Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

Fintech, blockchain, digitalisation, justice algorithmique... : science et art juridiques ou mode ?



La mode et la science juridique nous donnent un spectacle d'acteurs survoltés. Certains remplissent les revues. Certains occupent des espaces de l'internet, rarement au plan éditorial, surtout au plan des services : certains proposent des services nouveaux. Les slogans juridiques multivoques fleurissent sur Twitter ou Linkedin. Le pensée est réduite à la formule : rien avant, rien après, si quelques smileys...

Tout cela pour quoi ? Pourquoi tout cela ?

Pour l'innovation.

L'innovation des services juridiques ? Pourquoi pas.

L'innovation dans l'œuvre de la Justice ? Tous ceux qui n'ont jamais rendu un jugement en semblent convaincus. A voir.

L'innovation de l'enseignement juridique ? Evident, il faut de la couleur, de la vidéo, même du ludique. J'y suis raisonnablement sensible.

Mais.

L'innovation juridique pure ? J'en doute.

Les nouveaux concepts juridiques ? J'en doute. Vraiment, marqué par une dernière publication où je n'ai pu résumer simplement ce qu'était une idée juridique faute de repères clairs et accessibles...

L'attrait actuel de certains sujets tient donc au fait principal que la mode s'empare des juristes. Mais il n'est pas certain que les juristes s'emparent véritablement des innovations.

Les grands sujets à la mode sont exploités pour être et paraître (notamment pour des raisons commerciales), non pour innover. On peut parler de dématérialisation - en droit - sans avoir la moindre idée sur le sujet, la moindre connaissance du lent processus qu'elle constitue ou les problématiques fondamentales qu'elle pose... mais néanmoins parler fintech, blockchain, digitalisation, justice algorithmique...

On a vu cela avec cent publications sur l'euro, le sujet de la monnaie ayant été immédiatement abandonné après. On a vu cela avec le contrat électronique. On a vu cela avec la dématérialisation des titres dont on parlait pour ne pas en parler (et je dirai qu'on y est plutôt arrivé).

On pensera donc que, globalement, les juristes n'innoveront guère, suivant tant bien que mal les évolutions technologiques qui pourtant changent la société, les relations sociales et pourtant en bout de chaîne l'Homme.

Pourtant les juristes sont souvent très utiles à la conception et à la mise en œuvre des grands projets économiques (et non pas seulement utiles pour "sécuriser" ou "valider" au plan administratif et à la dernière minute un projet).

Mais cela suppose de véritables innovations juridiques, sur le plan théorique (concepts nouveaux) si possible (ce qui suppose de publier pour susciter un consensus ou au moins un silence approbateur...), sur le plan pratique au moins (agencement original des mécanismes juridiques en vigueur).

Tous les intéressés, notamment les entreprises, doivent savoir reconnaître l'innovation juridique - celle utile - pour ne pas s'engager dans des voies juridiques superficielles, creuses ou stériles. La description de l'état des choses, utile quand il s'agit de relater une loi ou un arrêt, est insuffisant dans les secteurs de la technologie .

Le propos est peut-être pessimiste mais un observateur averti peut noter que, sauf dans quelques matières (le droit constitutionnel ? le droit pénal ?), les juristes ne sont pas dans les débats sociaux et économiques qui déterminent les décisions du pays ou des grandes entreprises.

Alors, quand on parle d'innovation...

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