La Cour d'appel de Reims a pour le moins mal jugé une affaire d'usucapion, de prescription acquisitive d'une parcelle de terre champenoise (Cass., 3e civ., 6 juillet 2022). La terre de Champagne est la plus chère au monde, elle vaut de l'or, l'or, la couleur du Champagne ! Les moyens de cassation qui attaquent l'arrêt rémois prospèrent à trois reprises. En somme, un "3 en 1" : 3 cassations en 1 !
L'usucapion est le fait d'acquérir la propriété au terme d'une occupation de 30 ans, acquisition qui se fait contre le propriétaire, c'est-à-dire, par hypothèse, contre le titre de propriété d'une ou de plusieurs personnes. Ce triomphe, qui est une victoire du fait, du fait long, contre la réalité administrative et juridique formelle (le titre), a parfois du mal à être jugé.
Le juge est d'esprit conservateur (vive la propriété acquise), administratif (vive les papiers) et fonctionnaire (ne changeons rien). Il manque d'esprit poétique et discerne mal la poésie qu'est la valse de la propriété au profit de celui qui se pose sur une terre, occupe et entretient.
Alors que celui qui a occupé et revendique la propriété au terme de 30 ans invoque son droit, un "réflexe psychologique" (l'expression a-t-elle un sens ?) pousse le juge qui doit statuer à reprocher l'occupation du bien d'autrui ! Or il est impossible de le lui reprocher puisque, en pure logique et par hypothèse, c'est ce fait qui l'autorise à invoquer l'usucapion du Code civil, soit le système juridique (le droit positif : C. civil, art. 2258 et 2272).
L'utilité sociale est en vérité un moralité supérieure à celle de la propriété indifférente, soit celle qui rend le bien inutile en le laissant à l'abandon. Voilà comment retourner et neutraliser ce réflexe qui empêche d'appliquer correctement la loi. Loi qui consacre l'utilité économique, sociale et humaine de l'occupant qui a utilisé le bien. "Occupé" le bien.
Cette utilisation ne doit pas nécessairement être, en droit, "utile", comme nous le disons, ce n'est pas une condition juridique de la prescription acquisitive. On peut néanmoins estimer que le mécanisme de prescription sous-entend que celui qui occupe la chose s'en sert, ce qui est, d'une façon ou d'une autre, utile à la société. Et en tout cas plus utile que de ne pas s'occuper de sa terre pendant trente ans.
La possession du bien d'autrui doit être paisible, continue, publique... Les conditions de la loi doivent être strictement respectées. Si cela s'opère sur 30 ans, vous avez le droit de faire constater votre propriété par le juge et le jugement vaudra titre de propriété ― il conviendra de le publier, ce qui aura exigé dès l'assignation de désigner la parcelle cadastrale en cause.
Lien vers la décision, au demeurant technique et peu aisé à comprendre pour l'amateur
Autre décision sur l'usucapion sur directdroit
L'usucapion est le fait d'acquérir la propriété au terme d'une occupation de 30 ans, acquisition qui se fait contre le propriétaire, c'est-à-dire, par hypothèse, contre le titre de propriété d'une ou de plusieurs personnes. Ce triomphe, qui est une victoire du fait, du fait long, contre la réalité administrative et juridique formelle (le titre), a parfois du mal à être jugé.
Le juge est d'esprit conservateur (vive la propriété acquise), administratif (vive les papiers) et fonctionnaire (ne changeons rien). Il manque d'esprit poétique et discerne mal la poésie qu'est la valse de la propriété au profit de celui qui se pose sur une terre, occupe et entretient.
Alors que celui qui a occupé et revendique la propriété au terme de 30 ans invoque son droit, un "réflexe psychologique" (l'expression a-t-elle un sens ?) pousse le juge qui doit statuer à reprocher l'occupation du bien d'autrui ! Or il est impossible de le lui reprocher puisque, en pure logique et par hypothèse, c'est ce fait qui l'autorise à invoquer l'usucapion du Code civil, soit le système juridique (le droit positif : C. civil, art. 2258 et 2272).
L'utilité sociale est en vérité un moralité supérieure à celle de la propriété indifférente, soit celle qui rend le bien inutile en le laissant à l'abandon. Voilà comment retourner et neutraliser ce réflexe qui empêche d'appliquer correctement la loi. Loi qui consacre l'utilité économique, sociale et humaine de l'occupant qui a utilisé le bien. "Occupé" le bien.
Cette utilisation ne doit pas nécessairement être, en droit, "utile", comme nous le disons, ce n'est pas une condition juridique de la prescription acquisitive. On peut néanmoins estimer que le mécanisme de prescription sous-entend que celui qui occupe la chose s'en sert, ce qui est, d'une façon ou d'une autre, utile à la société. Et en tout cas plus utile que de ne pas s'occuper de sa terre pendant trente ans.
La possession du bien d'autrui doit être paisible, continue, publique... Les conditions de la loi doivent être strictement respectées. Si cela s'opère sur 30 ans, vous avez le droit de faire constater votre propriété par le juge et le jugement vaudra titre de propriété ― il conviendra de le publier, ce qui aura exigé dès l'assignation de désigner la parcelle cadastrale en cause.
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Autre décision sur l'usucapion sur directdroit
Source Légifrance.
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 553 F-D
Pourvoi n° H 20-23.132
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022
[H] [F], ayant demeuré [Adresse 1], décédé le 1 juin 2021, représenté par son tuteur M. [O] [P], domicilié [Adresse 2], aux droits duquel viennent ses héritiers M. [J] [F], Mme [S] [F], Mme [C] [F], épouse [W] et M. [T] [F], ayant déclaré reprendre l'instance,
ont formé le pourvoi n° H 20-23.132 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), dans le litige les opposant à la société Champagne [F]
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des consorts [F], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [J] [F], Mme [S] [F], Mme [C] [F] épouse [W] et M. [T] [F] (les consorts [F]) de ce que, en tant qu'héritiers de [H] [A] [F], décédé le 1er juin 2021, ils reprennent l'instance introduite par le pourvoi en cassation formé le 16 décembre 2020 par leur père.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 octobre 2020), [H] [A] [F], représenté par son tuteur, M. [P], a assigné la société civile d'exploitation viticole Champagne [F]
Réponse de la Cour
Vu les articles 2229 et 2258 du code civil :
4. Aux termes du premier de ces textes, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
5. Selon le second, la prescription acquisitive rétroagit à la date à laquelle la possession a commencé à courir.
6. Pour rejeter les demandes en revendication et en expulsion, l'arrêt relève que [H] [A] [F] avait entendu prescrire de manière acquisitive les deux parcelles litigieuses, et ce, pour en être reconnu propriétaire, ce qu'il n'était pas encore par définition.
7. En statuant, ainsi, alors qu'en matière de possession, le jugement constatant l'acquisition de la prescription est déclaratif et non constitutif de droits, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. Les consorts [F] font le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en revendication n'a vocation à être dirigée que contre les personnes qui accomplissent des actes contredisant la qualité de propriétaire du revendiquant ; qu'en l'espèce, pour débouter [H] [A] [F] de sa demande en revendication des parcelles litigieuses, la cour d'appel a jugé qu'«il se devait par définition de diriger l'instance non pas à l'encontre de la personne morale avec laquelle il se trouve en litige depuis des années, mais prioritairement contre les propriétaires en titre de ces deux parcelles» ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le litige, quant aux droits sur les parcelles litigieuses et quant à son exploitation, étaient avec la SCEV Champagne [F]
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que les parcelles litigieuses étaient actuellement détenues par la société, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de [H] [A] [F] en revendication de la propriété des parcelles et en expulsion, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne la société Champagne [F]
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 553 F-D
Pourvoi n° H 20-23.132
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022
[H] [F], ayant demeuré [Adresse 1], décédé le 1 juin 2021, représenté par son tuteur M. [O] [P], domicilié [Adresse 2], aux droits duquel viennent ses héritiers M. [J] [F], Mme [S] [F], Mme [C] [F], épouse [W] et M. [T] [F], ayant déclaré reprendre l'instance,
ont formé le pourvoi n° H 20-23.132 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), dans le litige les opposant à la société Champagne [F]
- , société civile d'exploitation agricole, dont le siège est
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des consorts [F], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [J] [F], Mme [S] [F], Mme [C] [F] épouse [W] et M. [T] [F] (les consorts [F]) de ce que, en tant qu'héritiers de [H] [A] [F], décédé le 1er juin 2021, ils reprennent l'instance introduite par le pourvoi en cassation formé le 16 décembre 2020 par leur père.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 octobre 2020), [H] [A] [F], représenté par son tuteur, M. [P], a assigné la société civile d'exploitation viticole Champagne [F]
- (la société) en revendication de la propriété de deux parcelles de vignes sur le fondement de la prescription acquisitive et en expulsion, affirmant que sa famille et lui-même les avaient exploitées depuis 1950.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Les consorts
Réponse de la Cour
Vu les articles 2229 et 2258 du code civil :
4. Aux termes du premier de ces textes, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
5. Selon le second, la prescription acquisitive rétroagit à la date à laquelle la possession a commencé à courir.
6. Pour rejeter les demandes en revendication et en expulsion, l'arrêt relève que [H] [A] [F] avait entendu prescrire de manière acquisitive les deux parcelles litigieuses, et ce, pour en être reconnu propriétaire, ce qu'il n'était pas encore par définition.
7. En statuant, ainsi, alors qu'en matière de possession, le jugement constatant l'acquisition de la prescription est déclaratif et non constitutif de droits, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. Les consorts [F] font le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en revendication n'a vocation à être dirigée que contre les personnes qui accomplissent des actes contredisant la qualité de propriétaire du revendiquant ; qu'en l'espèce, pour débouter [H] [A] [F] de sa demande en revendication des parcelles litigieuses, la cour d'appel a jugé qu'«il se devait par définition de diriger l'instance non pas à l'encontre de la personne morale avec laquelle il se trouve en litige depuis des années, mais prioritairement contre les propriétaires en titre de ces deux parcelles» ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le litige, quant aux droits sur les parcelles litigieuses et quant à son exploitation, étaient avec la SCEV Champagne [F]
- qui s'était présentée en qualité de propriétaire auprès du Comité interprofessionnel des vins de Champagne, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 544 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 544 du code civil :
9. Selon ce texte, la revendication est l'action réelle par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient la restitution d'un bien.
10. Pour rejeter les demandes en revendication de la propriété des parcelles litigieuses et en expulsion, l'arrêt relève que
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que les parcelles litigieuses étaient actuellement détenues par la société, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de [H] [A] [F] en revendication de la propriété des parcelles et en expulsion, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne la société Champagne [F]
- aux dépens ;