convaincre et savoir se mettre à leur table de travail pour rédiger un mandat, une (petite) vente, une société civile, une SARL, une brève cession d'actions... Ecrire un acte suppose de se placer dans la dimension de la volonté des parties, à leur place, et le style s'en trouve nettement modifié d'autant plus que l'on crée (ou transfère) des obligations, ce qui n'est pas le cas dans les autres exercices (commentaire de texte, d'arrêt, dissertation, cas pratique...). L'exercice n'est manifestement pas évident. Voilà un professeur qui demande à ses étudiants de rédiger un modèle substantiel de "contrat de prêt", lequel a été étudié modèle à l'appui ; et voilà des étudiants qui font un hors sujet complet en dissertant et en expliquant ce qu'il devrait y avoir dans le contrat... Dire comment doit être le mur c'est du discours, rédiger le modèle de contrat c'est de l'art de construire un mur droit et solide : les deux choses sont forts différentes.
L'exercice de rédaction montre concrètement le résultat des enseignements bien mieux que toute expertise et contrôles, externes ou internes. On voit tout de suite celui qui a la force du juriste qui pose et boucle les divers points à traiter et celui qui n'est "pas dedans". Pour se former, apprendre à rédiger comme on le leur demandera quotidiennement en pratique, les étudiants peuvent ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, en attendant que l'université se professionnalise. Ils peuvent se donner, seuls et rapidement, des armes. Il suffit de trouver (dans la vie quotidienne, sur l'internet et dans les encyclopédies juridiques mais cela fera "moins vrai") des modèles de contrats et de les lire et d'y réfléchir, notamment en les comparant - ce qui est impératif car il existe des modèles qui n'en sont pas... Cet exercice et ce travail aideront à comprendre nombre de décisions de justice où sont en cause la rédaction de la clause et où, sans savoir ce qu'est une clause, la totale compréhension de l'arrêt est en réalité impossible. Mis si ici les choses se tiennent, elles n'en demeurent pas moins autonomes : rédiger un acte ou une clause est un art propre.
Rédiger un acte juridique est essentiel, que ce soit une convention ou acte autre (déclaration, lettre, voire courtes conclusions pour un juriste d'entreprise qui va représenter son entreprise devant une juridiction). Le savoir pratique est détaché du savoir théorique comme pour laisser tranquille les praticiens qui rédigeraient en oubliant le droit ou les théoriciens qui enseigneraient sans mettre en oeuvre leur savoir. Voilà la raison pour laquelle j'avais pris l'initiative, avec d'autres, de créer naguère un master 2 Rédaction de contrats. La plupart des cours étaient libellées sous la forme "Pratique des contrats ..." en sorte que l'enseignement avait vocation à être de la pratique !
La question est à ce point importante que la question agite les milieux professionnels. Ainsi, dans la foulée du "rapport Darrois" et à vrai dire sur son initiative, il serait question de créer des écoles professionnelles où, naturellement, l'un des points forts serait.... la rédaction des actes et contrats. Quoique l'on puisse penser de l'idée d'écoles professionnelles, elle souligne à tout le moins une exigence commune à tous les juristes, voire une urgence : savoir rédiger les actes qui mettent en oeuvre la règle juridique. Cette proposition (pour la petite histoire) menace la plupart des 5e année (M2) non seulement par la proposition d'école ou de centres professionnels qui est faite, mais aussi par son contenu : apprendre à rédiger les actes juridiques, tous les actes juridiques. En effet, y compris dans les parcours dits professionnels, on fait parfois du droit sans documents pratiques.
Ma religion n'a pas changé et, dès que j'ai pu, j'ai créé un cours de technique contractuelle qui, loin d'être un énième cours de droit des obligations, est l'occasion de montrer ce dernier en action, dans un contrat, dans une clause. L'objet de l'étude est inévitablement plus large car, à savoir rédiger un contrat, on sait rédiger une déclaration, une lettre (par exemple de mise en demeure ou de résiliation), et donc toute sorte d'actes juridiques. La même religion me conduit souvent, à partir d'un exemple concret de contrat, et y compris dans un cours magistral, à montrer ce que la loi, la jurisprudence et la doctrine (à la marge) peuvent donner quand il s'agit de décider d'un modèle d'acte qui doit assoir l'exploitation d'une entreprise. L'occasion est alors donnée d'approuver partie de la clause et de s'interroger sur quelques uns de ses alinéas. On peut élargir et passer en préalable aux étudiants un acte juridique s'il n'est pas trop long. Dans ces moments là, les étudiants peuvent s'arrêter de noter pensant ; ils notent tout ce qui est écrit dans tous les livres (le cours !) et ne notent pas ce qui n'est écrit nulle part puisque c'est un enseignement ici pratique et ad hoc - cela en dit long sur la méthode du bachotage et du "par coeur", alors même que rien n'interdit de poser en question d'examen terminal un commentaire de clause ou de contrat...
L'art de la rédaction est pourtant, plus aujourd'hui qu'hier, déterminant pour la vie professionnelle du juriste. La méthode est en effet d'autant plus importante en pratique depuis que les conseils juridiques ont fusionné (pourquoi ? pour quoi ? ...) avec les avocats. L'art de la rédaction s'est noyé dans cette profession immense et les officines de conseils juridiques, réputées dans l'art de la rédaction, ont parfois disparu. Les comptables les y ont bien aidé... et la Cour de cassation aussi qui a très concrètement permis aux comptables de publier divers actes sans lien d'accessoire avec un acte comptable : voyez ce commentaire lu plus de 4 000 fois
A partir du moment où les comptables saisissaient le droit des sociétés et le droit social, et la rédaction des actes qui y est attachée, les cabinets d'avocats perdaient des parts de marché dans la rédaction ce qui, globalement, tirait vers le bas l'art de la rédaction (et naturellement nous ne parlons pas des belles firmes parisiennes où on rédige autant que l'on plaide...).
L'art de la rédaction (en pratique) - l'exercice de la rédaction (en examen) - est ainsi et peut-être une bonne voie pour trouver un emploi ou évoluer dans son emploi. Les étudiants doivent s'en convaincre et savoir se mettre à leur table de travail pour rédiger un mandat, une (petite) vente, une société civile, une SARL, une brève cession d'actions... Ecrire un acte suppose de se placer dans la dimension de la volonté des parties, à leur place, et le style s'en trouve nettement modifié d'autant plus que l'on crée (ou transfère) des obligations, ce qui n'est pas le cas dans les autres exercices (commentaire de texte, d'arrêt, dissertation, cas pratique...). L'exercice n'est manifestement pas évident. Voilà un professeur qui demande à ses étudiants de rédiger un modèle substantiel de "contrat de prêt", lequel a été étudié modèle à l'appui ; et voilà des étudiants qui font un hors sujet complet en dissertant et en expliquant ce qu'il devrait y avoir dans le contrat... Dire comment doit être le mur c'est du discours, rédiger le modèle de contrat c'est de l'art de construire un mur droit et solide : les deux choses sont forts différentes.
L'exercice de rédaction montre concrètement le résultat des enseignements bien mieux que toute expertise et contrôles, externes ou internes. On voit tout de suite celui qui a la force du juriste qui pose et boucle les divers points à traiter et celui qui n'est "pas dedans". Pour se former, apprendre à rédiger comme on le leur demandera quotidiennement en pratique, les étudiants peuvent ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, en attendant que l'université se professionnalise. Ils peuvent se donner, seuls et rapidement, des armes. Il suffit de trouver (dans la vie quotidienne, sur l'internet et dans les encyclopédies juridiques mais cela fera "moins vrai") des modèles de contrats et de les lire et d'y réfléchir, notamment en les comparant - ce qui est impératif car il existe des modèles qui n'en sont pas... Cet exercice et ce travail aideront à comprendre nombre de décisions de justice où sont en cause la rédaction de la clause et où, sans savoir ce qu'est une clause, la totale compréhension de l'arrêt est en réalité impossible. Mis si ici les choses se tiennent, elles n'en demeurent pas moins autonomes : rédiger un acte ou une clause est un art propre.