Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

Annulation des assurances-vie

Je signalais il y a peu un arrêt de cassation majeur sur l'assurance-vie. Il donne une leçon de droit aux assureurs et banquiers. Voyons ces leçons.



L'arrêt du 7 mars 2006, de la deuxième chambre cicile, apporte diverses précisions.

Vous allez pouvoir savoir si votre contrat est valable. Naturellement, ce court article ne comporte pas tous les "vices" que les assurances-vie soufrrent en raison de la négligence de la chose juridique par le management des grandes compagnies. Voyons ces leçons.

I. Des leçons encore ignorées par les meilleurs ouvrages

Le Code des assurances qui vient d'être publié par LexisNexis, Litec (mai 2006), ne comporte pas cette référence majeure (l'ouvrage était sans doute sous presse) à l'arrêt du 7 mars. L'annotation sous l'article L. 132-5-2 en dit long : un arrêt de la Cour de Paris, qui anticipait l'arrêt de cassation est relaté comme une jurisprudence minoritaire. Les assureurs apprécieront cette analyse toute à leur faveur. Mais l'arrêt de cassation qui a suivi en fait la jurisprudence majoritaire, malgré l'opposition de nombreux auteurs qui se trouvent déjugés.

II. Ces mauvais contrats d'assurance-vie

La plupart des contrats d'assuranc-vie sont mal rédigés. On peut y renoncer car il manque un (ou plusieurs) document(s) d'information.

La Cour de cassation vient de le confirmer juste après la réforme des articles en cause par la loi du 15 décembre 2005. Celle-ci consacre toujours un droit de renonciation.

La Cour de cassation a confirmé la mauvaise rédaction de nombreux contrats d'assurance-vie. On avait fait cette analyse il y a quelques mois (H. Causse, Rédaction des contrats d’assurance-vie : lacunes et sanctions, Petites affiches Matot Braine, 21 nov. 2005). On était alors une doctrine isolée.

III. La perpétuation du droit de renonciation au contrat

La mauvaise rédaction des contrats implique la perpétuation du droit à renonciation. Celui-ci est d'habitude d'un mois.

Cependant, quand le contrat ne comprend pas tous les documents utiles, ce droit à renonciation est perpétué et ce automatiquement. Les juges ont eu du mal à appliquer cette règle, pourtant claire.


IV. Le Code des assurances est conforme au Droit communautaire

L'arrêt précise que le code des assurances est conforme à la directive européenne sur le sujet (les assureurs ne l'avaient jamais critiquée !).Il pose en outre quelques vérités.

La perpétuation du droit à renonciation est acquise s'il manque un document

L'assureur doit remettre un contrat (conditions générales) et une notice d'information. La Cour refuse d'entrer dans la discussion de savoir si les conditions générales dispensaient d'avoir une notie. Une est juridique et complète, l'autre plus pragmatique et technique : il faut les deux.

Si l'assureur ne vous a pas remis deux documents, vous pouvez renoncer à votre contrat. Si votre contrat est investi en titres ou unités de comptes, qui ont perdu de la valeur, votre assureur subira la perte. Il doit en effet vous rembourser le capital initial (ou complémentaire) versé.

Les assureur vont prochainement compléter leurs contrats

En effet, s'il manque un document, le droit de renonciation s'est perpétué. Il y a donc des assureurs qui vont envoyer des documents dans les prochains mois, du style je fais une mise à jour de votre contrat... Un mois après réception, le droit à renonciation s'éteindra. Le souscripteur ne pourra plus, par lettre recommandée avec avis de réception, renoncer unilatéralement.

V. La renonciation est une prérogative de plein droit

En cas de problème sur les documents, le droit à renonciation est de plein droit. Le juge n'a pas le pouvoir de considérer que la renonciation est abusive ou malvenue. L'arrêt est très clair, seul le souscripteur est titulaire du droit de renonciation, le juge ne peut que constater qu'il existait et qu'il a été exercé. Le juge du fond (tribunal de premier degré ou cour d'appel) n'a donc pas de pouvoir d'appréciation.

VI. Le droit de renonciation est arbitraire (discrétionnaire)

Les deux termes disent la même chose. Le juge n'a pas le pouvoir ou le droit de regarder si le souscripteur est de bonne foi. La bonne foi n'est pas une condition d'exercice du droit à renonciation. L'arrêt de cassation le dit dans des circonstances extraordianires : l'assuré avait lui-même arbitré pendant deux ans son portefeuille. C'est incoyable, il avait lui-même passé des ordres.

Malgré ce contexte exceptionnel, faire ainsi vivre le contrat n'a pas eu pour conséquence de prouver qu'il le connaissait parfaitement, ce qui aurait rétroactivement dipensé l'assureur - pensait ce dernier - d'avoir à lui remettre la notice d'information.

VII. Le droit de renonciation est d'ordre public et donc "insusceptible" de renonciation

C'était évident. Cela avait été jugé pour divers autres droits de renonciation. Pourtant, une fois encore, les juges du fond ont fait de la résistance. Elle était fort mal venue. En effet, les assureurs font souvent signer un clause de renonciation au droit de renonciation d'un mois. Ils soutiennent que l'investissement pourra ainsi plus vite être fait !

Cette clause (un feuillet souvent autonome), contraire au droit de renonciation qui est d'ordre public, est un vice du contrat. Cette clause prétend empêcher de faire vivre, pendant un mois ou plus..., le droit à renonciation. Signer une telle clause rend le contrat non-conforme aux prescriptions de la loi.

On comprend que les assureurs aient essayé de faire voter dans la réforme du 15 décembre 2005, pour la nouvelle rédaction de cette partie du Code des assurances, un délai d'exercice du droit à renonciation de 5 ans. Au lieu de cela, la sainte Cour leur dit que ce droit peut être éternel...

Conclusion

Les assureurs ne sont pas des anges et à force de laisser de côté les juristes, et de privilégier les manipulateurs du marketing, ils ont pactiser avec le diable. C'est une attitude conforme à celle de la plupart des institutions qui respectent finalement peu le droit, trop souvent avec l'indulgence des juges, les "petits" ayant peur de les attaquer.


Prof. H. CAUSSE
Lu fois

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