Panachage des juridictions et désignation des assesseurs du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon

Un ministre propose un jury pour le tribunal correctionnel. Curieuse idée. Qui a juste pour but d'attirer l'oeil. Il faut plutôt penser au panachage, ce qui allègerait la charge de travail des magistrats professionnels en donnant une légitimité "civile" aux formations juridictionnelles effectivement à trois juges (voire à plus). Pour moi, cette proposition me permet de présenter un arrêté concernant Saint-Pierre-et-Miquelon.



Le panachage, mieux que le jury


Par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 11 septembre 2006, six personnes, citoyens non magistrats professionnels, ont été désignés pour exercer les fonctions d'assesseur du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette juridiction vaut cour d’appel. J’y ai plaidé de nombreuses fois puisque c’est outre-mer, dans cet archipel austère et attachant, que j’ai commencé ma « carrière judiciaire ».

Cet arrêté me relance sur une piste de réflexion pour redresser l’image de la justice et des tribunaux et, encore, mieux la faire comprendre. Le professionnalisme des magistrats a beaucoup apporté et apporte beaucoup. Cependant, la justice (je n’apprécie pas cette expression qui dissimule les diverses structures : parquet, juge du fond, juge d’instruction, mais encore juge civil, commercial, administratif…) est souvent malmenée et incomprise.

De plus en plus souvent sollicitée pour des problèmes de plus en plus « sociaux », qui doivent être tranchés avec une loi de piètre qualité, les décisions sont susceptibles d’être contestées dans la société comme au moyen des recours (et de plus en plus fréquemment en sollicitant une cour internationale…).

Cet état des choses fait penser que les magistrats professionnels, bien que citoyens, sont de plus en plus souvent considérés comme des technocrates du droit, peu impliqué dans la vie des gens qu’ils ont à juger. En outre et malheureusement, la plupart des juridictions qui fonctionnent à trois, ce qui est une garantie pour la qualité de la justice, fonctionnent en pratique à un seul juge. En cour d’appel comme en TGI on plaide de plus en plus souvent devant seulement un magistrat… parfois fort jeune.

Le moyen de réparer cela est simple.

Il convient d’engager une réforme plaçant auprès des juridictions des juges non-professionnels. La chose existe avec excès puisque, le conseil des prud’hommes, le tribunal de commerce, le tribunal paritaire des baux ruraux… sont composés de magistrat qui ne sont pas des professionnels. Un magistrat professionnel intervient seulement en cas de blocage comme juge départiteur (sauf devant le TPBR).

L’arrivée de quelques centaines de magistrats non-professionnels serait un moyen de rendre la justice au citoyen. L’idée est simple et doit être proposée dans une version simple.
La formule du tribunal supérieur n’est pas bonne pour la métropole ; elle convient outre-mer car il n’y qu’un magistrat pour les appels. Il faut donc deux assesseurs civils.

En métropole, je suggère qu’un seul assesseur soit un « magistrat civil », et donc non professionnel. L’idée vaudrait pour toutes les juridictions à 3 ou plus. Les juridictions seraient donc composées de deux magistrats professionnels et d’un magistrat civil. Il suffit d’implanter un article modifiant toutes les compositions des juridictions : c’est deux phrases et quatre lignes.

Mais nous sommes en France. Si l’idée commençait à être discutée au sommet, dans quinze ans encore on viendrait vous dire que c’est techniquement impossible. Qu’il est bon de faire de tout un monde alors que nous avons à améliorer une justice qui laisse le contentieux et les recours gonfler sans cesse… La société du contentieux n’est pas un modèle sur une planète qui vit au rythme de l’échange instantané.




PS. Pour la petite histoire, pour les visiteurs intéressés, sachez que les nommés sont Mme Isabelle Dumas, épouse Poirier et M. Jean-Louis Rabottin et, en qualité de suppléants, Mme Maryse Urdanabia, épouse Lebailly, M. Joseph Beaupertuis, M. Louis Quedinet et M. Jean-Claude Boissel. Autant de noms qui me replongent dans l'ambiance de l'archipel que "L'oeuvre des mers", de Eugène Nicole, relate si bien.


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