Je suis né commercialiste, pourrai-je mourir ainsi ?
Je suis né commercialiste, un jour ou un autre de licence, année dans laquelle les privatistes, qui s'étaient séparés des publicistes, avaient créé un cours annuel de droit commercial en licence (dite aujourd'hui L3). Un Traité assumait ce monde commercial depuis les règles de droit public jusqu'au moindre rôle du juge-commissaire des procédures collectives de paiement.
C'était un temps et un lieu où l'on avait compris que cette spécialisation permet d'animer la vie économique. Et puis les choses ont changé. Le commercial a fondu comme neige au soleil notamment avec les spécialisations du droit des sociétés puis de droit de la concurrence. Après les premières versions du Traité élémentaire de droit commercial, de Georges Ripert (la première édition est de 1947), c'est René Roblot qui a porté le Traité en deux volumes très substantiels mais encore humains : accessibles ! Il a ensuite été subdivisé et chaque volume a pris - justement - du volume.
Une série d'ouvrages se rapproche du traité : les beaux manuels du Prof. DIDIER aux éditions PUF, mais ils sont d'une inspiration autre que celle des traités qui avaient inauguré le XXe siècle. On le dit vite, il serait intéressant de préciser l'idée.
René Roblot, lui, assume le Traité à partir de la 5e édition, donc du début des années 1960 au début des années 1990. Il prend un ouvrage écrit par un civiliste, il laisse un ouvrage réalisé, durant 30 ans, par un commercialiste. La spécialité a été assumée et poussée à un point ultime. La suite en atteste. Il sera ensuite jugé que le Traité doit être dispersé en divers auteurs et diverses matières spécialisées.
Dix ans après, le Code de commerce recodifié à droit constant en 2000 montrera une autre fin du droit commercial, sa mort dans le succès : la maigre partie de monnaie, banque, finance et marché (bourse) est sortie du Code de commerce et nourrit, la même année, une autre codification à droit constant : le nouveau Code monétaire et financier. Le Code de commerce garde cependant les sociétés alors que l'enthousiasme de la doctrine aurait pu conduire à ériger un code des sociétés.
Le Droit commercial est malmené - qui croirait que, dans le même temps, la société ne jure que par l'économie ? Pourrai-je mourir ainsi, commercialiste ? Pour ma part, je pourrai au moins mourir financiariste, le mot est promis à un beau destin puisque la finance surplombe le monde entier. Personne ne veut l'admettre pour préférer rester sur ses anciennes méthodes et vieilles matières.
Voilà cependant que, si la matière a une unité réelle, elle n'a pas l'envergure du Droit commercial. Financiariste... quel drôle de mot, tout de même. Et, à nouveau bien qu'il soit d'évidence qu'il existe un Droit de la finance - simplement son code est mal fichu écrit par des juristes technocrates.
Quand il est moins évident qu'il existe un droit des sociétés ou un droit de la concurrence, les codes et codifications disent quelque chose (que certes ceux qui ont à concevoir les choses ne veulent pas toujours entendre ; mais il existe des codes des sociétés).
Je vais regretter à jamais le Droit commercial, sa pluridisciplinarité, ses racines historiques, ses principes au nez et à la barbe des législateurs, son pragmatisme, ses théories qui rient des spéculations infinies du droit civil, sa prétendue insuffisance technique, sa pré-science des "instruments" que le droit civil ignore encore, ses pointes discrètes de régulation, ses contrats sans la moindre loi qui donne de curieuses annotations de codes, son aptitude à ériger le dogme de la spéculation sans mot dire, sa vision synthétique et rapide des rapports humains, son mariage des institutions et des personnes, ou encore des opérations et de la procédure.
Je vais regretter cette unité de la matière, son esthétique, son charme d'être dans un unité si puissante qu'il aura fallu la détruire.
Un jour sera fait le procès d'un siècle à cheval sur le millénaire pour avoir laissé mourir le droit commercial. En sautant, qui plus est, pour beaucoup, comme des cabris, et en s'écriant simultanément "business law, business law, business law !" Un jour...
Mais pour l'heure tout le monde s'en moque. Personne ne voit qu'un bon droit commercial de pointe aurait donné il y a belle lurette du corps au contrat électronique et à sa signature, ce qui aurait amorcé le droit (du) numérique qui, désormais, est au quatre vents de tous les dangers.
Bon. Que disais-je. Ah, oui, le Droit de la finance...
_____________
L'expression "Droit de la finance", sauf erreur de ma part, est inédite et constitue le moyen de sortir d'hésitations confondantes qui toujours commence par délaisser le fait financier original la monnaie - elle apparaît dans le rapport contractuel avant d'être un objet financier électronique ("digital" disent les surfeurs) de banque centrale. Mais Droit de la finance est un autre crime contre le Droit commercial...
Je suis né commercialiste, un jour ou un autre de licence, année dans laquelle les privatistes, qui s'étaient séparés des publicistes, avaient créé un cours annuel de droit commercial en licence (dite aujourd'hui L3). Un Traité assumait ce monde commercial depuis les règles de droit public jusqu'au moindre rôle du juge-commissaire des procédures collectives de paiement.
C'était un temps et un lieu où l'on avait compris que cette spécialisation permet d'animer la vie économique. Et puis les choses ont changé. Le commercial a fondu comme neige au soleil notamment avec les spécialisations du droit des sociétés puis de droit de la concurrence. Après les premières versions du Traité élémentaire de droit commercial, de Georges Ripert (la première édition est de 1947), c'est René Roblot qui a porté le Traité en deux volumes très substantiels mais encore humains : accessibles ! Il a ensuite été subdivisé et chaque volume a pris - justement - du volume.
Une série d'ouvrages se rapproche du traité : les beaux manuels du Prof. DIDIER aux éditions PUF, mais ils sont d'une inspiration autre que celle des traités qui avaient inauguré le XXe siècle. On le dit vite, il serait intéressant de préciser l'idée.
René Roblot, lui, assume le Traité à partir de la 5e édition, donc du début des années 1960 au début des années 1990. Il prend un ouvrage écrit par un civiliste, il laisse un ouvrage réalisé, durant 30 ans, par un commercialiste. La spécialité a été assumée et poussée à un point ultime. La suite en atteste. Il sera ensuite jugé que le Traité doit être dispersé en divers auteurs et diverses matières spécialisées.
Dix ans après, le Code de commerce recodifié à droit constant en 2000 montrera une autre fin du droit commercial, sa mort dans le succès : la maigre partie de monnaie, banque, finance et marché (bourse) est sortie du Code de commerce et nourrit, la même année, une autre codification à droit constant : le nouveau Code monétaire et financier. Le Code de commerce garde cependant les sociétés alors que l'enthousiasme de la doctrine aurait pu conduire à ériger un code des sociétés.
Le Droit commercial est malmené - qui croirait que, dans le même temps, la société ne jure que par l'économie ? Pourrai-je mourir ainsi, commercialiste ? Pour ma part, je pourrai au moins mourir financiariste, le mot est promis à un beau destin puisque la finance surplombe le monde entier. Personne ne veut l'admettre pour préférer rester sur ses anciennes méthodes et vieilles matières.
Voilà cependant que, si la matière a une unité réelle, elle n'a pas l'envergure du Droit commercial. Financiariste... quel drôle de mot, tout de même. Et, à nouveau bien qu'il soit d'évidence qu'il existe un Droit de la finance - simplement son code est mal fichu écrit par des juristes technocrates.
Quand il est moins évident qu'il existe un droit des sociétés ou un droit de la concurrence, les codes et codifications disent quelque chose (que certes ceux qui ont à concevoir les choses ne veulent pas toujours entendre ; mais il existe des codes des sociétés).
Je vais regretter à jamais le Droit commercial, sa pluridisciplinarité, ses racines historiques, ses principes au nez et à la barbe des législateurs, son pragmatisme, ses théories qui rient des spéculations infinies du droit civil, sa prétendue insuffisance technique, sa pré-science des "instruments" que le droit civil ignore encore, ses pointes discrètes de régulation, ses contrats sans la moindre loi qui donne de curieuses annotations de codes, son aptitude à ériger le dogme de la spéculation sans mot dire, sa vision synthétique et rapide des rapports humains, son mariage des institutions et des personnes, ou encore des opérations et de la procédure.
Je vais regretter cette unité de la matière, son esthétique, son charme d'être dans un unité si puissante qu'il aura fallu la détruire.
Un jour sera fait le procès d'un siècle à cheval sur le millénaire pour avoir laissé mourir le droit commercial. En sautant, qui plus est, pour beaucoup, comme des cabris, et en s'écriant simultanément "business law, business law, business law !" Un jour...
Mais pour l'heure tout le monde s'en moque. Personne ne voit qu'un bon droit commercial de pointe aurait donné il y a belle lurette du corps au contrat électronique et à sa signature, ce qui aurait amorcé le droit (du) numérique qui, désormais, est au quatre vents de tous les dangers.
Bon. Que disais-je. Ah, oui, le Droit de la finance...
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L'expression "Droit de la finance", sauf erreur de ma part, est inédite et constitue le moyen de sortir d'hésitations confondantes qui toujours commence par délaisser le fait financier original la monnaie - elle apparaît dans le rapport contractuel avant d'être un objet financier électronique ("digital" disent les surfeurs) de banque centrale. Mais Droit de la finance est un autre crime contre le Droit commercial...