Les médecins et toutes les professions libérales (réglementées) recourent largement aux sociétés pour organiser leurs moyens communs d'exercice professionnel voire, c'est plus rare, mettre en commun leur clientèle. Lorsqu'ils se séparent les sociétés créées "craquent".
La présente décision indique un montage professionnel avec la dissolution d'une société en participation (art. 1871, C. civ.) et une difficulté sur une SCM, une pure société civile (art. 1845, C. civ.). Le détail des parties montre également la forme de la société de participation financière de profession libérale (SPFP), la multiplication des formes sociales devient ahurissante (...).*
La cour d'appel a eu une motivation généreuse mais qu'elle n’a pas fait prospérer, elle constaté plusieurs causes de dissolution (3 causes en une cause judiciaire !) ; le moyen du pourvoi relate cette motivation :
"la cour d'appel a constaté qu'était justifiée la dissolution de la société, ordonnée par le premier juge, en raison de l'extinction de l'objet social de la société, de l'inexécution des obligations incombant aux associés et de la mésentente paralysant le fonctionnement de la société ; qu'en retenant cependant, pour rejeter cette demande de dissolution, que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement la rendait sans objet, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil..."
La Cour de cassation censure cette motivation et casse l'arrêt d'appel. Ordonner une liquidation pour insuffisance d'actifs n'est pas, et du moins plus, une cause d'extinction de la personne morale ; la société continue d'exister après ce jugement.
Le liquidateur nommé - pour liquider les actifs et aussi payer ce qui peut l'être... - sera donc à la tête d'une personne juridique parfaite.
Cependant une nuance de taille existe, qui ne joue pas sur la personnalité, mais sur sa mission, elle se résume à liquider ; le liquidateur n'est un représentant légal qui n'a pas exactement tous les pouvoirs que le dirigeant social avait (lui devait accomplir l'objet social), il n'a pas vocation à accomplir l'objet social.
Cela se verra. Après la mention de la forme sociale, sur tous les papiers et documents sociaux (et le site internet...), il sera ajouté la mention "société en liquidation". Par exemple : "SAS CAUSSE & Cie, société en liquidation". Utiliser des papiers qui ne respectent pas les mentions légales obligatoires, et qui trompent le public, fait changer de pied et quitter le droit civil : cela conduit au droit pénal...
Après les opérations de liquidation, le liquidateur produit ses comptes au juge. La juridiction prononce alors la clôture de la liquidation, et c'est ce jugement qui met fin à la personne morale (art. 1844-7, 7°).
Ainsi, en période de liquidation pour insuffisance d'actifs, il se peut qu'intervienne une autre cause de dissolution. Son examen par le juge ne peut donc pas être refusé. Ce que fit le juge d'appel. Et si le juge constate la cause, il doit le juger. On rentre alors dans un autre cas légal, même si la liquidation restera - a fortiori - à l'ordre du jour.
On discerne mal l'intérêt qu'il y a à entamer cette action en justice car la société roule à vive allure vers sa dissolution ! Il suffisait d'attendre le jugement de clôture de la liquidation. Peut-être était-ce le moyen de faire constater des fautes... Sans doute ceux qui ont intenté l'action avaient-ils de bonnes raisons d'agir en justice jusqu'à se pourvoir en cassation pour reprocher son arrêt à la cour d'appel. Ce point ne change rien au principe jugé.
La présente décision indique un montage professionnel avec la dissolution d'une société en participation (art. 1871, C. civ.) et une difficulté sur une SCM, une pure société civile (art. 1845, C. civ.). Le détail des parties montre également la forme de la société de participation financière de profession libérale (SPFP), la multiplication des formes sociales devient ahurissante (...).*
La cour d'appel a eu une motivation généreuse mais qu'elle n’a pas fait prospérer, elle constaté plusieurs causes de dissolution (3 causes en une cause judiciaire !) ; le moyen du pourvoi relate cette motivation :
"la cour d'appel a constaté qu'était justifiée la dissolution de la société, ordonnée par le premier juge, en raison de l'extinction de l'objet social de la société, de l'inexécution des obligations incombant aux associés et de la mésentente paralysant le fonctionnement de la société ; qu'en retenant cependant, pour rejeter cette demande de dissolution, que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement la rendait sans objet, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil..."
La Cour de cassation censure cette motivation et casse l'arrêt d'appel. Ordonner une liquidation pour insuffisance d'actifs n'est pas, et du moins plus, une cause d'extinction de la personne morale ; la société continue d'exister après ce jugement.
Le liquidateur nommé - pour liquider les actifs et aussi payer ce qui peut l'être... - sera donc à la tête d'une personne juridique parfaite.
Cependant une nuance de taille existe, qui ne joue pas sur la personnalité, mais sur sa mission, elle se résume à liquider ; le liquidateur n'est un représentant légal qui n'a pas exactement tous les pouvoirs que le dirigeant social avait (lui devait accomplir l'objet social), il n'a pas vocation à accomplir l'objet social.
Cela se verra. Après la mention de la forme sociale, sur tous les papiers et documents sociaux (et le site internet...), il sera ajouté la mention "société en liquidation". Par exemple : "SAS CAUSSE & Cie, société en liquidation". Utiliser des papiers qui ne respectent pas les mentions légales obligatoires, et qui trompent le public, fait changer de pied et quitter le droit civil : cela conduit au droit pénal...
Après les opérations de liquidation, le liquidateur produit ses comptes au juge. La juridiction prononce alors la clôture de la liquidation, et c'est ce jugement qui met fin à la personne morale (art. 1844-7, 7°).
Ainsi, en période de liquidation pour insuffisance d'actifs, il se peut qu'intervienne une autre cause de dissolution. Son examen par le juge ne peut donc pas être refusé. Ce que fit le juge d'appel. Et si le juge constate la cause, il doit le juger. On rentre alors dans un autre cas légal, même si la liquidation restera - a fortiori - à l'ordre du jour.
On discerne mal l'intérêt qu'il y a à entamer cette action en justice car la société roule à vive allure vers sa dissolution ! Il suffisait d'attendre le jugement de clôture de la liquidation. Peut-être était-ce le moyen de faire constater des fautes... Sans doute ceux qui ont intenté l'action avaient-ils de bonnes raisons d'agir en justice jusqu'à se pourvoir en cassation pour reprocher son arrêt à la cour d'appel. Ce point ne change rien au principe jugé.
_____________________
* L'arrêt illustre aussi, implicitement, la différence entre les sociétés de droit commun (une SCM) et les sociétés particulières car, ce montage (SEP + SCM) est évité si l'on recourt une SCP (sociétés civile particulière) ; la remarque se fait car il est ici question de savoir comment on organise l'exercice de professions qui exigent des investissements et une bonne organisation (donc gestion). Modèle de statuts de SCP par le CNM
______________________
Source Légifrance.
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Cassation partielle
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 281 F-D
Pourvoi n° Y 20-13.625
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 AVRIL 2022
La société Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Angiographie Saint-Augustin, a formé le pourvoi n° Y 20-13.625 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [A] [D], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 10],
3°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 4],
4°/ à M. [C] [J], domicilié [Adresse 8],
5°/ à M. [R] [S], domicilié [Adresse 5],
6°/ à M. [U] [B], domicilié [Adresse 9],
7°/ à M. [H] [F], domicilié [Adresse 7],
8°/ à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 3],
9°/ à la société Dr [X] [Y], société de participation financière de profession libérale,
10°/ à la société Dr [C] [J], société de participation financière de profession libérale,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
MM. [J], [S], [B], [F] et [Y] et les sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Silvestri-Baujet, ès qualités, de la SCP Spinosi, avocat de MM. [J], [S], [B], [F] et [Y], et des sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux,19 décembre 2019), MM. [S], [J], [B], [F], [Y], [D], [K] et [T] ont constitué une société en participation, la SDF Cardiologie Saint-Augustin, chargée de fixer les conditions de l'exercice en commun de leur activité de cardiologie, et une société de moyens, la SCM Angiographie Saint-Augustin, destinée à apporter aux associés les moyens matériels pour exercer leur profession.
2. Par un jugement du 17 septembre 2013, devenu définitif, un tribunal de grande instance a prononcé la dissolution de la SDF Cardiologie Saint-Augustin.
3. MM. [D], [T] et [K] ont assigné MM. [S], [B], [J], [F], [Y], les sociétés Dr [E] [Y] et Dr [C] [J] et la SCM Angiographie Saint-Augustin en désignation d'un administrateur provisoire de cette dernière. Les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle en dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin.
4. La SCM Angiographie Saint-Augustin a été mise en liquidation judiciaire par un jugement d'un tribunal de grande instance du 27 octobre 2017, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 28 mars 2018, devenu définitif, la SCP Silvestri-Baujet étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
5. Cette dernière est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, et le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis
Enoncé des moyens
6. Par le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, la SCP Silvestri-Baujet, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SCM Angiographie Saint-Augustin fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné la dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin et de constater que la demande de dissolution de cette société était devenue sans objet en raison de sa liquidation judiciaire prononcée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 28 mars 2018, alors « qu'il résulte de l'article 1844-7 du code civil que la dissolution de la société résulte notamment de l'extinction de son objet ou de justes motifs constatés par le juge, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; que l'ouverture d'une liquidation judiciaire, qui n'entraîne pas la dissolution de la société, n'interdit pas que cette dissolution soit constatée par le juge pour l'une des causes prévues à l'article 1844-7 du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'était justifiée la dissolution de la société, ordonnée par le premier juge, en raison de l'extinction de l'objet social de la société, de l'inexécution des obligations incombant aux associés et de la mésentente paralysant le fonctionnement de la société ; qu'en retenant cependant, pour rejeter cette demande de dissolution, que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement la rendait sans objet, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil. »
7. Par le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, MM. [J], [F], [Y], [B] et [S] et les sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J] font le même grief à l'arrêt, alors « que, conformément à l'article 1844-7 du code civil, la dissolution d'une société peut être prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés qui en paralyse le fonctionnement ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société, qui n'entraîne pas sa dissolution de plein droit, ne fait pas obstacle à ce que cette dissolution soit prononcée pour l'une des causes prévues à l'article susvisé ; qu'en l'espèce, en retenant, pour rejeter la demande de dissolution de la société SCM Angiographie Saint-Augustin, que la liquidation judiciaire prononcée à son encontre la rendait sans objet, lorsqu'elle constatait que la dissolution ordonnée par le premier juge était justifiée au regard de la dissolution définitive de la société SDF Cardiologie Saint-Augustin, de la mésentente manifeste entre associés et de l'inexécution de leurs obligations, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1844-7, 7°, du code civil :
8. En vertu de ce texte, la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.
9. Pour rejeter la demande de dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin formée par MM. [S], [B], [J], [F], [Y] et par les sociétés Dr [E] [Y] et Dr [C] [J], après avoir retenu que c'était par d'exacts motifs, que les débats d'appel ne remettent pas en cause, que la dissolution de cette société avait été ordonnée en considération de la dissolution définitive de la SDF Cardiologie Saint-Augustin, de la mésentente manifeste entre associés et de l'inexécution de leurs obligations, l'arrêt retient que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement rend cette dissolution sans objet.
10. En statuant ainsi, alors que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire d'une société n'entraîne pas sa dissolution de plein droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il constate que la demande de dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin est devenue sans objet en raison de sa liquidation judiciaire prononcée par arrêt du 28 mars 2018 et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; ...
* L'arrêt illustre aussi, implicitement, la différence entre les sociétés de droit commun (une SCM) et les sociétés particulières car, ce montage (SEP + SCM) est évité si l'on recourt une SCP (sociétés civile particulière) ; la remarque se fait car il est ici question de savoir comment on organise l'exercice de professions qui exigent des investissements et une bonne organisation (donc gestion). Modèle de statuts de SCP par le CNM
______________________
Source Légifrance.
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Cassation partielle
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 281 F-D
Pourvoi n° Y 20-13.625
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 AVRIL 2022
La société Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Angiographie Saint-Augustin, a formé le pourvoi n° Y 20-13.625 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [A] [D], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 10],
3°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 4],
4°/ à M. [C] [J], domicilié [Adresse 8],
5°/ à M. [R] [S], domicilié [Adresse 5],
6°/ à M. [U] [B], domicilié [Adresse 9],
7°/ à M. [H] [F], domicilié [Adresse 7],
8°/ à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 3],
9°/ à la société Dr [X] [Y], société de participation financière de profession libérale,
10°/ à la société Dr [C] [J], société de participation financière de profession libérale,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
MM. [J], [S], [B], [F] et [Y] et les sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Silvestri-Baujet, ès qualités, de la SCP Spinosi, avocat de MM. [J], [S], [B], [F] et [Y], et des sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux,19 décembre 2019), MM. [S], [J], [B], [F], [Y], [D], [K] et [T] ont constitué une société en participation, la SDF Cardiologie Saint-Augustin, chargée de fixer les conditions de l'exercice en commun de leur activité de cardiologie, et une société de moyens, la SCM Angiographie Saint-Augustin, destinée à apporter aux associés les moyens matériels pour exercer leur profession.
2. Par un jugement du 17 septembre 2013, devenu définitif, un tribunal de grande instance a prononcé la dissolution de la SDF Cardiologie Saint-Augustin.
3. MM. [D], [T] et [K] ont assigné MM. [S], [B], [J], [F], [Y], les sociétés Dr [E] [Y] et Dr [C] [J] et la SCM Angiographie Saint-Augustin en désignation d'un administrateur provisoire de cette dernière. Les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle en dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin.
4. La SCM Angiographie Saint-Augustin a été mise en liquidation judiciaire par un jugement d'un tribunal de grande instance du 27 octobre 2017, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 28 mars 2018, devenu définitif, la SCP Silvestri-Baujet étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
5. Cette dernière est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, et le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis
Enoncé des moyens
6. Par le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, la SCP Silvestri-Baujet, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SCM Angiographie Saint-Augustin fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné la dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin et de constater que la demande de dissolution de cette société était devenue sans objet en raison de sa liquidation judiciaire prononcée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 28 mars 2018, alors « qu'il résulte de l'article 1844-7 du code civil que la dissolution de la société résulte notamment de l'extinction de son objet ou de justes motifs constatés par le juge, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; que l'ouverture d'une liquidation judiciaire, qui n'entraîne pas la dissolution de la société, n'interdit pas que cette dissolution soit constatée par le juge pour l'une des causes prévues à l'article 1844-7 du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'était justifiée la dissolution de la société, ordonnée par le premier juge, en raison de l'extinction de l'objet social de la société, de l'inexécution des obligations incombant aux associés et de la mésentente paralysant le fonctionnement de la société ; qu'en retenant cependant, pour rejeter cette demande de dissolution, que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement la rendait sans objet, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil. »
7. Par le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, MM. [J], [F], [Y], [B] et [S] et les sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J] font le même grief à l'arrêt, alors « que, conformément à l'article 1844-7 du code civil, la dissolution d'une société peut être prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés qui en paralyse le fonctionnement ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société, qui n'entraîne pas sa dissolution de plein droit, ne fait pas obstacle à ce que cette dissolution soit prononcée pour l'une des causes prévues à l'article susvisé ; qu'en l'espèce, en retenant, pour rejeter la demande de dissolution de la société SCM Angiographie Saint-Augustin, que la liquidation judiciaire prononcée à son encontre la rendait sans objet, lorsqu'elle constatait que la dissolution ordonnée par le premier juge était justifiée au regard de la dissolution définitive de la société SDF Cardiologie Saint-Augustin, de la mésentente manifeste entre associés et de l'inexécution de leurs obligations, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1844-7, 7°, du code civil :
8. En vertu de ce texte, la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.
9. Pour rejeter la demande de dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin formée par MM. [S], [B], [J], [F], [Y] et par les sociétés Dr [E] [Y] et Dr [C] [J], après avoir retenu que c'était par d'exacts motifs, que les débats d'appel ne remettent pas en cause, que la dissolution de cette société avait été ordonnée en considération de la dissolution définitive de la SDF Cardiologie Saint-Augustin, de la mésentente manifeste entre associés et de l'inexécution de leurs obligations, l'arrêt retient que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement rend cette dissolution sans objet.
10. En statuant ainsi, alors que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire d'une société n'entraîne pas sa dissolution de plein droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il constate que la demande de dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin est devenue sans objet en raison de sa liquidation judiciaire prononcée par arrêt du 28 mars 2018 et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; ...