La loi comme simple acte (public) de sollicitation des bonnes volontés (privées) ?!



La loi comme simple acte (public) de sollicitation des bonnes volontés (privées) ?!
La loi est peu respectée. Peu sanctionnée. Peu appréciée. Très peu jugée. La majorité des citoyens n'a d'ailleurs plus confiance en la Justice qui doit appliquer la loi, faire, finalement, respecter le Droit. L'idée mériterait d'être précisée en dix pages (mais il y a mille articles ici qui forment notre opinion). Ce sentiment de la population signe aussi le déclin du respect de la loi voire l'emporte. Les jugements tardifs, parfois très tardifs, les arrêts après des années de procédure finissent d'achever la dévastation du système judiciaire. Il finit d'emporter le Droit par le fond qui déjà coulait sous son propre poids. Il n'a su ni se gérer ni se réorganiser et encore moins réinventer ses principes - et moins encore ses pratiques.

Ce système judiciaire n'a du reste aucune tête, aucune voie ou voix politique, aucune voix citoyenne ; la situation est la responsabilité de gens de justice mais elle est aussi portée et entretenue par toute la société - et la médiocrité des politiques sur ce sujet relève du citoyen qui les élit.

La pratique de l'exécutif et du législatif affaiblit le Droit. La loi présentée comme toujours réformée, ce qui est revendiqué, est de ce fait affaiblie. On ne peut guère se fier à un ordre social juridique qui change aussi souvent et rapidement. Les pouvoirs publics et les élus en sont peu convaincus. Ils ont une conscience élémentaire du droit (quoiqu'ils sachent des choses juridiques que j'ignore). Pour sauver le Droit ils ajoutent des lois et des décrets à n'en plus finir. Du côté européen, les choses ne sont pas bonnes non plus, l'UE est une machine à fabriquer des normes à l'infini ; le Brexit prive l'UE du bon sens et du pragmatisme anglais, qui retentissait au Parlement européen, et va permettre à l'Union européenne de se livrer à tous les excès juridiques possibles, elle y était presque.

L'hésitation est cependant de mise, les évidences et croyances tissées dans les bonnes intentions, qui écartent l'appel à l'effort, peuvent changer la loi européenne. La guerre jette une voile gris sur l'UE, les leçons à la Russie ont un coût et le spectre nucléaire miroite sur ces deux facettes. Il se peut que la politique juridique de l'UE devienne plus modeste, réaliste et concrète. Avec des textes plus courts et ciblés.

Autre modèle public, autres travers. Un temps, on aura pu croire que les autorités de régulation (les agences pour parler à l'américaine) allaient aider. On peut en douter. Elle sont le lieux d'accords et de recyclages politiques et administratifs. Elles meurent sous le poids de leurs normes molles et d'une tendance à la fonctionnarisation avec des armées de technocrates qui alourdissent le Droit faute d'autorité... Le bon droit est bref et incisif. Le bla-bla juridique est long et filandreux. Ce qui est le cas lorsque l'on préfère à l'intérêt général (que certes il faut concevoir) aux intérêts des milieux d'affaires, des milieux politiques, des milieux européens...

Le mal fait au Droit se ressent jusque dans les amphithéâtres. Changement d'horizon ! Un cours magistral et des TD n'y suffisent pas. On peut vous écrire avec assurance que le juge tranche les litiges en équité, ou bien au vu de la morale, ou encore en vertu des préceptes religieux. La pâle école républicaine a bien préparé le terrain.

Le quartier, la famille, la banlieue, la cité, la communauté... pèsent davantage qu'un cours magistral de droit renforcé par un enseignements de TD. Le même phénomène s'observe dans le milieu du business.

Dans le milieu des affaires, règne une conception du Droit qui est acclimatée. Ici aussi on retrouve les règles non juridiques. Elle prétendent soutenir le droit ou le compléter, ça c'est à la surface. La réalité de tréfonds est qu'elle l'affaiblissent. Certains juristes servent aux dirigeants les plats tout préparés dont les recettes ont été inventées dans les écoles de management (même le mot commerce n'existe plus...). La communauté managériale secrète d'autant plus une culture hors du droit qu'elle sait qu'elle ne peut pas le connaître, il est trop compliquée et elle n'en est pas à la hauteur. La morale des affaires, ce sentiment personnel exercé, ne va-t-elle pas d'office respecter la règle juridique ?

La communauté, l'entreprise, le secteur professionnel, la culture de la filière... pèse autant que le droit.

Car le Droit pèse encore un peu.

Il n'est pas dit que la population moyenne ne participe pas de cette dégradation de respect du droit. Le motard voit souvent des gens "comme il faut" brûler une bande blanche ce qui, en pratique, met leur vie en danger : un motard ne s'attend pas à ce qu'une voiture coupe une bande blanche (pour un raccourci ou pour éviter une demi-tour). Le cycliste dira pareil (y compris des "motards").

Les actes de la populations ont augmenté, on fait 100 choses par jour, on en faisait 10 il y a cent ans. La société privée a conquis des territoires d'actions, les pouvoirs publics sont restés avec les outils du 19e siècle (consignés dans la Constitution de 1958). Dans une même journée vous pouvez démarrer à moto, rentrer dans un RER, prendre un TGV puis un avion. Faire trois réunions. Signer 5 contrats. Et rentrer le soir chez vous, certes à 23 h, ce qui vous permettra encore de vous abonner ou résilier un abonnement TV en ligne... La vie juridique a mal suivi l'évolution sociale.

On prétend soutenir l'Etat de droit, qui n'est plus exactement le Droit de l'Etat, mais sans vraiment considérer l'état du droit... or le droit n'est pas en bon état.

La question est de savoir quand le Droit changera de nature. Quand la règle de droit ne sera-t-elle plus vue, par une grosse majorité de citoyens, comme le vecteur d'organisation, de management, d'éducation, de comportement...? Comme une norme réellement obligatoire !

Lorsque 60 ou 65 % de la population ne croira plus au Droit, alors on pourra théoriser sur une nouvelle règle de droit. Elle ne sera plus réellement obligatoire. Elle sera un acte de sollicitation des citoyens qui croiront encore en l'Etat et au Droit de bien vouloir respecter telle prescription. La loi s'adressera à ces croyants du Droit, des adeptes qui pourront peut-être, par leur civisme (mot supprime pour "acte citoyen"...), montreront que la règle pensée et obligatoire est le meilleur système social.

Rendez-vous dans un siècle !

Pour le moment, quittons-nous sur une affreuse réalité, encore une.

Paradoxe, les démocraties creusent la tombe du droit alors que l'orchestre joue simultanément le puissant morceau des droits de l'homme et des droits fondamentaux. Les régimes totalitaires eux se servent encore du droit, ne pas respecter la loi conduit en prison (et on y ignore les bracelets électroniques).

Alors que les démocraties prennent garde à ne pas se faire chiper le Droit !

La mise en garde a du sens quand on songe qu'elles se font voler l'organisation mondiales par ces mêmes régimes totalitaires.

Au service du Droit !



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