Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

Le Premier président doit condamner le client de l'avocat à l'indemnité forfaitaire de 40 € (Cass. 2e civ., 3 mai 2018)



Outre l'appréciation souveraine du montant des honoraires litigieux faite dans cette affaire, la décision permet de voir l'avocat être qualifié de prestataire de services et, ainsi, de lui faire profiter du Code de commerce. Un Premier président, saisi de cette contestation d'honoraires, s'était déclaré incompétent sur la question des pénalités de retard.

Son ordonnance est cassée sur ce point. Cela évitera à l'avocat de plaider sa cause devant le Premier puis, ensuite, devant un autre juge... pour 40 euros. Cela aurait été une figure du surréalisme judiciaire.

Cela ressemble à l'idée d'unité du procès qui tend à simplifier la vie judiciaire. On peut aussi la simplifier, la vie judiciaire, sans ignorer les litiges renvoyés à la médiation, sans toujours demander au législateur d'oeuvrer. Ni même sans laisser s'opérer le transfert du contentieux privatiste (de droit privé) au juge administratif via les autorités de régulation.

La décision évoque aussi le lien (quel mot...!) entre les honoraires et ce qui en découle. Un accessoire ? Un complément ? Un produit ? Un effet ?

Je suis là au sommet de la non-rigueur puisque les juristes ne connaissent pas (à ma connaissance, certes limitée) le mécanisme de fonction !

Une sorte d'extase du vide épistémologique juridique provoqué par un positivisme technocratique qui se veut science du droit. La science du droit sans philosophie de la science du droit. Bon, je stoppe la dérive mais j'en tire une chose concrète : le chaos juridique de notions complexes et peu connues, qui vont toutes dans le même sens, peuvent donner... le bon sens.

N'allez pas dire cela en doctrine, laquelle se veut d'un cartésianisme dont elle ignore les termes. En somme, la rigueur au nom d'une idée en l'air. Mais ici, plusieurs choses" poussaient à statuer sur cette demande de l'avocat.

Bien, voilà un ordonnance de Premier président qui était bien peu inspirée.




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Extrait de Legifrance

Cour de cassation, chambre civile 2
Audience publique du jeudi 3 mai 2018

N° de pourvoi: 17-11926
Publié au bulletin
Cassation partielle

...

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu qu'il entre dans les pouvoirs du premier président, saisi d'une demande de fixation du montant des honoraires d'un avocat, de statuer sur les intérêts moratoires produits par la créance de celui-ci ;

Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande en paiement d'intérêts moratoires, l'ordonnance retient que l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 prévoit que la procédure de contestation d'honoraires ne concerne que le montant et le recouvrement des honoraires des avocats et que la demande en paiement d'intérêts moratoires, destinée à réparer le préjudice consécutif au retard dans l'exécution d'une obligation préalable à la décision statuant sur la fixation du montant des honoraires est une demande indemnitaire qui ne relève pas de la compétence du juge de l'honoraire ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 441-6 du code de commerce, ensemble l'article D. 441-5 de ce code ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier prestataire de services, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé à la somme de 40 euros par le second ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité forfaitaire de 40 euros par dossier formée par l'avocat à l'encontre de son client, société commerciale, au titre des dispositions susvisées, l'ordonnance retient que le contentieux des honoraires d'avocat se distingue des actions en responsabilité civile engagées par le client, qui relèvent, quant à elles, des règles de procédure de droit commun ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'avocat, prestataire de services, relève des dispositions susvisées, le premier président, qui s'est prononcé par des motifs inopérants, a violé par refus d'application les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

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