La rédaction par l'étudiant d'un rapport de stage en droit



On revient brièvement sur l'exercice du rapport de stage, sujet qui nous avait retenu il y a quelques années dans un billet lu plusieurs milliers de fois. On notera que, sur le web, les conseils sont nombreux si l'on ne se contente pas des premiers résultats que donnent les moteurs de recherche.

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Cette rédaction est difficile parce que les étudiants se posent la question de savoir comment connecter la vie universitaire (qu'ils s'apprêtent souvent à quitter) avec la vie professionnelle. C'est en partie le fait de trop se poser la question qui égare. Le rapport doit rapporter ce qu'a été le stage. Outre les aspects évidents (l'entreprise, la mission, l'équipe...), la véritable difficulté est d'exposer le travail de fond qui a été fait.

On passe sur une difficulté qui est généralement imaginaire qui est l'impossibilité de rapporter au motif du secret professionnel. Si les entreprises ne permettent pas aux étudiants d'écrire un rapport de stage, il leur faut soit ne pas prendre de stagiaires soit en prendre en négociant des clauses spéciales. En général, il est donc possible de relater les missions accomplies sans violer le secret professionnel, et il résulte des engagements même de l'entreprise qui accueille que le rapport de stage est possible.

La difficulté est d'aborder les questions étudiées dans le cadre des missions pratiques accomplies (pour le juriste : lettres, consultations, rédactions de contrats, rédactions de conclusions ou mémoires destinées au juge, rédactions de déclarations administratives...). Les questions étudiées, pour un étudiant en droit, doivent être présentées au plan juridique. Les étudiants l'oublient parfois, voire souvent. Il ne s'agit pas de narrer une histoire plaisante, avec une équipe accueillante, mais de faire de l'analyse juridique, laquelle a été coulée dans la tâche (rédaction de contrat ou de documents...). En bref, montrer que l'on a exercé le cœur de la mission du juriste : dire une position et la rédiger (quelle qu'en soit la forme).

Or, l'exaltation de l'étudiant pour la pratique tend à lui faire faire passer le droit par-dessus la fenêtre ou dans le goulot parfois étroit de la pratique qu'il a rencontrée. Le droit ne sera pas sérieusement relaté : on indique une position sans citer les dispositions légales, sans la jurisprudence, quand aux auteurs, avec les livres desquels on a appris le droit... il est soudain devenu inutile de les citer.

En quelques pages, l'étudiant semble s'acharner à montrer qu'il n'a rien retenu de ce qu'est un raisonnement juridique. La position de la structure d'accueil vaut toute la doctrine du monde, elle est affirmée comme l'évidence que le stagiaire a été heureux de découvrir - ce qui noue un paradoxe voire une contradiction : l'évidence ne se découvre pas. Certes on ne s'étonne guère de ce travers quand les étudiants se dispensent d'utiliser les raisonnements juridiques (pourtant assez simples : a pari, a contrario, a fortiori...) dans les copies, ce qui les autorisent à ainsi mettre en vrac les faits et les règles puisque les techniques de raisonnement n'articulent ni les uns ni les autres, ni entre eux ni en leur sein.

La lecture du rapport de stage peut ainsi donner l'impression d'une dérive finale où le juriste ne l'est plus réellement. Il est quelqu'un qui parle ou agit dans la sphère juridique sans être juriste. Pourquoi pas à un certain niveau... mais pas en début de carrière !

Qui fera du droit si les juristes se contentent de slogans, de postures internes et de management de leurs rapports avec les autres services de la structure ou avec les clients ou fournisseurs...? Peut-être les entreprises innovantes qui sont en train d'ubériser le droit (on y revient dès demain). L'étudiant croit parfois utile, dans le même temps, de montrer tous les défauts de la pratique (une langue relâchée, des expressions types mais creuses, un franglais systématique, une excessive brièveté, le tout pouvant alors confiner au vide...).

L'étudiant qui rédige un rapport de stage doit donc s'attacher à écrire avec rigueur.

Le rapport de stage doit donner des exemples du travail de raisonnement que le juriste a effectué pour arriver à tel résultat (une réponse par lettre, une modification de clause...). Il ne s'agit pas de proposer une analyse de toutes les questions examinées au cours du stage (lesquelles peuvent être nombreuses), mais de démontrer qu'un véritable travail de juriste a été réalisé. Dans cette perspective, tout cas traité appelle à relater les faits, à discuter les éléments juridiques, à utiliser les sources (citer les textes applicables), les décisions de justice (publiées) et les opinions des auteurs (publiés / publiées). L'utilisation des sources suppose d'apprendre à citer - ce qui veut dire apprendre à écrire - de sorte qu'un lecteur puisse retrouver la source (à consigner le cas échéant dans une bibliographie). Bref, la lecture du rapport de stage doit être de nature à convaincre de son caractère très professionnel.

On finira sur un point sensible.

L'étudiant, qui n'est pas à la solde de l'entreprise, peut nuancer son propos si leurs conclusions divergent ; il peut le faire subtilement par quelques mots de réserves : il n'a pas à adopter sans nuance une position intenable mais que la structure d'accueil soutient par un intérêt direct et évident. Le stagiaire n'est pas l'avocat de l'entreprise, et sa position, qui peut être jugée confidentielle, n'a pas vocation à circuler.

Cela étant dit, le rapport de stage n'est pas pour l'essentiel de l'analyse juridique. Il doit relater des pratiques professionnelles, aussi diverses que variées, mais ne pas réserver une dizaine de pages au droit, à deux ou trois analyses serrées de trois ou quatre pages chacune, est une erreur.

Dont acte ?












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