Les cabinets qui ont rédigé des clauses de non-concurrence de salariés, et souvent aussi dirigeants sociaux, qui ont cédé leur participation, peuvent être inquiets. La cession d'une entreprise, sous la forme de la cessions d'un bloc de parts sociales ou d'actions, s'imagine en interdisant par une clause au cédant, salarié et/ou dirigeant social, de faire concurrence à la société cédée.
La jurisprudence accepte le principe de cette clause mais sous une série de conditions (V. Mémento F. L. Sociétés commerciales 2014, en illustration) dont la liste s'allonge. Les étudiants veilleront car voilà qui ferait un beau sujet d'examen...
La Cour de cassation refuse de reconnaître la validité de ces clauses si elles ne sont pas légitimes et proportionnées, soit limitées dans le temps et dans l'espace, et si elles n'ont pas de contreparties financières. Voilà des conditions qui appellent de la technique contractuelle pour bien montrer au juge, en cas de contentieux, que le droit positif a été respecté.
Les rédacteurs d'actes peuvent s'inquiéter de l'efficacité des actes qu'ils ont rédigés pour leurs clients. L'inquiétude tient au fait qu'il faut avoir rédigé nouvellement cette clause depuis quelques années ou mois, notamment en incluant une contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence stipulée à la charge du cédant. N'était-il pas prudent et de bon conseil d'introduire dans ces actes des clauses de non-concurrence comportant de sérieuses limitations et une indemnité ? Certes la jurisprudence éclaire la situation nouvellement, mais le rôle du conseil est - en pratique sinon toujours en droit - d'anticiper les risques juridiques, notamment en proposant des clauses modérées ?
Certains le plaideront alors surtout qu'ils souligneront avoir choisi un cabinet international qui prend des honoraires spectaculaires...! Citons les décisions significatives qui témoignent de la difficulté nouvellement tranchée.
La jurisprudence accepte le principe de cette clause mais sous une série de conditions (V. Mémento F. L. Sociétés commerciales 2014, en illustration) dont la liste s'allonge. Les étudiants veilleront car voilà qui ferait un beau sujet d'examen...
La Cour de cassation refuse de reconnaître la validité de ces clauses si elles ne sont pas légitimes et proportionnées, soit limitées dans le temps et dans l'espace, et si elles n'ont pas de contreparties financières. Voilà des conditions qui appellent de la technique contractuelle pour bien montrer au juge, en cas de contentieux, que le droit positif a été respecté.
Les rédacteurs d'actes peuvent s'inquiéter de l'efficacité des actes qu'ils ont rédigés pour leurs clients. L'inquiétude tient au fait qu'il faut avoir rédigé nouvellement cette clause depuis quelques années ou mois, notamment en incluant une contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence stipulée à la charge du cédant. N'était-il pas prudent et de bon conseil d'introduire dans ces actes des clauses de non-concurrence comportant de sérieuses limitations et une indemnité ? Certes la jurisprudence éclaire la situation nouvellement, mais le rôle du conseil est - en pratique sinon toujours en droit - d'anticiper les risques juridiques, notamment en proposant des clauses modérées ?
Certains le plaideront alors surtout qu'ils souligneront avoir choisi un cabinet international qui prend des honoraires spectaculaires...! Citons les décisions significatives qui témoignent de la difficulté nouvellement tranchée.
Un premier arrêt souligna la difficulté le 15 mars 2011. Il concernait un pacte d'actionnaires et non une cession d'actions ou de parts sociales. La décision refusait toute valeur à la clause de non-concurrence pour défaut de contrepartie financière. Certains auteurs en avaient clairement déduit le jeu des conditions de la clause de non-concurrence en droit du travail (intérêt pour la société, limite dans le temps et l'espace et contrepartie financière). Mais de nombreux autres, dont divers spécialistes de droit des sociétés, ne l'entendaient pas ainsi.
Un second arrêt donnait à nouveau l'alerte en annulant une clause de non-concurrence le 13 décembre 2011 (n° 10-21653 ): le cédant s’était interdit de vendre à des professionnels pendant une certaine période, alors que ce commerce se fait avec eux et de recruter du personnel de la société pendant 5 ans, il était en outre soumis à des contrôles de l’acquéreur ! La clause a été annulée au motif qu’elle était « gravement attentatoire à la liberté commerciale ».
Un troisième arrêt clarifie la situation à propos d'une cession d'actions d'un dirigeant majoritaire. La cession de société (entreprise) et la nullité de la clause de non-concurrence du dirigeant salarié, arrêt non-publié : Cass. com., 12 février 2013, n° 12-13726 (commentaire Y. PICOT, D. 2013, Chron. Concurrence, 2812) .
Lisez l'arrêt extrait de Legifrance
Un arrêt encore plus récent confirme la situation du droit positif (Com. 8 oct. 2013, n° 12-25984, D. 2013. 2398 ; D. 2013, 2741, note T. Favario). Comme le dit le Professeur PICOT cette décision a la forme d'un arrêt de principe - on note l'attendu magistral qui fait chapeau de la décision ; néanmoins, l'arrêt n'est pas publié au Bulletin de la Cour de cassation.
Lisez l'arrêt
On reprend cet attendu précédé du visa "Vu les articles 1131 et 1134 du code civil" :
"Attendu qu'une clause de non-concurrence prévue à l'occasion de la cession de droits sociaux est licite à l'égard des actionnaires qui la souscrivent dès lors qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ; que sa validité n'est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière que dans le cas où ces associés ou actionnaires avaient, à la date de leur engagement, la qualité de salariés de la société qu'ils se sont engagés à ne pas concurrencer".
Le cédant et/ou dirigeant bénéficie de la protection de ces conditions que s'il avait la qualité de salarié. Dans ce cas, outre l'intérêt légitime et la limitation de la clause, une contrepartie financière doit avoir été stipulée. A défaut, la clause est nulle et libère le cédant et/ou dirigeant social qui peut exercer l'activité qu'il veut. En l'espèce, le cédant n'avait as la qualité de salarié au jour de la cession qu'il a signée, la cour d'appel a donc étendu à tort les conditions précitées à la clause de non-concurrence qu'il avait signé.
Trois observations feront la conclusion.
La liberté du commerce et d'entreprendre grimpe à l'aune de la limitation de la concurrence, il y a beaucoup à dire sur le sujet qui ne doit pas faire oublier la garantie d'éviction dont bénéficie l'acquéreur, le cessionnaire, contre le vendeur, le cédant, ni l'interdiction d'actes de concurrence déloyale de ce dernier.
Pratiquement, des clauses de non-concurrence peuvent être stipulées, mais elles appellent davantage d'art dans la technique contractuelle. Il faut arriver à un équilibre entre contrainte du cédant, indemnité de ce dernier et menace réelle du cédant sur la reprise que constitue une acquisition de bloc de contrôle.
Philosophiquement, Jean de la Fontaine en aurait écrit une fable dont la morale eût été qu'en achetant une entreprise ou société on n'en achète point l'homme qui en décide quand il en est salarié, encore qu'il la dirige.
Il convient donc de procéder à une rédaction raisonnable d’une telle clause, qui doit en particulier éviter l’écueil d’une atteinte grave à la liberté commerciale du cédant. A défaut, le « rattrapage » à partir du droit commun pour l’acquéreur est complexe. Celui-ci peut toujours, en l’absence de clause de non concurrence ou si celle-ci est nulle, invoquer la garantie d’éviction (C. civ. art. 1626). Mais celle-ci ne joue qu’à des conditions très précises : preuve que le cédant a commis des actes de nature à constituer des reprises des titres cédés ou des atteintes aux activités telles qu’elles empêchent la poursuite de l’activité économique de la société et de réaliser l’objet social. L’acheteur peut aussi mettre en cause, s’il prouve des actes de concurrence déloyale,
Un second arrêt donnait à nouveau l'alerte en annulant une clause de non-concurrence le 13 décembre 2011 (n° 10-21653 ): le cédant s’était interdit de vendre à des professionnels pendant une certaine période, alors que ce commerce se fait avec eux et de recruter du personnel de la société pendant 5 ans, il était en outre soumis à des contrôles de l’acquéreur ! La clause a été annulée au motif qu’elle était « gravement attentatoire à la liberté commerciale ».
Un troisième arrêt clarifie la situation à propos d'une cession d'actions d'un dirigeant majoritaire. La cession de société (entreprise) et la nullité de la clause de non-concurrence du dirigeant salarié, arrêt non-publié : Cass. com., 12 février 2013, n° 12-13726 (commentaire Y. PICOT, D. 2013, Chron. Concurrence, 2812) .
Lisez l'arrêt extrait de Legifrance
Un arrêt encore plus récent confirme la situation du droit positif (Com. 8 oct. 2013, n° 12-25984, D. 2013. 2398 ; D. 2013, 2741, note T. Favario). Comme le dit le Professeur PICOT cette décision a la forme d'un arrêt de principe - on note l'attendu magistral qui fait chapeau de la décision ; néanmoins, l'arrêt n'est pas publié au Bulletin de la Cour de cassation.
Lisez l'arrêt
On reprend cet attendu précédé du visa "Vu les articles 1131 et 1134 du code civil" :
"Attendu qu'une clause de non-concurrence prévue à l'occasion de la cession de droits sociaux est licite à l'égard des actionnaires qui la souscrivent dès lors qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ; que sa validité n'est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière que dans le cas où ces associés ou actionnaires avaient, à la date de leur engagement, la qualité de salariés de la société qu'ils se sont engagés à ne pas concurrencer".
Le cédant et/ou dirigeant bénéficie de la protection de ces conditions que s'il avait la qualité de salarié. Dans ce cas, outre l'intérêt légitime et la limitation de la clause, une contrepartie financière doit avoir été stipulée. A défaut, la clause est nulle et libère le cédant et/ou dirigeant social qui peut exercer l'activité qu'il veut. En l'espèce, le cédant n'avait as la qualité de salarié au jour de la cession qu'il a signée, la cour d'appel a donc étendu à tort les conditions précitées à la clause de non-concurrence qu'il avait signé.
Trois observations feront la conclusion.
La liberté du commerce et d'entreprendre grimpe à l'aune de la limitation de la concurrence, il y a beaucoup à dire sur le sujet qui ne doit pas faire oublier la garantie d'éviction dont bénéficie l'acquéreur, le cessionnaire, contre le vendeur, le cédant, ni l'interdiction d'actes de concurrence déloyale de ce dernier.
Pratiquement, des clauses de non-concurrence peuvent être stipulées, mais elles appellent davantage d'art dans la technique contractuelle. Il faut arriver à un équilibre entre contrainte du cédant, indemnité de ce dernier et menace réelle du cédant sur la reprise que constitue une acquisition de bloc de contrôle.
Philosophiquement, Jean de la Fontaine en aurait écrit une fable dont la morale eût été qu'en achetant une entreprise ou société on n'en achète point l'homme qui en décide quand il en est salarié, encore qu'il la dirige.
Il convient donc de procéder à une rédaction raisonnable d’une telle clause, qui doit en particulier éviter l’écueil d’une atteinte grave à la liberté commerciale du cédant. A défaut, le « rattrapage » à partir du droit commun pour l’acquéreur est complexe. Celui-ci peut toujours, en l’absence de clause de non concurrence ou si celle-ci est nulle, invoquer la garantie d’éviction (C. civ. art. 1626). Mais celle-ci ne joue qu’à des conditions très précises : preuve que le cédant a commis des actes de nature à constituer des reprises des titres cédés ou des atteintes aux activités telles qu’elles empêchent la poursuite de l’activité économique de la société et de réaliser l’objet social. L’acheteur peut aussi mettre en cause, s’il prouve des actes de concurrence déloyale,