Une demande d'expertise de gestion, demande judiciaire spéciale, réservée à un associé ou à un groupe d'associés représentants une certaine participation dans la société concernée, doit être ordonnée si elle répond à ses conditions légales (le visa de l'arrêt citant l'article 223-37 du Code de commerce y renvoie). Trop considérer l'opération en cause, en dépassant ainsi lesdites conditions légales, et notamment en considérant sa légalité ou les conditions de son adoption, peut conduire le juge à mal statuer.
Une cassation sanctionne cette "attitude judiciaire" qui repose sur une considération des divers aspects de fond de droit des sociétés, lesquels sont étrangers à la recevabilité de l'action en justice en cause.
Quand le sujet est l'expertise de gestion, la motivation du juge doit porter et se fonder sur les dispositions légales sur l'expertise de gestion et seulement sur cela. Ces conditions ne sot pas très lourdes : le législateur a entendu donner un moyen de contrôle aux associés et notamment de contrôle technique et précis des dirigeants sociaux. Il ne faut donc pas entraver cet élan législatif qui est un peu en faveur de la démocratie actionnariale...
Ce droit des associés (à une expertise de gestion) ne découle pas directement des titres (ce que la doctrine appelle les "droits attachés au titre", formule contestable car "l'attache" n'est ni juridique ni éclairante en raison pure). Ce droit provient de la détention des titres et, concrètement, de la volonté des associés détenant la participation exigée par la loi (le dixième du capital social).
Ces associés (ici de SARL, l'action n'est pas possible dans toutes les formes sociales), entendent, grâce à cette demande, comprendre une opération réalisée par la société. Avis aux justiciables : ce point du seuil de participation devra être scrupuleusement explicité par les demandeurs dans leur assignation et vérifié par le juge car ; à défaut de cette exigence de participation, l'action en justice n'existe pas.
L'arrêt reproduit montre que le juge a, en France, une vision très intrusive des affaires dans lesquelles il peut avoir tendance à mettre son nez, plus qu'il ne faut, plus qu'il ne doit. Une demande d'expertise de gestion ne vise toute de même qu'à ordonner une expertise sous contrôle judiciaire... sans demander au juge d'apprécier, pour ce faire, tout le contexte de tension qui probablement existe dans la société commerciale concernée.
A défaut, un arrêt d'appel peut être cassé... l'expertise de gestion attendra quelques mois... la justice cultive la lenteur.
Une cassation sanctionne cette "attitude judiciaire" qui repose sur une considération des divers aspects de fond de droit des sociétés, lesquels sont étrangers à la recevabilité de l'action en justice en cause.
Quand le sujet est l'expertise de gestion, la motivation du juge doit porter et se fonder sur les dispositions légales sur l'expertise de gestion et seulement sur cela. Ces conditions ne sot pas très lourdes : le législateur a entendu donner un moyen de contrôle aux associés et notamment de contrôle technique et précis des dirigeants sociaux. Il ne faut donc pas entraver cet élan législatif qui est un peu en faveur de la démocratie actionnariale...
Ce droit des associés (à une expertise de gestion) ne découle pas directement des titres (ce que la doctrine appelle les "droits attachés au titre", formule contestable car "l'attache" n'est ni juridique ni éclairante en raison pure). Ce droit provient de la détention des titres et, concrètement, de la volonté des associés détenant la participation exigée par la loi (le dixième du capital social).
Ces associés (ici de SARL, l'action n'est pas possible dans toutes les formes sociales), entendent, grâce à cette demande, comprendre une opération réalisée par la société. Avis aux justiciables : ce point du seuil de participation devra être scrupuleusement explicité par les demandeurs dans leur assignation et vérifié par le juge car ; à défaut de cette exigence de participation, l'action en justice n'existe pas.
L'arrêt reproduit montre que le juge a, en France, une vision très intrusive des affaires dans lesquelles il peut avoir tendance à mettre son nez, plus qu'il ne faut, plus qu'il ne doit. Une demande d'expertise de gestion ne vise toute de même qu'à ordonner une expertise sous contrôle judiciaire... sans demander au juge d'apprécier, pour ce faire, tout le contexte de tension qui probablement existe dans la société commerciale concernée.
A défaut, un arrêt d'appel peut être cassé... l'expertise de gestion attendra quelques mois... la justice cultive la lenteur.
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Source : Legifrance.
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
M. [V] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-23.289 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [E], épouse [M], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société Aux délices de Tarentaise, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [V] [E], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [T] [E], épouse [M], et de la société Aux délices de Tarentaise, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 juin 2021), le capital de la société Aux délices de Tarentaise est détenu à concurrence de 51 % par Mme [T] [E] et à concurrence de 49 % par M. [V] [E].
2. Le 30 janvier 2020, cette société, représentée par sa gérante, Mme [T] [E], a donné en location-gérance son fonds de commerce à la société 1928, dont Mme [T] [E] est également gérante et associée avec son conjoint.
3. M. [V] [E] a assigné en référé la société Aux délices de Tarentaise et Mme [T] [E] devant le président d'un tribunal de commerce, aux fins de voir ordonner une expertise de gestion.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [V] [E] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise de gestion, alors « que la juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ; qu'une convention réglementé conclue sans avoir été soumise à l'assemblée générale est irrégulière et a fortiori présumée irrégulière ; qu'en refusant d'ordonner l'expertise de gestion sollicitée, après avoir estimé que la conclusion du contrat de location-gérance intervenu entre la société Aux délices de Tarentaise et la société 1928, ayant le même dirigeant social, ne pouvait être tenue pour une opération courante que l'article L. 233-20 du code de commerce soustrait du champ d'application de l'article L. 223-19 du même code et qu'elle aurait donc dû être soumise à l'assemblée générale, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article L. 223-37 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 223-37, alinéa 1er, du code de commerce :
5. Aux termes de ce texte, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
6. La juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.
7. Pour rejeter la demande d'expertise de M. [V] [E], l'arrêt, après avoir retenu que la mise en location-gérance du fonds de commerce de la société Aux délices de Tarentaise ne constitue pas une opération courante, de sorte qu'elle entre dans le champ d'application de l'article L. 223-19 du code de commerce et qu'elle aurait dû être soumise à l'assemblée générale des associés, énonce qu'en vertu de cet article, les conventions qui n'ont pas été approuvées par les associés produisent leurs effets, à charge pour le gérant ou l'associé contractant d'en supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences, si elles s'avèrent préjudiciables à la société. Analysant les stipulations du contrat de location-gérance, il retient que rien n'indique que celui-ci soit préjudiciable à la société Aux délices de Tarentaise et qu'elle entraîne son appauvrissement, la société restant propriétaire du fonds de commerce, dont elle peut reprendre l'exploitation directe chaque année, et ne conservant à sa charge que ses propres impôts et taxes, de sorte que ses résultats seront nécessairement bénéficiaires.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'opération de mise en location-gérance était irrégulière, la cour d'appel, qui n'avait pas à se faire juge de cette opération, alors qu'était demandé la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport relatif à celle-ci, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE,
Source : Legifrance.
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
M. [V] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-23.289 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [E], épouse [M], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société Aux délices de Tarentaise, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [V] [E], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [T] [E], épouse [M], et de la société Aux délices de Tarentaise, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 juin 2021), le capital de la société Aux délices de Tarentaise est détenu à concurrence de 51 % par Mme [T] [E] et à concurrence de 49 % par M. [V] [E].
2. Le 30 janvier 2020, cette société, représentée par sa gérante, Mme [T] [E], a donné en location-gérance son fonds de commerce à la société 1928, dont Mme [T] [E] est également gérante et associée avec son conjoint.
3. M. [V] [E] a assigné en référé la société Aux délices de Tarentaise et Mme [T] [E] devant le président d'un tribunal de commerce, aux fins de voir ordonner une expertise de gestion.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [V] [E] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise de gestion, alors « que la juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ; qu'une convention réglementé conclue sans avoir été soumise à l'assemblée générale est irrégulière et a fortiori présumée irrégulière ; qu'en refusant d'ordonner l'expertise de gestion sollicitée, après avoir estimé que la conclusion du contrat de location-gérance intervenu entre la société Aux délices de Tarentaise et la société 1928, ayant le même dirigeant social, ne pouvait être tenue pour une opération courante que l'article L. 233-20 du code de commerce soustrait du champ d'application de l'article L. 223-19 du même code et qu'elle aurait donc dû être soumise à l'assemblée générale, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article L. 223-37 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 223-37, alinéa 1er, du code de commerce :
5. Aux termes de ce texte, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
6. La juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.
7. Pour rejeter la demande d'expertise de M. [V] [E], l'arrêt, après avoir retenu que la mise en location-gérance du fonds de commerce de la société Aux délices de Tarentaise ne constitue pas une opération courante, de sorte qu'elle entre dans le champ d'application de l'article L. 223-19 du code de commerce et qu'elle aurait dû être soumise à l'assemblée générale des associés, énonce qu'en vertu de cet article, les conventions qui n'ont pas été approuvées par les associés produisent leurs effets, à charge pour le gérant ou l'associé contractant d'en supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences, si elles s'avèrent préjudiciables à la société. Analysant les stipulations du contrat de location-gérance, il retient que rien n'indique que celui-ci soit préjudiciable à la société Aux délices de Tarentaise et qu'elle entraîne son appauvrissement, la société restant propriétaire du fonds de commerce, dont elle peut reprendre l'exploitation directe chaque année, et ne conservant à sa charge que ses propres impôts et taxes, de sorte que ses résultats seront nécessairement bénéficiaires.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'opération de mise en location-gérance était irrégulière, la cour d'appel, qui n'avait pas à se faire juge de cette opération, alors qu'était demandé la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport relatif à celle-ci, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE,