Le doctorat, l'école doctorale, le doctorant, la thèse, la soutenance de thèse et autres réalités administratives : voilà le vaste programme de l'arrêté ministériel du 25 mai 2016 (JO 27 mai 2016). Tous points déjà traités dans la réglementation précédente et dont les retouches ne valent peut-être pas le détour. Mais on y est contraint puisque la France adore les règles, les papiers, les commissions, les réunions, les rapports administratifs....
On avait fait allusion, il y a quelques au directeur de thèse qui désormais ne pourra pas voter avec le jury.
Ce vote était surtout important pour la mention, laquelle n'est, il est vrai, plus pratiquée dans de nombreuses disciplines et/ou Etablissements. Le directeur de thèse est ainsi puni mais à la marge puisque l'autorisation de soutenance emporte en pratique octroi du diplôme de doctorat, à peine pouvait-il un peu peser s'agissant de la mention.
On sera curieux de savoir si ce texte est jugé comme profitable aux étudiants en doctorat, certains laisseront peut-être un avis sous le présent billet - notamment à propos des premières soutenances sous ce régime juridique.
Un arrêté ne fait certes pas un politique universitaire du doctorat, mais il en donne des reflets. L'impression laissée est que l'arrêté parle de structures et méthodes sans considérer la réalité du doctorat. Ce dernier est habituellement le fruit de la rencontre de deux volontés, la volonté de l'un de faire une recherche, de l'autre de diriger une recherche (donner un sujet et en assumer la direction du traitement).
L'arrêté ignore ce processus essentiel pour s'attacher à des points administratifs. On est dans la continuité, LRU ou pas, droite, centre ou gauche, la politique est faite de réalités administratives toujours plus lourdes. Sans doute pour des résultats de plus en plus décevants ou, en tout cas, qui ne sont pas mirobolants (on le saurait sinon).
Dans cette lignée, celle d'un certain manque de réalisme, l'arrêté punit les directeurs de thèse qui ne délibéreront pas (le directeur de thèse attendra à la porte avec son doctorant que ses collègues délibèrent, un grand moment). Après avoir suivi pendant des années un doctorant, l'avoir conseillé pour marcher sur la crête de la recherche, entre l'innovation audacieuse et la connaissance acquise, le directeur de thèse n'entendra pas les conversations finales sur le sujet !
Tous les directeurs de thèse disent merci aux inventeurs de ce grand moment - moment administratif puisqu'il ne peut pas être intellectuel ou scientifique.
Usant peut-être d'une chose à la mode, le conflit d'intérêts, certains diront que le directeur mérite d'être écarté comme l'arrêté le prévoit. Mais de quel intérêts parle-t-on ?! Il n'y a aucun argent ni récompense en jeu pour le directeur de thèse ! Seul existe, au principal, un intérêt intellectuel à participer à un débat final après la soutenance. Voilà ce moment de la pensée universitaire mis à la poubelle pour se conformer à la mode administrative du moment qui sévit dans les ministères (chasser le conflit d'intérêts ; noble mission si le conflit existe). Si tel est le fondement de l'exclusion, on voit mal pourquoi le texte ne prévoit pas une exclusion du directeur de thèse quand il est effectivement, (et de façon exceptionnelle) en situation de conflits d'intérêts.
Voyez, si la règle est le conflit d'intérêts, il faut modifier la réglementation sur les agrégations (des sections CNU 1 à 6) pour empêcher les membres du jurys qui ont dirigé une thèse de juger leurs étudiants ; là, s'agissant d'un recrutement, très aléatoire contrairement à l'octroi du doctorat, le directeur de thèse ne doit pas pouvoir "agréger" un candidat qu'il a dirigé. Et l'on peut appliquer la solution à toutes les formations de recrutements...
L'exclusion du directeur de thèse de la délibération pourrait modifier la soutenance.
Le directeur de thèse qui disait un certain nombre de choses sous le couvert de la délibération, dans l'intérêt de la science, va-t-il devoir exprimer en soutenance des points qu'il aurait été plus humain de dire en jury ? Quitte parfois à faire inutilement du mal au doctorant ? ... lequel est méritant, lequel a tout donné, mais n'est pas parvenu à surmonter certaines difficultés qui parfois étaient au cœur de la recherche... On pourrait se permettre cela si les thèses étaient financées et les doctorants et docteurs très aidés. Mais le doctorat, sauf pour quelques étudiants qui ont un contrat avec leur établissement, ne fait l'objet d'aucun soutien ou aide publics !
La constitution du jury de soutenance pourrait être également altérée puisque, en pratique, c'est le directeur de thèse qui le suggère ; quand il est généreux, il demande son avis au doctorant, mais rien le lui interdit de saisir le président de l'établissement d'une proposition de jury sans le consulter ; le directeur de l'école doctorale est en général neutre quoiqu'il donne, au plan administratif, son avis (c'est encore le cas dans le présent arrêté). On peut craindre que l'exclusion du directeur de thèse de la délibération ne l'incite - plus qu'hier - à constituer des jurys d'amis, lesquels ne seront pas le meilleur gage d'une analyse scientifique à la pointe et utile.
On peut ainsi se demander si cette "modernisation" du doctorat n'est pas un mauvais coup qui lui est porté !
En tout cas, les pouvoirs publics ne font pas confiance aux directeurs de thèse, c'est dommage et risqué quand on sait que seule une minorité d'universitaires dirige des thèses. Il se pourrait ainsi que cet arrêté ne vive qu'un automne... si les directeurs de thèse conteste ces dispositions. Au plan humain, le gouvernement laisse entendre ou accroire que les directeurs de thèse jouent, habituellement, le rôle de diablotin du jury qui fait pression sur les autres membres. Sans doute cela peut exister, mais le penser signifie aussi que l'on pense que les autres membres du jury sont faibles et se laissent faire. Ce qui marque un défaut de confiance à l'ensemble du corps universitaire.
Ce fait se comprend un peu : les discours aux professeurs de l'enseignement supérieurs sont rares - d'autres corps sont l'objet de bien plus d'adresses politiques ou administratives. Le seul discours du moment est donc cet arrêté ministériel. On parle aux artistes, on parle aux sportifs, on parle aux professeurs des écoles, on parle aux acteurs du tourisme, on parle aux élus locaux, mais on ne parle pas au monde de la recherche. Bon, vous me direz, ce n'est pas comme si la science changeait le monde tous les quatre matins... si tel était le cas, on parlerait à ceux qui façonnent les esprits de la recherche et l'esprit de la recherche !
On avait fait allusion, il y a quelques au directeur de thèse qui désormais ne pourra pas voter avec le jury.
Ce vote était surtout important pour la mention, laquelle n'est, il est vrai, plus pratiquée dans de nombreuses disciplines et/ou Etablissements. Le directeur de thèse est ainsi puni mais à la marge puisque l'autorisation de soutenance emporte en pratique octroi du diplôme de doctorat, à peine pouvait-il un peu peser s'agissant de la mention.
On sera curieux de savoir si ce texte est jugé comme profitable aux étudiants en doctorat, certains laisseront peut-être un avis sous le présent billet - notamment à propos des premières soutenances sous ce régime juridique.
Un arrêté ne fait certes pas un politique universitaire du doctorat, mais il en donne des reflets. L'impression laissée est que l'arrêté parle de structures et méthodes sans considérer la réalité du doctorat. Ce dernier est habituellement le fruit de la rencontre de deux volontés, la volonté de l'un de faire une recherche, de l'autre de diriger une recherche (donner un sujet et en assumer la direction du traitement).
L'arrêté ignore ce processus essentiel pour s'attacher à des points administratifs. On est dans la continuité, LRU ou pas, droite, centre ou gauche, la politique est faite de réalités administratives toujours plus lourdes. Sans doute pour des résultats de plus en plus décevants ou, en tout cas, qui ne sont pas mirobolants (on le saurait sinon).
Dans cette lignée, celle d'un certain manque de réalisme, l'arrêté punit les directeurs de thèse qui ne délibéreront pas (le directeur de thèse attendra à la porte avec son doctorant que ses collègues délibèrent, un grand moment). Après avoir suivi pendant des années un doctorant, l'avoir conseillé pour marcher sur la crête de la recherche, entre l'innovation audacieuse et la connaissance acquise, le directeur de thèse n'entendra pas les conversations finales sur le sujet !
Tous les directeurs de thèse disent merci aux inventeurs de ce grand moment - moment administratif puisqu'il ne peut pas être intellectuel ou scientifique.
Usant peut-être d'une chose à la mode, le conflit d'intérêts, certains diront que le directeur mérite d'être écarté comme l'arrêté le prévoit. Mais de quel intérêts parle-t-on ?! Il n'y a aucun argent ni récompense en jeu pour le directeur de thèse ! Seul existe, au principal, un intérêt intellectuel à participer à un débat final après la soutenance. Voilà ce moment de la pensée universitaire mis à la poubelle pour se conformer à la mode administrative du moment qui sévit dans les ministères (chasser le conflit d'intérêts ; noble mission si le conflit existe). Si tel est le fondement de l'exclusion, on voit mal pourquoi le texte ne prévoit pas une exclusion du directeur de thèse quand il est effectivement, (et de façon exceptionnelle) en situation de conflits d'intérêts.
Voyez, si la règle est le conflit d'intérêts, il faut modifier la réglementation sur les agrégations (des sections CNU 1 à 6) pour empêcher les membres du jurys qui ont dirigé une thèse de juger leurs étudiants ; là, s'agissant d'un recrutement, très aléatoire contrairement à l'octroi du doctorat, le directeur de thèse ne doit pas pouvoir "agréger" un candidat qu'il a dirigé. Et l'on peut appliquer la solution à toutes les formations de recrutements...
L'exclusion du directeur de thèse de la délibération pourrait modifier la soutenance.
Le directeur de thèse qui disait un certain nombre de choses sous le couvert de la délibération, dans l'intérêt de la science, va-t-il devoir exprimer en soutenance des points qu'il aurait été plus humain de dire en jury ? Quitte parfois à faire inutilement du mal au doctorant ? ... lequel est méritant, lequel a tout donné, mais n'est pas parvenu à surmonter certaines difficultés qui parfois étaient au cœur de la recherche... On pourrait se permettre cela si les thèses étaient financées et les doctorants et docteurs très aidés. Mais le doctorat, sauf pour quelques étudiants qui ont un contrat avec leur établissement, ne fait l'objet d'aucun soutien ou aide publics !
La constitution du jury de soutenance pourrait être également altérée puisque, en pratique, c'est le directeur de thèse qui le suggère ; quand il est généreux, il demande son avis au doctorant, mais rien le lui interdit de saisir le président de l'établissement d'une proposition de jury sans le consulter ; le directeur de l'école doctorale est en général neutre quoiqu'il donne, au plan administratif, son avis (c'est encore le cas dans le présent arrêté). On peut craindre que l'exclusion du directeur de thèse de la délibération ne l'incite - plus qu'hier - à constituer des jurys d'amis, lesquels ne seront pas le meilleur gage d'une analyse scientifique à la pointe et utile.
On peut ainsi se demander si cette "modernisation" du doctorat n'est pas un mauvais coup qui lui est porté !
En tout cas, les pouvoirs publics ne font pas confiance aux directeurs de thèse, c'est dommage et risqué quand on sait que seule une minorité d'universitaires dirige des thèses. Il se pourrait ainsi que cet arrêté ne vive qu'un automne... si les directeurs de thèse conteste ces dispositions. Au plan humain, le gouvernement laisse entendre ou accroire que les directeurs de thèse jouent, habituellement, le rôle de diablotin du jury qui fait pression sur les autres membres. Sans doute cela peut exister, mais le penser signifie aussi que l'on pense que les autres membres du jury sont faibles et se laissent faire. Ce qui marque un défaut de confiance à l'ensemble du corps universitaire.
Ce fait se comprend un peu : les discours aux professeurs de l'enseignement supérieurs sont rares - d'autres corps sont l'objet de bien plus d'adresses politiques ou administratives. Le seul discours du moment est donc cet arrêté ministériel. On parle aux artistes, on parle aux sportifs, on parle aux professeurs des écoles, on parle aux acteurs du tourisme, on parle aux élus locaux, mais on ne parle pas au monde de la recherche. Bon, vous me direz, ce n'est pas comme si la science changeait le monde tous les quatre matins... si tel était le cas, on parlerait à ceux qui façonnent les esprits de la recherche et l'esprit de la recherche !
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