Quand bâtonnier et avocat - donc des avocats - méconnaissent le Droit, les campagnes publicitaires "Pour avancer dans un monde de Droit" font pâles figures. Un Bâtonnier avait rendu une ordonnance condamnant un client à payer des honoraires (ordonnance dite de taxe) et avait eu la curieuse idée d'assortir sa décision de l'exécution provisoire ; dans toute décision juridictionnelle (jugement, arrêt, ordonnance), cette précision conduit à exécuter une décision malgré un appel ou un recours suspensif.
Les textes ne donnent pas aux Bâtonniers ce pouvoir. Ce dépassement des prérogatives publiques conférées par la loi à un juge (ici pour trancher les litiges relatifs aux honoraires) est connu des "processualistes". Cela s'appelle, en procédure civile, un excès de pouvoir. A hauteur de cassation, un tel excès constitue une cause de cassation, assez rare en pratique : les juges respectent habituellement les pouvoirs que la loi leur donne (voyez quelques exemples dans les annotations du NCPC, éditions DALLOZ, par I. DESPRES et P. GUIOMARD, sous art. 605, éd. 2008, notes 20 et suivantes).
La décision rapportée ci-dessous fait pour le moins mauvais effet.
L'humanisme qui préside au fronton de la profession d'avocat en prend un sérieux coup quand le bâtonnier excède ses pouvoirs ce qui aboutit, concrètement, à entraver les voies de recours. Pour arrêter cette ordonnance, le client a alors assigné son avocat en référé ! Il demandait l'arrêt de l'exécution provisoire, ce qui laisse entendre qu'elle était tentée par l'avocat, d'autant qu'elle avait été confirmée).
Entre temps, en effet, le président du TGI avait lui aussi ordonné l'exécution provisoire alors que la décision de taxe du bâtonnier avait été frappée de recours ! Ce recours s'exerce devant le Premier président de la cour d'appel : c'est une procédure sans représentation d'avocat (...). Or le président du TGI avait rendu sa propre ordonnance sans tenir compte de ce recours ; ces deux excès de pouvoir seront purgés, grâce à l'assignation du client, devant le juge du référé qui suspend cette exécution provisoire.
En effet, M. X... a assigné à bon escient Mme Y... (avocate) en référé, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire. C'est là une procédure spéciale devant le "Premier" (Premier président de la cour d'appel). Plaider ce genre d'affaire est très plaisant car, lorsque le Premier président se prend au jeu, la discussion peut s'élever rapidement en un échange de grande qualité. C'est donc le "Premier" qui a cette fois rendu une ordonnance remettant les choses dans l'ordre : attaquée, sa décision est validée par la Cour de cassation dans l'arrêt ci-dessous rapporté.
Pour parachever la mauvaise image de la profession, on ne fera que mentionner le premier pourvoi en cassation qui, formé par l'avocate mécontente, est déclaré irrecevable... Saisir un juge... pour ce pour quoi il est compétent... c'est un métier...!
Petite info pub : la prochaine publication sur les professionnels du droit évoquera l'acte sous signature juridique professionnelle.
ARRET emprunté à la BASE publique d'information LEGIFRANCE
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 18 juin 2009
N° de pourvoi: 08-14219 08-14856
Publié au bulletin Rejet
M. Gillet (président), président
SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 08-14. 219 et n° P 08-14. 856 :
Sur la recevabilité du pourvoi n° W 08-14. 219, examinée d'office après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 611-1 du code de procédure civile ;
Attendu que, hors le cas où la notification de la décision susceptible de pourvoi incombe au greffe de la juridiction qui l'a rendue, le pourvoi en cassation n'est recevable que si la décision qu'il attaque a été préalablement signifiée ;
Attendu que Mme Y... s'est pourvue en cassation le 23 avril 2008 contre une ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Paris le 7 mars 2008 au profit de M. X... ;
Attendu, cependant, qu'il résulte des productions que cette ordonnance n'a été signifiée que le 5 mai 2008 ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° P 08-14. 856 :
Attendu, selon l'ordonnance de référé attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 mars 2008), que Mme Y..., avocate au barreau de Seine-Saint-Denis, a saisi le bâtonnier de son ordre pour faire taxer les honoraires qui lui étaient dus par M. X..., et qu'après avoir fixé le montant des honoraires mis à la charge du client, le bâtonnier a ordonné l'exécution provisoire de sa décision ; qu'alors que M. X... avait formé un recours contre cette décision, celle-ci a été déclarée exécutoire par le président d'un tribunal de grande instance ; que M. X... a assigné Mme Y... en référé, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de référé d'ordonner la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de taxe du bâtonnier ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 178 du décret du 27 novembre 1991 que le président du tribunal de grande instance ayant seul le pouvoir de rendre la décision exécutoire, le bâtonnier ne peut assortir de l'exécution provisoire la décision qu'il rend en matière d'honoraires, et que ce magistrat ne peut rendre exécutoire la décision du bâtonnier lorsque celle-ci a été déférée au premier président ;
Et attendu que le premier président, saisi en référé d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, a exactement décidé que le bâtonnier ne pouvant rendre sa décision exécutoire, la suspension de l'exécution provisoire devait être ordonnée comme contraire à la loi, et a, par ce seul motif, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que le moyen, pris en sa seconde branche est irrecevable comme contraire aux conclusions déposées par Mme Y... devant le premier président ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois
Les textes ne donnent pas aux Bâtonniers ce pouvoir. Ce dépassement des prérogatives publiques conférées par la loi à un juge (ici pour trancher les litiges relatifs aux honoraires) est connu des "processualistes". Cela s'appelle, en procédure civile, un excès de pouvoir. A hauteur de cassation, un tel excès constitue une cause de cassation, assez rare en pratique : les juges respectent habituellement les pouvoirs que la loi leur donne (voyez quelques exemples dans les annotations du NCPC, éditions DALLOZ, par I. DESPRES et P. GUIOMARD, sous art. 605, éd. 2008, notes 20 et suivantes).
La décision rapportée ci-dessous fait pour le moins mauvais effet.
L'humanisme qui préside au fronton de la profession d'avocat en prend un sérieux coup quand le bâtonnier excède ses pouvoirs ce qui aboutit, concrètement, à entraver les voies de recours. Pour arrêter cette ordonnance, le client a alors assigné son avocat en référé ! Il demandait l'arrêt de l'exécution provisoire, ce qui laisse entendre qu'elle était tentée par l'avocat, d'autant qu'elle avait été confirmée).
Entre temps, en effet, le président du TGI avait lui aussi ordonné l'exécution provisoire alors que la décision de taxe du bâtonnier avait été frappée de recours ! Ce recours s'exerce devant le Premier président de la cour d'appel : c'est une procédure sans représentation d'avocat (...). Or le président du TGI avait rendu sa propre ordonnance sans tenir compte de ce recours ; ces deux excès de pouvoir seront purgés, grâce à l'assignation du client, devant le juge du référé qui suspend cette exécution provisoire.
En effet, M. X... a assigné à bon escient Mme Y... (avocate) en référé, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire. C'est là une procédure spéciale devant le "Premier" (Premier président de la cour d'appel). Plaider ce genre d'affaire est très plaisant car, lorsque le Premier président se prend au jeu, la discussion peut s'élever rapidement en un échange de grande qualité. C'est donc le "Premier" qui a cette fois rendu une ordonnance remettant les choses dans l'ordre : attaquée, sa décision est validée par la Cour de cassation dans l'arrêt ci-dessous rapporté.
Pour parachever la mauvaise image de la profession, on ne fera que mentionner le premier pourvoi en cassation qui, formé par l'avocate mécontente, est déclaré irrecevable... Saisir un juge... pour ce pour quoi il est compétent... c'est un métier...!
Petite info pub : la prochaine publication sur les professionnels du droit évoquera l'acte sous signature juridique professionnelle.
ARRET emprunté à la BASE publique d'information LEGIFRANCE
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 18 juin 2009
N° de pourvoi: 08-14219 08-14856
Publié au bulletin Rejet
M. Gillet (président), président
SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 08-14. 219 et n° P 08-14. 856 :
Sur la recevabilité du pourvoi n° W 08-14. 219, examinée d'office après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 611-1 du code de procédure civile ;
Attendu que, hors le cas où la notification de la décision susceptible de pourvoi incombe au greffe de la juridiction qui l'a rendue, le pourvoi en cassation n'est recevable que si la décision qu'il attaque a été préalablement signifiée ;
Attendu que Mme Y... s'est pourvue en cassation le 23 avril 2008 contre une ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Paris le 7 mars 2008 au profit de M. X... ;
Attendu, cependant, qu'il résulte des productions que cette ordonnance n'a été signifiée que le 5 mai 2008 ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° P 08-14. 856 :
Attendu, selon l'ordonnance de référé attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 mars 2008), que Mme Y..., avocate au barreau de Seine-Saint-Denis, a saisi le bâtonnier de son ordre pour faire taxer les honoraires qui lui étaient dus par M. X..., et qu'après avoir fixé le montant des honoraires mis à la charge du client, le bâtonnier a ordonné l'exécution provisoire de sa décision ; qu'alors que M. X... avait formé un recours contre cette décision, celle-ci a été déclarée exécutoire par le président d'un tribunal de grande instance ; que M. X... a assigné Mme Y... en référé, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de référé d'ordonner la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de taxe du bâtonnier ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 178 du décret du 27 novembre 1991 que le président du tribunal de grande instance ayant seul le pouvoir de rendre la décision exécutoire, le bâtonnier ne peut assortir de l'exécution provisoire la décision qu'il rend en matière d'honoraires, et que ce magistrat ne peut rendre exécutoire la décision du bâtonnier lorsque celle-ci a été déférée au premier président ;
Et attendu que le premier président, saisi en référé d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, a exactement décidé que le bâtonnier ne pouvant rendre sa décision exécutoire, la suspension de l'exécution provisoire devait être ordonnée comme contraire à la loi, et a, par ce seul motif, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que le moyen, pris en sa seconde branche est irrecevable comme contraire aux conclusions déposées par Mme Y... devant le premier président ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois