Après plus de quatre mois de procès, le jury s'est prononcé, jeudi 25 mai, sur la responsabilité de Jeffrey Skilling et Kenneth Lay, les deux ex-dirigeants du groupe. Jeffrey Skilling, 52 ans, était sous le coup de vingt-huit chefs d'accusation et Kenneth Lay, 64 ans, de six. Ceux-ci portaient notamment sur des accusations de "fraude" et de "complot".
Le premier a été reconnu coupable de dix-neuf chefs d'inculpation et le second de l'ensemble des six dont il était accusé. Skilling risque jusqu'à 185 années de prison et Lay 165 années.
Ce cumul des peines invite à une comparaison avec le droit français qui ne cumule pas les peines, et notamment pas les peines de prison. Un dirigeant risque donc peu quand il fraude beaucoup et beaucoup quand il fraude un peu. Le système est insatisfaisant.
Des malversations ou truquages sur 100 000 euros amènent des condamnations proches de ceux qui portent sur des centaines de millions d’euros. Dans ce second cas, le trouble à l’ordre public est souvent immense. Salariés au chômage, villes déstabilisées par des usines qui ferment brutalement, épargnants volés, investisseurs trompés, organismes sociaux impayés, fisc largement fraudé… Pour ces comportements, le cumul des délits ne suffit pas, c’est la cour d’assises que les intéressés méritent, une peine supérieure à 10 ans d’emprisonnement et donc le « verdict » populaire.
Il faut donc créer un crime de haute finance.
Il pourrait passer par diverses incriminations : détournements, trafics, manipulations, dissimulations (…) concernant, par exemple, plus 1 million d’euros ou de plus de 5% du capital social, de plus de 5 % des sommes collectées par appel public à l’épargne… avec des circonstances aggravantes (une incrimination spéciale) en cas de dépassement de la somme de 10 millions d’euros ou de 10% des sommes précitées.
Les termes de l’incrimination doivent être débattus avec des experts pour arriver à cerner le fautif, le délit, de l’impardonnable, le crime.
La pénalisation de la vie des entreprises est sans doute exagérée pour les fautes graves mais réparables, elle ne l’est pas assez pour les fautes irréparables. Pour un seul faux un notaire ou un huissier risque la cour d’assises… faut-il le rappeler ?
Le réparable doit échapper au pénal pour ce » permettre au dirigeant d’agir. L’irréparable ne relève pas de sa marge de manœuvre, mais de la conscience inévitable qu’il a d’agir en maniant des sommes considérables selon une logique inconnue jusqu’alors. Ce délit sera d’ailleurs la meilleure contribution à la tarte à la crème de la « corporate governance ».
Ce thème du gouvernement d’entreprise recule chaque fois qu’on en parle. Les administrateurs seront amenés à faire un véritable travail d’administration, ce qui amènera les conseils à chasser les princes de l’industrie ou de la finance qui, aussi inutiles que cumulards, mettent en danger l’économie avec l’arrogance de prétendre qu’ils sont les seuls à la comprendre.
On sait qui peut faire cette réforme : seuls ceux qui, au plan politique, ne se sont pas alliés sans condition avec le « big business » français. Cela ramène dans le camp politique. Il est vrai qu’il faut que la France bouge, qu’elle rompe avec l’immobilisme, qu’elle se réforme, qu’elle se vitalise, qu’elle se responsabilise… ce qui s’applique aussi à ceux qui croient ne plus avoir à se remettre en cause.
Hervé CAUSSE
Le premier a été reconnu coupable de dix-neuf chefs d'inculpation et le second de l'ensemble des six dont il était accusé. Skilling risque jusqu'à 185 années de prison et Lay 165 années.
Ce cumul des peines invite à une comparaison avec le droit français qui ne cumule pas les peines, et notamment pas les peines de prison. Un dirigeant risque donc peu quand il fraude beaucoup et beaucoup quand il fraude un peu. Le système est insatisfaisant.
Des malversations ou truquages sur 100 000 euros amènent des condamnations proches de ceux qui portent sur des centaines de millions d’euros. Dans ce second cas, le trouble à l’ordre public est souvent immense. Salariés au chômage, villes déstabilisées par des usines qui ferment brutalement, épargnants volés, investisseurs trompés, organismes sociaux impayés, fisc largement fraudé… Pour ces comportements, le cumul des délits ne suffit pas, c’est la cour d’assises que les intéressés méritent, une peine supérieure à 10 ans d’emprisonnement et donc le « verdict » populaire.
Il faut donc créer un crime de haute finance.
Il pourrait passer par diverses incriminations : détournements, trafics, manipulations, dissimulations (…) concernant, par exemple, plus 1 million d’euros ou de plus de 5% du capital social, de plus de 5 % des sommes collectées par appel public à l’épargne… avec des circonstances aggravantes (une incrimination spéciale) en cas de dépassement de la somme de 10 millions d’euros ou de 10% des sommes précitées.
Les termes de l’incrimination doivent être débattus avec des experts pour arriver à cerner le fautif, le délit, de l’impardonnable, le crime.
La pénalisation de la vie des entreprises est sans doute exagérée pour les fautes graves mais réparables, elle ne l’est pas assez pour les fautes irréparables. Pour un seul faux un notaire ou un huissier risque la cour d’assises… faut-il le rappeler ?
Le réparable doit échapper au pénal pour ce » permettre au dirigeant d’agir. L’irréparable ne relève pas de sa marge de manœuvre, mais de la conscience inévitable qu’il a d’agir en maniant des sommes considérables selon une logique inconnue jusqu’alors. Ce délit sera d’ailleurs la meilleure contribution à la tarte à la crème de la « corporate governance ».
Ce thème du gouvernement d’entreprise recule chaque fois qu’on en parle. Les administrateurs seront amenés à faire un véritable travail d’administration, ce qui amènera les conseils à chasser les princes de l’industrie ou de la finance qui, aussi inutiles que cumulards, mettent en danger l’économie avec l’arrogance de prétendre qu’ils sont les seuls à la comprendre.
On sait qui peut faire cette réforme : seuls ceux qui, au plan politique, ne se sont pas alliés sans condition avec le « big business » français. Cela ramène dans le camp politique. Il est vrai qu’il faut que la France bouge, qu’elle rompe avec l’immobilisme, qu’elle se réforme, qu’elle se vitalise, qu’elle se responsabilise… ce qui s’applique aussi à ceux qui croient ne plus avoir à se remettre en cause.
Hervé CAUSSE