L'obligation générale d'information est entrée en droit français avec l'appui de textes hier impressionnistes (évoquant bonne foi, équité, loyauté, clarté de la vente) et qui sont aujourd'hui clarifiés et renforcés. Je reprends l'idée que Jean-Calais Auloy a souligné dans de nombreuses éditions de son précis Droit de la consommation (repris depuis par M. Depincé).
L'obligation d'information, souvent légale et contractuelle, a une sous-figure qui est presque devenue la plus visible et la plus discutée : l'obligation précontractuelle d'information. Elle aide à former le consentement et donc le contrat (v. désormais le fameux "devoir d'information" : art. 1112-1, C. civ.).
Allons tout de suite au fond du problème avec une vue générale sur le genre de cette obligation (I), qui a une longue histoire, et une vue spéciale sur l'arrêt qui, de l'obligation d'information tire vers celle de conseil (II).
L'obligation d'information, souvent légale et contractuelle, a une sous-figure qui est presque devenue la plus visible et la plus discutée : l'obligation précontractuelle d'information. Elle aide à former le consentement et donc le contrat (v. désormais le fameux "devoir d'information" : art. 1112-1, C. civ.).
Allons tout de suite au fond du problème avec une vue générale sur le genre de cette obligation (I), qui a une longue histoire, et une vue spéciale sur l'arrêt qui, de l'obligation d'information tire vers celle de conseil (II).
I. Vue générale de l'obligation générale d'information tirant vers le conseil
On voit d'autant plus cette obligation précontractuelle qu'elle est aujourd'hui susceptible de fonder, plus nettement car il y avait eu quelques arrêts en ce sens (G. Paisant, Droit de la consommation, PUF, 2019, p. 120, n° 290), une nullité du contrat si l'information a pu causer une erreur sur les caractéristiques essentielles du contrat ou de la prestation (Cass. 1re civ., 20 déc. 2023, n° 22-18928 ; l'arrêt applique de façon combinée l'article L. 111-1 du Code de la consommation et l'article 1112-1 du Code civil, mais les caractères essentiels du contrat (L. 111-1) objet d'une mauvaise information peuvent s'entendre en droit commun ou dans d'autres droits spéciaux). Voilà qui met la question en pleine actualité.
Quand elle est violée, le contrat ayant été conclu, l'obligation précontractuelle d'information donne lieu à un cas de responsabilité contractuelle dans la plupart des cas (D. Houtcieff, Droit des contrats, Bruylant, 2023, p. 319, n° 328). La Cour de cassation a déjoué il y a longtemps les pronostics ou faveurs de la doctrine : comment occulter le contrat quand il est là conclu et largement exécuté et alors qu'il était le but quand l'obligation a été violée ? Mais passons sur ce point, à nuancer, et que tout de même l'arrêt rapporté illustre.
Cette obligation générale a tiré assez vite, sous la plume du juge, et non sous celle du législateur, sur le conseil. Un peu comme si l'information au pluriel, ou l'information au carré ou au cube, égalait du conseil. Le droit n'a pas la rigueur mathématique. Elle a ainsi donné une figure redoutable, une obligation parmi d'autres, car selon les domaines d'autres ont été dégagées et avec des appellations spéciales, ce qui rend le sujet complexe et subtil, infini voire obscur.
Cette figure redoutable est "l'obligation d'information et de conseil", alors que le terme "conseil" change l'obligation initiale reconnue en jurisprudence. Cela se fait au prix d'un artifice qui à nouveau détrompe selon nous la doctrine. Cette dernière s'attache encore à expliquer que l'information est une chose et que le conseil en est une autre...
Cette obligation est une arme lourde et flexible entre les mains du juge qui, à la moindre anicroche, sur demande du client, peut reprocher au fournisseur ou prestataire, dont le vendeur, d'avoir fournit une chose, un produit ou un service qui ne convient pas.
Sans doute parfois l'obligation est mal employée en imposant à un professionnel, finalement, de réparer les préjudices d'un client qui ne le mérite guère. Le juge du droit n'a probablement pas cette intention ; ce qu'il souhaite et essaye de faire, c'est lire en profondeur le contrat pour lui donner son essence : ses obligations essentielles. Là où il faillit, mais on réserve notre opinion à un examen plus poussé, c'est qu'il explique mal le jeu terrible pour le professionnel qui fait passer de l'information (une donnée brute et objective) à l'obligation de conseil ; jeu terrible parce qu'elle est souvent bien plus que le fait "d'orienter" le choix du client (autre propos que la doctrine répète beaucoup sans plus détailler).*
Il y a des domaines pour lesquels cette "obligation d'information et de conseil" est moins utilisée, paradoxalement parce que le contrat porte sur un service qui a pour objet un conseil ou qu'il incorpore une partie de conseil. Inventer une telle obligation serait problématique car cela reviendrait à changer l'objet du contrat : quand le conseil est stipulé, il faut s'en tenir au conseil stipulé ! Cela n'a rien à voir avec le fait d'acheter des tuiles ou des parasols... il faut en convenir. Ce rapide détour indique l'affreuse complexité du sujet ou de ces sujets (2) !
La nature du contrat (la nature : quel artifice...) règle tantôt la difficulté car on peut parfois y lire une obligation de conseil.
On peut la lire dans une belle phrase d'une clause du clause, ou la lire sur une partie de l'une de ces phrases ou même la lire entre les lignes des clauses. Cette nature joue de façon variable notamment s'agissant du secteur professionnel en cause (1).
On peut la lire dans l'intitulé de certains contrats dont l'objet principal est du conseil : ainsi du contrat de maîtrise d'ouvrage...
II. Vue spéciale de l'obligation d'information et de conseil
L'arrêt ci-dessous montre, lui, l'obligation d'information et de conseil dans toute sa splendeur, splendeur qui n'est point ternie par la mention d'un "inédit". En effet, la motivation vise à deux reprises l'obligation de conseil. Les amateurs iront lire un arrêt spectaculaire où l'obligation d'information et de conseil brille dans une affaire d'accident de la route meurtrier (avec une remorque chargée d'un bois particulièrement lourd : Cass. 1re civ., 19 juin 2024, n° 21-19972, publié).
La réponse au problème est presque annoncée dans les faits qua la Cour de cassation relate : i["Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mars 2023), la société Troisaime exploite un hôtel-bar-restaurant en bord de mer. En 2014, conseillée par M. [K], maître d’œuvre mandaté pour l'aménagement de ses locaux, elle a passé commande à la société Ligne Vauzelle d'un mobilier destiné à sa terrasse extérieure."]i
A juste lire les faits on note que l'acheteur était "conseillée" par "M. [K], maître d’œuvre".
A la lecture de ces seules lignes qui résument l'affaire, le sens de la décision est un peu attendu. Bien que le contrat de conseil ne soit pas un contrat spécial du Code civil, si vous contractez une obligation de conseil vous y êtes tenu !
On voit d'autant plus cette obligation précontractuelle qu'elle est aujourd'hui susceptible de fonder, plus nettement car il y avait eu quelques arrêts en ce sens (G. Paisant, Droit de la consommation, PUF, 2019, p. 120, n° 290), une nullité du contrat si l'information a pu causer une erreur sur les caractéristiques essentielles du contrat ou de la prestation (Cass. 1re civ., 20 déc. 2023, n° 22-18928 ; l'arrêt applique de façon combinée l'article L. 111-1 du Code de la consommation et l'article 1112-1 du Code civil, mais les caractères essentiels du contrat (L. 111-1) objet d'une mauvaise information peuvent s'entendre en droit commun ou dans d'autres droits spéciaux). Voilà qui met la question en pleine actualité.
Quand elle est violée, le contrat ayant été conclu, l'obligation précontractuelle d'information donne lieu à un cas de responsabilité contractuelle dans la plupart des cas (D. Houtcieff, Droit des contrats, Bruylant, 2023, p. 319, n° 328). La Cour de cassation a déjoué il y a longtemps les pronostics ou faveurs de la doctrine : comment occulter le contrat quand il est là conclu et largement exécuté et alors qu'il était le but quand l'obligation a été violée ? Mais passons sur ce point, à nuancer, et que tout de même l'arrêt rapporté illustre.
Cette obligation générale a tiré assez vite, sous la plume du juge, et non sous celle du législateur, sur le conseil. Un peu comme si l'information au pluriel, ou l'information au carré ou au cube, égalait du conseil. Le droit n'a pas la rigueur mathématique. Elle a ainsi donné une figure redoutable, une obligation parmi d'autres, car selon les domaines d'autres ont été dégagées et avec des appellations spéciales, ce qui rend le sujet complexe et subtil, infini voire obscur.
Cette figure redoutable est "l'obligation d'information et de conseil", alors que le terme "conseil" change l'obligation initiale reconnue en jurisprudence. Cela se fait au prix d'un artifice qui à nouveau détrompe selon nous la doctrine. Cette dernière s'attache encore à expliquer que l'information est une chose et que le conseil en est une autre...
Cette obligation est une arme lourde et flexible entre les mains du juge qui, à la moindre anicroche, sur demande du client, peut reprocher au fournisseur ou prestataire, dont le vendeur, d'avoir fournit une chose, un produit ou un service qui ne convient pas.
Sans doute parfois l'obligation est mal employée en imposant à un professionnel, finalement, de réparer les préjudices d'un client qui ne le mérite guère. Le juge du droit n'a probablement pas cette intention ; ce qu'il souhaite et essaye de faire, c'est lire en profondeur le contrat pour lui donner son essence : ses obligations essentielles. Là où il faillit, mais on réserve notre opinion à un examen plus poussé, c'est qu'il explique mal le jeu terrible pour le professionnel qui fait passer de l'information (une donnée brute et objective) à l'obligation de conseil ; jeu terrible parce qu'elle est souvent bien plus que le fait "d'orienter" le choix du client (autre propos que la doctrine répète beaucoup sans plus détailler).*
Il y a des domaines pour lesquels cette "obligation d'information et de conseil" est moins utilisée, paradoxalement parce que le contrat porte sur un service qui a pour objet un conseil ou qu'il incorpore une partie de conseil. Inventer une telle obligation serait problématique car cela reviendrait à changer l'objet du contrat : quand le conseil est stipulé, il faut s'en tenir au conseil stipulé ! Cela n'a rien à voir avec le fait d'acheter des tuiles ou des parasols... il faut en convenir. Ce rapide détour indique l'affreuse complexité du sujet ou de ces sujets (2) !
La nature du contrat (la nature : quel artifice...) règle tantôt la difficulté car on peut parfois y lire une obligation de conseil.
On peut la lire dans une belle phrase d'une clause du clause, ou la lire sur une partie de l'une de ces phrases ou même la lire entre les lignes des clauses. Cette nature joue de façon variable notamment s'agissant du secteur professionnel en cause (1).
On peut la lire dans l'intitulé de certains contrats dont l'objet principal est du conseil : ainsi du contrat de maîtrise d'ouvrage...
II. Vue spéciale de l'obligation d'information et de conseil
L'arrêt ci-dessous montre, lui, l'obligation d'information et de conseil dans toute sa splendeur, splendeur qui n'est point ternie par la mention d'un "inédit". En effet, la motivation vise à deux reprises l'obligation de conseil. Les amateurs iront lire un arrêt spectaculaire où l'obligation d'information et de conseil brille dans une affaire d'accident de la route meurtrier (avec une remorque chargée d'un bois particulièrement lourd : Cass. 1re civ., 19 juin 2024, n° 21-19972, publié).
La réponse au problème est presque annoncée dans les faits qua la Cour de cassation relate : i["Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mars 2023), la société Troisaime exploite un hôtel-bar-restaurant en bord de mer. En 2014, conseillée par M. [K], maître d’œuvre mandaté pour l'aménagement de ses locaux, elle a passé commande à la société Ligne Vauzelle d'un mobilier destiné à sa terrasse extérieure."]i
A juste lire les faits on note que l'acheteur était "conseillée" par "M. [K], maître d’œuvre".
A la lecture de ces seules lignes qui résument l'affaire, le sens de la décision est un peu attendu. Bien que le contrat de conseil ne soit pas un contrat spécial du Code civil, si vous contractez une obligation de conseil vous y êtes tenu !
Problème d'espèce, pour le vendeur qui a été assigné, lequel a signalé dit-il la difficulté (sans plus ?) : entretenir les parasols chaque jour... est-ce bien une solution raisonnable ? Le juge d'appel a répondu oui, le juge de cassation répond non au prisme du défaut de base légale car il ne juge qu'en droit... Mais une information (voire un avertissement ou une mise en garde) n'est pas exactement un conseil.
La cassation est prononcée pour défaut de base légale, le vendeur va pouvoir et devoir mieux s'expliquer que cela n'a été fait pour le premier procès d'appel. Mais il ne va pas falloir s'expliquer sur l'information, mais sur du conseil, ce que la Haute juridiction juge in fine.
La motivation relève classiquement le besoin de se renseigner pour conseiller, forme classique. On a tout de même l'impression que "M. [K], maître d’œuvre" emporte par le fond le vendeur, Ligne Vauzelle, en lui attachant le boulet de sa propre obligation de conseil. C'est en tout cas un bel exemple de la dualité du standard "de l'obligation d'information et de conseil".
La seconde réponse de la Cour de cassation concernant la responsabilité de "M. [K], maître d’œuvre" est plus incisive et radicale. Sans avoir à viser l"article 1315 sur la preuve, au seul visé de l'article 1147, il est noté un défaut de base légale de l'arrêt attaqué pour justifier que le conseil a été exécuté, rendu. Sur ce point, rien ne se discute, la responsabilité semble assez nettement engagée. Une part de la mission du maître d’œuvre est le conseil. C'est lui qui doit dire : entretenir de parasols tous les jours ce n'est pas faisable, et ce ne sera pas fait, surtout les jours de fermeture... ou de grève..., et donc il faut un autre matériel". Enfin, le juge du droit entend que le vendeur doive aussi le dire, ce qui se dit moins facilement<.
On va s'en abstraire et prendre de la hauteur. Car la leçon s'entend bien, elle est claire, générale et incisive :
il ne faut pas vendre des parasols qui rouillent pour le bord de mer !
Quand l'obligation d'information est de conseil, c'est encore l'obligation d'information et de conseil.
--------------------------
1) Par exemple, en matière d'assurance (un pur service), la Cour de cassation a développé une fameuse "obligation d'éclairer" à la charge de l'assurance ou de son intermédiaire. L'usage du standard de l'obligation d'information et de conseil a été adapté par cette expression ("obligation d'éclairer"), du moins dans certaines circonstances de commercialisation des assurances. Le standard n'est pas non plus très courant en droit bancaire et financier même si ce standard influence sinon inspire en creux le juge et si, en outre, un cas peut à l'occasion justifier son emploi. Le sujet est sans fin...
2) Tout cela manque de clarté parce que le législateur, accompagné par la doctrine pensons-nous, et toujours sous réserve, a et a eu la mauvaise idée de ne pas légiférer sur le contrat de conseil qui serait pourtant un beau contrat spécial du Code civil.
* Orienter laisse la question entière de savoir ce qu'on fait d'un client qui s'entête (à cause du prix, de la couleur, de la forme, à cause de la marque, des conditions de pose...). Sur un plan pratique, la preuve de l'orientation ne peut pas être rapportée 3 fois sur 4 parce que le vendeur est un vendeur et non un juriste qui s'aménage des preuves, avec des actes signés en double exemplaires...
________________________________________________
Texte de la base publique Légifrance
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 octobre 2024, 23-15.992, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
N° de pourvoi : 23-15.992
ECLI:FR:CCASS:2024:CO00579
Non publié au bulletin
Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 16 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 16 mars 2023 b[[...]]b
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 OCTOBRE 2024
La société Troisaime, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-15.992 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ligne Vauzelle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [Z] [K], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Troisaime, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Ligne Vauzelle, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mars 2023), la société Troisaime exploite un hôtel-bar-restaurant en bord de mer. En 2014, conseillée par M. [K], maître d'oeuvre mandaté pour l'aménagement de ses locaux, elle a passé commande à la société Ligne Vauzelle d'un mobilier destiné à sa terrasse extérieure. La livraison est intervenue les 6 et 7 mai et 17 juin 2014.
2. Soutenant que le mobilier extérieur s'était rapidement dégradé, la société Troisaime a assigné M. [K] et la société Ligne Vauzelle afin d'obtenir la résolution de la vente.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. La société Troisaime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société Ligne Vauzelle, alors :
« 1°/ que tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché ; qu'afin de déduire que le vendeur a bien respecté son obligation de conseil", la cour d'appel a relevé que ce dernier prétendait avoir oralement avisé l'acquéreur de la nécessité d'entretenir le matériel et que cette affirmation apparaissait avérée à la lecture des déclarations du président de la société acquéreur faites en 2019, soit cinq ans après la vente, aux termes desquelles il disait appliquer sur les parasols un produit spécifique afin de les entretenir ; qu'en déduisant de l'affirmation selon laquelle le président de la société acquéreur appliquait un produit sur les parasols pour les entretenir, que le vendeur avait respecté son obligation d'information et de conseil préalable à la vente quant à la nécessité de traiter le mobilier acquis, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à justifier sa décision, la privant ainsi de base légale au regard de l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que l'obligation de délivrance à laquelle est tenu le vendeur d'un bien comprend également une obligation d'information et de conseil ; qu'il appartient au vendeur de rapporter la preuve qu'il a bien exécuté son obligation de conseil et d'information avant la vente ; qu'en retenant, pour conclure que le vendeur a bien respecté son obligation de conseil", que l'acquéreur aurait été informé de ce que le matériel acquis nécessitait un entretien spécifique, car une nouvelle information de l'acquéreur, sous forme écrite cette fois-ci, figure sur une facture émise le 20 février 2015", tandis que la vente avait été conclue les 6 et 7 mai et 17 juin 2014, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à fonder sa décision, la privant ainsi de base légale au regard de l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1147 et 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Il résulte de l'application combinée de ces textes qu'il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue.
5. Pour rejeter la demande de la société Troisaime en résolution de la vente, l'arrêt, après avoir relevé que la société Ligne Vauzelle prétend l'avoir avisée oralement, lors de la vente, de la nécessité d'entretenir le matériel livré compte tenu de sa future exposition aux embruns, retient que cette affirmation, bien que contestée par la société Troisaime, est cependant avérée à la lecture des déclarations du président de cette société faites à l'huissier de justice mandaté en 2019 par la société Vauzelle, indiquant qu'il applique sur les parasols, toutes les semaines en saison, un produit spécifique ainsi qu'une graisse synthétique afin de les entretenir. Il ajoute qu'une nouvelle information de l'acquéreur, sous une forme écrite, figure sur une facture émise le 20 février 2015.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Ligne Vauzelle s'était acquittée de son obligation de conseil au moment de la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société Troisaime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de M. [K], alors « que le maître d’œuvre est tenu à une obligation de conseil envers son client ; que la présence d'un autre professionnel ne le décharge pas de son obligation ; qu'en se bornant à affirmer que de même, aucune faute ne peut être imputée à l'architecte au titre de la violation de son devoir de conseil", renvoyant ainsi à ses motifs relatifs à l'exécution par le vendeur de son obligation de conseil, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le maître d’œuvre avait informé son client de la nécessité d'un entretien lourd et récurrent du mobilier acquis ou de son inadéquation à sa destination en front de mer, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
8. Pour rejeter la demande formée à l'encontre de M. [K], l'arrêt retient que le vendeur s'étant acquitté de son obligation de conseil à l'égard de la société Troisaime, aucune faute ne pouvait être imputée au maître d’œuvre.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. [K] avait manqué à l'obligation de conseil lui incombant en sa qualité de maître d’œuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Ligne Vauzelle et M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Ligne Vauzelle et M. [K] et les condamne à payer chacun à la société Troisaime la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CO00579
La cassation est prononcée pour défaut de base légale, le vendeur va pouvoir et devoir mieux s'expliquer que cela n'a été fait pour le premier procès d'appel. Mais il ne va pas falloir s'expliquer sur l'information, mais sur du conseil, ce que la Haute juridiction juge in fine.
La motivation relève classiquement le besoin de se renseigner pour conseiller, forme classique. On a tout de même l'impression que "M. [K], maître d’œuvre" emporte par le fond le vendeur, Ligne Vauzelle, en lui attachant le boulet de sa propre obligation de conseil. C'est en tout cas un bel exemple de la dualité du standard "de l'obligation d'information et de conseil".
La seconde réponse de la Cour de cassation concernant la responsabilité de "M. [K], maître d’œuvre" est plus incisive et radicale. Sans avoir à viser l"article 1315 sur la preuve, au seul visé de l'article 1147, il est noté un défaut de base légale de l'arrêt attaqué pour justifier que le conseil a été exécuté, rendu. Sur ce point, rien ne se discute, la responsabilité semble assez nettement engagée. Une part de la mission du maître d’œuvre est le conseil. C'est lui qui doit dire : entretenir de parasols tous les jours ce n'est pas faisable, et ce ne sera pas fait, surtout les jours de fermeture... ou de grève..., et donc il faut un autre matériel". Enfin, le juge du droit entend que le vendeur doive aussi le dire, ce qui se dit moins facilement<.
On va s'en abstraire et prendre de la hauteur. Car la leçon s'entend bien, elle est claire, générale et incisive :
il ne faut pas vendre des parasols qui rouillent pour le bord de mer !
Quand l'obligation d'information est de conseil, c'est encore l'obligation d'information et de conseil.
--------------------------
1) Par exemple, en matière d'assurance (un pur service), la Cour de cassation a développé une fameuse "obligation d'éclairer" à la charge de l'assurance ou de son intermédiaire. L'usage du standard de l'obligation d'information et de conseil a été adapté par cette expression ("obligation d'éclairer"), du moins dans certaines circonstances de commercialisation des assurances. Le standard n'est pas non plus très courant en droit bancaire et financier même si ce standard influence sinon inspire en creux le juge et si, en outre, un cas peut à l'occasion justifier son emploi. Le sujet est sans fin...
2) Tout cela manque de clarté parce que le législateur, accompagné par la doctrine pensons-nous, et toujours sous réserve, a et a eu la mauvaise idée de ne pas légiférer sur le contrat de conseil qui serait pourtant un beau contrat spécial du Code civil.
* Orienter laisse la question entière de savoir ce qu'on fait d'un client qui s'entête (à cause du prix, de la couleur, de la forme, à cause de la marque, des conditions de pose...). Sur un plan pratique, la preuve de l'orientation ne peut pas être rapportée 3 fois sur 4 parce que le vendeur est un vendeur et non un juriste qui s'aménage des preuves, avec des actes signés en double exemplaires...
________________________________________________
Texte de la base publique Légifrance
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 octobre 2024, 23-15.992, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
N° de pourvoi : 23-15.992
ECLI:FR:CCASS:2024:CO00579
Non publié au bulletin
Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 16 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 16 mars 2023 b[[...]]b
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 OCTOBRE 2024
La société Troisaime, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-15.992 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ligne Vauzelle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [Z] [K], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Troisaime, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Ligne Vauzelle, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mars 2023), la société Troisaime exploite un hôtel-bar-restaurant en bord de mer. En 2014, conseillée par M. [K], maître d'oeuvre mandaté pour l'aménagement de ses locaux, elle a passé commande à la société Ligne Vauzelle d'un mobilier destiné à sa terrasse extérieure. La livraison est intervenue les 6 et 7 mai et 17 juin 2014.
2. Soutenant que le mobilier extérieur s'était rapidement dégradé, la société Troisaime a assigné M. [K] et la société Ligne Vauzelle afin d'obtenir la résolution de la vente.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. La société Troisaime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société Ligne Vauzelle, alors :
« 1°/ que tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché ; qu'afin de déduire que le vendeur a bien respecté son obligation de conseil", la cour d'appel a relevé que ce dernier prétendait avoir oralement avisé l'acquéreur de la nécessité d'entretenir le matériel et que cette affirmation apparaissait avérée à la lecture des déclarations du président de la société acquéreur faites en 2019, soit cinq ans après la vente, aux termes desquelles il disait appliquer sur les parasols un produit spécifique afin de les entretenir ; qu'en déduisant de l'affirmation selon laquelle le président de la société acquéreur appliquait un produit sur les parasols pour les entretenir, que le vendeur avait respecté son obligation d'information et de conseil préalable à la vente quant à la nécessité de traiter le mobilier acquis, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à justifier sa décision, la privant ainsi de base légale au regard de l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que l'obligation de délivrance à laquelle est tenu le vendeur d'un bien comprend également une obligation d'information et de conseil ; qu'il appartient au vendeur de rapporter la preuve qu'il a bien exécuté son obligation de conseil et d'information avant la vente ; qu'en retenant, pour conclure que le vendeur a bien respecté son obligation de conseil", que l'acquéreur aurait été informé de ce que le matériel acquis nécessitait un entretien spécifique, car une nouvelle information de l'acquéreur, sous forme écrite cette fois-ci, figure sur une facture émise le 20 février 2015", tandis que la vente avait été conclue les 6 et 7 mai et 17 juin 2014, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à fonder sa décision, la privant ainsi de base légale au regard de l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1147 et 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Il résulte de l'application combinée de ces textes qu'il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue.
5. Pour rejeter la demande de la société Troisaime en résolution de la vente, l'arrêt, après avoir relevé que la société Ligne Vauzelle prétend l'avoir avisée oralement, lors de la vente, de la nécessité d'entretenir le matériel livré compte tenu de sa future exposition aux embruns, retient que cette affirmation, bien que contestée par la société Troisaime, est cependant avérée à la lecture des déclarations du président de cette société faites à l'huissier de justice mandaté en 2019 par la société Vauzelle, indiquant qu'il applique sur les parasols, toutes les semaines en saison, un produit spécifique ainsi qu'une graisse synthétique afin de les entretenir. Il ajoute qu'une nouvelle information de l'acquéreur, sous une forme écrite, figure sur une facture émise le 20 février 2015.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Ligne Vauzelle s'était acquittée de son obligation de conseil au moment de la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société Troisaime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de M. [K], alors « que le maître d’œuvre est tenu à une obligation de conseil envers son client ; que la présence d'un autre professionnel ne le décharge pas de son obligation ; qu'en se bornant à affirmer que de même, aucune faute ne peut être imputée à l'architecte au titre de la violation de son devoir de conseil", renvoyant ainsi à ses motifs relatifs à l'exécution par le vendeur de son obligation de conseil, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le maître d’œuvre avait informé son client de la nécessité d'un entretien lourd et récurrent du mobilier acquis ou de son inadéquation à sa destination en front de mer, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
8. Pour rejeter la demande formée à l'encontre de M. [K], l'arrêt retient que le vendeur s'étant acquitté de son obligation de conseil à l'égard de la société Troisaime, aucune faute ne pouvait être imputée au maître d’œuvre.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. [K] avait manqué à l'obligation de conseil lui incombant en sa qualité de maître d’œuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Ligne Vauzelle et M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Ligne Vauzelle et M. [K] et les condamne à payer chacun à la société Troisaime la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CO00579