Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

Séparation et tutelle des banques : quand la primaire "socialiste et citoyenne" envisage la remise en cause de la loi bancaire DELORS-MAUROY de 1984...



Séparation et tutelle des banques : quand la primaire "socialiste et citoyenne" envisage la remise en cause de la loi bancaire DELORS-MAUROY de 1984...
Séparation et tutelle des banques, la fameuse primaire a initié la remise en cause de la loi bancaire DELORS-MAUROY du 24 janvier 1984, le premier était ministre de l'économie, le second Premier ministre... tel serait selon certains l'avenir que l'on doit dessiner au droit bancaire (texte de 1984 ayant naturellement été codifié depuis). Les deux "idées" - mais le creux ou le banal vaut-il "idée" ? - ne sont pas à mettre sur le même plan. Elles ont toutefois un rapport, un malheureux lien d'incohérence qui les affaiblit toutes deux en nous donnant une introduction.

En effet, les deux propositions sont contradictoires : si les banques de dépôts sont séparées des banques d'affaires (lesquelles "spéculeraient" seulement avec leur argent), les risques étant supprimés pour les déposants, la raison d'être d'une tutelle desdites banques devient inutile ! Naturellement, même si l'on se départit de ces propositions faites à la hache, on peut admettre que la question de la séparation des banques repose celle du statut bancaire, et que celle de la tutelle évoque, certes mal mais tout de même, le type de surveillance prudentielle bancaire idéal.

Dans ces propositions formelles, purement juridiques, qui nous promettent des lois et encore et encore... quand notre société meurt étouffée sous les lois, on regrettera que la question de la responsabilité des hommes soit tue. Responsabilité des conseils d'administration, responsabilité des régulateurs et finalement responsabilité des politiciens (ministres et parlementaires) qui doivent superviser les organes techniques et à qui tout - ou presque - échappe. Il ne faut ainsi pas avoir peur du ridicule quand, ces trois séries de responsables affirment que le système bancaire est solide et que, quelques jours après, on entonne le besoin de recapitaliser les banques. Il y là des ferments pour la révolte populaire qui sollicitent les slogans de campagne, ce qui nous ramène à notre sujet composé de deux questions.

1) La séparation des banques de dépôts et des banques d'affaires n'est pas une idée tant elle est commune ; sur un plan plus approfondi, on pourrait dire qu'elle est une vague orientation. En effet, on peut ranger sous ce véritable slogan dix définitions des banques de dépôts et dix définitions des banques d'affaires en sorte que cette proposition peut donner corps à des dizaines de situations. Dans un extrémisme de bon aloi, la séparation radicale aboutirait à faire des banques de dépôts de simples caisses ou "coffre-forts". Cela supprimerait la plupart du crédit aux particuliers et aux entreprises (notamment les adorées PME...). Si, en effet, les banques n'ont plus le droit de prendre le moindre risque, il devrait leur être interdit de prêter... Les banques d'affaires ne pourraient pas davantage prêter puisque, pour leur part, elles n'auraient plus la ressource des dépôts.

Par nécessité, à vouloir le faire, ce qui peut être légitime, on doit donc faire un découpage beaucoup plus subtil entre les activités autorisées et celles interdites, ce qui s'éloigne de la proposition de la simple de séparation des deux banques. Sur ce terrain précis, qui n'est plus le slogan, rien n'est dit... Bref, moins que les découpages généraux, qui évoquent davantage la hache que l'art juridique (et une politique législative...), ce qui compte est le détail. C'est sur ce détail (celui des contrats financiers à terme notamment) que les banques ont généralement dérivé et, pour corriger cela, il faut moins une loi que de véritables gestionnaires du côté des autorités publiques, gestionnaires qui ne prennent pas n'importe quel décret ou arrêté qui confortent les actes juridiques hautement spéculatifs.

Faisons deux remarques finales sur ce premier point. Un redécoupage peut naturellement être entrepris mais il le faudrait "nuancé" : on peut imaginer de simples caisses (avec peu du coup peu de services bancaire et sans doutes chers...), on doit préserver le modèle de la banque (quasiment) universelle mais en le recadrant (pour que les dépôts fassent les crédits !) et, enfin, on pourrait réserver quelques activités très risquées à certaines banques d'affaires. Seconde remarque, ce redécoupage ne manquera pas de sel si une loi AUBRY-DELORS détricote la loi DELORS-DELORS de 1984... en revenant à la situation antérieure opposant purement et simplement les banques de dépôt aux banque d'affaires.

2) L'idée d'une tutelle des banques est paradoxalement creuse à la fois parce qu'elle évoque l'existant et un absolu qui ne se conçoit pas (non en politique politicienne, mais sur le terrain pur des concepts). La nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP) exerce déjà une tutelle sur les banques ! Nous renverrons sur ce point à notre commentaire à la Revue de droit bancaire et financier de 2010. Ses pouvoirs sont remarquables et elle peut par exemple nommer des administrateurs provisoires (faut-il qu'elle ose le faire... question d'homme, on le disait plus haut). On ne va pas passer en revue les multiples pouvoirs de l'ACP (ni ceux de l'Autorité bancaire européenne) ; même si le terme de "tutelle" est peu usité pour décrire le pouvoir de l'ACP, on peut dire que c'est bien de cela qu'il s'agit dans la législation actuelle (la tutelle administrative est une surveillance). Pour donner un contenu propre et nouveau à cette idée de tutelle il faudrait donc aller plus loin... En droit privé la tutelle prive une personne de l'exercice de ses droit au profit d'une autre. Mais qu'est-ce que cela veut dire en la matière ? Que l'Etat gère les banques à la place des conseils d'administrations ?! Car le concept de tutelle ne peut évoquer, plus fort que ce qui existe déjà, que le remplacement des conseils d'administration et des directeurs généraux de banques ! Quel homme politique peut laisser croire qu'il va gouverner le domaine privé bancaire quand il a bien du mal à gouverner les affaires publiques ?!

Séparation et tutelle des banques ne seront pas demain les deux mamelles du droit bancaire, nonobstant la gloire éphémère que ces slogans donnent au cours d'une primaire socialiste. La remise en cause de la loi bancaire DELORS-MAUROY de 1984 ignorerait que le système bancaire français a été d'une relative stabilité pendant des décennies - ce qui ne l'épargne pas de diverses critiques et qui ne veut pas dire qu'il faille rester les bras croisés, ni que des progrès de déontologie ne soit à accomplir. Ces besoins expliquent bien le succès d'une attaque en règle des banques. Néanmoins, au lieu de généralités, on pourrait cerner et même au profit du public les quelques types d'opérations financières qui menacent les pays, les économies et leurs populations. Il faut interdire certains contrats qui, à coup de dizaines de milliards de dollars ou d'euros, permettent aux banques de faire régner la terreur financière. Le dossier DEXIA tombait à pic pour cautionner une diatribe contre les banques. Néanmoins, les idées générales qui plaisent à un public peu averti n'ont aucun intérêt et, à s'épuiser à les mettre en oeuvre une fois au pouvoir, d'aucuns laisseront les banquiers faire une fois encore ce qu'ils veulent.

Mais voilà, la détection des techniques financières dangereuses prend davantage que l'art primaire du slogan politique. On pourra alors regretter que le marketing politique prime sur la perspective d'une véritable politique législative. Et d'aucuns penseront qu'en politique aussi, la déontologie doit progresser...

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