Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

Les organes centraux (CNCE, BFBP, CNCA, CNCM) sont des filiales et non des "holdings".



Mutualisme et coopération bancaires sont-ils morts malgré le fort "sentiment mutualiste et coopératif" des quatre grands réseaux qui existent ? On peut se le demander avec la fusion annoncée et entreprise à marche forcée entre l'organe central des CE et celui des BP. Il y a là, dans ces événements, le résultat d'une assez longue évolution, la loi ayant brouillé l'image et le droit de la coopération et du mutalisme bancaires, en partie en posant des règles pour les organes centraux dont la cohérence n'est pas assez grande.

Mes lecteurs savent que j'ai mis ce sujet sous surveillance ("négative" : je parle un peu le charabia de Place...) :

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Divers spécialistes se sont émus de cette évolution qui tend à dissoudre des sociétés coopératives (et participatives) dans un modèle de simple SA gouvernée à la baguette par une Président de CA et un CA classiques. Le mélange des genres pourrait aujourd'hui être porté à son comble avec cette affaire. Le législateur, en effet, en tout domaine, vote de plus en plus souvent tout et son contraire... le défaut de cohérence ne coûte-t-il pas cher à notre organisation sociale. Il se pourrait que le Conseil constitutionnel dégage un jour, dans une décision de principe, à la charge du législateur, un pricnipe de cohérence : deux lois ne peuvent pas se sontredire ! Le droit commun a déjà, lui, vu se dégager ce principe.

Après ce petit détour théorique et prospectif, revenons à la question posée. Comment dire que les sociétés coopératives sont dans un groupe au comportement nettement capitaliste ? Car à force de dérives, des textes et de la pratique, c'est à cela que pourrait arriver les rédacteurs du projet. Or, le ministère de l'économie n'a jamais rédigé avec une très grande cohérence juridique ; ce qui l'intéresse est que le textes aient, au contraire, une cohérence d'action économique. L'etat a perdu son arme, il sait de moins en moins utiliser l'arme juridique car il ne la respecte pas... En tout cas, pour ce projet de loi à intervenir, ce sera le défi du projet de loi de Ch. LAGARDE. Le défi est tellement grand qu'il nous étonnerait qu'il le surmonte, alors surtout qu'il surgit dans la précipitation d'un accouchement législatif prématuré. On verra.

La question qui se pose aux salariés, aux sociétaires, aux administrateurs, voire aux dirigeants sociaux de ces ensemble mutualiste est simple. Ils l'ont tous à l'esprit : "les organes centraux sont-ils l'avenir des banques régionales, qui sont les banques mères ?" Où est la plus-value travail ? Dans les banques locales à la forte identité et dans les sociétés financières... ou dans les montages opérés au sein des organes centraux ? Pour la seconde, l'expérience Natixis en fait pour le moins douter. Les organes centraux concernés ont perdu beaucoup d'argent, le résultat est que les banques régionales des deux réseaux sont implicitement invitées à... fusionner. Mais elles n'ont pas fauté !

La filiale (l'organe central, dont le capital est detenu par les banques régionales) commet des erreurs stratégiques grossières - penseront certains - et... ce sont les maisons mères qui payent la facture en devant elles-aussi se fusionner ? Qui peut comprendre cela ? Comment comprendre que les organes centraux ressortent renforcés de ne pas avoir choisi la meilleure stratégie ? Comment comprendre qu'un organe central soit fait pour masquer les difficultés nés de la politique d'hier ?

Les dispositions légales sur les organes centraux ont toujours eu la même philosophie, établir un dialogue entre l'organe et le réseau qui soit équilibré et respectueux, le tout à la faveur de la fonction de représentation de l'organe central auprès des pouvoirs publics. On passe sur les aspects politiques qui ne font qu'illustrer la tendance des organes centraux à se prendre pour des holdings propriétaires des banques régionales alors que la réalité, juridique et économique, démontre exactement l'inverse...

Cette incohérence majeure aura probablement des conséquences politiques et probablement au Parlement. Comment les parlementaires centristes peuvent-ils fusionner des organes centraux (Caisse nationale des Caisses d'épargne et Banque Fédérale des banques populaires), pour créer un méga-organe qui dirigera à la baguette les maisons mères. Les filiales n'ont pas à diriger à la baguette les maisons mères, c'est un non-sens économique, juridique et philosophique. Le projet de loi sera donc ausculté : la loi pourrait ne pas être voté si on réalise qu'elle introduit un hyper-capitalisme dans le monde coopératif et mutualiste bancaire. L'hyper-capitalisme c'est une société (ici un organe central) qui, sans risquer son capital, dirige des sociétés régionales (des banques) qui, elles, risquent le capital de leurs sociétaires.

Alors que, déjà, pas grand monde ne veut du capitalisme où les capitalistes risquent leur capital (car le capital est trop rémunéré ainsi que ses agents : certains dirigeants sociaux), je pense que personne ne voudra d'un capitalisme ou des pseudo-holdings ne risque que l'argent des autres... Que l'Etat veuille (accepte ? soit obligé ?) à capitaliser l'organe central nouveau de 5 milliards (les pertes des deux fusionnés ?) ne change rien. On notera tout de même que cela pourrait poser un problème au vu des règles européennes du droit de la concurrence... le sujet est sur la table, on n'apprend rien à personne.

Ce sujet, déjà traité à deux reprises ici, est donc de plus en plus brûlant. Il y a plusieurs mois, quand personne ne semblait en avoir conscience, nous avions dit qu'une telle fusion ne pouvait intervenir qu'au moyen d'une loi. Personne n'ignorait alors qui traitait ce projet industriel : un groupe assez étroit de banquiers et de responsables politiques. Pourtant, tous les médias ont tu ce point essentiel : ce projet devait être, avant d'être un projet industriel bancaire, un projet de loi. Ce "détour" est important. Il n'y a jamais eu, depuis des années, de débats sincères sur les groupes dits "mutualistes et coopératifs". Le Parlement pourrait, dans un partage des voies original, considérer que la coopération bancaire doit continuer d'exister avec toute l'autonomie voulue des caisses régionales. Les sociétaires pourraient d'ailleurs s'exprimer alors qu'ils sont généralement discrets. C'est dans le canyon législatif que nous attendons la caravane médiatico-politico-bancaire pour opiner, en droit bien sûr ! Et si le temps nous le permet !



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