Les nouvelles règles de concurrence européennes relatives aux accords de distribution sont en marche (Règl. UE n° 330/2010, 20 avr. 2010, concernant l’application de l’art. 101 §3 TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE 23 avr. 2010). « Une application claire et prévisible des règles de concurrence aux accords de fourniture et de distribution est essentielle pour la compétitivité de l’économie de l’UE et le bien-être des consommateurs », déclarait à l’adoption du texte Joaquin Almunia, commissaire européen chargé de la concurrence. Nous verrons en premier lieu les grandes lignes du texte et, en second lieu, nous en ferons une critique.
Contexte et grandes lignes de la réforme
Le 20 avril dernier, la Commission européenne a adopté le paquet législatif régissant l’exemption par catégorie des accords verticaux respectant les règles concurrentielles de l’UE sur les douze prochaines années, soit jusqu’en 2022. Il est composé du règlement de la Commission concernant l’application de l’article 101-3 TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que de lignes directrices sur les restrictions verticales, faisant le point sur la méthode à suivre pour l’analyse juridique et économique de ces accords.
Pour sa part, l’Autorité de la concurrence se félicite de cette modernisation des règles européennes relatives aux accords de distribution, son président Bruno Lasserre déclarant que « ce nouveau cadre, qui est cohérent avec l’approche suivie par l’Autorité de la concurrence française, stimulera la concurrence au bénéfice des consommateurs, tout en garantissant la prévisibilité dont les entreprises ont besoin pour construire leurs réseaux de distribution ». L’autorité française résume la nouvelle réglementation en deux innovations : un contrôle plus efficace de la grande distribution et un commerce en ligne facilité, au service de l’économie réelle. Enfin, elle en profite également pour rappeler que les nouveaux textes ont été élaborés avec l’aide des 27 autorités nationales du réseau européen de la concurrence (V. not. ADLC, avis, 28 sept. 2009), en complément de la consultation publique.
De son côté, la Commission européenne souhaite rassurer en rappelant que le principe reste inchangé. Liberté est laissée aux entreprises sur le choix du mode de distribution, sous réserve que leurs accords n’incluent pas de restrictions en matière de fixation des prix ou d’autres restrictions caractérisées et que, ni le fournisseur, ni le distributeur, ne dispose d’une part de marché supérieure à 30%. Les distributeurs agréés sont libres de vendre sur Internet sans se voir imposer de limite touchant aux quantités et au lieu d’établissement des consommateurs ou de restrictions en matière de prix.
Pour l’ensemble des autorités de concurrence, ce nouveau cadre juridique conciliant « vente en dur » et « vente en ligne » (principe du « brick and click ») devrait offrir aux consommateurs européens une gamme de produits et de services de qualité élargie et à des conditions tarifaires plus favorables.
Un nouveau règlement bienvenu mais perfectible
À l’instar de l’ancien texte de 1999 (Règl. CE n° 2790/99, 22 déc. 1999, JOCE 29 déc. 1999), l’objectif premier du nouveau règlement n° 330/2010 et des lignes directrices qui l’accompagne est la réduction de la charge réglementaire pesant sur les entreprises sans pouvoir de marché, en particulier les petites et moyennes entreprises.
Encore à l’état de projet en juillet 2009, la majeure partie des acteurs consultés ont indiqué que le règlement précédent avait permis d’allier allègement des coûts de mise en conformité et des lourdeurs administratives, et amélioration du choix et des prix pour les consommateurs finals. Néanmoins, l’orientation suivie par la Commission européenne est à déplorer puisqu’elle est restée sourde à la plupart des demandes d’évolution exprimées dans les quelques 160 contributions publiques. Dès lors, le règlement d’exemption ne connaît pas de modifications importantes par rapport au projet soumis à consultation publique. On se permettra ainsi de ne pas le trouver « révolutionnaire », tout comme l’indique Maître Véronique Sélinsky, spécialiste du droit de la concurrence. Abordons maintenant les principaux points de réflexion concernant les avancées de ce règlemen
A la lecture de l’article 3 du règlement qui fixe le seuil de 30% en deçà duquel l’exemption par catégorie s’applique, la principale évolution est de suite identifiable. Sous l’empire du règlement précédent, c’était la part de marché détenue par le fournisseur qui comptait principalement (bien qu’une exception fût prévue en cas de fourniture exclusive, lorsqu’elle était conclue avec un seul acheteur dans toute l’UE).
Le nouveau dispositif prévoit que l’exemption prévue à l’article 2 s’applique si et seulement si la part de marché détenue par chacune des entreprises parties à l’accord ne dépasse pas 30% de tout « marché en cause sur lequel sont achetés les biens ou services contractuels » (cf. art. 2-1 du règlement). Il s’en suit qu’il suffira désormais que la part de marché, soit du fournisseur, soit de l’acheteur, excède le seuil des 30% pour que l’application de l’exemption ne puisse avoir lieu. Cette modification vise une meilleure prise en considération de la hausse continue de la puissance d’achat de la grande distribution.
Théoriquement, tout laisse penser – et c’est la position de la Commission européenne – que l’introduction d’un seuil de part de marché pour les acheteurs s’avèrera intéressant à l’égard des petites et moyennes entreprises, puisque ce sont les plus exposées à être lésées par les restrictions verticales induites par un acheteur puissant.
Si l’on adopte une vision plus pratique, la considération cumulative des parts de marché du fournisseur et du distributeur serait susceptible d’aboutir à une réduction sensible du domaine d’application de l’exemption par catégorie. De la sorte, nombreux sont les contrats conclus par un fournisseur dont la part de marché peut être infime et qui pourront néanmoins être évincés des bénéfices d’une exemption, seulement parce que le seul distributeur détiendra sur son marché (cf. sur le marché de gros, lignes directrices, § 85) une part de marché outrepassant le seuil de 30%. Sans oublier les obstacles consubstantiels à la délimitation du marché pertinent et les effets néfastes susceptibles de toucher à la sécurité juridique.
Sur ce point, l’article 3 du règlement précise toutefois que « la part de marché détenue par l’acheteur ne dépasse pas 30% du marché en cause sur lequel il achète les biens ou services contractuels ». Ce dispositif devrait permettre de limiter la restriction du domaine d’application de l’exemption, puisque le pouvoir de marché du distributeur devra être apprécié sur le marché amont de l’approvisionnement et non sur le marché aval (cf. égal. Lignes directrices, pt. 87).
En outre, l’article 3-2 du règlement prend en considération la situation d’un accord multipartite. On observera également que le considérant 9 du nouveau texte dispose à présent que : « Au-dessus du seuil de part de marché de 30%, il n’est pas possible de présumer que les accords verticaux relevant de l’article 101, paragraphe 1, du traité entraînent généralement des avantages objectifs de nature et de taille à compenser les inconvénients que ces accords produisent sur la concurrence. En même temps, ces accords verticaux ne sont pas présumés relever de l’article 101, paragraphe 1, du traité ni ne pas remplir les conditions de l’article 101, paragraphe 3, du traité ».
Malgré les réserves exprimées durant la consultation publique, la Commission européenne a procédé à l’intégration du savoir-faire dans la définition des droits de propriété intellectuelle, dispositif figurant à l’article 1 f) du règlement. Cette modification n’est pas sans risque puisqu’un problème pourrait se poser pour l’application de l’exemption aux contrats de franchise. La combinaison de l’article 2-3 du règlement et de cette définition des droits de propriété intellectuelle pourrait amener à évincer les contrats de franchise de l’exemption, dans la mesure où l’objet principal desdits contrats est, par définition, la transmission du savoir-faire.
Il faut admettre également que la nouvelle formulation de l’article 4 b), iii) (eu égard à celle du projet de règlement qui précisait que l’exemption ne s’applique pas aux restrictions territoriales sauf s’il s’agissait de « restreindre les ventes par les membres d’un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés sur les marchés où ce système est appliqué ») n’est pas d'une grande limpidité (« dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système »). Cette formulation serait susceptible d’obliger le fournisseur à opter pour un système de distribution sélective sur l’ensemble du territoire de l’Union en vue de s’assurer de l’étanchéité de son réseau.
Par ailleurs, concernant la présomption de non-exemption en présence d’une restriction caractérisée, le projet de règlement mettait l’accent sur sa réfutabilité. Le caractère réfragable de cette présomption était rappelé (cf. pt 47) en indiquant que des gains d’efficacité au sens de l’article 81-3 CE pourraient être avancés. Certes, le règlement clarifie ce point mais supprime toute référence au caractère réfragable de la présomption. Reste à espérer que les autorités entendent les entreprises désireuses de soutenir l’effectivité de gains d'efficacité résultant de la présence d’une restriction caractérisée. La Commission européenne fournit d’ailleurs au sein des nouvelles lignes directrices (cf. pts 60 à 64) des exemples de situations dans lesquels une restriction caractérisée peut ne pas se voir appliquer l’article 101-1 TFUE ou entrer dans le cadre de l’article 101-3 TFUE.
En retour de ce « geste » fait sur la réfutabilité de la présomption de non-exemption, il est acquis que toute restriction à la vente par Internet constitue une restriction caractérisée dispensant l'autorité de concurrence de prouver l'effet de la pratique, car considérée comme une restriction par objet. Néanmoins, dans la mesure où l'effet anticoncurrentiel de telles restrictions n'est pas avéré, et que la Commission ne dispose pas de l’expérience lui permettant de le démontrer, cette assimilation peut être remise en cause.
Enfin, la Commission européenne entendait prendre en considération un dernier point fondamental : la progression des ventes en ligne sur Internet. Malgré tout, force est de constater que le règlement n’y fait guère référence. La voie de la soft law a été renouvelée par l’intermédiaire de la publication de lignes directrices. Il est dommageable, au regard de l’importance du sujet et des problèmes posés – tels que la prohibition de la vente en ligne dans le cadre d’un réseau de distribution sélective –, de ne pas voir les règles fixées par un texte à véritable valeur contraignante. Dans l’attente de l’interprétation des textes par les juges de l’Union, il demeure inquiétant qu’en décrétant que le fournisseur ne peut interdire à ses revendeurs agréés de vendre sur Internet, la Commission dresse toute restriction à la vente en ligne en restriction caractérisée.
Au final, bien qu’absolument nécessaire, le nouveau règlement, accompagné de ses lignes directrices relatives aux restrictions verticales, présente certains points susceptibles d’être sujet à contestation. Les professionnels de la vente en ligne demeurent les plus sceptiques, voire les plus inquiets. Il faudra donc patienter les premiers temps de son application pour pouvoir constater si cette nouvelle règlementation s’avère être une pleine réussite à l’égard des petites et moyennes entreprises et du consommateur final.
Contexte et grandes lignes de la réforme
Le 20 avril dernier, la Commission européenne a adopté le paquet législatif régissant l’exemption par catégorie des accords verticaux respectant les règles concurrentielles de l’UE sur les douze prochaines années, soit jusqu’en 2022. Il est composé du règlement de la Commission concernant l’application de l’article 101-3 TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que de lignes directrices sur les restrictions verticales, faisant le point sur la méthode à suivre pour l’analyse juridique et économique de ces accords.
Pour sa part, l’Autorité de la concurrence se félicite de cette modernisation des règles européennes relatives aux accords de distribution, son président Bruno Lasserre déclarant que « ce nouveau cadre, qui est cohérent avec l’approche suivie par l’Autorité de la concurrence française, stimulera la concurrence au bénéfice des consommateurs, tout en garantissant la prévisibilité dont les entreprises ont besoin pour construire leurs réseaux de distribution ». L’autorité française résume la nouvelle réglementation en deux innovations : un contrôle plus efficace de la grande distribution et un commerce en ligne facilité, au service de l’économie réelle. Enfin, elle en profite également pour rappeler que les nouveaux textes ont été élaborés avec l’aide des 27 autorités nationales du réseau européen de la concurrence (V. not. ADLC, avis, 28 sept. 2009), en complément de la consultation publique.
De son côté, la Commission européenne souhaite rassurer en rappelant que le principe reste inchangé. Liberté est laissée aux entreprises sur le choix du mode de distribution, sous réserve que leurs accords n’incluent pas de restrictions en matière de fixation des prix ou d’autres restrictions caractérisées et que, ni le fournisseur, ni le distributeur, ne dispose d’une part de marché supérieure à 30%. Les distributeurs agréés sont libres de vendre sur Internet sans se voir imposer de limite touchant aux quantités et au lieu d’établissement des consommateurs ou de restrictions en matière de prix.
Pour l’ensemble des autorités de concurrence, ce nouveau cadre juridique conciliant « vente en dur » et « vente en ligne » (principe du « brick and click ») devrait offrir aux consommateurs européens une gamme de produits et de services de qualité élargie et à des conditions tarifaires plus favorables.
Un nouveau règlement bienvenu mais perfectible
À l’instar de l’ancien texte de 1999 (Règl. CE n° 2790/99, 22 déc. 1999, JOCE 29 déc. 1999), l’objectif premier du nouveau règlement n° 330/2010 et des lignes directrices qui l’accompagne est la réduction de la charge réglementaire pesant sur les entreprises sans pouvoir de marché, en particulier les petites et moyennes entreprises.
Encore à l’état de projet en juillet 2009, la majeure partie des acteurs consultés ont indiqué que le règlement précédent avait permis d’allier allègement des coûts de mise en conformité et des lourdeurs administratives, et amélioration du choix et des prix pour les consommateurs finals. Néanmoins, l’orientation suivie par la Commission européenne est à déplorer puisqu’elle est restée sourde à la plupart des demandes d’évolution exprimées dans les quelques 160 contributions publiques. Dès lors, le règlement d’exemption ne connaît pas de modifications importantes par rapport au projet soumis à consultation publique. On se permettra ainsi de ne pas le trouver « révolutionnaire », tout comme l’indique Maître Véronique Sélinsky, spécialiste du droit de la concurrence. Abordons maintenant les principaux points de réflexion concernant les avancées de ce règlemen
A la lecture de l’article 3 du règlement qui fixe le seuil de 30% en deçà duquel l’exemption par catégorie s’applique, la principale évolution est de suite identifiable. Sous l’empire du règlement précédent, c’était la part de marché détenue par le fournisseur qui comptait principalement (bien qu’une exception fût prévue en cas de fourniture exclusive, lorsqu’elle était conclue avec un seul acheteur dans toute l’UE).
Le nouveau dispositif prévoit que l’exemption prévue à l’article 2 s’applique si et seulement si la part de marché détenue par chacune des entreprises parties à l’accord ne dépasse pas 30% de tout « marché en cause sur lequel sont achetés les biens ou services contractuels » (cf. art. 2-1 du règlement). Il s’en suit qu’il suffira désormais que la part de marché, soit du fournisseur, soit de l’acheteur, excède le seuil des 30% pour que l’application de l’exemption ne puisse avoir lieu. Cette modification vise une meilleure prise en considération de la hausse continue de la puissance d’achat de la grande distribution.
Théoriquement, tout laisse penser – et c’est la position de la Commission européenne – que l’introduction d’un seuil de part de marché pour les acheteurs s’avèrera intéressant à l’égard des petites et moyennes entreprises, puisque ce sont les plus exposées à être lésées par les restrictions verticales induites par un acheteur puissant.
Si l’on adopte une vision plus pratique, la considération cumulative des parts de marché du fournisseur et du distributeur serait susceptible d’aboutir à une réduction sensible du domaine d’application de l’exemption par catégorie. De la sorte, nombreux sont les contrats conclus par un fournisseur dont la part de marché peut être infime et qui pourront néanmoins être évincés des bénéfices d’une exemption, seulement parce que le seul distributeur détiendra sur son marché (cf. sur le marché de gros, lignes directrices, § 85) une part de marché outrepassant le seuil de 30%. Sans oublier les obstacles consubstantiels à la délimitation du marché pertinent et les effets néfastes susceptibles de toucher à la sécurité juridique.
Sur ce point, l’article 3 du règlement précise toutefois que « la part de marché détenue par l’acheteur ne dépasse pas 30% du marché en cause sur lequel il achète les biens ou services contractuels ». Ce dispositif devrait permettre de limiter la restriction du domaine d’application de l’exemption, puisque le pouvoir de marché du distributeur devra être apprécié sur le marché amont de l’approvisionnement et non sur le marché aval (cf. égal. Lignes directrices, pt. 87).
En outre, l’article 3-2 du règlement prend en considération la situation d’un accord multipartite. On observera également que le considérant 9 du nouveau texte dispose à présent que : « Au-dessus du seuil de part de marché de 30%, il n’est pas possible de présumer que les accords verticaux relevant de l’article 101, paragraphe 1, du traité entraînent généralement des avantages objectifs de nature et de taille à compenser les inconvénients que ces accords produisent sur la concurrence. En même temps, ces accords verticaux ne sont pas présumés relever de l’article 101, paragraphe 1, du traité ni ne pas remplir les conditions de l’article 101, paragraphe 3, du traité ».
Malgré les réserves exprimées durant la consultation publique, la Commission européenne a procédé à l’intégration du savoir-faire dans la définition des droits de propriété intellectuelle, dispositif figurant à l’article 1 f) du règlement. Cette modification n’est pas sans risque puisqu’un problème pourrait se poser pour l’application de l’exemption aux contrats de franchise. La combinaison de l’article 2-3 du règlement et de cette définition des droits de propriété intellectuelle pourrait amener à évincer les contrats de franchise de l’exemption, dans la mesure où l’objet principal desdits contrats est, par définition, la transmission du savoir-faire.
Il faut admettre également que la nouvelle formulation de l’article 4 b), iii) (eu égard à celle du projet de règlement qui précisait que l’exemption ne s’applique pas aux restrictions territoriales sauf s’il s’agissait de « restreindre les ventes par les membres d’un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés sur les marchés où ce système est appliqué ») n’est pas d'une grande limpidité (« dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système »). Cette formulation serait susceptible d’obliger le fournisseur à opter pour un système de distribution sélective sur l’ensemble du territoire de l’Union en vue de s’assurer de l’étanchéité de son réseau.
Par ailleurs, concernant la présomption de non-exemption en présence d’une restriction caractérisée, le projet de règlement mettait l’accent sur sa réfutabilité. Le caractère réfragable de cette présomption était rappelé (cf. pt 47) en indiquant que des gains d’efficacité au sens de l’article 81-3 CE pourraient être avancés. Certes, le règlement clarifie ce point mais supprime toute référence au caractère réfragable de la présomption. Reste à espérer que les autorités entendent les entreprises désireuses de soutenir l’effectivité de gains d'efficacité résultant de la présence d’une restriction caractérisée. La Commission européenne fournit d’ailleurs au sein des nouvelles lignes directrices (cf. pts 60 à 64) des exemples de situations dans lesquels une restriction caractérisée peut ne pas se voir appliquer l’article 101-1 TFUE ou entrer dans le cadre de l’article 101-3 TFUE.
En retour de ce « geste » fait sur la réfutabilité de la présomption de non-exemption, il est acquis que toute restriction à la vente par Internet constitue une restriction caractérisée dispensant l'autorité de concurrence de prouver l'effet de la pratique, car considérée comme une restriction par objet. Néanmoins, dans la mesure où l'effet anticoncurrentiel de telles restrictions n'est pas avéré, et que la Commission ne dispose pas de l’expérience lui permettant de le démontrer, cette assimilation peut être remise en cause.
Enfin, la Commission européenne entendait prendre en considération un dernier point fondamental : la progression des ventes en ligne sur Internet. Malgré tout, force est de constater que le règlement n’y fait guère référence. La voie de la soft law a été renouvelée par l’intermédiaire de la publication de lignes directrices. Il est dommageable, au regard de l’importance du sujet et des problèmes posés – tels que la prohibition de la vente en ligne dans le cadre d’un réseau de distribution sélective –, de ne pas voir les règles fixées par un texte à véritable valeur contraignante. Dans l’attente de l’interprétation des textes par les juges de l’Union, il demeure inquiétant qu’en décrétant que le fournisseur ne peut interdire à ses revendeurs agréés de vendre sur Internet, la Commission dresse toute restriction à la vente en ligne en restriction caractérisée.
Au final, bien qu’absolument nécessaire, le nouveau règlement, accompagné de ses lignes directrices relatives aux restrictions verticales, présente certains points susceptibles d’être sujet à contestation. Les professionnels de la vente en ligne demeurent les plus sceptiques, voire les plus inquiets. Il faudra donc patienter les premiers temps de son application pour pouvoir constater si cette nouvelle règlementation s’avère être une pleine réussite à l’égard des petites et moyennes entreprises et du consommateur final.