Le procureur et la cour d'appel (chambre de l'instruction) voulaient que, suite à la saisie d'une belle somme d'argent, au cours d'une procédure pénale, cet argent ne soit pas restitué à la personne suspectée d'une infraction dont le dossier, finalement, avait été classé sans suite.
La décision m'a fait sourire (sans doute l'âge ou l'expérience, car elle est loin d'être hilarante...). Ah que les choses sont compliquées ! Le procureur a pu tenter... il est la partie poursuivante (expression personnelle, partie qui poursuivait pénalement et qui a fait saisir la chose)... mais le juge d'appel doit, lui, correctement appliquer la loi : il est juge de la régularité de la "retenue" de la chose qui s'exprime dans le refus de restitution*.
Mélangeons faits, droit et procédure (ce qui est peu recommandé en méthode, #étudiants).
L'affaire croise le Code monétaire et financier (CMF) d'où la mention de cet arrêt. En effet, le juge d'appel avait entendu conforter sa décision au motif que l'activité de cambiste exercée à titre accessoire par cette personne, activité bénéficiaire qui expliquait la provenance de cette somme, avait été réalisée sans aucun agrément d'une autorité administrative ; la cour en avait déduit que cette activité est dans ces circonstances prohibées par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que ladite somme est donc le produit d'une infraction. C'est ce qu'on pourrait appeler un raisonnement de bon sens.
Il est cependant de mauvais sens juridique et pour une raison globale de bon sens (I) ― pauvre "bon sens" qui règle si peu de choses ! Il faut aussi revenir à la disposition légale, de procédure pénale, qui mélange procédure et fondements de la non-restitutions (II), sachant que la disposition pose selon nous une question (d'amateur) sur ce recours (III).
I. La décision de la cour d'appel ne va pas. Le bon sens du juge est limité. Il résulte d'un raisonnement ― sa motivation ― quelque peu enfermé sur lui-même. Il ne voit pas la scène générale qu'il dessine. En vérité le bon sens (critiqué il y a un peu plus d'an au Recueil Dalloz) est utile, à bon emploi ! Le tableau général disions-nous ? Regardons-le.
En somme : non poursuivi, relaxé ou condamné, le justiciable est avec ce système (de la non-restitution) "pénalisé" et ici, en l'espèce, sanctionné assez lourdement. En effet, que la personne soit condamné ou pas, les sommes saisies au cours de l'instruction finissaient "confisquées". Mais à quoi sert donc le procès pénal si une sanction notable* peut être infligée alors même qu'il y a un classement sans suite ?
Il n'est pas ici utile de défendre la propriété et la pile de normes qui la protègent, directement ou indirectement, nationales ou internationales ; et il est à peine utile de dire que le contexte est donc favorable à la restitution : soit à la propriété.
Cette saisie avait été faite à propos d'une autre infraction dont une perquisition avait conduit, à raison de ces 58 000 euros découverts, à l'ouverture d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources. Poursuites non poursuivie...
II. Disons aussi un mot de droit pénal, en fait de procédure pénale. Revenons aux dispositions légales en cause.
Le principe de l'article 41-4 (visé et reproduit dans l'encadré) met à la charge de la personne saisie la demande de restitution. Son opposition peut reposer sur trois raisons dont le texte ne demande pas au procureur de se justifier spécialement. Il semble donc que le refus de restitution puisse seulement citer :
- que restituer serait de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens,
- le fait que le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction,
- ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ;
Juste après, on note les curieux pleins pouvoirs du parquet "... la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif." Tout motif peut ainsi entraver la propriété : conduire à une expropriation forcées sans indemnité.
Dans cette affaire, le ministère public invoqua celui du second tiret précité.
III. Ajoutons un mot personnel, bref, mais incisif.
La motivation du juge d'appel fait songer à un point général. Le juge motive comme si la restitution avait fait l'objet d'un débat idéal : parfaitement ordonné et contradictoire. Or le parquet est dans une situation de force où son simple refus vaut exécution (non-restitution). Il n'a pas besoin, au plan pratique, de bien motiver. Ainsi, le débat peut arriver devant le juge d'appel avec une résistance formulée dans seulement quelques lignes (ce qui peut valoir mieux que deux pages creuses).
Ainsi, le justiciable peut avoir à combattre une position qu'il ne comprend pas bien, et qui sera à l'explicitée seulement à l'audience (le ministère public s'autorise bien des choses, il est la loi et la force...). La constitutionnalité du dispositif n'a été jugé que sous des angles spéciaux*, d'autres existent peut-être qui mériteraient d'être soulevés.
En effet, et le cas d'espèce l'illustre, la cour saisie motive comme si elle faisait le procès pénal de la personne alors que la poursuite pénale est éteinte ! Elle explique en quoi il y avait infraction, elle juge implicitement que le demandeur à la restitution a commis l'infraction ! Ainsi le coupable n'est pas sanctionné par les sanctions pénales usuelles mais par l'expropriation (confiscation) de la somme qu'il a gagné. Or toute activité illicite sur un plan ou un autre ne prive pas systématiquement de la somme gagnée (et parfois imposée et taxée...).
Un débat plus ordonné serait utile.
Du reste, la procédure incidente avait la qualification de non-justification de ressources et le juge d'appel motive spécialement sur l'activité irrégulière de cambiste, ce qui sont deux choses différentes.
En même temps, je formule cette remarque alors que je suis favorable (généralement) à des débats oraux brefs après des mises en état (instructions) rapides. En effet, la lenteur de la justice n'a pas démontré, à notre sens, qu'elle garantissait sa qualité. On peut même penser que les dossiers qui traînent usent ses acteurs, psychologiquement et intellectuellement, ce qui peut affecter les vues juridiques (argumentations et motivations). Mais voilà un tout autre débat !
__________________________________
La partie de choix de l'arrêt de cassation :
13. En l'espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l'encontre de la décision du procureur de la République disant n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'alinéa 2 de l'article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l'établissement d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.
14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l'objet le 22 février 2017 d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
15. Ils relèvent qu'il n'est pas exigé, pour que les dispositions de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu'une condamnation ait été prononcée, qu'il suffit qu'aucune juridiction n'ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l'enquête s'est conclue par un classement sans suite et qu'une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de restitution.
16. Ils retiennent que dès lors qu'il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu'il ne justifie d'aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l'activité prohibée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d'une infraction.
17. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
18. La cassation est par conséquent encourue.
La décision m'a fait sourire (sans doute l'âge ou l'expérience, car elle est loin d'être hilarante...). Ah que les choses sont compliquées ! Le procureur a pu tenter... il est la partie poursuivante (expression personnelle, partie qui poursuivait pénalement et qui a fait saisir la chose)... mais le juge d'appel doit, lui, correctement appliquer la loi : il est juge de la régularité de la "retenue" de la chose qui s'exprime dans le refus de restitution*.
Mélangeons faits, droit et procédure (ce qui est peu recommandé en méthode, #étudiants).
L'affaire croise le Code monétaire et financier (CMF) d'où la mention de cet arrêt. En effet, le juge d'appel avait entendu conforter sa décision au motif que l'activité de cambiste exercée à titre accessoire par cette personne, activité bénéficiaire qui expliquait la provenance de cette somme, avait été réalisée sans aucun agrément d'une autorité administrative ; la cour en avait déduit que cette activité est dans ces circonstances prohibées par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que ladite somme est donc le produit d'une infraction. C'est ce qu'on pourrait appeler un raisonnement de bon sens.
Il est cependant de mauvais sens juridique et pour une raison globale de bon sens (I) ― pauvre "bon sens" qui règle si peu de choses ! Il faut aussi revenir à la disposition légale, de procédure pénale, qui mélange procédure et fondements de la non-restitutions (II), sachant que la disposition pose selon nous une question (d'amateur) sur ce recours (III).
I. La décision de la cour d'appel ne va pas. Le bon sens du juge est limité. Il résulte d'un raisonnement ― sa motivation ― quelque peu enfermé sur lui-même. Il ne voit pas la scène générale qu'il dessine. En vérité le bon sens (critiqué il y a un peu plus d'an au Recueil Dalloz) est utile, à bon emploi ! Le tableau général disions-nous ? Regardons-le.
En somme : non poursuivi, relaxé ou condamné, le justiciable est avec ce système (de la non-restitution) "pénalisé" et ici, en l'espèce, sanctionné assez lourdement. En effet, que la personne soit condamné ou pas, les sommes saisies au cours de l'instruction finissaient "confisquées". Mais à quoi sert donc le procès pénal si une sanction notable* peut être infligée alors même qu'il y a un classement sans suite ?
Il n'est pas ici utile de défendre la propriété et la pile de normes qui la protègent, directement ou indirectement, nationales ou internationales ; et il est à peine utile de dire que le contexte est donc favorable à la restitution : soit à la propriété.
Cette saisie avait été faite à propos d'une autre infraction dont une perquisition avait conduit, à raison de ces 58 000 euros découverts, à l'ouverture d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources. Poursuites non poursuivie...
II. Disons aussi un mot de droit pénal, en fait de procédure pénale. Revenons aux dispositions légales en cause.
Le principe de l'article 41-4 (visé et reproduit dans l'encadré) met à la charge de la personne saisie la demande de restitution. Son opposition peut reposer sur trois raisons dont le texte ne demande pas au procureur de se justifier spécialement. Il semble donc que le refus de restitution puisse seulement citer :
- que restituer serait de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens,
- le fait que le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction,
- ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ;
Juste après, on note les curieux pleins pouvoirs du parquet "... la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif." Tout motif peut ainsi entraver la propriété : conduire à une expropriation forcées sans indemnité.
Dans cette affaire, le ministère public invoqua celui du second tiret précité.
III. Ajoutons un mot personnel, bref, mais incisif.
La motivation du juge d'appel fait songer à un point général. Le juge motive comme si la restitution avait fait l'objet d'un débat idéal : parfaitement ordonné et contradictoire. Or le parquet est dans une situation de force où son simple refus vaut exécution (non-restitution). Il n'a pas besoin, au plan pratique, de bien motiver. Ainsi, le débat peut arriver devant le juge d'appel avec une résistance formulée dans seulement quelques lignes (ce qui peut valoir mieux que deux pages creuses).
Ainsi, le justiciable peut avoir à combattre une position qu'il ne comprend pas bien, et qui sera à l'explicitée seulement à l'audience (le ministère public s'autorise bien des choses, il est la loi et la force...). La constitutionnalité du dispositif n'a été jugé que sous des angles spéciaux*, d'autres existent peut-être qui mériteraient d'être soulevés.
En effet, et le cas d'espèce l'illustre, la cour saisie motive comme si elle faisait le procès pénal de la personne alors que la poursuite pénale est éteinte ! Elle explique en quoi il y avait infraction, elle juge implicitement que le demandeur à la restitution a commis l'infraction ! Ainsi le coupable n'est pas sanctionné par les sanctions pénales usuelles mais par l'expropriation (confiscation) de la somme qu'il a gagné. Or toute activité illicite sur un plan ou un autre ne prive pas systématiquement de la somme gagnée (et parfois imposée et taxée...).
Un débat plus ordonné serait utile.
Du reste, la procédure incidente avait la qualification de non-justification de ressources et le juge d'appel motive spécialement sur l'activité irrégulière de cambiste, ce qui sont deux choses différentes.
En même temps, je formule cette remarque alors que je suis favorable (généralement) à des débats oraux brefs après des mises en état (instructions) rapides. En effet, la lenteur de la justice n'a pas démontré, à notre sens, qu'elle garantissait sa qualité. On peut même penser que les dossiers qui traînent usent ses acteurs, psychologiquement et intellectuellement, ce qui peut affecter les vues juridiques (argumentations et motivations). Mais voilà un tout autre débat !
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La partie de choix de l'arrêt de cassation :
13. En l'espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l'encontre de la décision du procureur de la République disant n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'alinéa 2 de l'article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l'établissement d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.
14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l'objet le 22 février 2017 d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
15. Ils relèvent qu'il n'est pas exigé, pour que les dispositions de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu'une condamnation ait été prononcée, qu'il suffit qu'aucune juridiction n'ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l'enquête s'est conclue par un classement sans suite et qu'une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de restitution.
16. Ils retiennent que dès lors qu'il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu'il ne justifie d'aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l'activité prohibée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d'une infraction.
17. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
18. La cassation est par conséquent encourue.
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* La décision de non-restitution du procureur n’entraîne, en elle-même, aucune privation de propriété ; elle se fonde sur l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et pouvant faire l’objet d’un recours ; la disposition légale la prévoyant est donc conforme à la Constitution : Cons. const., DC QPC, 3 déc. 2021, n° 2021-951. L'arrêt rendu sur recours relatif à cette décision est autre chose et a, lui, cet effet privatif.
Le droit à un recours juridictionnel effectif n'est pas méconnu bien que la notification ne mentionne pas la voie et le délai de recours : Cons. const., DC QPC, 18 févr. 2022, n° 2021-970.
* La décision de non-restitution du procureur n’entraîne, en elle-même, aucune privation de propriété ; elle se fonde sur l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et pouvant faire l’objet d’un recours ; la disposition légale la prévoyant est donc conforme à la Constitution : Cons. const., DC QPC, 3 déc. 2021, n° 2021-951. L'arrêt rendu sur recours relatif à cette décision est autre chose et a, lui, cet effet privatif.
Le droit à un recours juridictionnel effectif n'est pas méconnu bien que la notification ne mentionne pas la voie et le délai de recours : Cons. const., DC QPC, 18 févr. 2022, n° 2021-970.
________________________________________
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Origine : Base légifrance.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
22-80.461
M. [G] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021, qui a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Au cours d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, la somme de 58 600 euros découverte au domicile de M. [G] [E] a fait l'objet d'une saisie incidente.
3. Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal correctionnel, pour blanchiment de trafic de stupéfiants, a condamné M. [E] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 10 000 euros d'amende et a dit n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, au motif que la demande portait sur une somme non saisie dans le cadre de l'information.
4. Le 22 janvier 2020, l'avocat de l'intéressé a présenté au procureur de la République une requête aux fins de restitution de cette somme.
5. Par décision du 1er avril 2021, le procureur de la République a rejeté cette demande.
6. M. [E] a déféré la décision de non-restitution à la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de la présomption d'innocence.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de faire droit au recours formé par le demandeur à l'encontre du rejet de sa requête en restitution de la somme de 58 600 euros, alors que la procédure incidente diligentée pour des faits de non-justification de ressources à la suite de la découverte de cette somme a été classée sans suite le 22 février 2017 au motif d'une insuffisance d'éléments propres à caractériser cette infraction, qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à l'encontre de M. [E], et que la restitution des fonds dont la propriété n'est pas contestée, provenant de son activité de cambiste, aurait dû être ordonnée par la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à répondre par un motif inopérant à l'argumentation du requérant en retenant que la somme en question est le produit d'une infraction.
Réponse de la Cour
Vu l'article 41-4 du code de procédure pénale :
9. Aux termes du premier alinéa de ce texte, au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée.
10. Selon le deuxième alinéa, il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.
11. Lorsque la requête est présentée alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête en restitution a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction.
12. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien.
b[13. En l'espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l'encontre de la décision du procureur de la République disant n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'alinéa 2 de l'article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l'établissement d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.
14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l'objet le 22 février 2017 d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
15. Ils relèvent qu'il n'est pas exigé, pour que les dispositions de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu'une condamnation ait été prononcée, qu'il suffit qu'aucune juridiction n'ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l'enquête s'est conclue par un classement sans suite et qu'une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de restitution.
16. Ils retiennent que dès lors qu'il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu'il ne justifie d'aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l'activité prohibée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d'une infraction.
17. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
18. La cassation est par conséquent encourue.
]b
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre ainsi fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021 ;
ORDONNE la restitution à M. [E] de la somme de 58 600 euros saisie à son domicile (procédure incidente numéro 2014/1033) ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00062
Analyse
Titrages et résumés
Cassation criminelle - RESTITUTION - Juridiction non saisie au terme de l'enquête ou juridiction saisie ayant épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution - Requête en restitution - Décision de non-restitution du ministère public - Saisine de la chambre de l'instruction - Décision de refus de restitution de la juridiction - Fondement - Restitution de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou disposition particulière prévoyant la destruction du bien - Exclusions - Bien produit ou instrument de l'infraction
Lorsqu'une requête en restitution est présentée sur le fondement des dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse de restituer une somme saisie au motif que cette somme serait le produit d'une infraction, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée
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Origine : Base légifrance.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
22-80.461
M. [G] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021, qui a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Au cours d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, la somme de 58 600 euros découverte au domicile de M. [G] [E] a fait l'objet d'une saisie incidente.
3. Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal correctionnel, pour blanchiment de trafic de stupéfiants, a condamné M. [E] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 10 000 euros d'amende et a dit n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, au motif que la demande portait sur une somme non saisie dans le cadre de l'information.
4. Le 22 janvier 2020, l'avocat de l'intéressé a présenté au procureur de la République une requête aux fins de restitution de cette somme.
5. Par décision du 1er avril 2021, le procureur de la République a rejeté cette demande.
6. M. [E] a déféré la décision de non-restitution à la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de la présomption d'innocence.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de faire droit au recours formé par le demandeur à l'encontre du rejet de sa requête en restitution de la somme de 58 600 euros, alors que la procédure incidente diligentée pour des faits de non-justification de ressources à la suite de la découverte de cette somme a été classée sans suite le 22 février 2017 au motif d'une insuffisance d'éléments propres à caractériser cette infraction, qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à l'encontre de M. [E], et que la restitution des fonds dont la propriété n'est pas contestée, provenant de son activité de cambiste, aurait dû être ordonnée par la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à répondre par un motif inopérant à l'argumentation du requérant en retenant que la somme en question est le produit d'une infraction.
Réponse de la Cour
Vu l'article 41-4 du code de procédure pénale :
9. Aux termes du premier alinéa de ce texte, au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée.
10. Selon le deuxième alinéa, il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.
11. Lorsque la requête est présentée alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête en restitution a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction.
12. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien.
b[13. En l'espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l'encontre de la décision du procureur de la République disant n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'alinéa 2 de l'article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l'établissement d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.
14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l'objet le 22 février 2017 d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
15. Ils relèvent qu'il n'est pas exigé, pour que les dispositions de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu'une condamnation ait été prononcée, qu'il suffit qu'aucune juridiction n'ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l'enquête s'est conclue par un classement sans suite et qu'une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de restitution.
16. Ils retiennent que dès lors qu'il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu'il ne justifie d'aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l'activité prohibée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d'une infraction.
17. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
18. La cassation est par conséquent encourue.
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Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre ainsi fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021 ;
ORDONNE la restitution à M. [E] de la somme de 58 600 euros saisie à son domicile (procédure incidente numéro 2014/1033) ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00062
Analyse
Titrages et résumés
Cassation criminelle - RESTITUTION - Juridiction non saisie au terme de l'enquête ou juridiction saisie ayant épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution - Requête en restitution - Décision de non-restitution du ministère public - Saisine de la chambre de l'instruction - Décision de refus de restitution de la juridiction - Fondement - Restitution de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou disposition particulière prévoyant la destruction du bien - Exclusions - Bien produit ou instrument de l'infraction
Lorsqu'une requête en restitution est présentée sur le fondement des dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse de restituer une somme saisie au motif que cette somme serait le produit d'une infraction, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée