Le chemin d'exploitation ou les subtils et pragmatiques chemins du droit (Cass. civ., 28 mai 2020)



Le chemin d'exploitation est un chemin indispensable aux façonneurs des terroirs. Partout où l'homme grave la terre, à la contigüité des parcelles, exploitées, aimées, scrutées, les chemins du bon sens surgissent. Les viticulteurs, agriculteurs, maraîchers... érigent, au fil des jours de culture, des chemins.

Ainsi le chemin naît de la pratique.

Ici ou ailleurs, en Champagne, Bourgogne, Auvergne ou Languedoc.

Le chemin d'exploitation ou les subtils et pragmatiques chemins du droit (Cass. civ., 28 mai 2020)

La loi enregistre la situation et le code confère aux "chemins ou sentiers d'exploitation" un régime juridique spécial, à la hauteur de la belle mission de discipliner la terre ou d'y passer, non sans le définir, ce qui le distingue parfaitement du "chemin rural" (autre espèce juridique).

Selon l'article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime, "Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public."

Entre propriétaire, l'usage commun concrétise une altération de la propriété qui tient à l'existence même et à l'utilité du chemin. Le voisin passera un peu chez vous en empruntant le chemin, et vous aussi.

Faut-il encore prouver que le chemin existe, comme dans l'arrêt reproduit ci-dessous ! C'est une affaire qui dépasse souvent telle et telle parcelle car, imaginez-vous : le chemin chemine loin et longtemps par-delà les lignes imaginaires de la propriété, de cent propriétés !

Alors la preuve testimoniale se multiplie de tous ceux qui ont pu, par fonction, promenade ou égarement emprunter le chemin discuté produisent un papier. Les témoignages et attestations seront souvent mélangées à un rapport d'expertise.

Là, le droit est beau, bien plus que sous les dorures passéistes de mornes Palais, quand l'expert, venu de la ville, regarde l'herbe écrasée ou repoussée (peut-être différemment) pour se forger une opinion ! Le droit est dans le fait. Il est regrettable qu'on l'apprenne peu à l'école.

Dans cette décision du 28 mai 2020, qui sent l'herbe, la terre et quelques aménagements fragiles (des restanques), le juge du fond est approuvé de ne pas avoir reconnu l'existence d'un chemin d'exploitation. Il opère "souverainement" mais le juge du droit s'applique à relever tous les indices ou actes qui montre que, justement, l'existence d'un chemin n'est pas attestée.

Le voisin qui voulait voir une partie de la propriété de son voisin constituer la moitié du chemin... n'a pas trouvé le chemin du droit malgré ce long chemin judiciaire.



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Texte de l'arrêt emprunté à la base publique Légifrance


Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 28 mai 2020
N° de pourvoi: 18-26499
Non publié au bulletin Rejet

...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

...

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

1°/ M. O... X...,

2°/ Mme U... X...,

domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 18-26.499 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre A), dans le litige les opposant :

1°/ à M. A... S..., domicilié [...] ,

...

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de ... la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 octobre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 2 mars 2017, pourvoi n° 15-24.374), que M. et Mme X..., propriétaires de parcelles dont l'une supporte un réservoir d'eau nécessitant des travaux de réfection, ont, après expertises judiciaires, assigné leurs voisins en reconnaissance d'un chemin d'exploitation desservant leurs propriétés respectives ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;

Mais attendu qu'ayant souverainement écarté certaines attestations imprécises et l'avis d'un expert et retenu que celle d'un témoin, qui relatait avoir emprunté exceptionnellement une restanque pour traverser l'une des propriétés concernées, sur laquelle aucun chemin matérialisé n'existait, était corroborée par le rapport d'un des experts et une note technique, selon lesquels les traces du chemin litigieux correspondaient davantage à des restanques travaillées, des sentes animalières ou des passages de chasseurs, la cour d'appel, qui, abstraction faite d'un motif surabondant, en a souverainement déduit que la preuve de l'existence du chemin d'exploitation allégué n'était pas rapportée, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

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