Parce qu'il est un génie des mathématiques, il est publié après sa mort, et en deux volumes et avec un coffret présentant l'auteur en "génie" (photo). Est ainsi publiée sa pensée la libre de Grothendieck sur sa matière, sur la vie, ou la communauté mathématique ou parfois sur lui (son enfance, sa sœur... une œuvre dépend de personnes, de liens, d'une famille...).
Grothendieck a écrit ces textes de 1983 à 1986 alors qu'il vivait en marge de la société mathématique (j'ose l'expression) ; il était certes professeur à l'Université Montpellier (il y avait fait ses études mais un peu en solo...). Après divers postes, il y a fini sa carrière en (1973 - 1988). Il est mort en 2014.
Les initiés connaissaient ces milliers de pages formant ces 2 tomes et accessibles aux avertis, aux chercheurs en maths, bien avant la présente publication par Gallimard. Cette édition est cependant une consécration de l'intérêt général de l'œuvre (d'où ici cette note). Consécration dont il n'avait nul besoin, un médaillé Fields n'a besoin d'aucun livre, ce sont les livres qui ont besoin de lui.
L'auteur est parfois ravageur avec ceux qui publient des maths qui sont... des pages de démonstrations... de tout ce qui traîne par là comme rigueur et de faits bien connus (...) ; il y oppose, alors, le fait de porter un point du monde nouveau, pendant 9 mois ou 9 ans..., dit-il (la recherche est fulgurance et longueur), une chose bien vivante (p. 1082 et 1083). Il distingue les empileurs aux artistes, les simples connaisseurs et les inventeurs, découvreurs. Et il se retient. Il reste poli (il le dit).
Avec ce seul exemple on comprend l'éminent esprit. Il est tourné vers la créativité, la créativité créative, et non pas seulement celle qui consiste à faire des "papiers" ou livres neufs avec des idées vieilles. A un moment, il se penche sur la créativité, mais sans ambition épistémologique (ou d'école dogmatique).
Tiens, esprit-matière ça le retiendra, comme lettre et esprit, comme... tant de choses fondamentales auxquelles on ne réfléchit pas assez, en mathématique, ou dans d'autres disciplines... où l'on peut produire des pages-fleuves aussi vides que pleines (le "en même temps ?"). Comprenne qui pourra.
Il pense brut, sans s'encombrer d'une cohorte de gens qui ont pensé avant lui.
Lui, Grothendieck, quand il parle de langue, dit en deux ou trois phrases claires le sens du langage. Il a éprouvé le langage au plus haut dans une discipline, dans une expérience de pensée, au sein d'une discipline (rigoureuse et mondiale). Il peut parler du langage sans convoquer tous les linguistes ; l'expérience acquise avec la mathématique mérite déjà d'être livrée en brut. C'est ce qu'il fait.
Et il dit que, pour penser la mathématique (les mathématiques si l'euphonie est mieux), il faut en permanence inventer du langage. Général ? Ou langage mathématique ? Il ne le dit pas, je gage qu'il pense au deux, car les deux ne sont que langue (autant le langage naturel que le langage mathématique ; ils se confondent parfois ; ainsi, deux plus deux font quatre).
Il va de sa matière au général, de la vie au maths, des mathématiques aux mots, sans imaginer que des barrières devraient l'empêcher de penser ce qu'il pense. Il est libre.
Voilà pourquoi sa pensée est, à notre sens, profondément épistémologique.
On comprend néanmoins Jean-Pierre Bourguignon qui juge « Récoltes et Semailles » comme "une œuvre inclassable" (Pour la science, 10 février 2022).
Grothendieck lie et relie ce qui est généralement découpé (et ceux qui parlent d'interdisciplinarité sont les premiers à l'éviter). La naturel de la méthode signe l'existence même du geste épistémologique. Et ce d'autant plus qu'il ne s'encombre pas de précautions tirées ou imposées de la philosophie des sciences.
Grothendieck a écrit ces textes de 1983 à 1986 alors qu'il vivait en marge de la société mathématique (j'ose l'expression) ; il était certes professeur à l'Université Montpellier (il y avait fait ses études mais un peu en solo...). Après divers postes, il y a fini sa carrière en (1973 - 1988). Il est mort en 2014.
Les initiés connaissaient ces milliers de pages formant ces 2 tomes et accessibles aux avertis, aux chercheurs en maths, bien avant la présente publication par Gallimard. Cette édition est cependant une consécration de l'intérêt général de l'œuvre (d'où ici cette note). Consécration dont il n'avait nul besoin, un médaillé Fields n'a besoin d'aucun livre, ce sont les livres qui ont besoin de lui.
L'auteur est parfois ravageur avec ceux qui publient des maths qui sont... des pages de démonstrations... de tout ce qui traîne par là comme rigueur et de faits bien connus (...) ; il y oppose, alors, le fait de porter un point du monde nouveau, pendant 9 mois ou 9 ans..., dit-il (la recherche est fulgurance et longueur), une chose bien vivante (p. 1082 et 1083). Il distingue les empileurs aux artistes, les simples connaisseurs et les inventeurs, découvreurs. Et il se retient. Il reste poli (il le dit).
Avec ce seul exemple on comprend l'éminent esprit. Il est tourné vers la créativité, la créativité créative, et non pas seulement celle qui consiste à faire des "papiers" ou livres neufs avec des idées vieilles. A un moment, il se penche sur la créativité, mais sans ambition épistémologique (ou d'école dogmatique).
Tiens, esprit-matière ça le retiendra, comme lettre et esprit, comme... tant de choses fondamentales auxquelles on ne réfléchit pas assez, en mathématique, ou dans d'autres disciplines... où l'on peut produire des pages-fleuves aussi vides que pleines (le "en même temps ?"). Comprenne qui pourra.
Il pense brut, sans s'encombrer d'une cohorte de gens qui ont pensé avant lui.
Lui, Grothendieck, quand il parle de langue, dit en deux ou trois phrases claires le sens du langage. Il a éprouvé le langage au plus haut dans une discipline, dans une expérience de pensée, au sein d'une discipline (rigoureuse et mondiale). Il peut parler du langage sans convoquer tous les linguistes ; l'expérience acquise avec la mathématique mérite déjà d'être livrée en brut. C'est ce qu'il fait.
Et il dit que, pour penser la mathématique (les mathématiques si l'euphonie est mieux), il faut en permanence inventer du langage. Général ? Ou langage mathématique ? Il ne le dit pas, je gage qu'il pense au deux, car les deux ne sont que langue (autant le langage naturel que le langage mathématique ; ils se confondent parfois ; ainsi, deux plus deux font quatre).
Il va de sa matière au général, de la vie au maths, des mathématiques aux mots, sans imaginer que des barrières devraient l'empêcher de penser ce qu'il pense. Il est libre.
Voilà pourquoi sa pensée est, à notre sens, profondément épistémologique.
On comprend néanmoins Jean-Pierre Bourguignon qui juge « Récoltes et Semailles » comme "une œuvre inclassable" (Pour la science, 10 février 2022).
Grothendieck lie et relie ce qui est généralement découpé (et ceux qui parlent d'interdisciplinarité sont les premiers à l'éviter). La naturel de la méthode signe l'existence même du geste épistémologique. Et ce d'autant plus qu'il ne s'encombre pas de précautions tirées ou imposées de la philosophie des sciences.
A. Grothendieck, Récoltes et semailles, t. I et II, tel gallimard, 2022.
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Il sort de ses pensées, mathématiques, de sa pensée mathématique, de sa rigueur et de ses idées, une expérience globale, et si souvent spéciale ; il est épistémologue sans avoir besoin de le dire ou de chercher à l'être : il opère en philosophie des sciences quand, par exemple, il relie le langage à la question du sens, à l'outil (le langage est outil de la pensée, il dit et redit), à des émotions (les émotions et les maths ?!), à la résonance, à la profondeur... (p. 1252 et s.).
Il n'a pas besoin de citer des listes d'auteurs pour penser : voilà de la vraie pensée. De la récolte, manifestement, de décennies de travail mathématique, mais qui dans sa main est aussi semailles !
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Il sort de ses pensées, mathématiques, de sa pensée mathématique, de sa rigueur et de ses idées, une expérience globale, et si souvent spéciale ; il est épistémologue sans avoir besoin de le dire ou de chercher à l'être : il opère en philosophie des sciences quand, par exemple, il relie le langage à la question du sens, à l'outil (le langage est outil de la pensée, il dit et redit), à des émotions (les émotions et les maths ?!), à la résonance, à la profondeur... (p. 1252 et s.).
Il n'a pas besoin de citer des listes d'auteurs pour penser : voilà de la vraie pensée. De la récolte, manifestement, de décennies de travail mathématique, mais qui dans sa main est aussi semailles !