Cette note passe vite sur les faits que l'arrêt, en reprenant le moyen, rappelle suffisamment :
"...des associations (défenderesses qui) vendent des boissons alcoolisées (ou non) en dehors de toute autorisation administrative ou manifestation sportive telles que limitativement énumérées par les dispositions des articles L. 3334-2 et L. 3335-4 du code de la santé publique et donc en totale violation de ces textes, disposent de tout le matériel pour opérer commerce de cette vente, tels que tireuses à bière, frigidaires, caisse, tarifs des boissons,... et ce en totale violation des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce, ne limitent bien évidemment pas l'accès à leur buvette à leurs seuls adhérents mais opèrent bien commerce..."(voyez infra la décision).
On va directement à la solution de droit.
L'arrêt juge sur le fondement des règles élémentaires du droit de la concurrence, dont celles fondées sur la faute civile que consacre le Code civil (I).
L'affaire ne tient pas à un comportement redevable de la prohibition des atteintes au marché.
Cet arrêt souligne le rôle des associations professionnelles (syndicats dits patronaux) défendant les intérêts collectifs d'une profession : c'est une de ces associations qui a esté en justice et gagné son procès (II) - pour ne pas la nommer : la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai).
I. Une concurrence déloyale impliquant nécessairement une réparation
"En statuant ainsi, alors qu'en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de toute pratique consistant, pour son auteur, à s'affranchir d'une réglementation impérative dont le respect a nécessairement un coût, ... "
Toute concurrence qui s'affranchit de la loi est critiquable devant le juge et doit prospérer au plan des dommages et intérêts, ce pour quoi le juge de cassation continue :
"...ce qui, dès lors, lui donne, un avantage concurrentiel indu, la cour d'appel, qui ne pouvait, en conséquence, se dispenser d'analyser les pratiques reprochées aux associations en cause, a violé les textes susvisés."
Voilà une affaire dont le problème de droit est classique et le contexte également. Ce dernier est celui de l'égalité des professionnels soit l'exigence d'une concurrence égale. Le problème est de savoir si un concurrent qui se dispense de respecter des règles s'imposant (à sa profession ou à ses actes professionnels) commet un acte de concurrence déloyale. La réponse est oui.
En l'espèce, plus que cela, on peut parler de concurrence illicite, ce qui est spécialement le cas lorsque l'auteur des actes n'a pas, de principe, le droit de les accomplir. Des actes concurrentiels illicites sont nécessairement déloyaux.
Comme toute concurrence déloyale, et a fortiori quand elle est illicite, si cette faute cause un préjudicie qui donne droit à réparation. La Cour le juge , après le joli verbe "inférer". Soit le dommage est à évaluer pour son coût, soit il est au moins moral. La formule de l'arrêt est connue*.
Le juge du droit a explicité il y a peu de temps sa construction jurisprudentielle (Cass. com., 12 févr. 2020, n° 17-31614) :
"7. En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, la chambre commerciale retient qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale (Com., 22 octobre 1985, pourvoi n° 83-15.096, Bull. 1985, IV, n° 245 ; Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-14.442, Bull. IV, n° 105 ; 1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.582 ; Com., 28 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.272 ; Com., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.669).
8. Cette jurisprudence, qui énonce une présomption de préjudice, sans pour autant dispenser le demandeur de démontrer l’étendue de celui-ci, répond à la nécessité de permettre aux juges une moindre exigence probatoire, lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer."
Pour une association de professionnels valant syndicat professionnel (mais non assujetti au Code du travail taillé pour les salariés), le préjudice est spécial ; celui qui exerce la profession n'en a même pas le droit, la jurisprudence précitée est d'autant plus justifiée.
En l'espèce l'association se contentait de demander 1 euro de réparation. L'objectif des professionnels était préventif : que cela ne se reproduise plus. Cette demande ne correspond pas au préjudice subi, à évaluer à notre sens (...) au vu de l'intérêt collectif que le groupement professionnel représente et qui est atteint.
Le préjudice à l'intérêt collectif mériterait peut-être une attention spéciale en considérant le chiffre d'affaires illicite réalisé.**
Les associations professionnelles réalisent des actions, dont des actions en justice, qu'aucun professionnel seul ne peut accomplir, cette décision invite à le relever.
II. Les associations professionnelles défendant les intérêts collectifs d'une profession
La décision mérite également d'être soulignée pour dire la qualité du demandeur : la Chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai)... laquelle va désormais narguer le juge d'appel...
Les syndicats professionnels ou associations professionnelles ont le droit de défendre les intérêts collectifs de leurs membres, personnes physiques ou sociétés. C'est une belle illustration du droit de saisir le juge - du droit d'accès au juge pour parler sur une gamme de langage technocratique.
C'est autant à rappeler que le principe substantiel qui donne lieu, en l'espèce, à la cassation. En effet, le juge peut être affecté du biais qui lui fait penser que l'association professionnelle en cause n'est fondamentalement pas aussi légitime qu'une entreprise qui agit en concurrence déloyale.
Ce sont de tels biais (les IA en auront peut-être moins que les juges formés dans les mêmes Facultés et la même Ecole) qui peuvent aboutir à la faute - la violation de la loi - que la cour d'appel commet ici. En effet, c'est en se disant silencieusement qu'une association professionnelle aurait mieux à faire que de faire des procès qu'on peut juger qu'aucune réparation ne doit être octroyée - et ainsi violer la loi !
Le juge ne doit pas être conformiste ou conventionnel et savoir être proche des réalités économiques et des faits - les faits ! L'orientation de la communauté juridique peut susciter de telles décisions (et dont acte : une majorité de ladite communauté n'en conviendra pas).
Il faut en effet mesurer cette "violation de la loi" : si un avocat établissait une consultation juridique disant qu'une telle action en justice ne peut pas prospérer, il engagerait sa responsabilité civile ! On peut certes noter que, finalement, le juge de cassation redresse la situation: après combien d'années de procédure ?
___________________
* Cass. com., 25 janv. 2000, Sté Véloce Auto et autres : Juris-Data n° 000408 : « Il résultait des actes déloyaux constatés [offres promotionnelles illicites] un attrait spécial pour la clientèle, causant un préjudice, fût-il seulement moral [...] », voyez en ce sens : Contrats, conc. consom. 2000, n° 81, obs. Marie Malaurie-Vignal.
** ** Constitue un point de repère pour l'évaluer la perte de l'ensemble des professionnels exerçant régulièrement, licitement, en respectant les règles en vigueur ; le préjudice moral pouvant lui même être d'autant plus important que les professionnels en règle sont pris pour des imbéciles. On croit cependant pouvoir dire que la jurisprudence répare mal les atteintes à l'intérêt collectif, les associations de consommateurs ont eu subir ce biais alors que la loi, depuis plus de vingt ans, pousse à la réparation.
"...des associations (défenderesses qui) vendent des boissons alcoolisées (ou non) en dehors de toute autorisation administrative ou manifestation sportive telles que limitativement énumérées par les dispositions des articles L. 3334-2 et L. 3335-4 du code de la santé publique et donc en totale violation de ces textes, disposent de tout le matériel pour opérer commerce de cette vente, tels que tireuses à bière, frigidaires, caisse, tarifs des boissons,... et ce en totale violation des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce, ne limitent bien évidemment pas l'accès à leur buvette à leurs seuls adhérents mais opèrent bien commerce..."(voyez infra la décision).
On va directement à la solution de droit.
L'arrêt juge sur le fondement des règles élémentaires du droit de la concurrence, dont celles fondées sur la faute civile que consacre le Code civil (I).
L'affaire ne tient pas à un comportement redevable de la prohibition des atteintes au marché.
Cet arrêt souligne le rôle des associations professionnelles (syndicats dits patronaux) défendant les intérêts collectifs d'une profession : c'est une de ces associations qui a esté en justice et gagné son procès (II) - pour ne pas la nommer : la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai).
I. Une concurrence déloyale impliquant nécessairement une réparation
"En statuant ainsi, alors qu'en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de toute pratique consistant, pour son auteur, à s'affranchir d'une réglementation impérative dont le respect a nécessairement un coût, ... "
Toute concurrence qui s'affranchit de la loi est critiquable devant le juge et doit prospérer au plan des dommages et intérêts, ce pour quoi le juge de cassation continue :
"...ce qui, dès lors, lui donne, un avantage concurrentiel indu, la cour d'appel, qui ne pouvait, en conséquence, se dispenser d'analyser les pratiques reprochées aux associations en cause, a violé les textes susvisés."
Voilà une affaire dont le problème de droit est classique et le contexte également. Ce dernier est celui de l'égalité des professionnels soit l'exigence d'une concurrence égale. Le problème est de savoir si un concurrent qui se dispense de respecter des règles s'imposant (à sa profession ou à ses actes professionnels) commet un acte de concurrence déloyale. La réponse est oui.
En l'espèce, plus que cela, on peut parler de concurrence illicite, ce qui est spécialement le cas lorsque l'auteur des actes n'a pas, de principe, le droit de les accomplir. Des actes concurrentiels illicites sont nécessairement déloyaux.
Comme toute concurrence déloyale, et a fortiori quand elle est illicite, si cette faute cause un préjudicie qui donne droit à réparation. La Cour le juge , après le joli verbe "inférer". Soit le dommage est à évaluer pour son coût, soit il est au moins moral. La formule de l'arrêt est connue*.
Le juge du droit a explicité il y a peu de temps sa construction jurisprudentielle (Cass. com., 12 févr. 2020, n° 17-31614) :
"7. En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, la chambre commerciale retient qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale (Com., 22 octobre 1985, pourvoi n° 83-15.096, Bull. 1985, IV, n° 245 ; Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-14.442, Bull. IV, n° 105 ; 1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.582 ; Com., 28 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.272 ; Com., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.669).
8. Cette jurisprudence, qui énonce une présomption de préjudice, sans pour autant dispenser le demandeur de démontrer l’étendue de celui-ci, répond à la nécessité de permettre aux juges une moindre exigence probatoire, lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer."
Pour une association de professionnels valant syndicat professionnel (mais non assujetti au Code du travail taillé pour les salariés), le préjudice est spécial ; celui qui exerce la profession n'en a même pas le droit, la jurisprudence précitée est d'autant plus justifiée.
En l'espèce l'association se contentait de demander 1 euro de réparation. L'objectif des professionnels était préventif : que cela ne se reproduise plus. Cette demande ne correspond pas au préjudice subi, à évaluer à notre sens (...) au vu de l'intérêt collectif que le groupement professionnel représente et qui est atteint.
Le préjudice à l'intérêt collectif mériterait peut-être une attention spéciale en considérant le chiffre d'affaires illicite réalisé.**
Les associations professionnelles réalisent des actions, dont des actions en justice, qu'aucun professionnel seul ne peut accomplir, cette décision invite à le relever.
II. Les associations professionnelles défendant les intérêts collectifs d'une profession
La décision mérite également d'être soulignée pour dire la qualité du demandeur : la Chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai)... laquelle va désormais narguer le juge d'appel...
Les syndicats professionnels ou associations professionnelles ont le droit de défendre les intérêts collectifs de leurs membres, personnes physiques ou sociétés. C'est une belle illustration du droit de saisir le juge - du droit d'accès au juge pour parler sur une gamme de langage technocratique.
C'est autant à rappeler que le principe substantiel qui donne lieu, en l'espèce, à la cassation. En effet, le juge peut être affecté du biais qui lui fait penser que l'association professionnelle en cause n'est fondamentalement pas aussi légitime qu'une entreprise qui agit en concurrence déloyale.
Ce sont de tels biais (les IA en auront peut-être moins que les juges formés dans les mêmes Facultés et la même Ecole) qui peuvent aboutir à la faute - la violation de la loi - que la cour d'appel commet ici. En effet, c'est en se disant silencieusement qu'une association professionnelle aurait mieux à faire que de faire des procès qu'on peut juger qu'aucune réparation ne doit être octroyée - et ainsi violer la loi !
Le juge ne doit pas être conformiste ou conventionnel et savoir être proche des réalités économiques et des faits - les faits ! L'orientation de la communauté juridique peut susciter de telles décisions (et dont acte : une majorité de ladite communauté n'en conviendra pas).
Il faut en effet mesurer cette "violation de la loi" : si un avocat établissait une consultation juridique disant qu'une telle action en justice ne peut pas prospérer, il engagerait sa responsabilité civile ! On peut certes noter que, finalement, le juge de cassation redresse la situation: après combien d'années de procédure ?
___________________
* Cass. com., 25 janv. 2000, Sté Véloce Auto et autres : Juris-Data n° 000408 : « Il résultait des actes déloyaux constatés [offres promotionnelles illicites] un attrait spécial pour la clientèle, causant un préjudice, fût-il seulement moral [...] », voyez en ce sens : Contrats, conc. consom. 2000, n° 81, obs. Marie Malaurie-Vignal.
** ** Constitue un point de repère pour l'évaluer la perte de l'ensemble des professionnels exerçant régulièrement, licitement, en respectant les règles en vigueur ; le préjudice moral pouvant lui même être d'autant plus important que les professionnels en règle sont pris pour des imbéciles. On croit cependant pouvoir dire que la jurisprudence répare mal les atteintes à l'intérêt collectif, les associations de consommateurs ont eu subir ce biais alors que la loi, depuis plus de vingt ans, pousse à la réparation.
Extrait de la base publique Légifrance
Cour de cassation - Chambre commerciale N° de pourvoi : 18-24.373
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 03 mars 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 5 juillet 2018
...
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
______________________
Audience publique du 3 mars 2021
Cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° Q 18-24.373
Aides juridictionnelles totales en défense
au profit de l'association Club sports et loisirs
des mineurs de [...] et de l'association La Pétanque somainoise.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du 25 juin 2019.
Aides juridictionnelles totales en défense
au profit de l'association Billon Club de [...]
et l'association La Boule douaisienne.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juillet 2019.
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 3 MARS 2021
La chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-24.373 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Club sports et loisirs des mineurs de [...], dont le siège est [...] ,
2°/ à l'association L'Amicale du stade [...], dont le siège est [...] ,
3°/ à l'association Avenir bouliste de [...], dont le siège est [...] ,
4°/ à l'association La Boule guesninoise, dont le siège est [...] ,
5°/ à l'association Billon club de [...], dont le siège est [...] ,
6°/ à l'association La Boule douaisienne, dont le siège est [...] ,
7°/ à l'association Mineurs catholiques italiens, dont le siège est [...] ,
8°/ à l'association Union football [...], dont le siège est [...] ,
9°/ à l'association La Boule joyeuse des mineurs, dont le siège est [...] ,
10°/ à l'association La Pétanque somainoise, dont le siège est [...] ,
11°/ à l'association L'USM [...], dont le siège est [...],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai), de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association L'Amicale du stade [...], de Me Brouchot, avocat des associations Club sports et loisirs des mineurs de [...], Billon club de [...], La Boule douaisienne et La Pétanque somainoise, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 juillet 2018), la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (l'UMIH de Douai) a pour objet social de représenter et défendre les intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres et, notamment, des propriétaires, administrateurs délégués, directeurs ou gérants, exploitants d'un café, débit de boissons toutes catégories, cabarets, hôtels, restaurants et généralement tout commerce de vente de denrées solides ou liquides à consommer sur place nécessitant des prestations de service.
2. Soutenant que douze associations, dont Billon club de [...], La Boule douaisienne, Mineurs catholiques italiens, Union football [...], La Boule joyeuse des mineurs, La Pétanque somainoise, L'USM [...], Club sports et loisirs des mineurs de [...], L'Amicale du stade [...], Avenir bouliste de [...] et La Boule guesninoise (les associations), avaient vendu des boissons, alcoolisées ou non, en contravention avec les normes en vigueur, et leur reprochant ainsi des actes de concurrence déloyale, l'UMIH de Douai les a assignées, aux fins de cessation de ces pratiques illégales et en paiement solidaire d'un euro à titre de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'UMIH de Douai fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en matière de concurrence déloyale et de parasitisme, la jurisprudence déduit l'existence du préjudice du comportement déloyal ; que la cour d'appel ne pouvait rejeter au fond les demandes de la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai tendant à la réparation de son préjudice et à la cessation des troubles illicites résultant des pratiques des associations défenderesses qui vendent des boissons alcoolisées (ou non) en dehors de toute autorisation administrative ou manifestation sportive telles que limitativement énumérées par les dispositions des articles L. 3334-2 et L. 3335-4 du code de la santé publique et donc en totale violation de ces textes, disposent de tout le matériel pour opérer commerce de cette vente, tels que tireuses à bière, frigidaires, caisse, tarifs des boissons,... et ce en totale violation des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce, ne limitent bien évidemment pas l'accès à leur buvette à leurs seuls adhérents mais opèrent bien commerce, sans répondre aux obligations fiscales en la matière et taxations y afférentes "sans même qu'il y ait besoin d'analyser les fautes reprochées à chaque association par l'UMIH de Douai" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Les associations Club sports et loisirs des mineurs de [...], Billon club de [...], La Boule douaisienne et La Pétanque somainoise contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que l'UMIH de Douai n'a pas développé, dans ses écritures d'appel, un moyen lié à l'existence d'un préjudice inféré nécessairement par les actes de concurrence déloyale allégués et qu'il s'agit donc d'une argumentation nouvelle et mélangée de fait et de droit.
5. Cependant, l'UMIH de Douai, qui soutenait dans ses écritures d'appel que les constats d'huissiers de justice produits démontraient que les associations vendaient des boissons alcoolisées de manière habituelle, en contravention aux dispositions des articles L. 3334-2 et L. 3335-4 du code de la santé publique, et à un prix modique, puisque non assujetti à la moindre charge, qu'il en résultait nécessairement une concurrence déloyale et des actes de para-commercialisme néfastes aux débits de boissons avoisinants qui sont soumis aux charges sociales et fiscales applicables à leur activité, et, dès lors, une perte de chiffre d'affaires et que le lien de causalité était évident puisque de nombreux débits de boissons avaient vu leur chiffre d'affaires diminuer et leur clientèle se diriger vers ces associations, en raison du coût nettement inférieur des boissons, a fondé ses demandes sur la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, et ne développe pas une argumentation nouvelle en faisant grief à l'arrêt de ne pas avoir procédé à l'analyse des fautes reprochées à chaque association, dont il résulterait nécessairement une concurrence déloyale et, partant, un préjudice.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 12 du code de procédure civile :
7. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, les juges doivent trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
8. Pour rejeter les demandes de l'UMIH de Douai, l'arrêt retient que celle-ci ne verse aucune pièce pour attester de la perte de clientèle ou de la baisse du chiffre d'affaires subie par ses membres, en lien direct avec l'activité incriminée des associations, et relève, en particulier, que le rapport d'enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 16 décembre 2011 relatif à l'activité de nombreuses associations, s'agissant notamment de la gestion interne de « buvettes », ne fait pas mention des conséquences que pourraient avoir ces activités sur celles des exploitants de débits de boisson. Il en déduit que, sans même qu'il soit besoin d'analyser les fautes reprochées à chaque association par l'UMIH de Douai, cette dernière ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice dont elle pourrait demander réparation.
9. En statuant ainsi, alors qu'en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de toute pratique consistant, pour son auteur, à s'affranchir d'une réglementation impérative dont le respect a nécessairement un coût, ce qui, dès lors, lui donne, un avantage concurrentiel indu, la cour d'appel, qui ne pouvait, en conséquence, se dispenser d'analyser les pratiques reprochées aux associations en cause, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute l'UMIH de Douai de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Cour de cassation - Chambre commerciale N° de pourvoi : 18-24.373
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 03 mars 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 5 juillet 2018
...
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
______________________
Audience publique du 3 mars 2021
Cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° Q 18-24.373
Aides juridictionnelles totales en défense
au profit de l'association Club sports et loisirs
des mineurs de [...] et de l'association La Pétanque somainoise.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du 25 juin 2019.
Aides juridictionnelles totales en défense
au profit de l'association Billon Club de [...]
et l'association La Boule douaisienne.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juillet 2019.
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 3 MARS 2021
La chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-24.373 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Club sports et loisirs des mineurs de [...], dont le siège est [...] ,
2°/ à l'association L'Amicale du stade [...], dont le siège est [...] ,
3°/ à l'association Avenir bouliste de [...], dont le siège est [...] ,
4°/ à l'association La Boule guesninoise, dont le siège est [...] ,
5°/ à l'association Billon club de [...], dont le siège est [...] ,
6°/ à l'association La Boule douaisienne, dont le siège est [...] ,
7°/ à l'association Mineurs catholiques italiens, dont le siège est [...] ,
8°/ à l'association Union football [...], dont le siège est [...] ,
9°/ à l'association La Boule joyeuse des mineurs, dont le siège est [...] ,
10°/ à l'association La Pétanque somainoise, dont le siège est [...] ,
11°/ à l'association L'USM [...], dont le siège est [...],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (UMIH Douai), de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association L'Amicale du stade [...], de Me Brouchot, avocat des associations Club sports et loisirs des mineurs de [...], Billon club de [...], La Boule douaisienne et La Pétanque somainoise, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 juillet 2018), la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai (l'UMIH de Douai) a pour objet social de représenter et défendre les intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres et, notamment, des propriétaires, administrateurs délégués, directeurs ou gérants, exploitants d'un café, débit de boissons toutes catégories, cabarets, hôtels, restaurants et généralement tout commerce de vente de denrées solides ou liquides à consommer sur place nécessitant des prestations de service.
2. Soutenant que douze associations, dont Billon club de [...], La Boule douaisienne, Mineurs catholiques italiens, Union football [...], La Boule joyeuse des mineurs, La Pétanque somainoise, L'USM [...], Club sports et loisirs des mineurs de [...], L'Amicale du stade [...], Avenir bouliste de [...] et La Boule guesninoise (les associations), avaient vendu des boissons, alcoolisées ou non, en contravention avec les normes en vigueur, et leur reprochant ainsi des actes de concurrence déloyale, l'UMIH de Douai les a assignées, aux fins de cessation de ces pratiques illégales et en paiement solidaire d'un euro à titre de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'UMIH de Douai fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en matière de concurrence déloyale et de parasitisme, la jurisprudence déduit l'existence du préjudice du comportement déloyal ; que la cour d'appel ne pouvait rejeter au fond les demandes de la chambre syndicale des cafetiers-hôteliers-restaurateurs-discothèques de Douai tendant à la réparation de son préjudice et à la cessation des troubles illicites résultant des pratiques des associations défenderesses qui vendent des boissons alcoolisées (ou non) en dehors de toute autorisation administrative ou manifestation sportive telles que limitativement énumérées par les dispositions des articles L. 3334-2 et L. 3335-4 du code de la santé publique et donc en totale violation de ces textes, disposent de tout le matériel pour opérer commerce de cette vente, tels que tireuses à bière, frigidaires, caisse, tarifs des boissons,... et ce en totale violation des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce, ne limitent bien évidemment pas l'accès à leur buvette à leurs seuls adhérents mais opèrent bien commerce, sans répondre aux obligations fiscales en la matière et taxations y afférentes "sans même qu'il y ait besoin d'analyser les fautes reprochées à chaque association par l'UMIH de Douai" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Les associations Club sports et loisirs des mineurs de [...], Billon club de [...], La Boule douaisienne et La Pétanque somainoise contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que l'UMIH de Douai n'a pas développé, dans ses écritures d'appel, un moyen lié à l'existence d'un préjudice inféré nécessairement par les actes de concurrence déloyale allégués et qu'il s'agit donc d'une argumentation nouvelle et mélangée de fait et de droit.
5. Cependant, l'UMIH de Douai, qui soutenait dans ses écritures d'appel que les constats d'huissiers de justice produits démontraient que les associations vendaient des boissons alcoolisées de manière habituelle, en contravention aux dispositions des articles L. 3334-2 et L. 3335-4 du code de la santé publique, et à un prix modique, puisque non assujetti à la moindre charge, qu'il en résultait nécessairement une concurrence déloyale et des actes de para-commercialisme néfastes aux débits de boissons avoisinants qui sont soumis aux charges sociales et fiscales applicables à leur activité, et, dès lors, une perte de chiffre d'affaires et que le lien de causalité était évident puisque de nombreux débits de boissons avaient vu leur chiffre d'affaires diminuer et leur clientèle se diriger vers ces associations, en raison du coût nettement inférieur des boissons, a fondé ses demandes sur la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, et ne développe pas une argumentation nouvelle en faisant grief à l'arrêt de ne pas avoir procédé à l'analyse des fautes reprochées à chaque association, dont il résulterait nécessairement une concurrence déloyale et, partant, un préjudice.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 12 du code de procédure civile :
7. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, les juges doivent trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
8. Pour rejeter les demandes de l'UMIH de Douai, l'arrêt retient que celle-ci ne verse aucune pièce pour attester de la perte de clientèle ou de la baisse du chiffre d'affaires subie par ses membres, en lien direct avec l'activité incriminée des associations, et relève, en particulier, que le rapport d'enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 16 décembre 2011 relatif à l'activité de nombreuses associations, s'agissant notamment de la gestion interne de « buvettes », ne fait pas mention des conséquences que pourraient avoir ces activités sur celles des exploitants de débits de boisson. Il en déduit que, sans même qu'il soit besoin d'analyser les fautes reprochées à chaque association par l'UMIH de Douai, cette dernière ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice dont elle pourrait demander réparation.
9. En statuant ainsi, alors qu'en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de toute pratique consistant, pour son auteur, à s'affranchir d'une réglementation impérative dont le respect a nécessairement un coût, ce qui, dès lors, lui donne, un avantage concurrentiel indu, la cour d'appel, qui ne pouvait, en conséquence, se dispenser d'analyser les pratiques reprochées aux associations en cause, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute l'UMIH de Douai de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;