Dans le droit de la concurrence, la vision "globale" de la société marque l'esprit. Il en faut - si on peut dire - pour échapper aux interdictions de "porter atteinte au marché", ou plutôt "aux marchés". Les actes anti-concurrentiels peuvent être le fait de quasiment tout opérateur économique ou de ses représentants (syndicats, fédérations, associations professionnelles...). L'interdiction serait sinon aisément détournée : les entreprises et opérateurs ne s'entendraient pas entre eux mais à travers des personnes ou opérations montées exprès pour cet objectif.
Le droit nouveau est bien là : un champ d'application extensible, des règles compréhensives, des autorités dites de "régulation", des sanctions pécuniaires... Les médecins, qui vivent dans un monde protégé (des clients remboursés... pardon, assurés!), sont anesthésiés de toute concurrence ordinaire et de certaines réalités économiques, grâce à nos cotisations qui poussent à toujours plus de consommation médicale. Dans ce vent favorable, une bourrasque en vent contraire vient de les surprendre et de leur apprendre dans quel monde ils vivent.
La décision du Conseil de la concurrence sanctionne les dépassements des tarifs conventionnels par des médecins spécialistes de secteur 1. Les médecins viennent d’apprendre que le droit de la concurrence existe. Le Conseil de la concurrence a en effet sanctionné divers syndicats de médecins pour s'être concertés sur l'augmentation du tarif des consultations.
Saisi par l'association de consommateurs « Familles rurales » (bravo !), le Conseil de la concurrence sanctionne plusieurs organisations syndicales de médecins(1) pour avoir organisé des ententes entre leurs adhérents – les médecins – afin de provoquer une hausse du prix des consultations. De durées variables selon les syndicats, ces pratiques ont pris place entre la fin de l'année 2001 et le début de 2005.
L’entente est la pratique anti-concurrentielle la plus aisée à comprendre : les opérateurs économiques s’entendent – selon des modes et formes très variables – pour que le consommateur paye plus cher. L’entente a eu ici une forme des plus classiques qui montre la naïveté du milieu professionnel en cause : les syndicats ont diffusé des consignes en vue d'inciter les médecins spécialistes de secteur 1 à augmenter leurs honoraires. Un communiqué du Conseil de la concurrence explique la situation.
Il a constaté que « les organisations syndicales mises en cause ont incité les médecins spécialistes libéraux de secteur 1 à majorer leurs honoraires par une utilisation collective, élargie et, parfois, systématique du « dépassement exceptionnel » (DE) pour compenser l'absence de revalorisation du tarif conventionnel de leurs actes qu'ils n'avaient pu obtenir des Caisses d'assurance-maladie ».
Le DE, qui doit être utilisé avec « tact et mesure », permet en principe au médecin du secteur I de demander des honoraires plus élevés que le tarif conventionnel, lorsque son intervention s'inscrit dans des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du malade. Tous les citoyens ont eu à subir un DE exceptionnel ces dernières années, DE d’une curieuse teneur : rendez-vous rapide (pour ne pas mourir lentement, ou un samedi matin, ou après annulation d’un premier R.-V., ou pour un RV après 18 heures…
La décision ne vaut cependant que pour les DE qui résultent directement de « consignes » et « accords » des médecins. Le problème est que l’on est désormais face à un phénomène culturel amorcé par cette entente médicale et syndicale… Bref, le DE abusif mais ne résultant pas d’une entente prohibée par le Code de commerce ne peut pas être réprimé par le Conseil de la concurrence. On est alors face à un problème mixte de droit de la consommation et de droit de la sécurité sociale. Cette décision est susceptible de faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris, elle n’a donc pas l’autorité de la chose jugée.
Dans son analyse, le Conseil a estimé que la diffusion, par un syndicat médical, de consignes collectives recommandant de recourir au droit au « dépassement exceptionnel », dans le but d'augmenter artificiellement les honoraires en utilisant une faculté devant faire l'objet d'une appréciation individuelle, est constitutive d'une entente sur prix.
Ces pratiques ont, selon le Conseil, « durablement affecté le fonctionnement du secteur de la santé, les dépassements d'honoraires laissés à la charge des patients totalisant près de 180 millions d’euros (€) sur la période ». « Ces pratiques, plus ou moins longues selon les syndicats, ont été largement appliquées par les médecins, ce qui a causé un important dommage à l'économie du secteur, subi essentiellement par les patients du fait du renchérissement du tarif des consultations ». Le Conseil a estimé à 180 millions d'euros environ la majoration indue des honoraires ainsi obtenue auprès des patients. A l’heure où l’on parle des moyens pour améliorer le pouvoir d’achat…
Le Conseil précise, dans son communiqué, qu’il n'entend nullement remettre en cause la légitimité de l'action syndicale, tel n’est pas la difficulté quand il s’agit d’appliquer le droit de la concurrence (droit ayant des sources communautaires, donc supra nationales). L’action des syndicats ne doit pas prendre la forme d'actions concertées entre acteurs économiques conduisant à un renchérissement significatif du prix des prestations rendues. Bref, elle doit s’exercer dans le cadre des libertés existantes : ne pas se faire concurrence n’est pas une liberté !
Les syndicats ont été sanctionnés pour un montant de 814 000 euros
Le Conseil a prononcé des sanctions proportionnées en tenant compte de la gravité des comportements en cause, de l'importance du dommage causé à l'économie et des circonstances propres à chaque organisation ainsi que de ses capacités financières. Il a infligé
• à l'UMESPE, une sanction de 150 000 euros ;
• au CSMF, une sanction de 220 000 euros ;
• à la FMF, une sanction de 34 000 euros ;
• au SML, une sanction de 135 000 euros ;
• au SYNGOF, une sanction de 200 000 euros ;
• au SNPP, une sanction de 37 000 euros ;
• au SNPF, une sanction de 38 000 euros.
Syndicats et leurs sigles : Confédération nationale des associations de médecins libéraux (CNAMLib), Union des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Fédération des médecins de France (FMF), Syndicat des médecins libéraux (SML), Syndicat des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF), Syndicat national des psychiatres privés (SNPP), Syndicat national des pédiatres français (SNP).
Voilà non une ordonnance, mais une décision, en attendant l'arrêt... si appel il y a...
Le droit nouveau est bien là : un champ d'application extensible, des règles compréhensives, des autorités dites de "régulation", des sanctions pécuniaires... Les médecins, qui vivent dans un monde protégé (des clients remboursés... pardon, assurés!), sont anesthésiés de toute concurrence ordinaire et de certaines réalités économiques, grâce à nos cotisations qui poussent à toujours plus de consommation médicale. Dans ce vent favorable, une bourrasque en vent contraire vient de les surprendre et de leur apprendre dans quel monde ils vivent.
La décision du Conseil de la concurrence sanctionne les dépassements des tarifs conventionnels par des médecins spécialistes de secteur 1. Les médecins viennent d’apprendre que le droit de la concurrence existe. Le Conseil de la concurrence a en effet sanctionné divers syndicats de médecins pour s'être concertés sur l'augmentation du tarif des consultations.
Saisi par l'association de consommateurs « Familles rurales » (bravo !), le Conseil de la concurrence sanctionne plusieurs organisations syndicales de médecins(1) pour avoir organisé des ententes entre leurs adhérents – les médecins – afin de provoquer une hausse du prix des consultations. De durées variables selon les syndicats, ces pratiques ont pris place entre la fin de l'année 2001 et le début de 2005.
L’entente est la pratique anti-concurrentielle la plus aisée à comprendre : les opérateurs économiques s’entendent – selon des modes et formes très variables – pour que le consommateur paye plus cher. L’entente a eu ici une forme des plus classiques qui montre la naïveté du milieu professionnel en cause : les syndicats ont diffusé des consignes en vue d'inciter les médecins spécialistes de secteur 1 à augmenter leurs honoraires. Un communiqué du Conseil de la concurrence explique la situation.
Il a constaté que « les organisations syndicales mises en cause ont incité les médecins spécialistes libéraux de secteur 1 à majorer leurs honoraires par une utilisation collective, élargie et, parfois, systématique du « dépassement exceptionnel » (DE) pour compenser l'absence de revalorisation du tarif conventionnel de leurs actes qu'ils n'avaient pu obtenir des Caisses d'assurance-maladie ».
Le DE, qui doit être utilisé avec « tact et mesure », permet en principe au médecin du secteur I de demander des honoraires plus élevés que le tarif conventionnel, lorsque son intervention s'inscrit dans des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du malade. Tous les citoyens ont eu à subir un DE exceptionnel ces dernières années, DE d’une curieuse teneur : rendez-vous rapide (pour ne pas mourir lentement, ou un samedi matin, ou après annulation d’un premier R.-V., ou pour un RV après 18 heures…
La décision ne vaut cependant que pour les DE qui résultent directement de « consignes » et « accords » des médecins. Le problème est que l’on est désormais face à un phénomène culturel amorcé par cette entente médicale et syndicale… Bref, le DE abusif mais ne résultant pas d’une entente prohibée par le Code de commerce ne peut pas être réprimé par le Conseil de la concurrence. On est alors face à un problème mixte de droit de la consommation et de droit de la sécurité sociale. Cette décision est susceptible de faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris, elle n’a donc pas l’autorité de la chose jugée.
Dans son analyse, le Conseil a estimé que la diffusion, par un syndicat médical, de consignes collectives recommandant de recourir au droit au « dépassement exceptionnel », dans le but d'augmenter artificiellement les honoraires en utilisant une faculté devant faire l'objet d'une appréciation individuelle, est constitutive d'une entente sur prix.
Ces pratiques ont, selon le Conseil, « durablement affecté le fonctionnement du secteur de la santé, les dépassements d'honoraires laissés à la charge des patients totalisant près de 180 millions d’euros (€) sur la période ». « Ces pratiques, plus ou moins longues selon les syndicats, ont été largement appliquées par les médecins, ce qui a causé un important dommage à l'économie du secteur, subi essentiellement par les patients du fait du renchérissement du tarif des consultations ». Le Conseil a estimé à 180 millions d'euros environ la majoration indue des honoraires ainsi obtenue auprès des patients. A l’heure où l’on parle des moyens pour améliorer le pouvoir d’achat…
Le Conseil précise, dans son communiqué, qu’il n'entend nullement remettre en cause la légitimité de l'action syndicale, tel n’est pas la difficulté quand il s’agit d’appliquer le droit de la concurrence (droit ayant des sources communautaires, donc supra nationales). L’action des syndicats ne doit pas prendre la forme d'actions concertées entre acteurs économiques conduisant à un renchérissement significatif du prix des prestations rendues. Bref, elle doit s’exercer dans le cadre des libertés existantes : ne pas se faire concurrence n’est pas une liberté !
Les syndicats ont été sanctionnés pour un montant de 814 000 euros
Le Conseil a prononcé des sanctions proportionnées en tenant compte de la gravité des comportements en cause, de l'importance du dommage causé à l'économie et des circonstances propres à chaque organisation ainsi que de ses capacités financières. Il a infligé
• à l'UMESPE, une sanction de 150 000 euros ;
• au CSMF, une sanction de 220 000 euros ;
• à la FMF, une sanction de 34 000 euros ;
• au SML, une sanction de 135 000 euros ;
• au SYNGOF, une sanction de 200 000 euros ;
• au SNPP, une sanction de 37 000 euros ;
• au SNPF, une sanction de 38 000 euros.
Syndicats et leurs sigles : Confédération nationale des associations de médecins libéraux (CNAMLib), Union des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Fédération des médecins de France (FMF), Syndicat des médecins libéraux (SML), Syndicat des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF), Syndicat national des psychiatres privés (SNPP), Syndicat national des pédiatres français (SNP).
Voilà non une ordonnance, mais une décision, en attendant l'arrêt... si appel il y a...