Le dirigeant social d'une société doit diriger, ou les limites de l'externalisation !



Le dirigeant social est une figure spéciale en droit puisque, personne physique, il incarne la personne morale. Il exprime ainsi et notamment la volonté de la personne morale : son consentement le cas échéant. Il fait bien plus, il dirige en interne ; mais c'est encore et en quelque sorte dire ce que la personne morale veut - cette fois en interne. Enfin, ce qu'elle veut et, aussi, ce qu'elle refuse.

On vise ici le dirigeant qui représente la société et non le mandataire social autre (membre du CA ou du CS). Récemment, ici même, on a pu noter que le dirigeant social - un gérant - doit diriger avec efficacité, sans faute de gestion, mais que sa lourde responsabilité ne couvre pas ce qui relève de la décision collective des associés (par exemple recapitaliser).

L'omnipotence du dirigeant social, compétent pour tout ce qui ne ressort pas de l'assemblée des associés (ou d'un autre organe), implique un tâche immense et souvent délicate.

Diriger c'est notamment décider (on dit manager, c'est plus à la mode mais plus flou aussi). C'est fixer la vie de la société. La vie de la société dépend de sa direction.

Le lien entre le dirigeant ou la dirigeante n'est sans doute plus de l'ordre contractuel, la loi commande qu'il y ait un dirigeant qu'elle conçoit, a-t-on le sentiment, en un organe social nommé. Une pièce d ela société, pièce obligée et non négociée ou négociable, une pièce de l'institution. Néanmoins, voire a fortiori, cette institutionnalisation démontre l'attachement à ce que le dirigeant dirige. Il exerce le pouvoir...

Ainsi, dans un arrêt intéressant, il a été jugé que le DG (les CEO n'existent pas en droit français) ne peut pas se décharger de sa fonction en concluant un contrat avec un prestataire qui la remplirait à sa place. Ici on appellerait ça de l'ingénierie contractuelle et sociétaire, là de l'escroquerie intellectuelle.

Et pourtant... Un DG avait ainsi cru pouvoir signer valablement une convention par laquelle une société prestataire assurait sa mission de direction, cette convention fut annulée (dans des circonstances de fait qui ne mettent pas en valeur la décision au fond : l'interdiction de telles conventions).

Cass. com. 14 septembre 2010, n° 09-16084

Ce genre de convention se voient pour diverses responsabilités de l'entreprise, on parle d'externalisation. On le devine, si on externalise un peu tout, la société (l'entreprise) n'est plus qu'une coquille vide. L'externalisation a correspondu à une mode qui, comme d'autres, repose sur la croyance que l'on peut gagner toujours plus d'argent en en faisant moins. Imaginez : le dirigeant fait faire son travail à un prestataire et, lui, sans broncher, encaisse les revenus de dirigeant ! L'intérêt social n'y trouve pas son compte : cela revient à payer deux fois pour voir la personne morale dirigée. Dans la décision précitée, la Cour de cassation relevait sobrement que la convention, très large, faisait double emploi avec la fonction de dirigeant elle-même !

Doit-on en déduire que la fonction de dirigeant est personnelle ? Oui et non. Des mandats peuvent exister, souvent pour des missions spéciales, qu'un autre dirigeant ou salarié assurera. Il peut s'agir de mandat et parfois, de délégations. Ces deux figures sont parfois difficiles à distinguer.

La délégation de pouvoir(s) est notamment très importante au plan de la responsabilité pénale puisque le dirigeant ne peut pas à lui seul vérifier toutes les conditions réglementaires qui sont susceptibles de constituer une contravention ou un délit. Si l'ordre juridique devait l'admettre, la fonction de dirigeant social serait de fait et à terme abolie tant elle deviendrait impossible (et la Société Occidentale entière serait changée, le capitalisme n'y résistant pas !).

La délégation de pouvoir(s), mieux que le mandat, qu'on imagine ciblé et visant des actes juridiques à réaliser, semble à l'attribution d'une fraction du pouvoir à telle personne, cette dernière signant cette délégation avec le dirigeant en cause. La délégation doit être opportune et correspondre à une réalité d'organisation, le dirigeant la signe ès-qualité : quand il signe la délégation, il représente la société, l'être social, et c'est donc la personne morale qui attribue cette fraction du pouvoir.

A ce titre, la délégation de signature est, elle, plus proche, selon les cas qui sont fort variables, d'un mandat voire d'une mission confiée au salarié pleinement subordonné. On s'éloigne du sujet : le dirigeant assume une fonction légale dans la plupart des formes sociales, il est à la fois tenu d'assumer sa fonction et en est responsable, autre aspect.


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