Le complotisme est un mot galvaudé mais qui, pourtant, désigne bien des formes et tournures d'esprits qui ont toutes le même objectif : renverser tout ce qui a l'air, de près ou de loin, institutionnel, officiel. Précisément, il s'agit de renverser la vérité dans tel domaine et sur telle question. Il s'agit de renverser les vérités, celles que des milliers d'esprits ont, avec méthode, patience, objectivité et modestie, ont établi.
L'entreprise de complotisme n'a strictement rien d'intelligent, et c'est pour cela que, par hypothèse, elle recrute à un bas niveau. En effet, dans toutes les thèses et vérités officielles, dans toutes les versions et énoncés institutionnels, il y a des points de faiblesse. Ce qui n'est pas toujours point de faille. Premier point.
Ces faiblesses sont renforcées par la "voix institutionnelle", par la "langue de bois officielle". Disposer de représentants admettant des imperfections aiderait à désamorcer le complotisme. Malheureusement on est loin de cette situation. Deuxième point.
La sphère sociale prend ensuite le dessus sur le savoir scientifique et officiel (qui certes n'est pas parfait et qui un jour sera remis en cause...) car les pseudo-sachant est très agressif. Il n'hésite pas à invectiver, si tu lui oppose un argument il répond "camarade je te conseille de lire tel livre..." Il faut donc aussi rehausser le ton du dialogue car celui qui est ironique et agressif semble l'emporter. Le ton universitaire doit donc s'affermir car un public large est impressionné par les formules et agressions (eh oui les "rézos socios" doivent aussi être plus avertis et saisis quand cela dérape, le cas échéant par les institutions universitaires ; ces empires de La Tech que sont les réseaux sociaux se voudraient bien en producteur du savoir !). Ce qui signifie que les universitaires doivent apprendre à contrer la mauvaise foi et les tons durs. Troisième point.
Certains universitaires ont une idée tellement haute de leur (grande) université et de leur CV qu'ils peuvent s'estimer au-dessus du problème, inatteignable. Ce serait une erreur car si les petites universités perdent leur crédibilité, la crise sera systémique. Parce que Université et Science sont un système. Quatrième point.
L'esprit complotiste participe d'une intention vicieuse, subversive, malicieuse, et souvent perfide. C'est encore souvent le cas lorsque le point de départ du raisonnement est vrai. La moindre découverte est montée en épingle et l'exception de l'exception de l'exception devient "la vérité", elle était cachée, la voilà révélée ; en vérité, l'auteur ou les auteurs (glossateurs) ont souvent des CV qui expliquent l'état d'esprit de revanche et leurs aigreurs. Ainsi, des universitaires ou chercheurs (des docteurs...) peuvent participer de cette tendance : aller chercher une heure de gloire qu'ils n'espéraient plus. Cinquième point.
Sur les réseaux sociaux, ces personnes règnent totalement en maître puisque les universitaires n'y vont pas, ou juste pour apparaître un peu : ils n'y participent pas et même s'y refusent. Il est vrai que cela prend du temps ! Mais il y a une certaine satisfaction après avoir contredit un sachant d’être boqué ou insulté : il admet ne pas s’en sortir que par une fuite. Et oui cela prend du temps et c’est en partie ingrat. Comme la politique. Mais celui qui n’a jamais payé une carte de parti politique est-il fondé à critiquer le niveau déplorable des débats d’une élection ?
Les institutions universitaires et de recherche ont ce comportement de réserve, d'absence. La science perd donc du terrain tous les jours. L'open data des publications universitaires ne suffit pas.
Il faut dire les choses comme elles sont : une chronique dans une revue sérieuse ne pèse rien face à un usurpateur qui est lu 50 000 fois par jour avec une onde de propagation qui affecte plusieurs centaines de milliers de personnes. Désinformer est une activité principale pour certains qui peuvent avoir, en parallèle, leur blog, comptes (T, L, M, TT, etc.) et chaine qui, par la publicité, les financent ! Une fois que la vague est devenue un tsunami, la vérité tronquée et arriérée devient la foi du citoyen. Une croyance populaire.
Ce phénomène menace nos démocraties par une propagande populaire qui n'a rien à envier. La désinformation ne peut pas être seulement corrigée par les organes de presse qui ont monté des service de réinformation et contrôle d'informations. L'université, les organismes de recherche doivent demander aux chercheurs de s'impliquer dans la vie sociale (et le valoriser dans les carrières...), plus précisément dans les débats de société. Car sinon, très vites, nos bons administrateurs universitaires administreront des coquilles vides.
Dernier point, le plus important : l'institution du supérieur doit réagir. Favoriser les interventions des universitaires. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, toute la carrière se fait au mieux en occupant des fonctions administratives locales ou nationales. En même temps que la mer de la pseudo-science monte, la terre de de la science s'affaisse dans les contrées universitaires*.
Bruno Latour (présenté comme l'intellectuel français le plus reconnu au plan international) disait, il y a quelques jours que le mode d'être (oui c'est son "langage") de la science, s'exprime bien avec ce que fit Pasteur à plusieurs occasions. Si quelqu'un le défiait, contestait ses résultats, il prenait son matériel et allait faire la démonstration sur place. Il allait dans la société ! La science est construction, dialogue et conclusion. Et ceci doit se faire le cas échéant avec le public, si possible...
Cette dernière figure de débat public est plus difficile avec désormais ce que j'appellerai la haute science, les topos, les ondes gravitationnelles, les virus... Mais alors, justement, autant redoubler d’efforts pour le faire pour toutes les questions scientifiques pour lesquelles c'est possible !
Cela prend d'un peu réfléchir en épistémologie. Et en stratégie. Et en communication. Et en organisation universitaire.
__________________
* Le repyramidage en est probablement la dernière expression.
L'entreprise de complotisme n'a strictement rien d'intelligent, et c'est pour cela que, par hypothèse, elle recrute à un bas niveau. En effet, dans toutes les thèses et vérités officielles, dans toutes les versions et énoncés institutionnels, il y a des points de faiblesse. Ce qui n'est pas toujours point de faille. Premier point.
Ces faiblesses sont renforcées par la "voix institutionnelle", par la "langue de bois officielle". Disposer de représentants admettant des imperfections aiderait à désamorcer le complotisme. Malheureusement on est loin de cette situation. Deuxième point.
La sphère sociale prend ensuite le dessus sur le savoir scientifique et officiel (qui certes n'est pas parfait et qui un jour sera remis en cause...) car les pseudo-sachant est très agressif. Il n'hésite pas à invectiver, si tu lui oppose un argument il répond "camarade je te conseille de lire tel livre..." Il faut donc aussi rehausser le ton du dialogue car celui qui est ironique et agressif semble l'emporter. Le ton universitaire doit donc s'affermir car un public large est impressionné par les formules et agressions (eh oui les "rézos socios" doivent aussi être plus avertis et saisis quand cela dérape, le cas échéant par les institutions universitaires ; ces empires de La Tech que sont les réseaux sociaux se voudraient bien en producteur du savoir !). Ce qui signifie que les universitaires doivent apprendre à contrer la mauvaise foi et les tons durs. Troisième point.
Certains universitaires ont une idée tellement haute de leur (grande) université et de leur CV qu'ils peuvent s'estimer au-dessus du problème, inatteignable. Ce serait une erreur car si les petites universités perdent leur crédibilité, la crise sera systémique. Parce que Université et Science sont un système. Quatrième point.
L'esprit complotiste participe d'une intention vicieuse, subversive, malicieuse, et souvent perfide. C'est encore souvent le cas lorsque le point de départ du raisonnement est vrai. La moindre découverte est montée en épingle et l'exception de l'exception de l'exception devient "la vérité", elle était cachée, la voilà révélée ; en vérité, l'auteur ou les auteurs (glossateurs) ont souvent des CV qui expliquent l'état d'esprit de revanche et leurs aigreurs. Ainsi, des universitaires ou chercheurs (des docteurs...) peuvent participer de cette tendance : aller chercher une heure de gloire qu'ils n'espéraient plus. Cinquième point.
Sur les réseaux sociaux, ces personnes règnent totalement en maître puisque les universitaires n'y vont pas, ou juste pour apparaître un peu : ils n'y participent pas et même s'y refusent. Il est vrai que cela prend du temps ! Mais il y a une certaine satisfaction après avoir contredit un sachant d’être boqué ou insulté : il admet ne pas s’en sortir que par une fuite. Et oui cela prend du temps et c’est en partie ingrat. Comme la politique. Mais celui qui n’a jamais payé une carte de parti politique est-il fondé à critiquer le niveau déplorable des débats d’une élection ?
Les institutions universitaires et de recherche ont ce comportement de réserve, d'absence. La science perd donc du terrain tous les jours. L'open data des publications universitaires ne suffit pas.
Il faut dire les choses comme elles sont : une chronique dans une revue sérieuse ne pèse rien face à un usurpateur qui est lu 50 000 fois par jour avec une onde de propagation qui affecte plusieurs centaines de milliers de personnes. Désinformer est une activité principale pour certains qui peuvent avoir, en parallèle, leur blog, comptes (T, L, M, TT, etc.) et chaine qui, par la publicité, les financent ! Une fois que la vague est devenue un tsunami, la vérité tronquée et arriérée devient la foi du citoyen. Une croyance populaire.
Ce phénomène menace nos démocraties par une propagande populaire qui n'a rien à envier. La désinformation ne peut pas être seulement corrigée par les organes de presse qui ont monté des service de réinformation et contrôle d'informations. L'université, les organismes de recherche doivent demander aux chercheurs de s'impliquer dans la vie sociale (et le valoriser dans les carrières...), plus précisément dans les débats de société. Car sinon, très vites, nos bons administrateurs universitaires administreront des coquilles vides.
Dernier point, le plus important : l'institution du supérieur doit réagir. Favoriser les interventions des universitaires. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, toute la carrière se fait au mieux en occupant des fonctions administratives locales ou nationales. En même temps que la mer de la pseudo-science monte, la terre de de la science s'affaisse dans les contrées universitaires*.
Bruno Latour (présenté comme l'intellectuel français le plus reconnu au plan international) disait, il y a quelques jours que le mode d'être (oui c'est son "langage") de la science, s'exprime bien avec ce que fit Pasteur à plusieurs occasions. Si quelqu'un le défiait, contestait ses résultats, il prenait son matériel et allait faire la démonstration sur place. Il allait dans la société ! La science est construction, dialogue et conclusion. Et ceci doit se faire le cas échéant avec le public, si possible...
Cette dernière figure de débat public est plus difficile avec désormais ce que j'appellerai la haute science, les topos, les ondes gravitationnelles, les virus... Mais alors, justement, autant redoubler d’efforts pour le faire pour toutes les questions scientifiques pour lesquelles c'est possible !
Cela prend d'un peu réfléchir en épistémologie. Et en stratégie. Et en communication. Et en organisation universitaire.
__________________
* Le repyramidage en est probablement la dernière expression.