Comme les "Martine", La blockchain fait le bitcoin, La blockchain face à la gestion des titres, La blockchaine embellit le crowdfunding, La blockchain dans le commerce international... Les juristes cherchent la révolution à venir, au motif de la comprendre mais peut-être pour mieux l'éteindre ou au moins l'étreindre de leur baiser du classicisme.
Sur le JDN, la blockchain et la gestion des titres
Tout en droit, depuis quelques siècles, quelle que soit l'ampleur du mouvement ou de l'innovation, finit en chose, en contrat, en responsabilité... Bref en quatre ou cinq réalités juridiques. L'évolution est soumise à une sorte de principe d'inertie. Quels que soient les problèmes, les innovations, les technologies... la méthode juridique romano-germanique fusionne tout en quelques notions et rapports... et ça marche.
Cela fonctionne ou fonctionne plutôt. Juriste et Droit gardent leur empire, ou du moins gardent un vaste territoire pour agir (penser l'organisation sociale, adopter des règles, rédiger des contrats, dire la justice). Ce territoire a des contreforts remarquables : l'Etat, la Législateur, la Justice. Tous utilisent le droit comme premier instrument.
Et voilà bien le lien avec la blockchain : pour les animateurs de blockchain qui prétendent que ses inscriptions valent monnaie, la monnaie étatique (celle que nous connaissons, faisons l'impasse sur le caractère international et/ou fédéral de l'euro) est un processus en voie d'extinction. Ils investissent donc dans la structure qui a d'ores et déjà vocation à remplacer la monnaie centralisée et technocratique étatique.
L'événement ne tombe pas soudainement du ciel. La société civile (et commerciale !) ne peut pas s'attaquer à un symbole fort de l'Etat sans avoir préparé son attaque. Et de fait, il semble que le droit perde du terrain dans le champ social.
En perspective relative, le droit perd du terrain à moins qu'il ne faille dire que ces conquêtes de territoires sont plus formelles que réelles. Les juristes et le droit perdent du terrain : l'avènement de pans sociaux réduisent sa place, son prestige et sa force (1). Les juristes peuvent peut-être cette fois se faire du souci, pour eux et leur matière ou, au contraire, pour les imaginatifs, rêveurs ou rebelles, rêver du grand soir.
La blockchain devrait changer le monde, du moins si l'on en croit les analystes du moment - certes parfois de passage. L'informatique a changé le monde sans véritablement (sûr ?) changer le droit, mais là, avec la blockchain, on dirait que l'on est à un point de basculement, ce n'est pas impossible.
Tout y conduit sous la forme de multiples évolutions où l'informatique a son rôle. Les formes nouvelles de la liberté (du moins ici, en Europe), le rapport nouveau à l'autorité (qui se réduit), l'esprit collaboratif (qui fait s'évaporer le pouvoir), le rapport à la connaissance (vous lisez et écoutez gratuitement sur le web...), le rapport aux échanges économiques (ubérisation ou renouvellement des intermédiaires)... tout à l'air de craquer de façon assez importante.
Les juristes, souvent assez conservateurs, sont assez mal placés pour sauver le droit, leur matière. Même les juristes qui souhaitent des "progrès" raisonnent en terme classique avec une règle généralement centrale d'une société très organisée et centralisée. En somme, ce modèle devrait s'imposer comme principe de toute organisation sociale.
Or, justement, le sujet du blockchain renouvelle le débat et le recentre sur la force des technologies nouvelles. En tout cas est-il propice à le faire.
Dans cette ligne de débats, et singulièrement sur le terrain de la dématérialisation, l'expérience de trente ans n'est pas pleinement rassurant. Les juristes ont eu du mal à analyser la dématérialisation qui a envahi la Finance depuis les années 80. Elle a été fulgurante et générale (dématérialisation des transactions boursières, des titres, dématérialisations des échanges interbancaires, des relations clients et banques).
On attend encore le travail de synthèse sur le sujet, alors que la dématérialisation se pose désormais de façon plus large. Et je crois qu'on l'attendra encore : il faudrait une université dans un meilleur état et un recherche plus organisée pour attaquer un tel sujet. Il me semble, mais j'ai peut-être raté deux ou trois auteurs majeurs, que le sujet n'a ni été entrepris ni abouti à une conception édifiante de la dématérialisation.
On peut ainsi avoir le sentiment que les juristes n'ont rien tiré d'essentiel de cette vaste dématérialisation. Or, voilà que la dématérialisation concerne désormais non plus les choses et les relations conventionnelles connues ou des groupes connus (la société commerciale). La dématérialisation - la blockchain - réinvente ces trois plans à partir de rien ou presque, ce qui met même en cause le concept de dématérialisation (pas même encore cerné tel qu'il résulte de 50 ans de pratique : eh oui, tant que ça...
Nous gardons cette analyse d'une influence sur trois plans pour une meilleure occasion, et nous passons à l'actualité.
Sur le JDN, la blockchain et la gestion des titres
Tout en droit, depuis quelques siècles, quelle que soit l'ampleur du mouvement ou de l'innovation, finit en chose, en contrat, en responsabilité... Bref en quatre ou cinq réalités juridiques. L'évolution est soumise à une sorte de principe d'inertie. Quels que soient les problèmes, les innovations, les technologies... la méthode juridique romano-germanique fusionne tout en quelques notions et rapports... et ça marche.
Cela fonctionne ou fonctionne plutôt. Juriste et Droit gardent leur empire, ou du moins gardent un vaste territoire pour agir (penser l'organisation sociale, adopter des règles, rédiger des contrats, dire la justice). Ce territoire a des contreforts remarquables : l'Etat, la Législateur, la Justice. Tous utilisent le droit comme premier instrument.
Et voilà bien le lien avec la blockchain : pour les animateurs de blockchain qui prétendent que ses inscriptions valent monnaie, la monnaie étatique (celle que nous connaissons, faisons l'impasse sur le caractère international et/ou fédéral de l'euro) est un processus en voie d'extinction. Ils investissent donc dans la structure qui a d'ores et déjà vocation à remplacer la monnaie centralisée et technocratique étatique.
L'événement ne tombe pas soudainement du ciel. La société civile (et commerciale !) ne peut pas s'attaquer à un symbole fort de l'Etat sans avoir préparé son attaque. Et de fait, il semble que le droit perde du terrain dans le champ social.
En perspective relative, le droit perd du terrain à moins qu'il ne faille dire que ces conquêtes de territoires sont plus formelles que réelles. Les juristes et le droit perdent du terrain : l'avènement de pans sociaux réduisent sa place, son prestige et sa force (1). Les juristes peuvent peut-être cette fois se faire du souci, pour eux et leur matière ou, au contraire, pour les imaginatifs, rêveurs ou rebelles, rêver du grand soir.
La blockchain devrait changer le monde, du moins si l'on en croit les analystes du moment - certes parfois de passage. L'informatique a changé le monde sans véritablement (sûr ?) changer le droit, mais là, avec la blockchain, on dirait que l'on est à un point de basculement, ce n'est pas impossible.
Tout y conduit sous la forme de multiples évolutions où l'informatique a son rôle. Les formes nouvelles de la liberté (du moins ici, en Europe), le rapport nouveau à l'autorité (qui se réduit), l'esprit collaboratif (qui fait s'évaporer le pouvoir), le rapport à la connaissance (vous lisez et écoutez gratuitement sur le web...), le rapport aux échanges économiques (ubérisation ou renouvellement des intermédiaires)... tout à l'air de craquer de façon assez importante.
Les juristes, souvent assez conservateurs, sont assez mal placés pour sauver le droit, leur matière. Même les juristes qui souhaitent des "progrès" raisonnent en terme classique avec une règle généralement centrale d'une société très organisée et centralisée. En somme, ce modèle devrait s'imposer comme principe de toute organisation sociale.
Or, justement, le sujet du blockchain renouvelle le débat et le recentre sur la force des technologies nouvelles. En tout cas est-il propice à le faire.
Dans cette ligne de débats, et singulièrement sur le terrain de la dématérialisation, l'expérience de trente ans n'est pas pleinement rassurant. Les juristes ont eu du mal à analyser la dématérialisation qui a envahi la Finance depuis les années 80. Elle a été fulgurante et générale (dématérialisation des transactions boursières, des titres, dématérialisations des échanges interbancaires, des relations clients et banques).
On attend encore le travail de synthèse sur le sujet, alors que la dématérialisation se pose désormais de façon plus large. Et je crois qu'on l'attendra encore : il faudrait une université dans un meilleur état et un recherche plus organisée pour attaquer un tel sujet. Il me semble, mais j'ai peut-être raté deux ou trois auteurs majeurs, que le sujet n'a ni été entrepris ni abouti à une conception édifiante de la dématérialisation.
On peut ainsi avoir le sentiment que les juristes n'ont rien tiré d'essentiel de cette vaste dématérialisation. Or, voilà que la dématérialisation concerne désormais non plus les choses et les relations conventionnelles connues ou des groupes connus (la société commerciale). La dématérialisation - la blockchain - réinvente ces trois plans à partir de rien ou presque, ce qui met même en cause le concept de dématérialisation (pas même encore cerné tel qu'il résulte de 50 ans de pratique : eh oui, tant que ça...
Nous gardons cette analyse d'une influence sur trois plans pour une meilleure occasion, et nous passons à l'actualité.
Un vol de 36 ou 50 M$ sur la blockchain de l'ether (des ethers) alerte sur la sécurité de la blockchain.
Dans le mouvement général d'enthousiasme, on pousse la blockchain qui voudrait être monétaire en tête des innovations. On reste dubitatif sur le fait que cent Etats forts et organisés laissent de géniaux bricoleurs de l'informatique détruire ou concurrencer l'ordre (certes relatif) monétaire.
Pour le moment, il est vrai, la capacité d'anticipation des autorités est faible (on parle des ministères et des banques centrales, les parlements sont déconnectés) : personne ne pense comme le voisin et, en tout cas, on laisse dire qu'il y a des monnaies virtuelles ou crypto-monnaies (ce n'est pas le cas de la Banque de France et on salue cette position).
Si on n'était pas convaincu que l'Etat a perdu son droit (sa connaissance et sa maîtrise), on jugerait cette situation déroutante. Mais comme nous pensons que l'Etat est noyé dans l'immensité et la profondeur de la masse de textes, sans principe et sans cohérence, qu'il adopte à longueur de journée, on comprend qu'aucune position claire ne puisse être donnée sur la blockchain - spécialement sur celle de nature prétendument monétaire (celle des des bitcoins, éthers et autres).
C'est ainsi, certains Etats ont un peu réinventé le Far West.
Après quelques catastrophes de "crypto-monnaie", les Etats et Banques centrales devraient réagir.
Il y a toujours un moment où la cavalerie arrive, mais du sang a déjà coulé.
Ces derniers jours, une catastrophe est intervenue avec le "vol" de plusieurs millions de RIEN évalués à plusieurs dizaines de millions de dollars US.
Un vol remet en cause la blockchain de nature monétaire
Alors, après le vol de banque (ici la blockchain), voilà que s'engage la poursuite du shérif.
La Réplique de Ethereum
La conclusion sera simple : la blockchain semble être une technologie de véritable rupture mais il se pourrait que son application à la création et à la circulation monétaires soit décevante, sauf pour les amateurs de Westerns !
-----------
(1) Par rapport aux nouveaux domaines (depuis 100 ans), le droit n'est plus ce qu'il était : par rapport à la finance, par rapport à l'informatique, par rapport à Internet, au sport, par rapport à l'art populaire médiatique (le complexe télé-radio), par rapport à l'économie.... Le droit pèse moins, le fait qu'il y ait plus de lois ne signifie pas que le droit garde sa place - on ne prend pas la peine d'argumenter. Voyez, en pratique, on écoute très peu les juristes, beaucoup plus les sociologues ou les économistes avec, ces dernières années, un retour des philosophes. C'est sans doute un signe. A la limite voit-on le juriste percer au plan national lorsqu'il parle Justice.
Pour le moment, il est vrai, la capacité d'anticipation des autorités est faible (on parle des ministères et des banques centrales, les parlements sont déconnectés) : personne ne pense comme le voisin et, en tout cas, on laisse dire qu'il y a des monnaies virtuelles ou crypto-monnaies (ce n'est pas le cas de la Banque de France et on salue cette position).
Si on n'était pas convaincu que l'Etat a perdu son droit (sa connaissance et sa maîtrise), on jugerait cette situation déroutante. Mais comme nous pensons que l'Etat est noyé dans l'immensité et la profondeur de la masse de textes, sans principe et sans cohérence, qu'il adopte à longueur de journée, on comprend qu'aucune position claire ne puisse être donnée sur la blockchain - spécialement sur celle de nature prétendument monétaire (celle des des bitcoins, éthers et autres).
C'est ainsi, certains Etats ont un peu réinventé le Far West.
Après quelques catastrophes de "crypto-monnaie", les Etats et Banques centrales devraient réagir.
Il y a toujours un moment où la cavalerie arrive, mais du sang a déjà coulé.
Ces derniers jours, une catastrophe est intervenue avec le "vol" de plusieurs millions de RIEN évalués à plusieurs dizaines de millions de dollars US.
Un vol remet en cause la blockchain de nature monétaire
Alors, après le vol de banque (ici la blockchain), voilà que s'engage la poursuite du shérif.
La Réplique de Ethereum
La conclusion sera simple : la blockchain semble être une technologie de véritable rupture mais il se pourrait que son application à la création et à la circulation monétaires soit décevante, sauf pour les amateurs de Westerns !
-----------
(1) Par rapport aux nouveaux domaines (depuis 100 ans), le droit n'est plus ce qu'il était : par rapport à la finance, par rapport à l'informatique, par rapport à Internet, au sport, par rapport à l'art populaire médiatique (le complexe télé-radio), par rapport à l'économie.... Le droit pèse moins, le fait qu'il y ait plus de lois ne signifie pas que le droit garde sa place - on ne prend pas la peine d'argumenter. Voyez, en pratique, on écoute très peu les juristes, beaucoup plus les sociologues ou les économistes avec, ces dernières années, un retour des philosophes. C'est sans doute un signe. A la limite voit-on le juriste percer au plan national lorsqu'il parle Justice.