Klara et le soleil ! Klara, une IA si aisée...



... à mes étudiants de L1 et à ceux du Collège de Droit de L2
pour le Cours Droit du numérique.

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L'intelligence artificielle mise en roman souligne le sujet mais fort imparfaitement. Klara et le soleil ne déroge pas à la règle, la littérature ne réduit pas les doutes ou questions, elle les évince. La littérature a tous les droits ! Et elle les prend.

Kazuo Ishuguro le montre avec cette aventure un brin futuriste. Klara est une AA ! Une amie artificielle. Un produit en vitrine. Un type d'IA qui est AA ! Une amie pour les enfants ou adolescents.

Il y a dans l'ouvrage la chaleur étouffante et un peu plate de la vitrine dans laquelle le roman commence. Un univers simpliste, une phrase au ton puéril qui évoque le conte pour enfant. Cela peut plaire. Cela peut même être vu comme du grand art, un point entre la poésie, le classicisme et la plume actuelle au service d'une pensée juvénile. On ne sait.

Le fond suit cette forme, en quelques pages la question de l'intelligence artificielle est tournée en une question d'hier, soit une question qui ne pose plus de question, ou une question réglée. Klara sait tant faire de choses, comprend si bien, un peu tout, s'améliore si aisément... que le constat est fait par la mère de l'adolescente que cette AA accompagne.

Avant la moitié de l'ouvrage, cette femme étrange, "la mère", dira la chose claire à dire.

Klara tu es intelligente !

La question de l'IA est donc expédiée par le fond, Klara, IA, AA, est intelligente.

Dieu merci, l'auteur dispense de la tarte à la crème de savoir si l'AA a la personnalité juridique. Il a raison, on verra ça dans quelques décennies (et encore). Lorsque certains systèmes d'IA auront un programme de conscience. Là aussi, cependant, Ishuguro passe la question par le fond de l'évidence : Klara a une pleine conscience d'elle-même et aussi des autres...

Si la plume n'est pas exceptionnelle, elle est facile.

Avant cette déclaration, à laquelle on va aboutir, de l'étrange mère ("la mère"), l'auteur aura semé ses petites phrases et convictions sur le sujet, ce qui n'est pas le traiter. Ni même le triturer puisque tout va dans le même sens. Mais la littérature traite seulement la littérature.

On passe les traces insensibles.

Dès la page 54, l'intelligence surgit en creux : "gérante nous avait enseigné" ; l'AA, l'air de rien, à l'intelligence de l'essentiel, l'aptitude cognitive à apprendre.

A la page 56, l'AA pense sans répondre "je la regardai sans rien dire". Juste après, l'AA s'inquiète et, comprenant que le mendiant est mort, éprouve de la tristesse (p. 57). L'AA éprouve toutes sortes de sentiments.

Le procédé littéraire est inévitable puisque l'amie artificielle, Klara, est le narrateur ! Ce dernier, s'il est idiot et insensible, doit rendre l'écriture difficile (je ne suis pas un littéraire...), je passe. Page 65, l'AA saisit "l'esprit de la démarche", ce qui au vrai, dans les systèmes d'IA actuels, cela n'est pas possible. Tout n'y est que calcul... Calcul qui est parfois rappelé avec l'AA qui dit voir grâce ou en forme de boîtes - pas plus.

Les "faits de pensée", les "émergences successives" dressent un tableau trop clair quand l'équilibre est en cause (p. 70), l'espoir (p. 107), le souhait (p. 112), le tactile avec le siège moelleux (p. 124).

Cette AA est douée comme un enfant très dégourdi. La tournure sur la phrase inévitable est inévitable, il faut la consacrer sur le terrain de l'intelligence sans pourtant que rien d'édifiant n'ait été dit. Seule une pile de constatations fait office de raison. La consécration de l'intelligence se fait ainsi, au poids, plus qu'en qualité d'analyse.

"Tu es intelligente." (p. 137). Et c'est confirmé et précisé un peu plus loin.

"Tu es une AA intelligente. Peut-être peux-tu vois des choses que nous autre ne voyons pas" (p. 142 et 143).

L'affaire est alors bouclée. L'IA en cause n'est plus une partenaire atypique, ou plutôt si : elle est plus intelligente que la plupart des êtres humains. Le tour - littéraire - est joué, ce personnage ouvre ainsi des possibilités infinies. L'AA est un personnage au même titre que les autres personnes sur page, encore qu'elle soit artificielle, avec donc des originalité que l'on peut lui coller discrétionnairement.

L'ouvrage cède donc au mythe le plus courant et banal de la pensée humaine sur les "robots". Hier, elle avait des vertus d'anticipation - un vague jeu de science-fiction. Aujourd'hui, elle n'a plus que la vertu des vues convenues. Dont il serait cependant utile de sortir. Dans toute analyse de science sociale. La littérature, elle, est libre.

Il ne lui est donc pas interdit d'allier la puissance de pensée à l'intelligence artificielle.

Alors Klara se nourrirait alors d'un autre soleil.





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Page Gallimard, présentation de l'ouvrage


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