La télésurveillance, acte majeur de la sécurité privée et du droit de la sécurité privée (Cass. 1re, 6 fév. 2019).



Il y a une près d'une vingtaine d'années, lorsque j'ai commencé à travailler le thème de la sécurité privée, il fallait courage et optimisme pour s'engager dans cette voie et, aussi, souffrir de naïveté.

Finalement, deux ou trois choses ont fait céder l'opinion juridique quant à ces entreprises et services de sécurité, outre les malheurs terroristes de la France et la constance de l'insécurité.

Ce sujet juridique qui pouvait faire sourire est désormais un sujet sérieux.

L'atonie doctrinale qui avait suivi l'adoption de la loi de 1983 n'est pas cependant dissipée. La sécurité privée n'est pas systématisée ni en doctrine ni en pédagogie.

La première chose est que la sécurité privée est un domaine qui désormais emprunte à la régulation avec une institution nationale bien posée, le CNAPS. Le secteur en a retiré, depuis la commission de déontologie depuis confondue avec le défenseur des droits, une véritable légitimité.

La deuxième chose, plus subtile, est que de très nombreux juristes, notamment dans les grandes entreprises, ont dû travailler sur ces questions qui ont posé de nombreuses questions, de droit privé, de droit administratif et de droit pénal.

La matière est ainsi apparue comme étant riche, multiple, assez technique et mettant en cause des clauses et contrats, des autorisations administratives, des infractions pénales, des statuts professionnels...

Le Code de la sécurité intérieure a souligné le tout, un livre entier est consacré aux activités de sécurité privée : la sécurité intérieure passe (aussi) par la sécurité privée.

La troisième, c'est que la loi n'a cessé d'accroître les missions autorisées aux entreprises privées, ce qui a multiplié les missions sur le terrain qui, en outre, continuent de se moderniser, notamment par le numérique. Le sujet de l'intelligence artificielle pointe ainsi son nez...

Le contrat de télésurveillance, objet de la décision rapportée, incarne ces services modernes et désormais admis et courants.

La décision rapportée montre un litige bien ordinaire aux termes non finalisés.

Le client qui a souscrit le contrat de télésurveillance entendait, après un cambriolage, engager la responsabilité du télésurveilleur, l'entreprise de télésurveillance. Ce genre de contentieux peut être trompeur. En effet, il a été jugé que le télésurveilleur a une obligation de résultat.

Cette seule idée, qui suffit à exécuter un beau TD, est compliquée à manier dans la pratique. Le droit est un système qui s'emboîte sur des faits précis... Le droit sans des faits précis auxquels il peut s'appliquer, cela ne veut pas dire grand chose.

Le Droit n'est pas une pure construction théorique sans diverses assises pratiques et concrètes.

L'obligation de résultat est l'obligation de prévenir, d'alerter, après détection d'un événement ; elle concerne ce point spécial ! Détecter le signal est une obligation de résultat ainsi que le fait d'engager la procédure de vérification et, le cas échéant, faire procéder à une intervention sur place.

L'entreprise de TLS, une fois avertie par l'alarme, a la charge de la preuve de l'appel de vérification et/ou pour une intervention, cliquez ici pour l'arrêt ; vous pouvez chercher d'autres décisions "télésurveillance" dans la barre ci-contre "Recherche"

En l'espèce, le client n'avait pas voulu que l'entreprise vérifie les mises en service de l'alarme et le registre des événements consultables. Surtout, il n'avait pas fait procéder à cette vérification par un autre professionnel ou demandé une expertise à ce sujet. Ce refus a coupé court au débat judiciaire.

En effet, d'une part, le télésurveilleur n'est pas responsable s'il n'est pas certain que le système est en marche, "armé" et, d'autre part, il n'est pas responsable de tout incident dans le local dont le système d'alarme est en route, que ce soit pour intrusion et vol, événement interne au local ou même d'un incendie.

Cet arrêt rappelle au moins à tous les clients et justiciables que certains avocats peuvent être tentés, s'ils ne connaissent pas le domaine de la sécurité privé, d'assigner en justice avec quelque légèreté.



La télésurveillance, acte majeur de la sécurité privée et du droit de la sécurité privée (Cass. 1re, 6 fév. 2019).
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Extrait de la base publique Legifrance

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 6 février 2019

N° de pourvoi: 18-10280
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Richard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2017), que M. et Mme X... ont souscrit un contrat de télésurveillance de leur domicile auprès de la société Générale de protection, aux droits de laquelle se trouve la société Stanley Security France (la société) ; que le 17 mai 2010, ils ont été victimes d'un cambriolage ; que, soutenant que le système d'alarme n'avait pas fonctionné, ils ont assigné la société en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;

Attendu que l'arrêt relève qu'il ne peut être déduit du seul coût de l'abonnement que M. et Mme X... auraient mis le système d'alarme en marche à leur départ ; qu'il constate que la société avait tenté d'intervenir sur place le 21 mai 2010, soit quatre jours après le cambriolage, afin de récupérer les données enregistrées par la centrale d'alarme, qui auraient permis de vérifier un éventuel dysfonctionnement du matériel et de la mise en service de l'alarme, mais que M. et Mme X... ne l'avaient pas laissée intervenir ; qu'il ajoute que le refus de ces derniers de permettre l'accès à la mémoire centrale a privé la société de toute possibilité de vérification portant, d'une part, sur la mise en service du système de télésurveillance à la suite de leur choix de désinhiber le contrôle de cette mise en service, d'autre part, sur un éventuel dysfonctionnement du matériel qui avait pourtant été vérifié quelques semaines auparavant ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'elle avait examiné le motif du jugement relatif au système d'alerte, partie intégrante du matériel, la cour d'appel a pu en déduire que M. et Mme X... ne pouvaient utilement invoquer l'obligation de résultat pesant sur le prestataire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;


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