Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

Projet de loi sur l'économie : obligation des "patrons" d'informer les salariés d'un projet de cession de l'entreprise



Projet de loi sur l'économie : obligation des "patrons" d'informer les salariés d'un projet de cession de l'entreprise
Le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire prévoit à ses articles 11 et 12 une mesure qui inquiète les dirigeants d'entreprises. C'est un droit pour les salariés d'être informés d'un projet de cession. Seront exclues du champ d'application de la mesure les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés, les entreprises où des ayant-droits (héritiers notamment) peuvent prétendre au rachat et celles en procédure collective ("faillite"). L'information devrait intervenir dans les deux mois qui précèdent la cession de l'entreprise, notion qui mérite une explication.

Explication sur la "vente d'entreprise" qui n'existe pas en droit français, cliquez ici

Pour les entreprises de plus de 50 salariés l'information se ferait par le truchement du comité d'entreprise sans modifier son fonctionnement actuel qui permettrait de réaliser cette information. Pour les plus petites, l'information résultera cette fois d'une nouvelle formalité qui en pratique reposera sur le rédacteur des actes de cession :

- projet de vente de fonds de commerce,

Nouveux articles du Code de commerce sur le fonds de commerce, article 11 du projet de loi, cliquez ici

- projet de cession des parts sociales ou des actions).

Nouveaux articles du Code de commerce sur les sociétés, article 12 du projet de loi, cliquez ici

L'exposé des motifs indique un peu naïvement :

Projet de loi sur l'économie : obligation des "patrons" d'informer les salariés d'un projet de cession de l'entreprise
"Ce nouveau droit ne remet pas en cause le patrimoine du chef d'entreprise"... Il poursuit "Ce dernier reste libre de vendre au prix qu'il souhaite et à qui il veut en cas de meilleure offre tierce. La négociation est de gré à gré et respecte les règles de confidentialité propres au droit commercial. De plus, les salariés peuvent renoncer volontairement au bénéfice de ce délai de deux mois, en informant le cédant qu'ils n'ont pas l'intention de proposer une offre de reprise."

Ce dispositif posera de multiples problèmes en pratique même s'il s'agit seulement a priori d'instituer une chance pour les salariés de reprendre leur entreprise, et non de leur donner un avantage concurrentiel. Le projet semble cependant critiquable parce qu"il prétend permettre des reprises alors que des milliers d'entreprises restent sans reprises : mais dans ces cas, d'une part, les chefs d'entreprise à défaut de repreneurs externes n'auront pas à informer les salariés et surtout, d'autre part, ces défauts de reprises laissent largement le temps aux salariés de faire des ofres de reprises puisqu'il n'y a aucune concurrence !


Naturellement la question de la sanction de la violation de ces futurs textes interroge et là, effectivement, on peut être surpris. Si l'information peut se faire par tout moyen (tiens, un peu de simplicité !), la sanction du non-respect de cette obligation d'information anticipée relève "du droit commercial commun" : "Il s'agit d'une nullité relative et facultative, sur saisine des salariés". On relèvera cette curieuse expression de "droit commercial commun" pour le droit commercial qui est un droit spécial... On notera surtout la gravité de la sanction qui pourra mettre en péril l'entreprise si une cession opérée est avortée.

Il faudra de nouvelles clauses dans les actes pour indiquer que l'information a été faite et stipuler que le vendeur le garantit. Certains patrons s'insurgent contre ce texte pour des raisons idélogiques qui ne tiennent pas, on peut en revanche s'inquiéter d'un nouvel alourdissement des textes, des formalités pour un résultat fort hypothétique dans un moment où la ligne doit être favoriser le vrai entrepreunariat qui suppose la débrouillardise... sans texte !

Modifications envisagées du Code de commerce, cliquez ici

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